Approches linguistiques pour la traduction des textes religieux

النهج اللغوي لترجمة النصوص الدينية

Linguistic Approaches to the Translation of Religious Texts

Abderrahmane Ayad

p. 399-416

Citer cet article

Référence papier

Abderrahmane Ayad, « Approches linguistiques pour la traduction des textes religieux », Aleph, Vol 11 (3-2) | 2024, 399-416.

Référence électronique

Abderrahmane Ayad, « Approches linguistiques pour la traduction des textes religieux », Aleph [En ligne], Vol 11 (3-2) | 2024, mis en ligne le 25 juillet 2024, consulté le 11 décembre 2024. URL : https://aleph.edinum.org/12587

La traduction des textes religieux a, depuis une époque très ancienne, suscité de nombreux débats parmi les grands théoriciens grecs et latins. Les réflexions principales de l’époque portaient sur la méthode à adopter pour traduire ce type de texte. Deux tendances ont alors émergé et ont prolongé le débat jusqu’à l’époque moderne : les méthodes littérale et libre. Dans cet article, nous avons examiné la cohérence des avis de Saint Jérôme et de son grand admirateur, Saint Augustin, qui ont plaidé pour et pratiqué l’approche littéraliste dans la traduction des textes sacrés. Nous avons basé notre analyse sur une étude linguistique principalement axée sur la lexicologie. Nous avons comparé des versets tirés de deux traductions du Coran : l’une adoptant une approche libre (celle de Malek Chebel) et l’autre une approche littérale (celle de Hamidullah).

The translation of religious texts has long sparked debates among Greek and Latin theorists. The main issue at the time was which approach to adopt for translating such texts. Two trends emerged and have extended the debate into the modern era : the literal and free methods. This article examines the consistency of the views of Saint Jerome and his great admirer, Saint Augustine, who advocated and practiced the literalist approach to translating sacred texts. We based our analysis on a linguistic study fundamentally grounded in lexicology. We compared verses from two translations of the Quran : one using a free approach (by Malek Chebel) and the other using a literal approach (by Hamidullah).

لطالما أثارت ترجمة النصوص الدينية، منذ زمن بعيد، العديد من النقاشات بين كبار المفكرين اليونانيين واللاتينيين. كانت الأفكار الرئيسية في ذلك الوقت تركز على الطريقة المناسبة لترجمة هذا النوع من النصوص. وقد ظهرت توجهات عديدة واستمرت النقاشات حتى العصر الحديث، بما في ذلك الطريقتين : الحرفية والحرّة. في هذه المقالة، قمنا بدراسة مدى اتساق آراء القديس جيروم ومعجبه الكبير القديس أوغسطين، الذين دافعوا عن وطبقوا النهج الحرفي في ترجمة النصوص المقدسة. استندنا في تحليلنا إلى دراسة لغوية تعتمد أساساً على علم المعاني. قمنا بمقارنة آيات مستخلصة من ترجمتيْن للقرآن : واحدة تتبع النهج الحرّ (ترجمة مالك شبل) وأخرى تتبع النهج الحرفي (ترجمة حميد الله).

Introduction

La traduction est non seulement une manifestation de bilinguisme, mais également un phénomène d’interculturalité et de biculturalité. Chaque langue est intrinsèquement porteuse de la culture qui lui est associée. Lors de l’opération de traduction, on est confronté à deux systèmes linguistiques distincts et aux cultures en constante interaction qu’ils véhiculent.

Du point de vue du contact des langues et des cultures, le traducteur doit soumettre le texte source (TS) à des processus de reproduction spécifiques afin de le recréer dans la langue cible, produisant ainsi des textes cibles (TC) qui peuvent être considérés comme des « copies de l’original ». Les particularités linguistiques et culturelles propres à chaque langue, interagissant tout au long de l’opération de traduction, doivent être rigoureusement prises en compte par le traducteur pour préserver la dimension culturelle de la langue source (LS) et respecter les contraintes linguistiques de la langue cible (LC).

Il serait erroné de considérer cette question comme nouvelle ; les problématiques sous-jacentes ont fait l’objet de nombreuses recherches antérieures1. Nous nous appuierons sur ces travaux pour analyser notre corpus, composé de versets coraniques traduits différemment par Muhammad Hamidullah et Malek Chebel. Le premier a adopté la méthode sourcière ou littérale, tandis que la traduction du second est cibliste ou libre.

Puisque la traduction est une opération interlinguistique, il est crucial de se demander quelle méthode ou stratégie appliquer pour la reproduction des textes sacrés d’une langue source (LS) dans une langue cible (LC), notamment sur le plan lexical. Les référents culturels présents dans ce type de textes doivent-ils être traduits fidèlement ou réécrits en recourant à l’équivalence ? La traduction dite libre peut-elle réellement rendre les intentions de l’auteur du texte source (TS) dans le texte cible (TC) ? La méthode littérale permet-elle de recréer les mêmes sémantismes des mots utilisés par l’auteur dans son TS ?

S’inscrivant dans la continuité des recherches sur le sens en traduction, cet article vise à examiner les contributions théoriques de la linguistique pour réaliser une traduction optimale des textes religieux. Nous nous concentrerons spécifiquement sur le lexique et le vocabulaire, en analysant la traduction des mots du texte source (TS) vers le texte cible (TC).

1. Explorations en traduction : contexte, sens et authenticité

1.1. Contexte et spécialisation du sens en traduction

Le contexte joue un rôle crucial dans la traduction, permettant une restitution précise du sens des unités lexicales. La détermination du sens des mots dépasse les définitions fournies par les dictionnaires et nécessite une analyse approfondie de leur utilisation dans le texte source. Le traducteur doit identifier et reproduire le sens des unités lexicales en fonction du contexte spécifique dans lequel elles apparaissent.

