Le présent travail se propose d’établir une comparaison entre « Voyage en France » (1845-1846) de Mohammed Assaffar et « Mon premier voyage en France »(1952)1 (d’Abdelhadi Tazi en focalisant sur leur expérience interculturelle. Si nous avons choisi de travailler sur ces deux auteurs, c’est parce qu’ils sont, du point de vue culturel, très représentatifs. S’agissant de l’approche comparatiste, celle-ci, nous permettra de parler des aspects humanistes chez l’un comme chez l’autre en plus de nous aider à décrire et analyser les différences et les similitudes à travers leurs textes. Il va sans dire que le comparatisme, comme le confirme Bénédicte Letellier, nous permet non seulement de comprendre le comparable, mais aussi d’approfondir notre réflexion sur l’incomparable. Il précise donc que :
« La représentation de l’altérité suppose de savoir quelles sont les limites
à partir desquelles le prédicat «autre» peut s’appliquer. Qui est l’autre?
Ou, à quoi renvoie le même? Quelle est la frontière qui me permet de dire
que je ne suis pas l’autre? Comment discerner dans un texte la part de l’autre
et celle du même? (Bénédicte Letellier 2010 : 20).
Cette conception est soutenue aussi par le grand comparatiste français René Etiemble.
Il convient d’entrée de jeu de préciser que Mohammed Assaffar Ben Abdellah Al Andaloussi Attitouani a effectué son voyage en France vers la fin de la première moitié du XIXe siècle sur ordre du sultan Moulay Abderrahmane et ce pour écrire « un rapport » (récit de voyage) sur la culture française et la modernité occidentale, tandis que le voyage de Tazi au même pays est effectué pour répondre à l’invitation d’une famille française. Il s’agit d’un récit autobiographique. Ces deux récits sont écrits en arabe et traduits ultérieurement en français. Le travail d’Assaffar est édifiant dans la mesure où il est considéré comme l’un des premiers récits écrits sur l’Hexagone. Il est motivé par des raisons stratégiques du Royaume dont la principale est d’apprendre sur la France, sa culture et sa politique pour pouvoir mieux lui faire face si elle ose envahir le territoire marocain surtout après la colonisation de l’Algérie. Assaffar à l’instar de Tazi a parcouru plusieurs villes françaises tout en s’acculant à porter un intérêt spécifique à la ville de Paris. Le voyage d’Assaffar est effectué au XIXe siècle alors que celui de Tazi est au XXe siècle. Assaffar est un fakih faisant partie des dignitaires de Tétouan. Tazi a reçu une éducation religieuse avant de s’ouvrir sur la culture occidentale.
Ces deux voyageurs sont issus de familles nobles et aisées. Assaffar n’a pas été suffisamment
initié à la culture française avant de se rendre en France faute de documents et de moyens tandis que Tazi, vu le savoir accumulé sur ce pays au XXe siècle, était mieux initié, cependant la culture marocaine était au milieu du XXe siècle très conservatrice. Assaffar avait accompagné Abdelkader Achâach ; futur ambassadeur du Maroc en France. Tazi est ambassadeur, il a été accrédité dans plusieurs capitales, entre autres, Bagdad, Tripoli, Téhéran et Abou Dabi. En plus d’être ambassadeur, il est écrivain et académicien. Les deux se sont bien insérés dans la société française pour la connaître de près dans ses fins fonds. Les deux thèmes essentiels autour desquels tournent leurs écrits sont : le voyage et la modernité. Grâce donc à ces deux thèmes, l’interculturel gagne chez eux en envergure chaque fois que l’on avance dans la lecture de leurs récits. Cela nous permettra de nous arrêter sur le rapport de la culture marocaine et la culture française. Notre recours à une approche comparatiste, se justifie par le fait que les récits de ces deux auteurs ont plusieurs éléments en commun. A cela vient s’ajouter cette possibilité qu’ils nous offrent, celle d’évaluer l’évolution du regard marocain porté sur la culture française entre deux temporalités : le XIXe siècle et le XXe siècle. De là, ce va-et-vient entre deux cultures et deux temporalités, en plus de nous permettre de mesurer l’impact de l’une sur l’autre, il nous aidera à apporter plus d’éclairage sur l’évolution de la culture et de l’identité nationales. Nous tâcherons, en plus de ce que nous avons dit, à travers cette approche comparatiste de comprendre le concept de l’interculturel à travers l’expérience viatique de ces deux voyageurs. Concrètement, ces deux auteurs décrivent la société française et le peuple français en mettant en lumière leurs habitudes, leur mode de vie, leurs activités…et c’est à travers ces descriptions, et les relations que ces deux voyageurs entretiennent avec l’autre et sa culture, des connaissances altéritaires s’intimisent, des alliances se cimentent et de nouvelles conquêtes des esprits se matérialisent.
