À propos de la couleur dans les expressions idiomatiques kabyles

دراسة حول دلالات الألوان في التعابير الاصطلاحية القبائلية

About color in Kabyle idiomatic expressions

Mourad Kichou و Moussa Imarazene

p. 225-253

للإحالة المرجعية إلى هذا المقال

مرجع ورقي

Mourad Kichou و Moussa Imarazene, « À propos de la couleur dans les expressions idiomatiques kabyles », Aleph, 225-253.

بحث إلكتروني

Mourad Kichou و Moussa Imarazene, « À propos de la couleur dans les expressions idiomatiques kabyles », Aleph [على الإنترنت], نشر في الإنترنت 25 décembre 2025, تاريخ الاطلاع 31 décembre 2025. URL : https://aleph.edinum.org/15719

Dans cet article, nous examinons les expressions idiomatiques kabyles contenant des unités lexicales renvoyant à la couleur. À partir d’un corpus de 60 expressions, nous menons une analyse quantitative (répartition des formes et des couleurs) puis une analyse qualitative des valeurs figurées. Les résultats mettent en évidence la forte productivité du noir, suivi du blanc, puis du bleu/vert, tandis que le rouge et le jaune apparaissent plus ponctuellement. L’étude montre enfin comment la couleur, en tant que catégorie perceptive, sert de support à des évaluations, à des stéréotypisations et à des représentations symboliques inscrites dans la culture kabyle.

في هذه الورقة البحثية، نحلّل التعابير الاصطلاحية القبائلية المرتبطة بالألوان، انطلاقًا من مدوّنة تضمّ 60 تعبيرًا. نقترح قراءةً كميةً لتوزّع الصيغ والألوان، ثم قراءةً دلاليةً تكشف القيم المجازية والرمزية الملازمة لهذه التعابير. وتُظهر النتائج هيمنة اللون الأسود، يليه الأبيض ثم الأزرق/الأخضر، في حين يرد الأحمر والأصفر بوتيرة أقل. وتبيّن الدراسة كيف تتحول فئة اللون من مجرد إدراك بصري إلى أداة للتقويم وبناء التمثلات الثقافية في اللسان القبائلي.

في هذه الورقة البحثية، نحلّل التعابير الاصطلاحية القبائلية المرتبطة بالألوان، انطلاقًا من مدوّنة تضمّ 60 تعبيرًا. نقترح قراءةً كميةً لتوزّع الصيغ والألوان، ثم قراءةً دلاليةً تكشف القيم المجازية والرمزية الملازمة لهذه التعابير. وتُظهر النتائج هيمنة اللون الأسود، يليه الأبيض ثم الأزرق/الأخضر، في حين يرد الأحمر والأصفر بوتيرة أقل. وتبيّن الدراسة كيف تتحول فئة اللون من مجرد إدراك بصري إلى أداة للتقويم وبناء التمثلات الثقافية في اللسان القبائلي.

In this paper, we analyze Kabyle idiomatic expressions related to color, with a focus on their socio-symbolic aspects. Our study is based on a corpus of 60 expressions, collected from native speakers and validated through documentary research. A quantitative approach identified five fundamental colors : black is the most frequent, followed by white, blue / green, while red and yellow appear less. The qualitative shows that the black, red, and yellow typically convey negative meanings, whereas white, blue, and green are more often associated with positive values. Color alone does not determine meaning but frequently reinforces idiomatic expressions by adding intensity and depth. Kabyle chromatic idioms are based on the visual representation but tend to move more into a figurative and symbolic meaning, revealing a facet of Kabyle linguistic and cultural dimensions.

Introduction

Il s’agit, ici, d’une réflexion en phraséologie kabyle avec une analyse linguistique d’un corpus d’expressions idiomatiques mettant en avant les termes liés aux couleurs. Notre démarche se résume à tracer le réseau socio-symbolique de chaque couleur, étant donné que l’on sait pertinemment que les connotations des couleurs varient selon les sociétés et les époques historiques. Les expressions idiomatiques seront expliquées en fonction de leurs utilisations, puis regroupées en fonction de leurs contenus sémantiques. Nous fournirons, parfois, des équivalences en langue française afin de mettre en contraste les particularités de la langue en question, le kabyle.

À travers l’étude de ces expressions idiomatiques chromatiques kabyles, nous visons à plonger dans l’univers complexe et riche de la symbolique des couleurs, dans l’objectif de comprendre comment est utilisée chaque couleur afin de véhiculer des connotations et contribuer au sens idiomatique de l’expression en question. Elles apportent un aspect fascinant à notre exploration du domaine des expressions métaphoriques toutes faites et de leur pouvoir à structurer et à nuancer le discours. En effet, nous souhaitons accorder une place particulière à la phraséologie au sein des préoccupations des spécialistes de la lexicologie et de la lexicographie amazighes, dont certains leur ont réservé une place dans leurs productions scientifiques. Nous citons : Aït Ali (1949), Genevois (1963), Taleb (1996), Tiliket (1999), Tigziri (2007), Yahyaoui (2009, 2018, 2021), Tidjet (2009), Mahrazi (2017), Kichou (2014, 2023, 2025), Kichou et Ifires (2024), Imarazene (2021), Hamdi (2024), pour le kabyle (Algérie), El Adak (2006), Chakiri (2007), Talmenssour (2007), Rabih (2022, 2024) pour les dialectes marocains (rifain, chleuh et tamazight).

1. Le corpus

Nous avons constitué un corpus d’expressions idiomatiques kabyles contenant des unités linguistiques renvoyant à la couleur. Il s’agit d’idiotismes dont le sens global n’est pas strictement compositionnel et dont l’interprétation dépend, dans la majorité des cas, d’un contexte pragmatique partagé. Les unités et les expressions ont été obtenues après un travail de terrain, puis complétées par un dépouillement bibliographique (sources écrites authentiques), notamment  : Dictionnaire kabyle-français  : parler des At Mangellat (1982)  ; LE CORPS HUMAIN  : Notes lexicographiques recueillies par H. GENEVOIS dans la région de Michelet (1963)  ; Le dictionnaire de Tamaziɣt, parlers de Kabylie (2014)  ; Dictionnaire des expressions kabyles liées au Corps humain  : Symbolique et Représentations (2018).

À l’issue du relevé, nous avons retenu 60 expressions idiomatiques. Elles mobilisent cinq dénominations chromatiques (avec variantes lexicales)  : aberkan, aseṭṭaf «  noir  »  ; amellal, aceban «  blanc  »  ; azegzaw «  bleu/vert  »  ; azewwaɣ «  rouge  »  ; awraɣ «  jaune  ». Elles exploitent également des formes verbales d’état exprimant la prise de couleur  : ibrik, isif «  être noir  »  ; imlul «  être blanc  »  ; zegzew «  être bleu  »  ; izwiɣ «  être rouge  »  ; iwriɣ «  être jaune  ». Les expressions ont été ensuite regroupées selon leur proximité sémantique, puis commentées au regard de leurs valeurs figurées.

La constitution du corpus s’appuie sur une collecte progressive en contexte (échanges ordinaires et situations d’usage), complétée par des demandes d’élicitation (paraphrase, clarification du sens figuré, conditions d’emploi) afin de stabiliser l’interprétation. Les participants ont été informés de l’objectif scientifique de l’étude et les données ont été anonymisées  ; les exemples cités ne visent pas à attribuer des propos à des personnes identifiables, mais à documenter des usages linguistiques.

2. De la couleur en général et en amazigh

La couleur est un sujet énigmatique qui a longtemps suscité la curiosité des philosophes. Ces derniers sont les premiers à se prononcer sur plusieurs thématiques qui touchent au domaine de la chromatique. Selon Romano, «  la philosophie parle de la couleur depuis toujours — avant même d’être philosophie » (2021  : 17). C’est un phénomène tellement complexe et difficile à définir, au point que certains se sont doutés même de son existence comme composant de la matière en elle-même.

Dans cette perspective, Brusatin (1986, p. 16) rappelle que :

En fait le domaine de la couleur recouvre une aire partagée entre l’art et la science, entre la physique et la psychologie, un terrain qui mesure les limites des deux cultures, pour brouiller la clarté de leurs idées, terrain d’approche facile, mais que n’atteignent jamais les méthodes ni analytiques ni expérimentales. Tout savant d’esprit philosophique a considéré les couleurs d’un regard méfiant  : elles incarnent les lois de la mutation, de la séduction, de la non-vérité, l’imprévu du phénomène contrariant, le caractère irrévocable d’un message fort, et en même temps un destin éphémère (Éros naît d’Iris). En effet, les couleurs ne sont pas la réalité des corps, elles ne sont pas la vie ni exactement une loi de la nature  ; elles sont le reflet d’une abstraction de la nature, l’artifice dans le naturel, c’est-à-dire des «  figures  ».