L’analyse contextuelle implique l’examen des environnements lexicaux immédiats qui influencent et restreignent les trajectoires sémantiques des mots. Il est essentiel de considérer ces contextes pour déterminer la signification exacte de chaque unité lexicale et garantir une traduction précise. Le contexte est de nature à réduire la polysémie, clarifiant les significations possibles et assurant l’efficacité et la fidélité de la traduction. Ainsi, il est indispensable, pour comprendre les unités lexicales et produire une traduction fiable, d'ajuster le sens des mots aux spécificités du texte source.

La recherche du sens en traduction est une opération complexe, touchant non seulement au contenu sémantique de l’unité à définir, mais aussi à sa morphologie et à son étymologie. En lexicologie, le sens est traditionnellement défini comme l’ensemble des sémèmes associés à une lexie. Contrairement au lexème, qui est un mot virtuel existant en langue, la lexie est le mot en discours, concret et actuel, inséré en contexte. Selon Émile Benveniste : « Le sens d’une forme linguistique se définit par la totalité de ses emplois, par leur distribution et par les types de liaisons qui en résultent » (Benveniste, 1966).

En traduction, chaque mot à traduire peut être envisagé sous deux aspects distincts : son sens discursif et son sens lexical. Le sens discursif correspond à l’usage du mot dans le texte source (TS), tandis que le sens lexical se réfère à la définition généralement acceptée dans les dictionnaires. Pour le texte cible (TC) de notre copus, il est crucial de comparer les traductions du Coran par Hamidullah et Chebel pour déterminer les réalités et notions décrites par ces mots.

L’analyse du sens d’un mot dans un contexte spécifique révèle comment le mot, même s’il n’est pas attesté dans les dictionnaires, conserve une signification en discours. Le discours, en tant que modalité de production et de conservation des significations lexicales, joue un rôle essentiel dans l’ajustement des significations contextuelles. Il permet d’identifier les charges culturelles, cultuelles ou techniques des mots, et leur comportement dans l’environnement lexical2.

Après l’analyse du corpus, l’impact du contexte sur le sens des mots sera empirique, révélant comment le contexte peut réduire la polysémie des mots et les conduire vers une signification plus précise. Le contexte aide ainsi à affiner le sens des mots dans le texte cible, en contrant la tendance des mots à accumuler des significations multiples et indéfinies.

Cette spécialisation du sens des mots, observée dans de nombreux domaines spécialisés, n’est pas unique à « la langue coranique » mais est également courante dans d’autres langues spécialisées où « chaque métier, chaque état, chaque genre de vie contribue à ce resserrement des mots, qui est l’un des côtés les plus instructifs de la sémantique » (Bréal, 1897).

Ainsi, le traducteur doit interpréter les mots en fonction de leur contexte spécifique pour garantir une traduction fidèle, tout en tenant compte de l’évolution sémantique qui peut survenir au sein de différents discours spécialisés.

1.2. La fidélité comme vecteur de sens et d’authenticité en traduction

La notion de fidélité3 est un concept central dans la théorie de la traduction, particulièrement en ce qui concerne les textes religieux. Depuis longtemps, elle est perçue non seulement comme un moyen de restituer fidèlement le contenu du texte source (TS) dans le texte cible (TC), mais aussi comme un indicateur de l’intégrité scientifique et morale du traducteur. La fidélité permet ainsi de contrer l’adage « traduttore traditore » (traducteur traître), affirmant que « traduire, c’est trahir ».

Historiquement, la fidélité a souvent été associée à la traduction littérale, considérée par certains théoriciens comme la méthode idéale pour les textes sacrés. Cette approche, largement adoptée depuis l’Antiquité, a été formalisée par Saint Jérôme (347-420) qui a introduit le principe « verbum de verbo » (mot-à-mot) pour les textes sacrés, et « sensum exprimere de sensu » (sens pour sens) pour les autres types de textes. Cette distinction a été réaffirmée par Saint Augustin (354-430) et a perduré dans les théories de traduction subséquentes (Guidère, 2010).

Georges Mounin rappelle que Saint Jérôme lui-même a précisé : « Quand je traduis les Grecs, — sauf dans les saintes Écritures, où l’ordre des mots est aussi mystère, — ce n’est pas un mot par un mot, mais une idée par une idée, que j’exprime » (Mounin, 1955). Michaël Oustinoff souligne que cette distinction est essentielle pour la traduction des textes religieux, où une fidélité littérale est jugée nécessaire pour préserver l’intégrité des textes sacrés (Oustinoff, 2003).

Au XIXe siècle, Walter Benjamin a développé une approche de la fidélité basée sur la transparence et la littéralité. Selon Benjamin, la fidélité implique que la traduction reflète l’original sans dissimulation, offrant une sorte de « nostalgie » pour le langage original (Ballard, 1994). Cette vision rejoint l’idée que la fidélité est un vecteur d’authenticité, permettant de conserver la signification originale dans le contexte cible.

La fidélité ne se limite pas à la reproduction intégrale des éléments du texte source ; elle implique également un ajustement en fonction des spécificités contextuelles. Bachet de Méziriac affirme que « la beauté du langage ne suffit pas pour faire estimer une traduction excellente ; la qualité la plus essentielle à un bon traducteur est la fidélité » (Méziriac, 1635, cité par Ballard, 1992). Cette perspective souligne que la fidélité est plus qu’une technique ; elle est une valeur fondamentale.

Dans le contexte musulman, des érudits comme ‘Abd El Hamid Ibn Badis ont également exprimé des principes similaires. Ibn Badis insiste sur la nécessité pour le traducteur de saisir le sens des mots et des phrases, ainsi que le style du texte, pour produire une traduction fidèle et complète (Ibn Badis, Ayad, 2016). Ce point de vue résonne avec les idées de Walter Benjamin sur l’importance de la fidélité dans la traduction, suggérant un parallèle intéressant entre les réflexions traductologiques de différentes traditions.