En plus de ce qui a été dit, il convient d’ajouter la spécificité du récit de voyage qui se ressource de plusieurs domaines. Cette hybridité, outre qu’elle reflète le brassage des cultures, permet à tout chercheur de s’arrêter sur la richesse du foisonnement interculturel qui caractérise ce genre d’écrits. Ce rapprochement culturel ne saurait s’effectuer sans avoir l’intention de faire dialoguer les deux cultures marocaine et française. De ce fait, le voyage est l’une des entrées les plus efficaces dans la culture de l’autre. Il permet continûment au voyageur-quêteur de «s’imbiber » et de « s’extraire », car il observe et il s’observe et lorsqu’il analyse et il s’auto-analyse. Or l’intérêt aux vertus de l’exotisme s’impose, au fil du récit viatique, comme une véritable toile de fond. Ce qui énergétise chez lui l’intérêt à la culture comme doux pouvoir (Soft Power) pour reprendre les termes de Joseph S. Nye2, d’autant qu’il s’agit d’une culture typiquement exotique.
Assafar : un infatigable voyageur
De retour à Assaffar, celui-ci après avoir parcouru plusieurs villes françaises dont il était très épris, il s’arrête enfin à Paris la ville métropolitaine de la France. Cette ville métropolitaine où il s’est arrêté se taille une grande partie parmi les descriptions consacrées à la France.
Elle est le chantre de la modernité par excellence et à tous les niveaux :
« Il faut que tu saches que cette ville [Paris]3 constitue la base et le noyau
de la France, la métropole du territoire français, le trône de leur monarchie,
la résidence de leurs grands hommes, la source de leur législation, le siège
de leur gouvernement et la maison de leurs sciences. Ils s’énorgueillissent
de leur capitale, rivalisent de sa population et se réjouissent de ses habitants,
de leurs us et coutumes, de leurs lettres et arts, de leur culture et civilisation. » (Mohammed Assaffar 2002 : 123).
L’attirance d’Assaffar pour la ville de Paris émane du fait qu’elle est différente des villes marocaines de par ses aspects modernes en plus d’être une ville créativement possibilisante dans la mesure où elle l’aide à authentifier son expérience de l’altérité. Il est à rappeler que la culture du voyageur est traditionnelle. Assaffar, il faut le rappeler, est un fakih, il est de culture religieuse et partant très conservatrice. Du coup, s’il est émerveillé par la splendeur de Paris, c’est parce qu’elle est une ville moderne et la métropole du territoire français. Etant une ville différente à plusieurs niveaux, elle diversifie chez lui les représentations culturelles sur l’Occident en général et la France en particulier. De cette sorte l’interculturel gagne à chaque fois en ampleur en prenant des formes hétérogènes. Au fil de ses descriptions de cet espace urbain, les images qu’il se fait de la modernité se défilent. La modernité pour lui, à travers la description de Paris, c’est la splendeur, l’architecture, la prégnance des lettres et des arts sans qu’il nous échappe de signaler l’intérêt spécifique accordé par les parisiens aux sciences. Cet espace exotique inégalable, permet à chaque fois à Assaffar de mettre en mouvement des souvenirs tout en multipliant les comparaisons avec sa propre culture marocaine traditionnelle :
« Comparées à cette cité [Paris]4 très populeuse, les autres villes françaisesparaissent dépeuplées ; pour expliquer cette sensation on ne peut qu’évoquerle jour du souk chez nous par rapport au calme des autres jours de la semaine. Leur capitale compte un million d’âmes suivant le témoignage d’un parmi ses habitants. » (Mohammed Assaffar 2002 : 124).
Ce recours au parallélisme et à l’hypotypose, en plus de dynamiser la comparaison des deux cultures marocaine et française, il vitalise l’intérêt à la tradition comme élément facilitateur de compréhension de la culture française. Il y a autant d’éléments imprégnés à travers le récit d’Assaffar qui rendent comptent des composantes essentielles des deux cultures précitées. Ce voyageur issu d’un milieu traditionnel et conservateur, trouve à chaque fois une exultation inqualifiable en décrivant la modernité de Paris tout en la comparant à des objets relevant de la culture marocaine.
C’est effectivement lorsqu’il se met à décrire les chambres flottantes sur la Seine servant de bain qu’il évoque le hammâm dans la culture marocaine :
« […]. D’autres chambres en bois identiques, flottant aussi sur le fleuve servent de bain, divisées en petites cabines où s’isole le baigneur. Chaque cabine est munie d’une baignoire qu’on peut remplir d’eau tiède en mélangeantde l’eau fraîche et de l’eau chaude. Voilà donc leur hammâm, car ils ne possèdent pas de bains maures comme chez nous. » (Mohammed Assaffar 2002 : 128).