De là découle l’intérêt de disciplines variées : philosophie, peinture, physique, neurophysiologie, qui, chacune à leur manière, tentent d’élucider ce phénomène insaisissable. C’est ainsi que la couleur a intégré les autres domaines de la réflexion scientifique, comme les arts, la peinture, la physique, la neurophysiologie…

Par le fait, la couleur est définie et/ou décrite de différentes manières. Elle est comme une «  qualité de la lumière que renvoie un objet et qui permet à l’œil de le distinguer des autres objets, indépendamment de sa nature et de sa forme  » (CNRTL, Couleur  : Définition de COULEUR), c’est-à-dire qu’il s’agit d’une perception visuelle qui résulte de la lumière émise par une source, qu’elle soit directe (comme le soleil, une flamme, une lampe…) ou après avoir été réfléchie par un objet non lumineux. La couleur est également une substance ou une matière colorante utilisée pour donner de la teinte aux objets. Dans le domaine artistique, elle est utilisée par les peintres pour créer des combinaisons de tons et d’effets dans leurs tableaux. Elle peut aussi être associée à l’éclat, au brillant du style, de l’expression, d’une situation ou d’un événement. Elle peut se référer au teint ou à la coloration du visage. Nous la retrouvons dans l’expression «  homme de couleur  » qui renvoie à l’homme au teint noir «  pour dire l’homme d’Afrique, l’homme dont les origines mêmes lointaines sont africaines […]  » (Chalaye, 2013, p. 32) Comme, elle peut être le reflet des opinions politiques ou personnelles, représentant ainsi une caractéristique propre et ancienne, c’est-à-dire  : c’est une personne qui exprime clairement ses intentions qu’elle « annonce la couleur ».

Dans le domaine de la phonétique, la couleur est associée à la «  qualité du timbre d’une voyelle, appréciée d’après la correspondance qu’on croit percevoir entre les impressions acoustiques et les impressions visuelles  ; on distingue ainsi des voyelles claires (é), sombres (ou), ternes (eu), éclatantes (â), etc.  » (CNRTL, Couleur  : Définition de COULEUR)

Les couleurs en amazigh sont, déjà, traitées par Basset (1896), qui a proposé un examen systématique du champ lexico-sémantique des métaux en les associant, dans son étude, aux noms de couleurs (Chaker & Naït-Zerrad, 2010). Après un siècle, en 1985, la revue littérature orale arabo-berbère - Dialectologie / Ethnologie, n° 16-17, a consacré un numéro à la notion de couleur dans le domaine littéraire arabo-berbère, sous le titre «  Diction du Prisme. Les couleurs  : désignations et valeurs.  », dont deux articles sont consacrés à la notion de couleur dans le domaine amazigh  : en premier, Galand-Pernet (1987) sous l’intitulé «  Blanc, lumière, mouvement. À propos de l’origine des termes de couleur en berbère », où elle a fait une analyse lexicologique et étymologique du blanc en se basant sur l’étude faite par Basset, sans évoquer sa symbolique. En second, Lacoste-Dujardin (1985), «  Du génie rouge à la femme blanche, et noire. Les couleurs dans le conte et dans deux autres formes littéraires en Kabyle  ». La notion de couleur est traitée par la suite par Peyron (2000), qui a abordé la notion de l’usage des noms de couleur dans le domaine de l’oralité des Amazighs du Maroc central. Enfin, nous notons également l’analyse linguistique des dénominations de couleurs en kabyle de Guermah Idir, dans son travail de magistère soutenu en 2008 sous l’intitulé «  Le vocabulaire des couleurs en kabyle  : analyse linguistique  ».

Toutefois, aucun de ces travaux amazighs n’a abordé explicitement l’utilisation des couleurs dans la phraséologie, même si, dans certains contextes, cette symbolique pourrait relever de ce domaine. Les auteurs n’avaient toutefois pas l’intention de se concentrer sur la phraséologie dans leurs travaux.

3. De la couleur dans la phraséologie

La phraséologie intègre la sphère du visible, définie par la perception visuelle de la couleur, ce qui explique que les expressions idiomatiques utilisent des dénominations de couleurs ou de teintes. Ces dernières sont souvent utilisées pour décrire une caractéristique physique ou un état externe au langage lui-même, en se basant sur la perception visuelle du monde. Ces formes d’expressions sont exploitées pour transmettre plusieurs valeurs de qualité et de détermination psychologiques et morales. Comme le soulignent Pastoureau et Simonnet (2005, p. 7), «  […] les couleurs ne sont pas anodines, bien au contraire. Elles véhiculent des codes, des tabous, des préjugés auxquels nous obéissons sans le savoir, elles possèdent des sens variés qui influencent profondément notre environnement, nos comportements, notre langage et notre imaginaire.  ». En effet, les unités lexicales référant aux couleurs, grâce à des extensions sémantiques, acquièrent et intègrent d’autres sens connotatifs qui viennent enrichir leurs significations initiales. Ce qui leur donne des enrichissements au niveau sémantique et symbolique. Elles imprègnent des significations supplémentaires qui se rattachent à une tradition langagière et culturelle propre à la communauté linguistique.

Les couleurs sont associées à des symboles culturels qui peuvent traduire des émotions, des sensations et des significations diverses. Par exemple, dire en kabyle Yewwi-d abrid (d) aseṭṭaf. « Il a pris un chemin noir (corbeau). », suggère une obscurité totale ou une mauvaise situation de l’individu en question. C’est une image négative transmise par « aseṭṭaf » (noir corbeau), tandis que dans l’expression Bru-as s uqjun aberkan « Répudie-la avec un chien noir. », la même couleur, le noir, indique une colère intense (se séparer sans aucun regret).

Ces exemples montrent que l’usage des couleurs dans des expressions idiomatiques permet de tirer parti de leur pouvoir évocateur d’images figuratives et symboliques façonnées au fil du temps. Ainsi, ces formes d’expressions deviennent des instruments linguistiques malléables pour communiquer des concepts abstraits, nuancer les sentiments, décrire des situations complexes et proposer des images éclatantes dans l’esprit des interlocuteurs.

4. Analyse de corpus

Notre analyse du corpus s’effectue en deux temps, afin d’éclairer l’usage que font les locuteurs kabyles des unités chromatiques dans les expressions idiomatiques, sous plusieurs angles.

Dans un premier temps, nous procédons à un examen quantitatif (décompte des occurrences et distribution des formes), de manière à établir un socle descriptif sur lequel s’appuie l’interprétation.

Cependant, la seule mesure ne saurait suffire à déceler le sens idiomatique : la couleur, au-delà de sa désignation littérale, active des représentations partagées et oriente l’évaluation.

Dans un second temps, l’analyse qualitative vise donc à dégager les valeurs sémantiques et symboliques associées à chaque couleur, afin de comprendre comment la langue dit le monde par le détour chromatique.

4.1. Analyse quantitative des expressions idiomatiques chromatiques

Après avoir fait un inventaire complet de notre corpus selon la forme, verbale ou non verbale, de l’unité lexicale qui renvoie à la notion de couleur, nous avons établi ce tableau ci-dessous  :

L’examen des données du tableau ci-dessus, portant sur la distribution des unités chromatiques, montre que les locuteurs kabyles recourent majoritairement à la forme non verbale (42 expressions, soit 70  %), contre 18 expressions à forme verbale (30  %). La couleur noire est la plus mobilisée (28 occurrences, 46,67  %), suivie du blanc (14 occurrences, 23,33  %), puis du bleu/vert (9 occurrences, 15  %). Le rouge (6 occurrences, 10  %) et le jaune (3 occurrences, 5  %) apparaissent nettement moins représentés.

Nature de la forme exploitée

Couleur

Nombre des expressions

Non verbale (42)

Amellal, acebḥan (blanc)

08 + 03 ( = 11)

Aberkan, aseṭṭaf (noir)

14 + 03 ( = 17)

Azegzaw, azermaq (bleu)

06 + 02 ( = 8)

Azewwaɣ (rouge)

05

Awraɣ (jaune)

01

Verbale (18)

Imlul (être blanc) + (i)mellulen (étant blanc)

03 (une forme participiale)

Ibrik, isḍif(être noir)+ (i)berriken (étant noir)

08 (trois formes participiales) + 03

Zegzew (être bleu)

01

Izwiɣ (être rouge)

01

Iwriɣ (être jaune)

02

Total

60

L’examen des données de tableau ci-dessus, portant sur le des unités renvoyant aux couleurs dans les expressions idiomatiques en kabyle, nous remarquons que la forme non verbale prédomine en effet, avec 41 expressions, soit un taux de 70 % des expressions recensées, contre 18 expressions à forme verbale, soit 30 %. Cela signifie que les locuteurs kabyles ont tendance à recourir à la forme non verbale référent à des couleurs dans des expressions idiomatiques. En combinant toutes les données, nous notons que celles renvoyant au noir sont les plus souvent employées, recensées dans 28 (46,67 %) expressions, le blanc suit avec 14 (23,33 %) expressions, le bleu dans 9 (15 %) expressions, le rouge dans 6 (10 %) expressions et le jaune le moins recensé avec 3 (5 %) occurrences.

Ces résultats mettent en évidence les préférences et les associations culturelles propres aux couleurs de la langue kabyle. La forte présence du noir et du blanc pourrait correspondre à la place qu’ils occupent dans la symbolique et dans les expressions métaphoriques et culturelles, car les deux couleurs sont posées de façon opposée, tout comme un grand nombre de référents du quotidien. À contrario, la relative rareté du rouge et du jaune pourrait tout simplement signifier qu’elles ont une utilisation plus contextuelle ou des associations spécifiques dans la culture kabyle.