La fidélité, en conséquence, est un élément clé qui assure l’authenticité de la traduction, en permettant une restitution précise du sens du texte source tout en respectant ses spécificités contextuelles et culturelles.

2.Présentation du corpus et évaluation des traductions

2.1. Délimitation du corpus

Dans cette section, nous délimitons et décrivons le corpus constitué de versets coraniques analysés à partir des traductions de Muhammad Hamidullah et Malek Chebel. Ce corpus comprend neuf passages choisis aléatoirement, extraits de diverses sourates du Coran. Chaque passage contient plusieurs versets, sélectionnés sans respecter l’ordre traditionnel du Coran. Au total, environ quinze versets, comportant une trentaine d’énoncés de nature variée (interrogatifs, déclaratifs, injonctifs, négatifs, etc.), ont été analysés.

Nous ne visons pas une exhaustivité totale, compte tenu de la vaste étendue du Coran, composé de six mille deux cents versets selon Ad-Dânî (cité par Mouhammed Mouhammed Aboû Chouhba, 2003). Cependant, nous affirmons que notre échantillon est représentatif des deux méthodes de traduction : littérale et libre. Cette affirmation repose sur les procédés techniques distincts employés par chacune des méthodes, comme détaillé dans la première partie de cet article.

2.2. Analyse des énoncés et interprétation des résultats

L’analyse des énoncés se fera selon une approche lexicologique, en utilisant une méthode de tabulation. Nous établirons un tableau à cinq colonnes :

  1. Versets en Arabe : Contient les versets originaux en arabe.

  2. Traduction Hamidullah : Présente la traduction des versets par Muhammad Hamidullah.

  3. Traduction Chebel : Affiche la traduction des versets par Malek Chebel.

  4. Exégèse d’Ibn Kathir : Fournit l’explication des versets selon l’exégèse d’Ibn Kathir.

  5. Écarts de Sens : Note les différences lexicales et sémantiques observées entre les traductions de Hamidullah et Chebel, évaluées à la lumière de l’exégèse d’Ibn Kathir.

Cette méthode de tabulation, résumée dans une représentation synoptique, permettra de repérer les écarts sémantiques entre les traductions en comparant directement les traductions de chaque verset et en les confrontant aux explications fournies par Ibn Kathir. Les écarts seront documentés en utilisant des barres obliques pour différencier les écarts entre les traductions de Chebel et Hamidullah.

L’interprétation des résultats sera fondée sur une analyse empirique des écarts lexicaux et sémantiques. Cette analyse visera à identifier et décrire les erreurs de traduction et à évaluer l’efficacité des deux méthodes de traduction. En particulier, nous examinerons comment chaque méthode rend compte des équivalences lexicales et conceptuelles, en mettant en lumière la prédominance éventuelle de la méthode littérale pour la traduction des textes religieux. Nous nous appuierons sur des descriptions lexicologiques pour mesurer l’efficacité des choix lexicaux et évaluer la pertinence des équivalences établies dans la traduction des notions islamiques en français (Ayad, 2024).

Cette approche permettra de tirer des conclusions sur les avantages et les limites de chaque méthode de traduction dans le contexte des textes religieux, en fournissant une base empirique pour nos réflexions théoriques sur la fidélité et l’authenticité en traduction.

Tableau des analyses lexicales

Écarts de sens

Traduction Chebel

Traduction Hamidullah

Exégèse d’Ibn Kathir

Versets en arabe

- Autour d’eux/ parmi eux<br>- Échansons/des garçons<br>- Immortels/éternellement jeunes

1. « Autour d’eux tourneront des échansons immortels. » L’homme, v. 19.

1. « Et parmi eux, circuleront des garçons éternellement jeunes. » L’homme, v. 19.

يطوف على أهل الجنة للخدمة ولدان من ولدان الجنة (مخلدون) أي : على حالة واحدة مخلدون عليها، لا يتغيرون عنها، لا تزيد أعمارهم عن تلك السن.

1. (وَيَطُوفُ عَلَيْهِمْ وِلْدَانٌ مُّخَلَّدُونَ) الإنسان 19.

- Manque des particules d’assertion « Inna et lêm »/restitués par Hamidullah<br>- Glorieux/noble<br>- les gens en état de pureté/purifiés

2. « 77 – C’est un Coran glorieux, 78 – contenu dans un Livre préservé 79 – que seuls les gens en état de pureté peuvent toucher. » L’événement, 77-79.

2. « Et c’est certainement un Coran noble, dans un Livre bien gardé que seuls les purifiés touchent » L’événement, 77-79.

عن ابن عباس : (لا يمسه إلا المطهرون) قال : الكتاب الذي في السماء. (إلا المطهرون) يعني : الملائكة.

2. (إِنَّهُ لَقُرْآنٌ كَرِيمٌ (77) فِي كِتَابٍ مَّكْنُونٍ (78) لَّا يَمَسُّهُ إِلَّا الْمُطَهَّرُونَ) الواقعة 77-79.

- Pleine mesure/estimer<br>- comme une poignée en Sa main/il fera de la terre une poignée<br>- déployés/pliés<br>- l’autre main/dans Sa [main] droite<br>- Gloire à Sa seigneurie, Lui qui est bien au-dessus de ce qu’ils Lui associent./ Gloire à Lui ! Il est au-dessus de ce qu’ils Lui associent.

3. « Et ils n’ont pas donné à Allah Sa pleine mesure ! Au jour de la résurrection, la terre tout entière sera comme une poignée en Sa main, tandis que les cieux seront déployés dans l’autre main. Gloire à Sa seigneurie, Lui qui est bien au-dessus de ce qu’ils Lui associent. » Les groupes, v. 67.