Ce milieu parisien sur lequel focalise Assaffar, s’il est particulièrement apprécié par lui, c’est bien parce qu’il reflète un foisonnement herbeux de la différence culturelle dont il est émerveillé et extasié. Et il n’épargne aucun effort de revenir à chaque fois à sa culture marocaine pour donner des comparaisons de nature culturelle. Cela montre à quel point ce voyageur-quêteur est fort sensible à la différence et à la beauté de la ville des Lumières qui lui donne une dilatation jouissive inégalable. C’est au moment où il extériorise ses sentiments d’exultation et de fascination qu’il lève le voile sur son désir d’appartenance à cet espace magnifique. Cette ville qui emblématise la modernité devient, dans bien des occurrences, comme un dédale où il se perd car, à un moment donné, tout chez lui s’entremêle : l’ici et l’ailleurs, le connu et l’inconnu, la tradition et la modernité, l’éphémère et l’éternel, le passé et le présent etc, comme s’il s’agissait d’un éveil subreptice et volcanique à la fois. Cela revient à dire que la modernité occidentale est tellement saisissante qu’elle devienne l’égale d’une obsession. Cela a largement contribué à l’édification des bases de communication interculturelle.
Altérité et diversité culturelle
L’éthique du voyage chez Assaffar est toujours en phase de construction dans la mesure où il s’agit d’un voyage vers une ville qui symbolise par excellence la modernité. A cela vient s’ajouter la culture religieuse du voyageur. S’agissant de la tradition, celle-ci est profondément enfouie dans son univers de croyance. C’est bien cela qui explique l’émerveillement et la fascination de ce fakih marocain pour Paris. Cela, en outre brise ses convictions dogmatiques sur l’identité et la tradition. Tout un chacun peut comprendre la frénésie et l’hypotypose qui caractérisent ses descriptions de la ville des Lumières, car il s’est habitué à des us où les traditions ancestrales priment sur le recours à la scientificité des choses. L’ambivalence dans laquelle il se trouve cantonné est bien la suivante : les français sont des chrétiens laïcs et civilisés. Contrairement à cela, son pays est arriéré à tous les niveaux. Il est à préciser qu’Assaffar est l’un des premiers marocains qui ont largement contribué au dialogue entre la culture marocaine et française. L’attirance qu’il a pour la France est concentrée autour d’une idée centrale qui est la modernité. L’on comprend, de ce fait, à travers les descriptions parsemées à travers son récit que l’identité ne peut évoluer que dans la diversité. S’il est fasciné par les valeurs de la modernité comme la liberté, l’égalité, la raison, la démocratie et l’individualisme, c’est parce qu’il s’est habitué à une culture où la tutelle religieuse et intellectuelle est prégnante. Il est à préciser que la raison n’est pas accueillie vaillamment dans la culture orientale, c’est ce qui fait que, traditionnellement, les orientaux ont cherché une sorte d’harmonisation entre le philosophique et le théologique appelée « Théosophie » ou encore « Sagesse ». Il est vrai que la raison est une faculté humaine, mais la tradition musulmane veut que tout passe sous un couvert religieux pour donner un caractère divin à l’ici-bas et à l’au-delà. Dans ce même contexte, il convient de dire que si l’identité évolue grâce à l’ouverture sur l’autre, le dogmatisme, par contre, ne peut pas évoluer. Par voie de conséquence, il débouche sur le fondamentalisme, l’aveuglement, le communautarisme, le fanatisme etc. Plus l’identité s’extrêmise dans l’enfermement, plus elle se pervertit en devenant insoutenable. Ainsi le traditionalisme se conforte-t-il par la consolidation d’un perfectionnisme qui n’existe que dans l’imagination. Sans qu’il laisse apparaître d’une façon explicite son dénigrement de la culture conservatrice de son pays, Assaffar a du moins le mérite de faire ébranler une quantité de valeurs séculaires préconstruites bien enracinées dans sa culture maternelle. Et il finit par relativiser ses points de vue sur les valeurs des occidentaux. Concrètement, les valeurs marocaines en particulier et orientales en général, si intéressantes qu’elles soient, sont cramponnées à l’idéalisme, le perfectionnisme et l’utopie, car elles sont surtout penchées vers l’au-delà. Si l’évolution spirituelle constitue la toile de fond et la sacro-sainte de la culture orientale dont elle est issue, la culture occidentale n’a véritablement qu’une seule tradition bien vénérée, c’est le rationalisme. C’est bien celui-là qui fait de l’évolution effective et à tous les niveaux son point d’ancrage. Il paraît intéressant, pour nous, de préciser que la civilisation de l’universel est bien celle qui impose ses valeurs qui sont forcément issues de multiples métissages culturels. L’aspect le plus dominant de la civilisation occidentale qui nous semble important à souligner, c’est l’aspect matériel. C’est bien celui-ci qui a remarquablement fasciné Assaffar lors de son séjour parisien. Pour lui, il serait vain de contester l’impact de la modernité sur l’évolution des nations. Le trio : La liberté de la pensée, la liberté d’expression et la liberté de la création, l’ont beaucoup frappé. Rien donc n’est plus périlleux que d’imposer une tutelle sur la pensée, l’expression et la création. Sur ce fond, voyager pour lui, est une possibilité de voir la vie au pluriel.