Le tableau qui suit présente le nombre de contextes d’usage des unités lexicales référant à la couleur par rapport au type de sens qui lui est attribué et/ou à sa fonction symbolique en kabyle  :

La lecture du tableau 2 met en évidence une polarisation évaluative nette  : le blanc et le bleu/vert se rencontrent plus fréquemment dans des contextes positifs ou neutres, tandis que le noir, le rouge et le jaune s’inscrivent plus souvent dans des contextes négatifs. Ainsi, le noir n’apparaît pratiquement qu’en emplois dépréciatifs (28 contextes négatifs, 1 neutre) ; le blanc est majoritairement positif (14 positifs, 1 négatif). Le bleu/vert se distribue entre positif, négatif et neutre, alors que le rouge (2 positifs, 4 négatifs) et le jaune (0 positif, 2 négatifs, 1 neutre) tendent vers une interprétation défavorable.

Nombre de contextes

Total

Sens positif

Sens négatif

Sens neutre

Le noir

0

28

1

29

Le blanc

14

1

0

15

Le bleu

6

3

2

11

Le rouge

2

4

0

6

Le jaune

0

2

1

3

Total

22

38

4

64

En scrutant le tableau de données présenté ci-dessus, nous avons formulé plusieurs remarques intéressantes concernant l’utilisation et la perception des couleurs dans les expressions idiomatiques kabyles. Concernant l’ensemble des couleurs retenues, le noir est essentiellement associé au négatif (28 cas sur 29 contextes) et au contraire, le blanc au positif (14 occurrences sur 15 contextes) alors que le bleu est plutôt perçu positif (6 cas sur 11 contextes) même s’il est employé aussi dans une utilisation négative (3 occurrences) ou neutre (2 occurrences). Le rouge, quant à lui, apparaît dans une proportion équilibrée, 3 cas étant de sens positif et 3 autres de sens négatif, enfin le jaune principalement de sens négatif (2 occurrences). L’on peut donc soupçonner un certain degré de connotation pour chaque couleur, tel que, d’une part, des relations positives se dégageant en faveur des couleurs blanche et bleue, et une tendance vers le négatif concernant celles noire, rouge et jaune.

Une autre constatation pertinente ressort des données fournies par le tableau que nous avons présenté  : le nombre total de contextes dépasse le nombre d’expressions idiomatiques de notre corpus, ce qui indique que certaines d’entre elles comportent plusieurs unités lexicales de couleur, en vue d’un sens idiomatique. Or, ces expressions traduisent une certaine richesse et complexité des usages de la couleur, en tant que stratégie linguistique n’allant pas seulement vers de simples désignations littérales, mais plus vers des désignations figuratives, voire symboliques, et ce, pour communiquer des idées et des émotions au-delà de leur sens propre.

4.2. Exploration et analyse des valeurs sémantiques (symboliques) des couleurs dans le corpus

Dans ce qui suit, nous analyserons les expressions idiomatiques kabyles que nous avons collectées, en explorant les valeurs symboliques de chaque couleur qui y est exploitée. Il est important de noter que, dans cette analyse, nous ne distinguons pas entre l’expression d’une couleur par un nom ou par une forme verbale.

4.2.1. Le noir Aberkan, ibrik et Aseṭṭaf, isḍif

Le noir, appelé Aberkan, Aseṭṭaf en kabyle, en opposition au blanc (aceban, amellal), est une couleur qui représente diverses connotations qui sont souvent négatives. Il est associé au deuil, à la tristesse, à l’obscurité, à la douleur, à la faute, à l’ignorance et aux ténèbres. Cependant, malgré ses aspects négatifs, le noir peut également annoncer une naissance ou une renaissance.

Il est souvent utilisé dans des expressions idiomatiques pour évoquer tout ce qui peut être perçu comme négatif. Il symbolise tout côté sombre d’une situation, suscitant le pessimisme ou la mélancolie. Il est lié à la mort, ce qui évoque la séparation, le néant, le deuil, le sentiment de tristesse, de peur, de rancune…

En effet, les expressions idiomatiques kabyles qui exploitent l’adjectif de couleur aberkan, aseṭṭaf (noir, noir corbeau) présentent une sémantique variée. Plusieurs d’entre elles utilisent la couleur noire pour symboliser des traits négatifs, tels que la rancune et tout ce qui évoque un sentiment provoqué par un souvenir tenace gardé d’une offense, d’un préjudice, avec de l’hostilité et un désir de vengeance. Par exemple, l’expression (01) – D aberkan wul-is. « Son cœur est noir. » qui peut être actualisée de plusieurs manières  : en la transformant vers la forme verbale en se servant du verbe de qualité Berrik (être noir), (02) – Berrik wul-is (Haddadou, 2014, p. 362), ou avec une thématisation dans les deux formes  : verbale (03) – «  Ul-is, Berrik. Lit. Son cœur est noir. C’est une personne mauvaise, malveillante, jalouse, haineuse et méchante, prompte à faire le mal. C’est une personne qui aime voir les autres souffrir. Fr. Mauvaise graine.  » (Mahrazi, 2017, p. 218), et la non verbale (04) – Ul-is, d aberkan ou même, nous pouvons avoir des variations avec la substitution du nom de la couleur noire avec un synonyme aseṭṭaf, l’expression idiomatique (05) – D aseṭṭaf wul-is « Est noir son cœur. » qui peut être actualisée et donner les variantes suivantes  : la forme verbale (06) – Seṭṭaf wul-is et avec thématisation (07) – Ul-is, seṭṭaf et la forme non verbale (08) – Ul-is, d aseṭṭaf. Toutes ces expressions idiomatiques décrivent une personne mauvaise, jalouse et prompte à faire le mal, tandis que dans (09) – Ul berriken, ma tzerɛe deg-s ccer, ad yemɣi « Dans un cœur mauvais, le mal prend facilement racine. » (Mahrazi, 2017, p. 218) souligne que le mal s’enracine facilement dans un cœur mauvais.

Les Kabyles disent, aussi, (10) – Ul-is, d agris aberkan « Son cœur est du givre noir ». Cette expression est utilisée pour décrire une personne qui est dure, méchante et dépourvue de compassion ou de pitié. En se focalisant sur la couleur noire dans cette expression, on peut comprendre que le terme « agris aberkan » (givre noir) est utilisé pour symboliser la nature froide et insensible de cette personne. La couleur noire renforce l’idée d’obscurité, de froideur et de dureté, évoquant une absence de chaleur émotionnelle. L’expression suggère que le cœur de cette personne est comparé à de la glace noire, ce qui implique qu’elle est incapable de ressentir de l’empathie ou la compassion envers autrui. L’usage du noir ici souligne l’absence de lumière, de chaleur et de douceur dans son comportement, donnant ainsi l’image d’une personne sans émotion positive.

Dans une autre expression idiomatique kabyle, la couleur noire est associée à une autre partie du corps humain aqerru (tête), qui est le centre de la pensée, des idées et du travail psychique, ce qui renvoie à l’image métaphorique de la ruse. Cela est attesté dans l’expression aberkan uqerru (tête noire), une connotation à l’être humain qui est rusé. Cette expression présente plusieurs variantes, selon le contexte de son apparition dans le discours. D’où, nous avons  :

(11) – Aberkan uqerru, (seḥq it, ulac ddaɛwessu), «  méchant, injuste, ingrat (noir de tête). (DALLET, 1982, p. 672) c’est un homme comme les autres, ni plus saint, ni plus digne, pourquoi, prendrait-on avec lui des ménagements spéciaux  ? (Créature à tête noire, écrase-la  : cela ne porte pas malheur.) (Dallet, 1982, p. 765)
(12) – Ur ttamen aberkan uqerruy deg ddunit, «  ne fais confiance à personne (tous les hommes ont les cheveux noirs) l’homme, quel qu’il soit ne mérite pas confiance. » (Dallet, 1982, p. 46)
(13) – Ulac lxir deg uberkan uqerruy, xenq ay azrem  ! «  il n’y a pas de reconnaissance à attendre de l’homme quel qu’il soit  ! étrangle-le, serpent  ! (Tiré d’une histoire connue.). » (Dallet, 1982, p. 46)
(14) – Ulac laman deg uberkan n uqerruy, xneq a azrem. « Il n’y a pas de confiance avec celui qui a la tête (les cheveux) noire, étrangle, ô serpent  ! » (On ne peut attendre aucune reconnaissance de quiconque  !)

Dans d’autres expressions, l’usage de la couleur noire est pour décrire des situations difficiles, pénibles ou des moments de crise. Par exemple, (15) – Yesɛedda ussan (d) iberkanen « Il a enduré des jours noirs. », indique que quelqu’un a vécu des jours très durs et éprouvants, tandis que (16) – D ussan iberkanen « C’est des jours noirs », décrit un temps de crise, des moments très difficiles. Nous retrouvons la même valeur sémantique de la couleur noire dans  : (17) – D lbael aberkan. « Ceci est une injustice noire. » et (18) – Ad txele lexla aberkan. « Tu vas payer (action de payer) noir. ». Dans cette dernière expression, l’unité lexicale « aberkan » peut être remplacée par le nom d’un animal « ian, iqjan » (chiens) sans altération de sa valeur sémantique, Ad txele lexla (n) yian (yiqjan). Littéralement « Tu vas payer (action de payer) des chiens.) ». Dans ce cas, l’image rhétorique obtenue avec l’usage des unités lexicales « aberkan » et « ian » est identique.