3. « Ils n’ont pas estimé Allah comme Il devrait l’être alors qu’au Jour de la Résurrection, Il fera de la terre entière une poignée, et les cieux seront pliés dans Sa [main] droite. Gloire à Lui ! Il est au-dessus de ce qu’ils Lui associent. » Les groupes, v. 67.

يقول تعالى : وما قدر المشركون الله حق قدره، حين عبدوا معه غيره، وهو العظيم الذي لا أعظم منه، القادر على كل شيء، المالك لكل شيء، وكل شيء تحت قهره وقدرته.<br>قال مجاهد : نزلت في قريش. وقال السدي : ما عظموه حق عظمته.

3. (وَمَا قَدَرُوا اللَّهَ حَقَّ قَدْرِهِ وَالْأَرْضُ جَمِيعًا قَبْضَتُهُ يَوْمَ الْقِيَامَةِ وَالسَّمَاوَاتُ مَطْوِيَّاتٌ بِيَمِينِهِ ۚ سُبْحَانَهُ وَتَعَالَىٰ عَمَّا يُشْرِكُونَ) الزمر 67.

- Incrédule/ajout de Chebel<br>- ne donne pas à Dieux des rivaux/ne donne pas d’associé<br>- d’autres divinités

4. « Et lorsque Loqman dit à son fils, en le sermonnant : Mon fils, ne sois pas incrédule et ne donne pas à Dieu des rivaux. Ceux qui associent à Allah d’autres divinités commettent une immense injustice. » Loqman, v. 13.

4. « Et lorsque Luqmân dit à son fils tout en l’exhortant : « O mon fils, ne donne pas d’associé à Allah, car l’association à [Allah] est vraiment une injustice énorme. » Luqmân, v. 13.

ولهذا أوصاه أولا بأن يعبد الله وحده ولا يشرك به شيئا، ثم قال محذرا له : (إن الشرك لظلم عظيم) أي : هو أعظم الظلم.

4. (وَإِذْ قَالَ لُقْمَانُ لِابْنِهِ وَهُوَ يَعِظُهُ يَا بُنَيَّ لَا تُشْرِكْ بِاللَّهِ ۖ إِنَّ الشِّرْكَ لَظُلْمٌ عَظِيمٌ) لقمان 13.

- Quant/puis<br>- sans le savoir/par ignorance<br>- avant de craindre Dieu/ ajout de Chebel<br>- ont ensuite accompli de bonnes actions/ ont amélioré leur conduite et se sont par la suite repentis/ omission par Chebel<br>- Il est le Miséricordieux/ omission de pardonneur par Chebel/Il est Pardonneur et Miséricordieux.

5. « Quant à ceux qui, sans le savoir, ont commis de mauvaises actions avant de craindre Dieu et qui ont ensuite accompli de bonnes actions, ton Seigneur saura être indulgent à leur égard. Il est le Miséricordieux. Les Abeilles, v. 119.

5. « Puis ton Seigneur envers ceux qui ont commis le mal par ignorance, et se sont par la suite repentis et ont amélioré leur conduite, ton Seigneur, après cela est certes Pardonneur et Miséricordieux. » Les Abeilles, v. 119.

« ثم إن ربك للذين عملوا السوء بجهالة » قال بعض السلف كل من عصى الله فهو جاهل. « ثم تابوا من بعد ذلك وأصلحوا » أي أقلعوا عما كانوا فيه من المعاصي وأقبلوا على فعل الطاعات « إن ربك من بعدها » أي تلك الفعلة والزلة « لغفور رحيم ».

5. (ثُمَّ إِنَّ رَبَّكَ لِلَّذِينَ عَمِلُوا السُّوءَ بِجَهَالَةٍ ثُمَّ تَابُوا مِن بَعْدِ ذَٰلِكَ وَأَصْلَحُوا إِنَّ رَبَّكَ مِن بَعْدِهَا لَغَفُورٌ رَّحِيمٌ) النحل 119.

- Maître du mystère et du témoignage/ le Connaisseur de l’Invisible tout comme du visible<br>- le Clément/ le Tout Miséricordieux

6. « – Il est Allah. Il n’est d’autre Dieu que Lui. Il est le Maître du mystère et du témoignage. Il est le Clément, Il est le Miséricordieux. » Le Rassemblement, v. 22.

6. « C’est Lui Allah. Nulle divinité autre que Lui, le Connaisseur de l’Invisible tout comme du visible. C’est Lui, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. » L’exode, v. 22.

وأنه عالم الغيب والشهادة، أي : يعلم جميع الكائنات المشاهدات لنا والغائبات عنا فلا يخفى عليه شيء في الأرض، ولا في السماء من جليل وحقير، وصغير وكبير، حتى الذر في الظلمات.

6. (هُوَ اللَّهُ الَّذِي لَا إِلَهَ إِلَّا هُوَ عَالِمُ الْغَيْبِ وَالشَّهَادَةِ هُوَ الرَّحْمَنُ الرَّحِيمُ). الحشر 22

- le Très-Saint/Le Pur<br>- L’être de croyance/Le Rassurant<br>- l’Irrésistible/Le Contraignant<br>- L’Orgueilleux/ xxx (omis par Chebel).

7. « – Il est Allah. Il n’est d’autre Dieu que Lui. Il est le Roi, le Très-Saint, le Dispensateur de salut, l’Être de croyance, le Magnanime, le Puissant, l’Irrésistible. Que Sa transcendance soit exaltée aux dépens de ce qu’ils vénèrent en dehors de Lui ! » Le Rassemblement, v. 23.

7. « C’est Lui, Allah. Nulle divinité autre que Lui ; Le Souverain, Le Pur, L’Apaisant, Le Rassurant, Le Prédominant, Le Tout Puissant, Le Contraignant, L’Orgueilleux. Gloire à Allah ! Il transcende ce qu’ils Lui associent. » L’exode, v. 22.