A travers le récit d’Assaffar, il y a une constante qui revient comme une évidence et qu’il serait vain de contester, c’est que la diversité culturelle est enrichissante quelle qu’en soit la source et que la question de la religion est fondamentalement intouchable. Cela se justifie par le fait qu’elle a vocation à être exclusive contrairement aux autres composantes de la culture. D’une façon plus concrète, Assaffar, à bien des égards tout au long de son récit de voyage, fait allusion à l’Islam. La religion, à ses yeux, mérite d’être rappelée parce qu’elle est l’un des fondements de l’identité. Manifestement, il cherche, sans coup férir, à confirmer sa spécificité culturelle lorsqu’il se met à décrire l’homme et la culture occidentale, mais ce qui
est plus frappant, c’est ce retour très puissant à la moralité religieuse -la tradition religieuse- à la fin de son récit viatique. Dans ce sens, ce qui importe pour lui, c’est de montrer
constamment son attachement à la communauté des croyants. D’ailleurs très en vogue dans les récits portant sur l’exotisme :
« […], et je demanderais à Dieu de pardonner mes fautes et mes erreurs dues
aux péchés cueillis de ma main, à l’affreuse immoralité perçue de mes yeux, à l’idolâtrie et la dénégation ignominieuses entendues par mes oreilles, ainsi qu’à la fréquentation des gens de la perdition. » (Mohammed Assaffar 2002 : 236).
Le recours incessant à la religion, outre qu’il est investi à travers le récit pour souligner la démarcation culturelle, il est dicté par une lourde tradition qui relie tout à la religion. Et ce n’est pas seulement pour marquer une certaine distance avec la culture des Roumis -occidentaux- chaque fois que le voyageur aborde des sujets relatifs aux us et coutumes, mais aussi, il faut le souligner, pour faire montre de révérence et d’attachement aux valeurs religieuses séculaires du Maroc auprès de Moulay Abderrahmane. Il est à rappeler que le récit de voyage (rapport) écrit par Assaffar est destiné au bout du compte à ce Sultan. Autant dire, par tradition ou par coutume, le recours à la culture religieuse, dévoile que la communauté de religion est plus consistante et rassurante pour confirmer son identité. Voici dès lors ce qui justifie cette présence récurrente du religieux à travers « Voyage en France ».
Encore est-il important de rappeler que le voyage d’Assaffar en France en compagnie d’Abdelkader Achâach et d’autres membres d’une expédition officielle, est motivé surtout par des raisons stratégiques qui profitent au Maroc surtout après la colonisation de l’Algérie par la France. De ce fait, ce voyage est au fond de nature, outre que stratégique, préventive. Autrement dit, la culture marocaine, qui est d’ailleurs bien enfouie dans des traditions ancestrales, a éventuellement la possibilité de se battre pour sa survie avec la culture française qui, contrairement à la marocaine, est basée sur les valeurs de la modernité. Que
craignait le Maroc alors ? La colonisation de l’Algérie sonne le glas du danger pour le Maroc. Ce subtil rapport du Royaume à la modernité est dicté d’abord par la crainte d’être colonisé. C’est évidemment pour ne pas voir les choses en haut de l’échelle ou encore d’apprendre sur la France de sources loin d’être fiables que le sultan marocain s’évertue d’envoyer l’expédition d’Achâach et Assafar en France. Assaffar devient donc témoin d’une différence culturelle aussi riche que magnifique :
« Les parisiens sont reconnus pour leur intelligence, leur perspicacité et leur clairvoyance. Ils ne se contentent pas de connaître par tradition et habitude, ils cherchent au contraire l’origine des choses, la justifient et la critiquent. Comme preuve de leur persévérance dans l’apprentissage et l’instruction, ils savent tous lire et écrire ; ils enregistrent tout dans des livres même ce qui relève de l’artisanat. » (Mohammed Assaffar 2002 : 157).