Dans certaines expressions, il y a exploitation des noms d’animaux associés à la couleur noire pour renforcer leur signification pour avoir le sens du caractère dur, sans pardon d’une personne (interlocuteur) et/ou d’une situation pénible et dure vis-à-vis du locuteur. Il faut noter que dans la culture kabyle, un animal ayant la couleur noire, « amcic, aqjun, awtul, uccen … » (chat, chien, lapin, chacal…), est associé à un mauvais augure. Par exemple, l’expression (19) – Ad iyi-ččen yeqjan iberkanen ! « Les chiens noirs vont me dévorer. » et l’expression (20) – Ad iyi-ččen iyuza iberkaken ! « Les coqs noirs vont me dévorer » utilisent respectivement les métaphores des iqjan iberkanen (chiens noirs) et « iyuza iberkanen » (coqs noirs) pour décrire des personnes impitoyables.

Et dans l’expression idiomatique suivante (21) – Bru-as s uqjun aberkan « Répudie-la avec un chien noir ». Cette expression transmet l’idée d’une séparation émotionnellement froide et insensible. L’utilisation du terme « uqjun aberkan » (chien noir) ajoute une connotation négative à l’action de répudiation, en associant celle-ci à un animal souvent perçu comme indésirable ou méprisable. L’expression suggère que l’homme rejette sa femme de manière brutale et sans compassion, comme si elle n’avait aucune valeur. Elle met en avant l’idée d’un détachement total de la part de l’homme, soulignant ainsi un manque de considération et d’émotion envers sa partenaire.

Dans certaines expressions, on utilise la couleur noire pour décrire une qualité physique. Par exemple, (22) – «  D tizizwit i iberriken, tettaǧǧa-d tamment, il n’y a pas que l’apparence qui compte (bien que noire, l’abeille donne le miel).  » (Dallet, 1982, p. 503), qui présente une variation (23) – «  Ulamma berriket tzizwit, tamment-is zidet, il ne faut pas juger sur la mine  : l’abeille est brune, mais son miel est bon.  » (Dallet, 1982, p. 46). Ces deux expressions soulignent qu’il ne faut pas se contenter de juger les apparences, car, même si l’abeille est noire, elle produit du miel. Dans ce cas, la couleur noire est utilisée pour illustrer l’idée que l’apparence ne reflète pas nécessairement la valeur ou les qualités intrinsèques.

Pour l’expression (24) – Akli berrik, rnant-as ticrad « le nègre est noir, elles lui ont encore ajouté des tatouages », la couleur noire est associée à la notion de laideur et de ridicule. C’est la portraitiste qui représente celui qui fait des dépenses inutiles pour se faire remarquer en utilisant l’image d’un «  nègre  » (un individu au teint noir) à qui on a encore ajouté des tatouages. De sorte que cela souligne plutôt la personne qui, pour se rendre visible, adopte excessivement des comportements inappropriés.

(25) – Ussan-d lebab i k-yiffen, teqqime a win berriken ! « Ils sont arrivés des amis qu’on a préférés à toi et tu restes pour compte, pauvre noiraud  ! » » (Dallet, 1982, p. 299)  : Ici, la couleur noire est utilisée pour désigner quelqu’un de malchanceux. L’expression décrit une situation où des amis sont préférés à une autre personne qui se retrouve mise de côté, symbolisée par le terme «  win berriken  » (pauvre noiraud). La couleur noire est associée à un état de désavantage ou de tristesse.

(26) – Ay adfel mellulen, mel-iyi d acu ara k-yesberken  ! « ô neige blanche, dis-moi ce qui peut te rendre noire  ! »  : dans cette expression, la couleur noire est utilisée pour représenter un changement négatif ou une trahison. Elle exprime sa perplexité face à l’idée que la confiance en quelqu’un puisse être altérée ou refusée, en comparant cette situation à de la neige blanche qui se demande ce qui pourrait la rendre noire. La couleur noire est associée à un événement inattendu ou indésirable.

De plus, l’usage de la couleur noire dans les expressions idiomatiques peut représenter des aspects négatifs, tels que le péché, les fautes graves ou les interdictions. La couleur noire est associée à la négativité morale, à la corruption et à l’interdit, ce qui renforce le caractère répréhensible ou dangereux des actions décrites. Comme il est exprimé dans l’expression (27) – D leram d aseṭṭaf  ! «  (Violer un interdit est une noire chose  !)  : «  se dit pour défendre formellement une chose ou faire une recommandation solennelle). « Prenez garde  ! »  » (Dallet, 1982, p. 337). Cette expression met en évidence la notion de transgression ou de violation d’un interdit. En qualifiant cette action de «  chose noire  », on souligne sa nature négative et prohibée. Le noir ici est utilisé pour représenter la nature interdite et sombre. Et dans l’expression (28) – D leram d aseṭṭaf i isefen tigerfiwin ! « C’est le péché noir qui a noirci les corbeaux » «  Attention à ne pas commettre une faute grave comme celle qui a fait des corbeaux devenir noirs  !  ». Dans cette expression, le noir sert à décrire une faute grave. Les corbeaux deviennent noirs en raison de cette faute, ce qui implique que commettre une telle erreur est associé à quelque chose de sombre, de répréhensible. Le noir symbolise ici la conséquence néfaste ou le résultat regrettable d’une action incorrecte.

Et enfin, l’expression (29) – Am tebrek n yiccer. « Comme la noirceur de l’ongle. »  : Dans cette expression, la couleur noire est utilisée pour représenter quelque chose de négligeable ou de très petit. L’expression compare la taille ou l’importance de quelque chose à la noirceur de l’ongle, ce qui suggère qu’il est insignifiant ou minuscule. Mais il renvoie aussi à la finalité douloureuse d’une erreur commise.

Dans les expressions idiomatiques kabyles, la couleur noire est associée à des connotations négatives. Elle évoque des aspects sombres, pessimistes ou mélancoliques d’une situation. De plus, elle sert à décrire des traits de personnalité négatifs, tels que la malveillance, la jalousie, la haine et la méchanceté. Elle est liée à l’absence de lumière, de chaleur émotionnelle et de compassion. La couleur noire est également associée à des situations difficiles ou pénibles, ou à des moments de crise, renforçant ainsi le sens de dureté, d’absence de pardon et de caractère impitoyable. Certaines expressions utilisent la couleur noire pour illustrer l’idée que l’apparence ne reflète pas nécessairement la valeur ou les qualités intrinsèques. Cependant, il est important de noter que ces connotations négatives de la couleur noire sont propres aux expressions et aux croyances de la culture kabyle et peuvent varier dans d’autres contextes culturels.

4.2.2. Le blanc « Amellal, acebḥan  » « imlul, icbiḥ »

Le blanc symbolise la pureté, la propreté, la vertu et la paix (colombe blanche), mais aussi, la mort (la couleur du linceul  : le tissu avec lequel nous couverons les morts). Le blanc représente la vie spirituelle. Il symbolise aussi « l’honnêteté et la droiture » […], mais aussi la naïveté et l’absence de haine et de rancune (Tilikete, 1999, p. 207). Anciennement, «  la blancheur (bouyoudha) était associée à la beauté ». Plus une femme est blanche et forte, plus elle a de chances de trouver un mari, ce qui entraîne deux conduites subséquentes  : le gavage et la réclusion. La blancheur est également une métaphore littéraire de la beauté et de la féminité  » (Chebel, 1995, p. 73).

En effet, l’utilisation des couleurs « amellal » et « acebḥan » (blanc) revêt une symbolique profonde dans la langue kabyle, se manifestant fréquemment dans les expressions idiomatiques. Celles-ci fournissent des exemples concrets de l’utilisation métaphorique du blanc, démontrant ainsi sa valeur sémantique au sein de la culture kabyle. Voici quelques-unes de ces expressions qui mettent en évidence les diverses connotations associées à cette couleur  :

L’expression (30) – D amellal wul-is « Son cœur est blanc » peut être formulée de différentes manières pour exprimer la même idée. On peut la retrouver sous la forme verbale (31) – Mellul wul-is « Son cœur est blanc », la forme non verbale avec thématisation (32) – Ul-is, d amellal « Son cœur, c’est du blanc », ou la forme verbale avec thématisation (33) – Ul-is, mellul « Son cœur, il est blanc ». Toutes ces formes se traduisent littéralement en français par « Il a le cœur blanc » ou « Son cœur est blanc ». Elles désignent toutes l’idée de «  Cœur purifié, lavé de tout sentiment de haine et de jalousie. Être de bonne foi, ne pas être jaloux, sans rancunes. Avoir de bonnes intentions. » (Mahrazi, 2017, p. 217). C’est-à-dire, elles évoquent un cœur purifié, dépourvu de tout sentiment de haine, de jalousie et de rancunes. Ces expressions utilisent le nom « ul » (cœur), qui est le siège des émotions, associé au nom « amellal » pour lui conférer une valeur sémantique et/ou symbolique de cœur purifié. Cela indique une personne de bonne foi, sans intention malveillante.