- وقوله : (القدوس) قال وهب بن منبه : أي الطاهر.<br>- وقوله : (المؤمن) قال الضحاك عن ابن عباس : أي أمن خلقه من أن يظلمهم.<br>وقال قتادة : المتكبر : يعني عن كل سوء.

7. (هُوَ اللَّهُ الَّذِي لَا إِلَهَ إِلَّا هُوَ الْمَلِكُ الْقُدُّوسُ السَّلَامُ الْمُؤْمِنُ الْمُهَيْمِنُ الْعَزِيزُ الْجَبَّارُ الْمُتَكَبِّرُ سُبْحَانَ اللَّهِ عَمَّا يُشْرِكُونَ) الحشر 23

- Il rétorqua/il dira<br>- tenir des propos sans fondement/ déclarer ce que je n’ai pas le droit de dire<br>- Tu sais ce qui se loge dans mon âme et je ne sais pas ce qui se loge dans la Tienne/ Tu l’aurais su, certes. Tu sais ce qu’il y a en moi, et je ne sais pas ce qu’il y a en Toi<br>- Tu es Celui qui connaît l’inconnaissable/ Tu es, en vérité, le grand connaisseur de tout ce qui est inconnu.

8. « Dieu dit à Jésus, fils de Marie : Est-ce donc toi qui as dit aux hommes : Considérez-moi, ainsi que ma mère, comme deux divinités en dehors de Dieu ? – Gloire à Toi, rétorqua Jésus, il ne m’appartient pas de tenir des propos sans fondement. Si je les avais tenus, Tu l’aurais su. Tu sais ce qui se loge dans mon âme et je ne sais pas ce qui se loge dans la Tienne. Tu es Celui qui connaît l’inconnaissable. » La Table servie, 116.

8. « (Rappelle-leur) le moment où Allah dira : « O Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens : « Prenez-moi, ainsi que ma mère, pour deux divinités en dehors d’Allah ? » Il dira : « Gloire et pureté à Toi ! Il ne m’appartient pas de déclarer ce que je n’ai pas le droit de dire ! Si je l’avais dit, Tu l’aurais su, certes. Tu sais ce qu’il y a en moi, et je ne sais pas ce qu’il y a en Toi. Tu es, en vérité, le grand connaisseur de tout ce qui est inconnu. » La Table servie, 116.

- وقوله : (سبحانك ما يكون لي أن أقول ما ليس لي بحق) هذا توفيق للتأدب في الجواب الكامل.<br>- (تَعْلَمُ مَا فِي نَفْسِي وَلَا أَعْلَمُ مَا فِي نَفْسِكَ إِنَّكَ أَنتَ عَلَّامُ الْغُيُوبِ) : قال ابن عباس : تعلم ما في غيبي ولا أعلم ما في غيبك ، وقيل معناه : تعلم سري ولا أعلم سرك، وقال أبو روق تعلم ما كان مني في دار الدنيا ولا أعلم.

8. (وَإِذْ قَالَ اللَّهُ يَا عِيسَى ابْنَ مَرْيَمَ أَأَنتَ قُلْتَ لِلنَّاسِ اتَّخِذُونِي وَأُمِّيَ إِلَهَيْنِ مِن دُونِ اللَّهِ قَالَ سُبْحَانَكَ مَا يَكُونُ لِي أَنْ أَقُولَ مَا لَيْسَ لِي بِحَقٍّ إِن كُنتُ قُلْتُهُ فَقَدْ عَلِمْتَهُ تَعْلَمُ مَا فِي نَفْسِي وَلَا أَعْلَمُ مَا فِي نَفْسِكَ إِنَّكَ أَنتَ عَلَّامُ الْغُيُوبِ) المائدة 116.

-Un/Unique<br>- l’Absolu/ Le Seul à être imploré pour ce que nous désirons<br>- Il n’engendre pas (présent/passé)/ Il n’a jamais engendré.

9. 1 – Dis : Lui est Allah, l’Un. <br>2 – Allah l’Absolu.<br>3 – Il n’engendre pas et n’a pas été engendré.<br>4 – Et nul ne saurait L’égaler. » Le culte sincère.

9. 1 Dis : « Il est Allah, Unique.<br>2 Allah, Le Seul à être imploré pour ce que nous désirons.<br>3 Il n’a jamais engendré, n’a pas été engendré non plus.<br>4 Et nul n’est égal à Lui ». Le monothéisme pur.

يعني : هو الواحد الأحد<br>- وقوله : (الله الصمد) قال عكرمة ، عن ابن عباس : يعني الذي يصمد الخلائق إليه في حوائجهم ومسائلهم.

9. (قُلْ هُوَ اللَّهُ أَحَدٌ<br>اللَّهُ الصَّمَدُ<br>لَمْ يَلِدْ وَلَمْ يُولَدْ<br>وَلَمْ يَكُن لَّهُ كُفُوًا أَحَدٌ.) سورة الإخلاص.

2.3. Interprétation des résultats obtenus

Le tableau ci-dessus, ayant servi à l’identification des écarts lexicaux et sémantiques, révèle que le nombre d’erreurs commises par le traducteur Chebel, dont la traduction repose sur une démarche libre, est considérablement plus élevé que les écarts observés dans la traduction de Hamidullah. En effet, la traduction de Chebel représente une majorité écrasante des écarts identifiés, tandis que seulement un écart a été repéré dans la traduction de Hamidullah. Notre procédure d’identification des écarts se base sur l’exégèse du Coran écrite par le grand érudit Ibn Kathir, considéré par les musulmans, notamment les oulémas, comme l’une des meilleures références en matière d’exégèse chez les Gens de la Sounna. Ses interprétations herméneutiques, fondées sur le Coran lui-même et les hadiths prophétiques, sont largement acceptées et ont été essentielles pour déceler les écarts par rapport à cet usage exégétique.