La comparaison établie par le voyageur nous a donc permis d’identifier les différences qu’il a collectées en plein milieu parisien. Cela dévoile à quel point l’intérêt à l’autre par curiosité d’apprentissage et partant d’enrichissement et d’épanouissement culturels, est une forme palpable de l’humanisme.
Le voyage devient donc un prétexte pour l’ouverture sur la diversité foisonnante du monde. Dans ceci, Assaffar joue un rôle médiateur et de trait d’union entre la culture marocaine et française. De ce fait, son parcours à Paris, en plus de lui permettre d’établir des comparaisons, est vécu comme un rêve dans la mesure où il lui permet de s’affranchir des contraintes culturelles traditionnelles auxquelles il s’est habitué. Cependant, l’attractivité de la modernité de l’ailleurs et l’attachement aux repères identitaires créent parfois chez le voyageur un tiraillement obsessionnel. Ce va-et-vient entre la marocanité et la francité constitue effectivement la plate-forme d’un processus de brassage culturel. Au fait, le milieu parisien qu’il décrit est propice à de nouvelles connaissances. A Paris, il a appris que les parisiens ne se contentent pas de connaître par tradition et habitude, mais d’aller fouiner au fond des choses tout en les justifiant et en les critiquant.
Abdelhadi Tazi et la découverte de la France
A son tour Abdelhadi Tazi, lors de son premier voyage en France, fait montre de beaucoup d’enthousiasme dans sa quête de l’altérité. A ce propos, le récit de voyage de par sa plasticité genrologique, lui permet par excellence de textualiser l’hybridité culturelle du pays d’accueil. Voilà donc pourquoi ce voyageur y fait recours. A l’instar d’Assaffar, Tazi est surtout attiré par la modernité occidentale. Celle-ci est d’autant plus évocatrice qu’elle pousse le voyageur à décrire ses aspects les plus fascinants :
« A notre arrivée à Bordeaux, nous fûmes subjugués par la ville et ne savions plus où tourner la tête : les tramways, les bus, la foule, la cathédrale […] que c’était beau ! Ce modernisme soudain nous enchantait. Nous avions conscience d’être dans un autre monde. Qu’il était loin ce Maroc dont nous avions pensé qu’il était à la pointe du progrès… Cela remettait les pendules à l’heure !» (Abdelhadi Tazi 1952 : 29-30).
Ce qui résulte de cette rencontre avec la culture de l’autre, c’est bien cette influence pleinement subie par Tazi. Cet autre univers de civilisation, étant tellement moderne, pousse le voyageur à se moquer du « progrès » de son pays le Maroc. Symboliquement, le pays dont il est issu, occupe au fil du récit un statut de plus en plus marginal vu son arriérisme par rapport à la France. Il n’y a pas de doute que c’est à une prolifération d’aspects de la modernité que Tazi est confronté au point de se sentir perdu. Et c’est dans bien des occurrences qu’il se met à critiquer à l’emporte-pièce la culture traditionnelle de son pays.
Dans cette même perspective, il convient de dire que la diasporisation cultuelle d’un pays est inhérente à son rayonnement civilisationnel. Dans tout ceci, l’ouverture est toujours sollicitée. D’ailleurs l’identité d’une personne ou d’un pays est en phase permanente de construction. A cet égard, Amine Maalouf précise que : « L’identité n’est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l’existence. » (Malouf 1998 : 31). Sur ce fond, la modernité européenne étant tellement resplendissante, elle envoûte Tazi au point de vouloir se l’approprier. Il estime désormais qu’elle fait partie de lui en réaction contre sa culture où l’on se fie à un passé considéré par beaucoup de gens comme étant éternellement glorieux. Il est vrai, la rencontre avec l’autre « le civilisé », outre qu’elle envoûte, elle ébranle surtout quand on arrive à mesurer l’écart civilisationnel qui sépare le voyageur de cet autre. Cet écart pousse continûment le quêteur à se poser des questions portant sur les raisons du sous-développement et de la culture rétrograde du monde arabo-musulman. Ici, le miroir de l’autre est plus que révélateur dans la mesure où il reflète dans un arrière plan la défaillance et la décadence de la tradition ancestrale. Ceci dit, le voyage est un moyen qui permet à Tazi de se rendre à l’évidence de l’invalidité des thèses passéistes. De plus, sa présence effective en France, l’a poussé de gré ou de force à mettre en cause les fondements de tout un système de croyance basé sur la métaphysique. L’appartenance à la communauté humaine ne peut en aucun cas dissiper ou encore exclure l’appartenance à une particularité culturelle. La culture orientale à laquelle appartient Tazi sombre dans le passéisme et le traditionalisme. Ce statut lamentable, nous laisse déceler à quel point le fossé qui sépare l’être du paraître dans la culture musulmane est énorme. Il s’avère donc que le voyage vers l’autre « le français », est placé sous le signe de l’épanouissement et du partage. Cela revient à dire qu’il est en phase de transformation culturelle surtout en ayant pris goût à la culture française et à la modernité occidentale. A cet égard, il convient de préciser que l’appropriation de la modernité occidentale chez Tazi, est au fond une réaction contre l’inertie, l’irrationalisme, l’étouffement des libertés, les sillages dogmatiques, le conservatisme outrancier, l’endormissement de la pensée critique enfin contre une tradition non productive. Dans ce contexte Amin Maalouf a tout à fait raison de dire que :
« Les traditions ne méritent d’être respectées que dans la mesure où elles sont respectables, c’est-à-dire dans l’exacte mesure où elles respectent les droits fondamentaux des hommes et des femmes. Respecter des « traditions » ou des lois discriminatoires, c’est mépriser leurs victimes. Tous les peuples et toutes les doctrines ont produit, à certains moments de leur histoire, des comportements qui se sont avérés, avec l’évolution des mentalités, incompatibles avec la dignité humaine ; nulle part on ne les abolira d’un trait de plume, mais cela ne dispense pas de les dénoncer et d’œuvrer à leur disparition. » (Amin Maalouf 1998 : 124).