De même, dans d’autres expressions kabyles, on fait usage des noms d’autres parties du corps humain, tels que « iɣil » (bras) et « afus » (main). Ces termes sont liés à l’effort physique et au travail en général. Ils sont associés au nom « aceban » pour lui conférer une valeur symbolique positive. Par exemple, (34) – D ucbi iɣil « Son bras est bon » signifie « Il est très habile » et (35) – D ucbi n ufus « Sa main est bonne » exprime également une grande habileté. L’utilisation du terme « aceban » pour désigner le bras et la main souligne la qualité et l’efficacité de la personne dans ses actions, en mettant en avant ses compétences et ses capacités. De plus, dans l’expression (36) – Iɣil-is, d ucbi « Son bras est bon », elle désigne une personne sérieuse et constante dans son travail, une personne travailleuse (Mahrazi, 2017, p. 311).

Dans ces expressions, la figure de style exploitée est la métaphore. La métaphore consiste à utiliser un terme, tel que « blanc » ou « aceban », pour décrire une caractéristique ou une qualité spécifique d’une autre entité, comme le cœur, le bras ou la main. Elle fait intervenir ces parties du corps et les associe à la couleur blanche, symbole de pureté, de qualité supérieure et de positivité, pour donner lieu à des images métaphoriques mentales positives, notamment  : 1 - la pureté et l’absence de sentiments négatifs, tels que la haine, la jalousie et les rancunes. Cette métaphore permet de véhiculer l’idée d’une personne honnête, sans intentions malveillantes, et dotées de bonnes intentions. 2- et de l’excellence, de l’habileté et de la constance de la personne concernée. Ainsi, en recourant à la métaphore du blanc, elles transmettent l’idée d’une compétence et d’une efficacité remarquables dans les actions menées par ces personnes.

Il y a, aussi, des expressions idiomatiques qui combinent le nom de la couleur « amellal » avec un nom d’un animal, pour avoir une image métaphorique et/ou une symbolique fortement positive. Comme c’est le cas dans l’expression (37) – Yeɣra fell-as uyazid (d) amellal. « Le coq blanc lui a crié.  », qui est utilisée pour donner une image métaphorique utilisée pour décrire une personne dont les affaires marchent merveilleusement bien grâce à un simple bon présage d’un oiseau blanc. Elle suggère que la personne a atteint un haut niveau de satisfaction et de stabilité, symbolisé par l’oiseau blanc, généralement associé à des présages positifs. C’est une métaphore qui crée une image vive dans l’esprit du locuteur avec l’association de la personne aux qualités attribuées à « ayazi amellal ». Cela renforce l’idée que les affaires de la personne sont parfaitement réglées et que sa situation est favorable. Tandis que, dans l’expression (38) – Azger amellal d tassemt akk. « Le bœuf blanc est plein de graisse.  » exprime l’idée que les apparences peuvent être trompeuses. Elle avertit que la pureté extérieure, symbolisée par « azger amellal », peut cacher des intentions ou des réalités moins honorables, représentées par « tassemt ». Une telle métaphore nous invite à ne pas nous fier à la seule apparence des choses, mais à adopter une approche plus critique afin de voir au-delà de la surface à la recherche du véritable sens des choses. Elle nous met en garde contre le jugement simpliste porté sur les personnes, les situations ou les choses, en se fondant sur la seule apparence la plus évidente qui nous est présentée.

Il est possible que la teinte « amellal » apparaisse dans certains dictons kabyles en association avec des termes décrivant des éléments naturels, tels que « ussan » pour désigner une période donnée, ou encore « adfel » évoquant une époque bénie, synonyme de prospérité, de beauté naturelle et de circonstances propices. Constaté dans les expressions suivantes  :

(39) – D ussan imellalen « C’est des jours blancs », présente une variation en forme verbale en recourant au verbe d’état « Mellul » (être blanc), (40) – Mellul-it wussan-is. (Dallet, 1982, p. 497) « Ses jours sont blancs ». Ces expressions utilisent la couleur blanche, en s’appuyant sur une métaphore, pour symboliser les bons jours ou le beau temps. L’expression implique une période de bonheur, de prospérité ou de chance. L’expression suggère que la personne se trouve dans une situation favorable et confortable.

Dans l’expression (41) – D tamellalt am udfel, awer tegg, awer teftel1 « Elle est blanche comme de la neige, peu importe qu’elle ne sache ni pétrir ni rouler », il y a une comparaison entre la blancheur de la peau d’une femme et la neige. La première partie de l’expression, D tamellalt am udfel « Elle est blanche comme la neige », il y a une comparaison entre la blancheur de la peau d’une femme et la neige. En effet, la première partie de l’expression D tamellalt am udfel « Elle est blanche comme la neige » signifie que la blancheur de la personne visée est particulièrement pure et lumineuse, la neige étant utilisée comme symbole de pureté, de douceur et de clarté.

Tandis que dans la seconde partie de l’expression awer tegg, awer teftel « peu importe qu’elle ne sache ni pétrir ni rouler », il y a une mise en avant de l’incapacité de la personne à pétrir ou rouler. Cette partie indique également un champ sémantique supplémentaire, puisque pétrir et rouler sont des activités qui, à l’aide des mains, permettent de façonner des objets, influant ainsi sur le niveau de beauté d’une personne, en tant qu’apparence physique innée et naturelle. En décrivant la personne comme incapable de maîtriser ces compétences, l’expression met en valeur l’idée d’une beauté pure et authentique qui ne dépend pas de compétences spécifiques.

En combinant ces deux éléments, l’expression crée une image visuelle saisissante d’une blancheur éclatante et pure, semblable à la neige, non altérée par le processus de pétrissage ou de roulage. Cette figure de style illustre une beauté naturelle et innée, indépendante des compétences ou des artifices susceptibles de la dissimuler. Elle met en avant la valeur intrinsèque et la pureté de l’objet ou de la personne décrite, soulignant que sa beauté réside dans sa nature même, sans nécessiter de manipulations externes.

De même, il y a usage de « adfel » (neige) associé à sa couleur « amellal » dans l’expression (26) – A adfel mllulen, ml-iyi d acu ara k-yesberken., « ô neige blanche, dis-moi ce qui peut te rendre noire  !  » (Dallet, 1982, p. 497). Cette expression exprime la confiance et la fidélité. La neige blanche « adfel amellal » est utilisée comme métaphore pour représenter une personne en qui l’on a confiance et à qui l’on n’a aucune raison de la détrier. Cela implique qu’il n’y a aucune raison de remettre en cause cette confiance.

(42) – Yuɣal wakli d amellal. « Un nègre/ noiraud est devenu blanc.  », cette expression suggère que la transformation d’un noir ou un noiraud « akli », qui est initialement associée à une couleur de peau sombre. En utilisant l’image d’une personne de couleur qui devient blanche « amellal », l’expression évoque un changement drastique, une transformation impossible ou contre nature. C’est une idée absurde ou irréalisable, correspondant à une situation considérée comme une utopie ou une aberration. Elle pourrait également servir à remettre en cause la légitimité ou la possibilité d’un projet ou d’une proposition, d’un événement susceptible de se produire ou d’advenir, ou d’un projet ou d’un événement suspecté d’être à la fois contradictoire et impossible. Elle pourrait donc encore fonctionner pour critiquer ce qui est une proposition, une idée, une prétention soupçonnée d’être aberrante, inextricable, irrecevable ou tout simplement impossible, irréaliste ou déplacée par rapport à une nécessité d’ordre pragmatique, rationnel et d’un moment. La couleur blanche peut être interprétée comme symbolisant un changement radical vers le sens positif, une transformation ou une inversion vers de bonnes caractéristiques, de valeurs ou de situations positives qui sont impossibles. Cela implique que le passage d’un nègre à une peau blanche est perçu comme un changement extrême, voire impossible.

Enfin, cette expression (43) – Yedder ɣef ufare (d yi)mellal. « Il vit avec le jaune et le blanc d’œuf.  », c’est une «  allusion à une anecdote  » (Dallet, 1982, p. 231). Elle utilise les deux composants de l’œuf  : 1- « afare » (le jaune), la partie la plus riche et la plus nutritive de l’œuf. Il symbolise généralement l’idée d’opulence et de profusion alimentaire. Et 2 - « amellal » ou « imelli » (le blanc), qui représente la partie de l’œuf moins riche et moins nourrissante, c’est-à-dire le blanc d’œuf. Il évoque une alimentation plus limitée et moins abondante. Il faut noter que cette partie de l’œuf est nommée par une métonymie, partie pour le tout, voir sa couleur blanche, et qui a servi à son tour pour nommer l’œuf en kabyle « tamellalt »2. Et, pour cela, nous attestons cette variante de l’expression, par homonymie entre « imelli » et « tamellat » dans ce contexte plus précisément : Yedder ɣef ufares (n u)mallal. « Il vit avec le jaune d’œuf. » Et que ce soit l’ensemble de deux composants qui donnent l’œuf « tamellalt », ou que ce soit le jaune d’œuf « afraes mellal » malgré sa richesse en nutriments, que ce soit l’un ou l’autre, correspond à une alimentation de quantités très limitées consommées par la personne mentionnée. En décrivant quelqu’un comme vivant uniquement avec le jaune de l’œuf ou avec l’œuf complète, l’expression suggère ironiquement qu’il ne mange pas beaucoup, qu’il a une alimentation limitée ou qu’il a peu d’appétit. Cette expression met en évidence le contraste entre les couleurs riches et abondantes du jaune et la simplicité légère du blanc pour souligner l’idée que la personne en question a une alimentation restreinte ou une appétence modérée.

Il est important de noter que l’ironie constitue un élément clé de cette expression. Elle est utilisée pour souligner, de manière humoristique, le comportement alimentaire de la personne et ne doit pas être interprétée de manière péjorative ou discriminatoire.