Un examen approfondi des tableaux révèle trois types majeurs d’erreurs dans la traduction des versets par Chebel. Ces erreurs sont intrinsèquement liées aux modalités de recréation de la traduction dans la langue cible, telles que promues par les ciblistes. Voici ces trois types d’erreurs :

2.3.1. Discordances dans les équivalences 

Ce premier type est le plus fréquent. Sous l’ombre des descriptions lexicologiques, il s’agit en fait de dissonances sémantiques entre certains mots arabes et leurs correspondants en français. Illustrons ce type d’erreur par les exemples suivants :

  1. Dans le premier verset figurant dans le tableau (verset 19, L’homme), le complexe nominal (وِلْدَانٌ مُّخَلَّدُونَ) est traduit par Hamidullah par « des garçons éternellement jeunes » et par Chebel par « des échansons immortels ». Sur le plan lexical, la traduction de Hamidullah est plus fiable, car elle rend les sémantismes des deux lexèmes de manière assez fidèle. En effet, le mot « garçons » est un synonyme interlingual du mot arabe (وِلْدَانٌ), pluriel de (وِلَد), signifiant « garçon » ; de même, la locution adverbiale « éternellement jeunes » correspond à l’attribut arabe (مُّخَلَّدُونَ). Cette traduction en français est en accord avec la signification herméneutique de l’exégète Ibn Kathir, qui stipule que ces (وِلْدَانٌ مُّخَلَّدُونَ), ou « garçons éternellement jeunes », sont d’un âge fixe qu’ils conserveront éternellement. En revanche, la traduction de Chebel n’est pas une reproduction fidèle, mais une réécriture, une action d’un deuxième auteur plutôt qu’un traducteur. Selon les théoriciens cibistes, cette approche est celle du traducteur comme deuxième auteur, contrairement aux théoriciens sourciers qui le comparent à un effacé, c’est-à-dire au moment de la traduction. Le terme « échansons immortels » choisi par Chebel est donc en décalage sémantique avec le terme arabe (وِلْدَانٌ مُّخَلَّدُونَ). En effet, le dictionnaire TLF (Trésor de la langue française) définit « échansons » comme « Officier chargé de verser à boire à un dieu, un roi ou un seigneur », un sens en totale dissonance avec le terme arabe (وِلْدَانٌ). Bien que le TLF propose également un sens plus large, « personne qui sert à boire », cela ne correspond pas au sens du verset. Selon Ibn Kathir, fondé sur des hadiths prophétiques, ces garçons du Paradis ont la fonction de servir les habitants du Paradis, ce qui implique un service plus général que simplement servir à boire.

  2. Un autre exemple est celui des versets 77, 78 et 79 de la sourate L’événement, illustré par l’exemple n° 2 du tableau. Le verset en arabe est : إِنَّهُ لَقُرْآنٌ كَرِيمٌ (77) فِي كِتَابٍ مَّكْنُونٍ (78) لَّا يَمَسُّهُ إِلَّا الْمُطَهَّرُونَ (79) L’entité lexicale en question est le mot au pluriel (الْمُطَهَّرُونَ), dont le singulier est (المُطَهَّر), signifiant selon Ibn Kathir « Les Anges ». Cela indique que ce n’est pas le Coran que nous tenons entre nos mains qui est intouchable sauf pour les purifiés, mais le Coran au Ciel, inscrit sur la Table gardée. Ibn Kathir précise : » عن ابن عباس : (لا يمسه إلا المطهرون) قال : الكتاب الذي في السماء. (إلا المطهرون) يعني : الملائكة. « Cette signification est bien rendue par Hamidullah, qui traduit littéralement (المطهرون) par « les purifiés ». Cette démarche est simple et ne nécessite pas d’effort supplémentaire si l’on consulte l’exégèse pour comprendre le sens du mot « purifiés ». En revanche, Chebel, soit par méconnaissance du sens du verset, soit par inadvertance (ou en raison d’une obédience religieuse interdisant de toucher le Coran sans ablution), a opté pour une traduction erronée. Chebel a traduit le verset comme suit : « C’est un Coran glorieux, contenu dans un Livre préservé, que seuls les gens en état de pureté peuvent toucher. » En comparaison, Hamidullah a traduit : « Et c’est certainement un Coran noble, dans un Livre bien gardé, que seuls les purifiés touchent. » Le « Livre bien gardé » avec une majuscule désigne la Table gardée (اللوح المحفوظ), à partir de laquelle le Coran a été révélé, comme le mentionne la Sounna.

  3. Un troisième exemple illustrant ce type d’erreur est celui du verset 67 de la sourate Les Groupes : وَمَا قَدَرُوا اللَّهَ حَقَّ قَدْرِهِ وَالْأَرْضُ جَمِيعًا قَبْضَتُهُ يَوْمَ الْقِيَامَةِ وَالسَّمَاوَاتُ مَطْوِيَّاتٌ بِيَمِينِهِ ۚ سُبْحَانَهُ وَتَعَالَىٰ عَمَّا يُشْرِكُونَ Le verbe au passif (قَدَرُوا), utilisé dans une phrase négative (وَمَا قَدَرُوا), attire l’attention. Cette action est imputée aux incroyants mecquois et projetée sur Allah, indiquant qu’ils ne L’ont pas estimé à Sa juste grandeur. Ibn Kathir explique ce verset ainsi : » قال السدي : ما عظموه حق عظمته. « Cela signifie qu’ils ne L’ont pas estimé à Sa juste grandeur. Hamidullah rend parfaitement le sens du verbe dans sa traduction littérale : « Ils n’ont pas estimé Allah comme Il devrait l’être alors qu’au Jour de la Résurrection… ». Il parvient ainsi à maintenir le sens littéral du verbe. En revanche, Chebel, en mettant l’accent sur un langage esthétique au détriment de la fidélité au sens des mots, traduit : « Et ils n’ont pas donné à Allah Sa pleine mesure ! Au jour de la résurrection… » Cette traduction matérialise la notion d’estimation contenue dans le verbe arabe (قَدَرُوا), une notion abstraite et spirituelle, et la remplace par une notion concrète et mesurable. Ce décalage soulève la question de la possibilité de mesurer Allah, dont la grandeur dépasse toute mesure humaine. Ibn Kathir explique que les associateurs n’ont pas estimé Allah à Sa juste valeur en adorant d’autres divinités en même temps que Lui, alors qu’Il est l’Immense en mérite et incomparable en valeur.