Par sa spécificité authentique et passionnelle, le voyage de Tazi en France restera gravé dans sa mémoire, car il est riche en imprévus : architecture comme véritable miracle d’art (style alsacien, les cathédrales…), horloges et clochettes, hospitalité chaleureuse, la générosité (habitants des Vosges) politesse très raffinée, cuisine variée hautement gastronomique et qui marie harmonieusement les subtiles saveurs orientales et occidentales. Franck Michel a tout à fait raison de dire que : «Le voyage commence là où s’arrêtent nos certitudes […]. Le voyage invite au désir de l’altérité autant qu’à celui de l’ailleurs.» (Franck Michel 2004 : 6). Ne pouvant pas se réduire à une addition kilométrique, ce voyage est une passion et un désir au pluriel. Il transforme sa vision du monde, perturbe ses convictions dogmatiques, trouble son être face au flux culturel de l’autre et donne naissance à une nouvelle autodécouverte du quêteur :
« Je me souviens que lorsque je faisais visiter l’ancienne médina de Fès à un étranger, je tenais à ce qu’il voie les portes de la mosquée Al Qaraouiyine, surtout la grande porte en bronze que je pensais alors unique au monde. Bien sûr, je ne me doutais pas qu’il existait monument plus grandiose. Alors je ne tarissais pas d’éloges sur notre architecture religieuse lorsque je me trouvais avec cet étranger dans la medersa d’Abou Inan ou celle d’Al Attarine. Et voilà que j’avais la possibilité de connaître les trésors des autres ; ceux-ci font de l’ombre à nos monuments que je pensais sans pareil. » (Tazi 1952 : 77).
C’est bien la raison pour laquelle Tazi témoigne que : « Ce voyage [son voyage en France] était un vrai don du ciel. » (Tazi 1952 : 72). Cela ne nous étonne pas du moment qu’on sache que le voyage vers l’un des pôles de la modernité, est un ressourcement vital et fructueux de la différence voire une banalisation de l’impossible, car enfin voyager comme le précise Paul Morand c’est : « gagner son procès contre l’habitude, […] c’est fuir son démon familier, distancer son ombre, semer son double. » (Morand 1927 : 78).