En résumé, la couleur blanche « amellal, aceban » est utilisée de manière métaphorique dans les expressions kabyles pour représenter la pureté, l’aisance d’une situation, l’habileté, le sentiment noble, la confiance, la prospérité, la beauté naturelle et une bonne apparence physique. Ces expressions créent des images mentales positives et véhiculent des valeurs culturelles profondes, en contraste avec celles générées par l’utilisation de la couleur noire « aberkan, aseṭṭaf ».

4.2.3. Le bleu-vert « azegzaw »

Selon Basset, «  les dialectes berbères, en général, confondent le bleu et le vert et ne possèdent qu’une seule racine pour désigner ces deux couleurs  » (1896, p. 81). Le bleu « azegzaw » trouve sa place dans les expressions idiomatiques kabyles, offrant ainsi un aperçu captivant de sa symbolique et de ses connotations, oscillant entre le positif et le négatif. Cette couleur évoque un monde de significations et de riches nuances, qui illustre fondamentalement l’identité culturelle kabyle. En explorant le symbolisme du bleu, nous pourrions mieux comprendre et analyser les connexions colorimétriques et culturelles, autant que le sens caché d’une tradition langagière particulièrement riche du point de vue des symboles qui la fécondent.

Prenons, par exemple, l’expression (44) – «  Yesɛedday fell-as lbaṭel azegzaw.  » (Dallet, 1982, p. 56) « Il lui fait endurer une injustice bleue. » (Il lui fait subir les pires misères.). Cette expression utilise la couleur bleue de manière figurée pour symboliser une injustice extrême ou une souffrance intense. Ce qui va dans le sens préconstruit par l’adjectif « azegzaw », qui individue en ornant le propos d’une intensité notable, très présente ici. Le bleu, qui évoque habituellement la paix et la tranquillité, s’associe ici à la connotation négative de la douleur et de la souffrance prolongée. La souffrance infligée à cet individu est bien extensive, cela s’appelle une métaphore. Cette précédente expression présente plusieurs variations  : 1. Par la substitution du nom de la couleur « azegzaw » (bleu) par « aberkan » (noir) ou « azewwaɣ » pour avoir (45) – « Yesɛedday fell-as lbaṭel aberkan/azewwaɣ » (Il lui fait endurer une injustice noire/rouge). 2. Par des changements de la structure morphosyntaxique de l’expression pour avoir une forme non verbale (17) – « D labaṭel aberkan… » et (46) – «  D labaṭel azewwaɣ  »(Dallet, 1982, p. 56) « C’est une injustice noire/ rouge » pour signifier «  une intense misère  ».

Une autre expression, (47) – Akken i s-yenna waqqur  : ur ttamen azberbur ma ibur, ama zegzaw ama yeqqur., «  comme dit le rossignol  : ne fais pas confiance à la vigne sauvage, qu’elle soit verte ou sèche  ! (de l’histoire du rossignol qui avait chanté toute la nuit sans s’apercevoir qu’une vrille de vigne s’était enroulée autour de sa patte) » (Dallet, 1982, p. 673), met en garde contre la confiance accordée à des choses qui peuvent sembler attrayantes ou inoffensives, mais qui peuvent finalement causer des problèmes. L’utilisation de la couleur « azegzaw » pour décrire la vigne suggère une apparence attrayante ou séduisante, tandis que la mention de la vigne sèche met l’accent sur le fait qu’elle peut être tout aussi dangereuse ou trompeuse. À ce titre, l’expression met en évidence le besoin d’attention et de méfiance, quelle que soit l’apparence dont certains prennent garde. Cette comparaison soulève la question de la méfiance suscitée par la fausse impression qu’offrent certains apparents yeux pleins de luminosité.

Dans une autre expression, (48) – Ad ireɣ uzegzaw ɣef uquran, «  les bons paient pour les mauvais (le vert brûlera sur le sec)  » (Dallet, 1982, p. 730). Cette expression est actualisée de deux manières, en deux variantes, sans altération de son sens non-compositionnel et/ou idiomatique. Elles sont comme suit  : (49) – Yegla uzegzaw s uquran « Le vert prend par la même occasion par le sec » et (50) – Yedda uzegzaw d uquran « Le vert et le sec se sont suivis ». Elles servent à désigner une approche selon laquelle l’on considère ou traite indifféremment différents éléments, personnes ou situations, sans tenir compte de leurs spécificités ou de leurs différences. Cela peut passer par une généralisation abusive ou une trop grande simplification du réel, souvent perçue comme une approche unilatérale ou simpliste. La figure de style utilisée dans cette expression est une métaphore. On utilise l’image d’un « azegzaw » (vert) qui s’enflamme simultanément avec un « aquran » (sec) pour décrire une situation où les conséquences négatives ou les reproches injustes sont injustement imputés à des individus qui n’ont rien à voir avec les actions en question. Cette métaphore repose sur une opposition entre le « azgzaw » (vert), qui représente la fraîcheur, la vitalité ou l’innocence, et le «  sec  », qui évoque la stérilité, l’aridité ou la culpabilité. Elle parvient alors à donner une forme visuelle frappante à l’idée de généralisation erronée et de confusion.

Dans ces mêmes expressions, il y a une personnification de la couleur bleue. Cette dernière devient un agent qui « mène » ou « dirige » une action, soit « passer le sec ». Cette personnification confère une qualité vivante ou active à la couleur bleue, la décrivant comme capable de guider ou de diriger une action. Cela renforce l’effet expressif et crée une image visuelle plus forte dans l’esprit du lecteur ou de l’auditeur.

Cependant, toutes les connotations associées à la couleur bleue ne sont pas positives dans ces expressions idiomatiques kabyles. Dans l’expression (51) – Azemṛaq n wallen yuɣ aẓar si teryel, «  l’homme aux yeux bleus à une ogresse dans son ascendance  » (GENEVOIS, 1963, p. 9), nous trouvons une caractéristique particulière de l’homme aux yeux bleus que nous rattachons à une ogresse présente dans son ascendance. La couleur bleue des yeux apparaît ici comme un trait distinctif, associant l’individu à une origine donnée ou à une lignée.

Il convient de noter que les significations symboliques du bleu que j’ai mentionnées précédemment peuvent également s’appliquer ici, mais dans un contexte différent. Dans cette expression, la couleur bleue des yeux sert à établir un lien généalogique avec une ogresse. L’emploi de cette couleur peut donc être interprété comme une caractéristique distinctive associée à une origine particulière ou à une descendance spécifique.

Dans cette expression, l’ogresse en arrière-plan de l’ascendance du «  grand bleu  » donne sens à une métaphore en mettant en avant une possible influence des traits d’ascendance en question.

De la même manière, l’expression « un homme aux yeux bleus est toujours prêt à vous berner » (GENEVOIS, 1963, p. 9) attribue au bleu une signification négative. L’expression ressemble d’ailleurs à un stéréotype  ; on pourrait penser un sous-texte construisant l’idée que le porteur de l’accessoire visuel de l’azur des prunelles tendrait à être trompeur, ou quelque peu malhonnête. Là aussi, on semble à la portée d’une généralisation assez simple, fondée sur un élément physique. En somme, l’homme à l’apparence de son regard aux iris bleus ne semble guère de qui on pourrait attendre la franchise, tant la ruse est supposée faire partie de son comportement habituel.

Concernant la figure de style présente dans cette expression, on peut identifier une hyperbole. Dans ce cas, l’affirmation selon laquelle « un homme aux yeux bleus est toujours prêt à vous berner » est une hyperbole qui amplifie l’idée que toutes les personnes aux yeux bleus sont intrinsèquement trompeuses. Cela fait référence au conte de l’ogresse trahie par le jeune homme aux yeux bleus.

Finalement, ces expressions idiomatiques sont révélatrices de la diversité des usages et des significations de la couleur bleue dans la culture et la langue kabyle. Elles mettent en évidence la richesse des symboles et, surtout, des significations associées à ce bleu coloré et au bleu « bonne santé ». La métaphore, la personnification et l’hyperbole sont des figures de style introduites pour renforcer l’impact expressif, ce qui permet de transmettre des significations ou des messages culturels sur la souffrance, la méfiance, les conséquences et les caractérisations comportementales et affectives.

4.2.4. Le rouge « azewwaɣ », « izwiɣ  »

En kabyle, l’usage du rouge comme couleur source dans les expressions idiomatiques peut évoquer des significations figurées variées. Elles renvoient à des valeurs sémantiques telles que  : la gravité, la souffrance, le malheur, la lâcheté, la colère, les accusations infondées ou encore le désir de vengeance. Ces nuances témoignent de la richesse et de la complexité des significations attribuées à la couleur rouge dans la culture kabyle. C’est ce que nous constatons dans ce qui suit  :

Dans une première expression, (53) – Ibubb ini azewwaɣ. « Il s’est mis sur le dos une pierre de foyer incandescente ». «  Il s’est chargé d’une affaire très grave, trop lourde pour lui  ». (Dallet, 1982, p. 03), le nom de couleur « azewwaɣ » (rouge) est une image puissante pour représenter une situation grave et difficile à gérer. La couleur rouge est souvent associée à la chaleur brûlante, à l’intensité, ce qui renforce l’idée de la gravité de la situation. La pierre de foyer incandescente « ini azewwaɣ » symbolise la charge écrasante que la personne a acceptée ou subie. Dans ce cas, la valeur sémantique de « azewwaɣ » (rouge) vient de chaleur intense au point que la pierre devient rouge, renforçant ainsi l’idée de la gravité de la situation.