Plusieurs autres décalages sémantiques dans la traduction de Chebel sont recensés dans la colonne « écarts de sens » du tableau.

2.3.2. Divergences grammaticales arabe-français : effets sémantiques et rhétoriques

Les divergences entre les fonctions grammaticales en arabe et en français peuvent engendrer des erreurs de traduction significatives, notamment en ce qui concerne la portée sémantique et l’effet rhétorique des séquences traduites. Cette section examine deux exemples illustratifs de ces problèmes.

  1. Premier Exemple : dans le verset 77 de la sourate Les Groupes, Chebel omet les particules d’assertion présentes dans le texte arabe, à savoir (إِنَّهُ لَقُرْآنٌ كَرِيمٌ (77) فِي كِتَابٍ مَّكْنُونٍ (78) لَّا يَمَسُّهُ إِلَّا الْمُطَهَّرُونَ). La traduction proposée par Chebel est : « C’est un Coran glorieux, contenu dans un Livre préservé, que seuls les gens en état de pureté peuvent toucher. »
    Cette traduction omet les particules assertives « إِنَّ » et « لام » (appelé en arabe « lêm el qacèm », ou « lêm du serment »), lesquelles ajoutent une dimension d’affirmation emphatique au texte arabe. En conséquence, la traduction de Chebel manque de la force assertive et de l’affirmation emphatique présentes dans le texte original, réduisant ainsi la portée sémantique du verset à une simple description d’un livre ordinaire. En contraste, Hamidullah traduit le verset comme suit : « Et c’est certainement un Coran noble… ». Cette version conserve l’écho affirmatif du texte arabe, reflétant fidèlement son intensité assertive.
    Les « raccourcis fonctionnels » adoptés par Chebel ne résultent pas d’une insuffisance de la langue française pour rendre ces particules, mais plutôt d’un manque de prise en compte de leur impact sémantique. Comme l’indique Georges Mounin : « Il est clair après tout qu’on peut traduire en français mille fois plus de formes grammaticales qu’il en existe de reconnues et de classées systématiques. (…) ce qui, pour nous traducteurs, signifie que nous ne devons jamais conclure, du fait qu’une tournure est ignorée par notre langue, à l’impossibilité de la traduire. » (Mounin, 1955, p. 47).

  2. Le deuxième problème identifié est l’omission de la particule appellative « يَا » en arabe, qui se traduit en français par « ô ». Dans le verset (وَإِذْ قَالَ اللَّهُ يَا عِيسَى ابْنَ مَرْيَمَ...) (sourate La Table 116), Chebel traduit : « Dieu dit à Jésus, fils de Marie : Est-ce donc toi qui as dit aux hommes… »
    Cette traduction ne rend pas l’appellatif « يَا », entraînant ainsi une perte de la dimension stylistique et poétique du texte original. Hamidullah, en revanche, traduit le verset avec fidélité à la forme originale : « (Rappelle-leur) le moment où Allah dira : « O Jésus, fils de Marie… » ». Cette version conserve l’interpellation et le ton divin du Seigneur, soulignant l’importance de cette particule dans le texte.

D’autres exemples figurant dans le tableau de l’étude illustrent également ces problèmes de traduction liés à la fonction grammaticale et à l’effet rhétorique.

2.3.3. L’omission et son impact en traduction 

L’omission constitue un type d’erreur particulièrement problématique dans le domaine de la traduction. Elle peut avoir des répercussions significatives sur plusieurs dimensions de la traduction : la précision sémantique, la cohérence stylistique, l’intégrité de l’information, ainsi que la rigueur de l’enchaînement des idées de l’auteur. Les omissions peuvent compromettre la crédibilité de la traduction en laissant le lecteur francophone dans l’ignorance de passages essentiels du texte source. Ce problème est d’autant plus critique lorsque les passages omis sont fondamentaux pour une compréhension complète du texte original. Seul un examen minutieux par un spécialiste ou un lecteur bilingue averti peut révéler ces lacunes. Ibn Badis souligne cette problématique en ces termes :

« Par contre, s’il résume les paroles, les suspend, en supprime certaines phrases ou n’assimile pas toutes leurs visées, il n’aura bien entendu pas accompli son devoir. Il aura, tout au contraire, commis un crime contre l’auteur, contre ceux desquels celui-ci rapporte, contre le journal diffuseur et contre les lecteurs pour lesquels il a traduit. » (Ibn Badis, Ayad, 2016).