Ce découvreur de terres lointaines, a surtout le mérite d’accumuler un savoir sur la France et sa culture après l’effort très louable de son prédécesseur Assaffar au XIXe siècle. Les nouveaux savoirs qu’il a collectés lors de sa visite en France, sont édifiants à tous les niveaux d’autant qu’ils lui permettent de changer sa vision du monde, de se départir de ses convictions sclérosées, de rendre les relations humaines moins stériles, en plus de défier la banalité du quotidien. Ainsi Tazi s’accomplit et se ramifie culturellement d’une manière fort enrichissante, car au moment où il raconte et décrit, il compare et il déchiffre. Le voyage d’ailleurs comme le précise Franck Michel « est bien d’abord une affaire de sens et de conscience ». (Morand 1927 : 10). Manifestement, dans la citation qu’on a extraite, Tazi précise qu’il se trompait lorsqu’il considérait que les trésors du Maroc sont sans pareil. Dans cette même perspective Franck Michel souligne que : « Partir de chez soi c’est relativiser nos jugements hâtifs. »(Morand 1927 : 16). Désormais, il s’emploie à oblitérer les préjugés et les idées floues sur la culture française. Ce qui le pousse, chaque fois que l’occasion se présente, à renouer avec les vertus de la modernité occidentale. Cela revient à dire que le voyageur Tazi à l’exemple d’Assaffar, devient un médiateur entre deux cultures : la culture marocaine et la culture française. Ainsi, s’approprie-t-il des formes d’expression différentes de celles qui relèvent de sa propre culture, surtout qu’elles puisent dans la modernité. Autant dire, la culture marocaine au milieu du XX siècle était outrancièrement religieuse et partant conservatrice. Sur cette base, Il n’est pas étonnant de dire que tout ou presque obéit à des interprétations métaphysiques, ce qui retarde toute tentative ou encore projet de changement basé sur les valeurs de la modernité. Effectivement, l’engouement de Tazi pour les vertus de la modernité a ceci de particulier qu’il devient l’un de ses principaux centres d’intérêt d’autant plus que le voyage exalte la curiosité du quêteur en le libérant du repli égotique et de la platitude du quotidien. En outre, oser le voyage vers Paris ; icône de la modernité connue de tous, c’est vouloir la connaître de près, surtout ses lieux snobés, et pouvoir en jouir intensément. S’y rendre, c’est enfin une découverte, un divertissement et un dépassement :
« Paris ! Une civilisation avec déjà des siècles d’histoire, mais évoluant toujours vers le haut, se développant sans cesse jamais perdre de son empreinte culturelle indélébile. Quarante ans de protectorat nous feraient-ils profiter et bénéficier de l’esprit d’organisation des Français ? Ce sont là les termes mêmes employés et écrits de mes propres mains dans mon journal de route. Paris ! Assemblement de civilisations diversifiées appartenant à toutes les régions, à toutes les sociétés humaines du monde. » (Tazi 1952 : 97).
A bien des égards, Tazi nous retrace les grandes lignes de la civilisation française tout en évoquant implicitement l’effet de la modernité sur son évolution permanente. Cette dernière, il faut le rappeler, est à caractère infini : « […] évoluant toujours vers le haut[…] ». Ce caractère non-fini de la modernité auquel il a abouti, résulte d’une comparaison qu’il a effectuée avec sa propre culture marocaine et qui parfois revient sous forme d’une interrogation rhétorique : « Quarante ans de protectorat nous feraient-ils profiter et bénéficier de l’esprit d’organisation des Français ? ». Etant envoûté par la modernité occidentale, ses convictions imprégnées de traditionalisme, sont à chaque fois en passe d’acquérir une qualité resplendissante de nouveautés. Cela s’explique par le fait que la modernité est un processus qui s’ouvre sur l’infini, elle est l’art de la multitude, de l’autonomie, de l’individualisme, de la création, de la liberté…Cette nouvelle réalité, a ceci de particulier qu’elle devient désormais son principal centre d’intérêt à travers ses descriptions. Voici ce qu’écrit le voyageur sur le pouvoir fascinant de la modernité:
« Nous voilà tout près de cette tour qui n’avait pas cessé de hanter mon champs visuel en voiture. J’étais déjà émerveillé par l’ascenseur, 45 personnes peuvent l’emprunter en un seul voyage, c’était pour moi tout un monde. Eiffel a vraiment excellé en édifiant son œuvre pour son pays. L’ascenseur, puis le restaurant et même un café. Nous allions d’émerveillement en émerveillement. » (Tazi 1952 : 98).
Cette modernité qu’il vient de découvrir de près et dans laquelle il s’abîme extatiquement, est une culture affirmative par excellence, dans la mesure où elle étonne par sa production créative. Elle est toujours en quête du nouveau. Etant habitué à s’attacher au passé, Tazi vient de comprendre que la modernité est tout autre puisqu’elle s’invente continûment. De cette sorte, elle émerge plutôt de l’intemporel. Et il ne nous étonne pas s’il cherche peu ou prou à discréditer la mythification de la tradition non productive. Cela s’explique par le fait que la tradition est évocatrice des limites tandis que la modernité est une ouverture sur l’imprévu, un éclairement de l’absence et une allégorisation de l’intraduisible (Emmanuelle Ravel 2007 : 13-34). De ce fait, elle est une cristallisation de l’évolution à tous les niveaux. En contrepartie de cela, trop se fier au traditionalisme, ne fait qu’encombrer dans la récession, l’inertie et le mutisme.
Ce voyage effectif en France et plus précisément à la ville des Lumières, contribue largement au changement de la vision de Tazi sur l’autre et l’ailleurs en plus de lui octroyer un rêve de fusion libératrice. Cela se traduit par son intérêt fervent à s’imprégner davantage de la culture française à l’instar de son prédécesseur Assaffar. A ce sujet Franck Michel précise que: « […]plus on voyage autour du monde et plus on voyage autour de soi. » (Désirs d’Ailleurs Essai D’Anthropologie Des Voyages 2004 : 144).