Dans cette expression, deux éléments sont comparés sans recourir à un outil de comparaison. Nous parlons de la métaphore, car la comparaison est implicite. Il y a un rapprochement entre une situation grave et une pierre de foyer incandescente. Cette figure du style permet ici de nommer concrètement (avec le terme « pierre de foyer incandescente ») ce qui est en jeu dans une situation de grande abstraction (une affaire grave). Dès lors, elle renforce la portée émotionnelle de la phrase en aidant à mieux saisir le poids qui pèse sur les protagonistes.

Nous avons la même valeur symbolique de « azewwaɣ » dans l’expression (46) – Wagi d lbael azewwaɣ « Ceci est une injustice rouge » (DALLET, 1982, p. 56), qui exploite la couleur « azewwaɣ » pour symboliser l’injustice flagrante. La dénomination de la couleur vient pour qualifier l’injustice, l’expression souligne l’aspect offensant, marquant et flagrant de la situation. Il faut noter que l’expression s’actualise avec la substitution de la couleur « azewwaɣ » avec « aberkan » pour exprimer le même sens idiomatique. Ainsi, nous disons (17) – Wagi d lbael aberkan « Ceci est une injustice noire ». Comme elle peut s’actualiser en forme verbale (45) – Iɛedda fell-as lbael azewwaɣ/ aberkan « Il a passé sur lui une injustice rouge/ noire ». Dans ces deux précédentes expressions, « lbael azewwaɣ/ aberkan » (l’injustice rouge/ noire) contribuent à une métaphore qui permet de traduire une dimension émotionnelle forte à une situation d’injustice flagrante. Elle suggère que cette injustice est intense et profondément blessante. En utilisant cette figure de style, l’expression parvient à transmettre, de manière concise et évocatrice, l’idée d’une grande misère ou d’une injustice majeure subie par l’individu.

Dans l’expression (54) – Ur yettizwiɣ ara wudem-is « Son visage ne rougit pas », met en évidence l’absence de pudeur, la couleur « azewwaɣ » est utilisée de manière figurée pour représenter l’embarras ou la honte. Lorsqu’une personne est confrontée à une situation embarrassante ou à une action indécente, il est courant que son visage devienne rouge de gêne. Son système nerveux sympathique s’active. Cette activation entraîne une vasodilatation des capillaires du visage, en particulier des joues, parfois du cou et des oreilles. Le sang afflue plus rapidement dans ces zones, ce qui provoque une sensation de chaleur et une coloration rouge visible de la peau. C’est un phénomène souvent accompagné d’autres signes physiques, comme l’accélération du rythme cardiaque, une respiration plus rapide et une sensation de chaleur diffuse. Ainsi, l’absence de rougissement indique que la personne en question n’éprouve ni pudeur ni honte, même face à des situations ou à des actions qui, normalement, susciteraient ces émotions.

Cette expression fait appel à une litote, une figure de style qui consiste à exprimer une idée en recourant à une formulation atténuée ou négative pour en intensifier le sens réel. Dans ce cas, l’affirmation « Son visage ne rougit pas » exprime en réalité l’idée que la personne manque de pudeur. En utilisant une formulation négative, on souligne davantage le manque de rougissement, ce qui renforce le sentiment d’absence de pudeur chez la personne.

Cependant, la couleur rouge est utilisée dans l’expression (55) – Yuɣal d azewwaɣ (am tumatic) « Il est devenu rouge (comme une tomate) » pour évoquer le phénomène inverse, avoir de la rougeur du visage. Ce qui fait que cette expression met en évidence deux significations distinctes associées à la couleur rouge. D’une part, elle peut exprimer le sentiment de timidité, lié à la gêne qui provoque un rougissement du visage. D’autre part, elle peut également exprimer la colère, où le rougissement du visage est associé à la frustration ou à l’irritation. Nous notons que le segment de l’expression « am tumatic » (comme une tomate) peut être supprimé sans altération du sens non-compositionnel et/ou idiomatique.

Dans ce contexte, la couleur rouge est polysémique. Elle résulte de deux métaphores distinctes, qui créent deux connotations différentes. Dans le premier sens, où « azewwaɣ » signifie éprouver la timidité ou la gêne, il s’agit d’une métaphore de la couleur. La couleur « rouge » est utilisée symboliquement pour représenter l’embarras ou la timidité, où le fait de rougir est une manifestation visible de cet état émotionnel. Et dans le deuxième sens, où « rouge » signifie éprouver de la colère, il s’agit également d’une métaphore de la couleur. Cette dernière est utilisée pour représenter la colère ou l’indignation, ou le visage qui devient rouge et dégage de la chaleur, une manifestation physique de cette émotion intense. Ainsi, la polysémie de « rouge » dans cette expression se transmet par l’usage de deux métaphores distinctes, qui transmettent les connotations de timidité et de colère. Ce qui lui confère un usage et une interprétation multiples selon le contexte et l’émotion exprimée par la personne concernée.

Dans d’autres contextes idiomatiques, l’usage de la couleur rouge s’éloigne de son association à la notion de chaleur, pour évoquer  :

Dans l’expression (56) – Yečča aksum-is d azewwaɣ « Il a mangé sa chair rouge », la couleur rouge est associée à l’image crue et violente de la chair vive. L’expression évoque une accusation injuste, presque comme si l’on arrachait ou détruisait quelque chose d’essentiel à la personne, action évoquée par l’usage du verbe manger. Le rouge, dans ce contexte, vient intensifier cette image en évoquant la chair vive, encore gorgée de sang, donc une blessure fraîche et brutale. Ici, le rouge devient un amplificateur de la violence et de l’injustice  : il rend la scène plus viscérale, plus choquante, en soulignant la gravité de l’attaque morale ou verbale. Dans ce contexte, la couleur rouge peut être substituée par la couleur bleu/vert qui a le sens de fraiche et/ou non cuit. Ainsi, nous disons (57) – Yečča aksum-is d azegzaw « Il a mangé sa chair bleu/verte ».

En revanche, dans l’expression – «Ad k-yekteb s lmidad azeggaɣ ɛlaxaer ticra s yidammen ! » Lit. Il va t’écrire avec de l’encre rouge, car les tatouages se font avec du sang. Il va t’avoir sérieusement à l’œil, il se souviendra de toi, car il t’en veut à mort.  » (Mahrazi, 2017, p. 67), utilise « lmidad azewwaɣ » (encre rouge) comme une métaphore filée exprimant la menace et la vengeance imminente. Le rouge, associé ici au sang et au tatouage, renvoie à une trace indélébile, à la mémoire durable et à l’intensité de la rancune. L’image véhicule l’idée que, comme un tatouage gravé au sang reste à vie, la vengeance promise sera inoubliable et sans répit. L’emploi de cette métaphore, renforcée par une métonymie implicite (le rouge désignant le sang), accentue la charge dramatique de l’avertissement et la gravité des conséquences encourues.

En somme, la symbolique de la couleur rouge dans l’idiomaticité kabyle renvoie à des significations distinctes. Il est utilisé pour évoquer la gravité, la lourdeur, la souffrance, la misère, la timidité, la colère, les accusations injustifiées et la menace vengeresse.

4.2.5. Le jaune « awraɣ », « iwriɣ  »

Le jaune occupe une place particulière en matière de valeur sémantique dans la phraséologie kabyle. Dans ce qui suit, nous allons explorer la symbolique du jaune à travers les expressions idiomatiques kabyles.

L’expression (58) – D tasa tawraɣt. « C’est un sourire jaune.  », «  Hypocrisie  » qui a le même sens que  : La iess tasa ni buzelluf (Dallet, 1982, p. 183) « d’un rire de tête de mouton grillé » ou bien D taassa n buzelluf ɣef lkanun «  un rire de tête de mouton grillant sur le feu. »(DALLET, 1982, p. 943).3

La valeur sémantique de « awraɣ » (jaune) est associée à la fausse apparence, à la dissimulation. Dans ce cas, le jaune qui désigne une couleur qui est mise en rapport avec la tromperie, le traître. C’est pour parler du sourire de la personne que l’on dit qu’il est du même jaune, comme pour signaler une intention malveillante ou hypocrite. Dans cette expression, l’image symbolique est traduite par métaphore, puisque le sourire de la personne est comparé à son apparent jaune. Cette métaphore visuelle produit l’effet d’une image qui n’est pas aléatoire, suscitant la justesse de la réalité, au sens de l’illusion du sérieux, avec le sourire d’une personne qui a le sourire du trompeur.

Et dans l’expression (59) – Werraɣ lekfen-is. « Son linceul est jaunâtre » (Il est proche de la fin de ses jours, de la mort), la couleur jaune vient sous forme verbale, un verbe d’état, « Iwriɣ » (être jaune). Elle a reçu la symbolique liée à la fin de la vie et à la proximité de la mort. La valeur sémantique du jaune dans cette expression est bien celle de la dégradation, de la déchéance. Le jaune représente ici bien la détérioration, le déclin, et l’on peut dire que le jaune est parfois cette couleur qui rejoint la pâleur, le flétrissement (au sens physique), la maladie, en résumé, une forme d’affaiblissement. Autrement dit, cette couleur symbolise le passage d’une santé épanouie à une fin de vie moribonde.