Les omissions, souvent négligées par l’école cibiste, représentent un problème majeur dans la traduction. Pour illustrer ce phénomène, deux exemples pertinents sont présentés :

  1. Premier Exemple : dans la sourate Les Abeilles (verset 119), Chebel omet le syntagme (ثُمَّ تَابُوا مِن بَعْدِ ذَٰلِكَ), traduit par Hamidullah comme : « et se sont par la suite repentis ». Ce segment est crucial car il précise que le pardon divin est conditionné par un repentir préalable. Sans ce passage, la traduction de Chebel, qui est : « Quant à ceux qui, sans le savoir, ont commis de mauvaises actions avant de craindre Dieu et qui ont ensuite accompli de bonnes actions, ton Seigneur saura être indulgent à leur égard. Il est le Miséricordieux », perd l’essence du repentir requis pour obtenir le pardon. Le verset complet en arabe est : (ثُمَّ إِنَّ رَبَّكَ لِلَّذِينَ عَمِلُوا السُّوءَ بِجَهَالَةٍ ثُمَّ تَابُوا مِن بَعْدِ ذَٰلِكَ وَأَصْلَحُوا إِنَّ رَبَّكَ مِن بَعْدِهَا لَغَفُورٌ رَّحِيمٌ). Hamidullah traduit fidèlement : « Puis ton Seigneur envers ceux qui ont commis le mal par ignorance, et se sont par la suite repentis et ont amélioré leur conduite, ton Seigneur, après cela est certes Pardonneur et Miséricordieux. » L’explication d’Ibn Kathir souligne l’importance du passage omis : (ثُمَّ تَابُوا مِن بَعْدِ ذَلِك)؛ أي أقلعوا عما كانوا فيه من المعاصي وأقبلوا على فعل الطاعات, ce qui se traduit par : « C’est-à-dire qu’ils ont abandonné les péchés qu’ils perpétraient et se sont donnés à pratiquer les œuvres d’obéissance… ».

  2. Deuxième Exemple : dans la sourate L’Exode (verset 7), Chebel omet la traduction du Nom divin (الْمُتَكَبِّرُ), que Hamidullah traduit par « L’Orgueilleux ». Le verset en arabe est : (هُوَ اللَّهُ الَّذِي لَا إِلَهَ إِلَّا هُوَ الْمَلِكُ الْقُدُّوسُ السَّلَامُ الْمُؤْمِنُ الْمُهَيْمِنُ الْعَزِيزُ الْجَبَّارُ الْمُتَكَبِّرُ سُبْحَانَ اللَّهِ عَمَّا يُشْرِكُونَ). Hamidullah traduit : « C’est Lui, Allah. Nulle divinité autre que Lui ; Le Souverain, Le Pur, L’Apaisant, Le Rassurant, Le Prédominant, Le Tout-Puissant, Le Contraignant, L’Orgueilleux. Gloire à Allah ! Il transcende ce qu’ils Lui associent. » En revanche, Chebel traduit : « Il est Allah. Il n’est d’autre Dieu que Lui. Il est le Roi, le Très-Saint, le Dispensateur de salut, l’Être de croyance, le Magnanime, le Puissant, l’Irrésistible. Que Sa transcendance soit exaltée aux dépens de ce qu’ils vénèrent en dehors de Lui ! ». L’omission du Nom (الْمُتَكَبِّرُ), défini par Qatêda comme « L’Orgueilleux, c’est-à-dire envers le mal » (Qatêda a dit : « L’Orgueilleux, c’est-à-dire envers le mal »), prive le lecteur de cette dimension importante de la description divine.

Conclusion

Cet article a examiné la validité scientifique et éthique des approches littérale et libre pour la traduction des textes religieux à travers une analyse empirique. En se concentrant sur les versets coraniques, nous avons mis en lumière la supériorité de la méthode littérale pour ce type de texte.

Notre étude a également remis en question les principes de l’école cibliste contemporaine, qui favorise une approche plus créative et contextuelle dans la traduction, souvent au détriment de la précision littérale. Cette approche critique le « mot à mot », considéré comme une méthode rigide par certains universitaires.

En utilisant des outils lexicologiques pour une analyse empirique, nous avons démontré que la méthode littérale est plus efficace pour traduire les textes religieux islamiques écrits en arabe. Le Coran, en tant que texte central de la littérature islamique, a servi de corpus pour cette étude. La comparaison entre la traduction littérale de Hamidullah et la version libre de Chebel a révélé que la méthode littérale assure une meilleure fidélité au texte source, particulièrement en ce qui concerne les équivalences lexicales et sémantiques. Les erreurs observées dans la traduction libre de Chebel accentuent la préférence pour la méthode littérale dans la traduction des textes sacrés islamiques.

1 De Michel Bréal,  La sémantique, à Georges Mounin ,Les problèmes théoriques de la traduction, les réflexions ont le plus souvent porté sur les

2 En linguistique, il est utile de différencier entre la signifiance (sens en discours) et la signification (sens en langue). Gustave Guillaume

3 La notion de fidélité en traduction est bien documentée et discutée dans la littérature traductologique. Les réflexions historiques, notamment

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1 De Michel Bréal,  La sémantique, à Georges Mounin ,Les problèmes théoriques de la traduction, les réflexions ont le plus souvent porté sur les influences mutuelles respectives des deux langues en interaction, source et réceptive, sur les plans du sens des mots et des phrases à traduire, que cela relève du niveau dénotatif ou littéral, ou que cela se rapporte au volet connotatif et aux référents culturels, sociaux ou psychologiques que charrient les lexies dans les contextes où elles sont occurrentes. (Mounin 1963)

2 En linguistique, il est utile de différencier entre la signifiance (sens en discours) et la signification (sens en langue). Gustave Guillaume distingue la signification (sens conservé dans la langue) de l’effet de sens (significations produites par le discours). Cette distinction permet de mesurer la fidélité du sens transmis dans la traduction par rapport au texte source

3 La notion de fidélité en traduction est bien documentée et discutée dans la littérature traductologique. Les réflexions historiques, notamment celles de théoriciens comme Saint Jérôme, et des études contemporaines sur la traduction, soutiennent l'importance de la fidélité.

Abderrahmane Ayad

Université de Jijel

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