La figure de style présente dans cette expression est bien la métaphore, et le linceul est bien décrit comme jaune pour évoquer la condition de la personne dont le temps est compté. Le fait que l’expression choisisse de marquer la couleur jaune du linceul renforce donc l’idée de dégradation physique et de la proximité de la mort, et cette couleur jaune sert de symbole de l’ambiance funèbre dans laquelle l’on est  : une tristesse figée, une prémonition de la fin, lorsque le visage cadavérique se peint de jaune. Ainsi, l’usage du jaune dans cette expression offre une représentation visuelle puissante de la fragilité et de la mortalité de l’existence humaine.

Enfin, nous avons cette expression (60) – «  « Win yeččan ad yiwriɣ, win yesraen ad yizwiɣ ! » «  (que celui qui mange devienne pâle et que celui qui sent devienne rouge  ! (Plaisant  : quand une bonne odeur de cuisine éveille une grande envie de manger, mais qu’on n’y est pas invité). » (Dallet, 1982, p. 874) qui utilise la symbolique du jaune et du rouge, exprimés sous formes verbales « iwriɣ » (être jaune) et « izwiɣ » (rougir ou être rouge), pour exprimer le désir et la frustration liés à la nourriture et à l’odorat. La valeur sémantique du jaune et du rouge dans cette expression est associée aux émotions et aux sensations intenses.

Le jaune, dans ce contexte, symbolise le désir ardent de manger. Il est utilisé métaphoriquement pour illustrer une envie intense de nourriture. Cette envie qui peut rendre pâle celui qui la ressent. Tandis que le rouge symbolise la frustration ressentie lorsqu’on est privé de cette nourriture désirée. Ces deux images symboliques sont exprimées sous forme de biais d’hyperbole, en mettant en évidence les deux couleurs, le jaune et le rouge, de manière exagérée pour amplifier les émotions et les sensations.

L’expression met en évidence l’idée d’une bonne odeur de cuisine qui éveille une forte envie de manger, sans pour autant inviter l’individu à se joindre au repas. Ainsi, le jaune et le rouge représentent les réactions extrêmes provoquées par cette situation plaisante. Le jaune évoque l’envie vorace qui pâlit celui qui la ressent, tandis que le rouge incarne la frustration qui fait rougir de colère ou de déception.

4.3. Limites et perspectives

Le corpus mobilisé ne prétend pas à l’exhaustivité  : il rend compte d’un état d’usage attesté, susceptible de varier selon les zones, les générations et les situations d’énonciation. Un biais de collecte peut notamment résulter de la répartition géographique des enquêtes, du profil des locuteurs (âge, genre, degré de bilinguisme) et des registres privilégiés (familier, ironique, satirique), certains emplois étant moins facilement déclarés.
En perspective, l’étude gagnerait à être prolongée par une collecte plus stratifiée et une comparaison avec d’autres variétés amazighes (chaouie, mozabite, touarègue, etc.), afin de distinguer ce qui relève d’un fonds symbolique partagé de ce qui tient à des dynamiques locales.

En combinant le jaune et le rouge, cette expression transmet de manière vivante les émotions intenses et contrastées associées au désir de manger et à l’insatisfaction de ne pas pouvoir le faire. Elle souligne l’importance de la nourriture et de ses plaisirs dans la vie quotidienne et met en évidence la puissance de la symbolique des couleurs pour communiquer des sentiments et des expériences humaines.

La couleur « awraɣ »(jaune), que ce soit sous la forme adjectivale ou verbale (verbe d’état), contribue au sens non compositionnel de l’expression idiomatique en question. Ainsi, les expressions idiomatiques kabyles, en s’appuyant sur des figures de style, telles que l’hyperbole, la métaphore et la personnification, ont reçu plusieurs significations symboliques.

Conclusion

Pour conclure, cette recherche a porté sur la symbolique de la couleur dans les expressions idiomatiques kabyles intégrant des unités lexicales chromatiques. Le corpus comprend 60 expressions, recueillies en contexte lors d’échanges ordinaires, puis vérifiées et complétées à partir de sources écrites. L’analyse croisée des distributions quantitatives et des valeurs figurées met en évidence la forte productivité du noir et du blanc, ainsi que des emplois plus restreints du bleu/vert, du rouge et du jaune, dont les interprétations s’ancrent dans des représentations socioculturelles partagées.

L’analyse de ce corpus a révélé plusieurs points significatifs  :

D’abord, en ce qui concerne le nombre d’occurrences, nous avons constaté que les formes adjectivales (non verbales) étaient majoritaires, soit 42 expressions (70 %), contre 18 expressions à forme verbale (30 %). Cette distribution confirme que, dans la phraséologie kabyle, la dénomination de la couleur fonctionne souvent comme un marqueur immédiat d’évaluation et de catégorisation.

Ensuite, sur le plan qualitatif, l’étude montre que la valeur sémantique des unités chromatiques dépasse la simple perception visuelle  : chaque couleur porte une charge symbolique et axiologique, susceptible de varier selon l’expression, le contexte et la mémoire culturelle mobilisée.

Pour approfondir notre compréhension de la symbolique des couleurs dans les expressions idiomatiques kabyles et amazighes, il serait judicieux d’étendre cette étude à d’autres langues amazighes. Dans une perspective d’étude comparative qui pourrait tant enrichir les connaissances que contribuer à la compréhension des variations de la sémantique et de la symbolique chromatique dans les diverses cultures amazighes. Les langues amazighes constituent un champ propice à l’interrogation des perceptions et des usages des couleurs dans les expressions idiomatiques. En se projetant dans d’autres cultures, d’autres dimensions d’interprétation des couleurs pourraient faire leur apparition, rendant notre connaissance interculturelle plus fine. Le travail comparatif pourrait encore mieux mettre à jour la symbolique des couleurs dans telles ou telles autres sociétés amazighes en partant de l’état des lieux des expressions idiomatiques et/ou phraséologiques.

Enfin, en élargissant notre examen à d’autres cultures, de nouvelles dimensions de la symbolique des couleurs pourraient surgir, permettant ainsi d’approfondir notre connaissance interculturelle. Notre travail de comparaison pourrait aussi ouvrir davantage de fenêtres sur la symbolique des couleurs au sein des diverses sociétés amazighes, en s’appuyant sur l’étude des expressions idiomatiques et/ou phraséologiques.

1 Dans l'expression (41) - D tamellalt am udfel, awer tegg, awer teftel "Elle est blanche comme de la neige, peu importe qu'elle sache pétrir ni

Pour déterminer la traduction la plus plausible de l'expression (41), nous la comparons à d'autres expressions idiomatiques kabyles présentant des

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2 Selon Abrous et Chaker (2013 : 5709), « En raison de sa valeur nutritive, l’œuf est considéré comme un aliment de choix pour les malades, les

3 Ces deux expressions idiomatiques font appel à une autre figure de style, la comparaison. En comparant le sourire jaune à un rire de tête de mouton

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1 Dans l'expression (41) - D tamellalt am udfel, awer tegg, awer teftel "Elle est blanche comme de la neige, peu importe qu'elle sache pétrir ni rouler", les deux verbes "egg" (pétrir) et "ftel" (rouler) posent un problème lors de leur traduction littérale. Dans ce cas, les deux verbes peuvent être à la forme passive ou active. Ainsi, nous avons deux traductions littérales possibles : 1. "Elle est blanche comme la neige, sans qu'elle ne soit pétrie ni roulée." et 2. "Elle est blanche comme de la neige, peu importe qu'elle sache pétrir ni rouler."

Pour déterminer la traduction la plus plausible de l'expression (41), nous la comparons à d'autres expressions idiomatiques kabyles présentant des similitudes sémantiques. Nous proposons les expressions suivantes : 1. "Ad tnneḥneḥ, awer tɛebbi." (Qu'elle pousse des petits grognements, sans qu'elle porte sur son dos.) et 2. "Ad tderder, awer tarew." (Qu'elle prend du poids, sans qu'elle ait enfanté.)

Ces expressions visent à souligner que seule l'apparence compte. En se basant sur cela, la forme active est privilégiée dans le cas de l'expression (41), et la traduction 2 est la plus plausible.

2 Selon Abrous et Chaker (2013 : 5709), « En raison de sa valeur nutritive, l’œuf est considéré comme un aliment de choix pour les malades, les circoncis et surtout les accouchées qui, durant 30 à 40 jours, en font une large consommation. Pour ces mêmes raisons, les œufs constituent en Kabylie, par exemple, un plat offert aux très proches en signe d’affection. »

3 Ces deux expressions idiomatiques font appel à une autre figure de style, la comparaison. En comparant le sourire jaune à un rire de tête de mouton grillé ou à un rire de tête de mouton grillant sur le feu, on accentue l'aspect négatif et désagréable du sourire. Les références à la tête de mouton grillé renforcent l'idée d'une attitude hypocrite et peu sincère.

Mourad Kichou

Mouloud Mammeri – Tizi Ouzou et Centre de Linguyistique et de la culture amazighes - Béjaia

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Moussa Imarazene

Mouloud Mammeri – Tizi Ouzou et Centre de Linguyistique et de la culture amazighes - Béjaia

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