Paris dans l’imaginaire marocain
Dans l’imaginaire culturel marocain, Paris était et elle l’est jusqu’à aujourd’hui cette ville resplendissante de modernité. Une ville de rêve, une ville représentée comme espace ouvert, propre et bien organisé. Il se perd dans la description de sa beauté comme s’il s’agissait d’un nomadisme poétique. De là émane l’émerveillement de Tazi. Celui-ci en flânant dans les boulevards de cet espace urbain immense, il se trouve à chaque fois extasié de joie en goûtant aux saveurs de la civilisation française : « Nous voilà à Sézanne où s’élève une cathédrale des plus prestigieuses. » (Tazi 1952 : 02).« L’Arc de Triomphe, la nuit, est une véritable splendeur. » (Tazi 1952 : 96). « La sculpture à Paris, relève d’une véritable culture. » (Tazi 1952 : 98) etc. Cela s’élucide davantage quand on sait qu’il s’est habitué au Maroc à des villes où le style traditionnel interfère avec le style moderne. Ceci va sans dire que Tazi a une affection particulière pour la ville de Fès. L’on voit donc bien ici cette corrélation entre la tradition et la modernité dans le récit de l’auteur. Ceci dit, en exprimant sa fascination pour Paris, il a toujours les villes marocaines comme point de repère dans ses comparaisons. Paris, cet espace éblouissant d’altérité, devient au fil du récit un espace de fécondation culturelle chez ce voyageur-quêteur d’autant qu’il est fastueux et ne permet pas de tabous. A ce même égard, il convient de dire que l’univers d’intérêt de l’auteur se reflète manifestement dans ses descriptions et le prisme de ses émotions. Il décrit la mosquée Al Qaraouiyine au Maroc avant de décrire la tour Eiffel. S’agissant d’Assaffar, celui-ci revient à la description de sa ville natale Tétouan chaque fois qu’il se sent confronté aux difficultés de l’éloignement de cet espace urbain auquel il se sent attaché spirituellement. Et c’est cela qui le pousse à multiplier les projections métaphoriques sur Tétouan en particulier et le Maroc en général. C’est à travers ce va-et-vient entre deux mondes que l’image qu’il se fait de la modernité prend forme d’une façon plus claire. Autant dire, le changement de l’espace s’accompagne du changement de mode de vie et même de croyance. Dans ce contexte, Sainte Victoire a tout à fait raison de dire que : « Le paysage se pense en moi et je suis sa conscience. » (Michael Brophy et Mary Gallagher 2006 : 100). Concrètement, l’espace altéritaire devient sous l’effet de la somptuosité et de l’enchantement, un espace mental grâce à l’intériorisation psychique de ses éléments fascinants. Cela conduit au changement du regard porté sur la tradition dont le voyageur est issu et contribue à la fermentation d’une fécondation qui affectera sa culture et ses valeurs. De là, l’ouverture d’Assaffar comme celle de Tazi sur la modernité occidentale, en plus de
les pousser à défendre les hybridités culturelles, elle leur permet, tant soit peu, de se départir du cloisonnement identitaire, du conformisme mortifier, du conservatisme infécond, des débats superficiels et partant de s’approprier les notions du progrès. A cet égard, il est pertinent de préciser que le figement dans la mémoire historique, ne serait pas la voie la plus sûre qui mène vers l’évolution à tous les niveaux.
La présence effective d’Assaffar et de Tazi en France leur a permis de se rendre à l’évidence que derrière le progrès lumineux de l’Occident, il y a le rationalisme, l’idéal de la scientificité, les possibilités révolutionnaires d’une nouvelle logique et le respect de la subjectivité. Ainsi ; cette modernité qui repose sur la civilité, est l’émanation de l’esprit rationaliste et d’une société qui respecte les libertés de ses individus. Le voyage de ces deux auteurs en France, constitue un tournant très important dans leur vie en plus d’être une action productive. C’est effectivement en se rendant à l’Hexagone qu’ils arrivent à reconnaître les vertus de la différence culturelle et ses répercussions positives. Cela s’explique par le fait que le voyage dynamise l’échange culturel et partant la fécondation des valeurs communautaires ou encore nationales (Dietrich Schwanitz 2006 : 719-724). A cela s’ajoute, la possibilité -très efficace- de relire sa propre réalité autrement, c’est-à-dire grâce aux valeurs de l’autre chez qui se rend le voyageur. Voilà ce que l’on peut appeler l’attirance productive, c’est-à-dire se rendre autre pour ne pas se rendre étranger. C’est donc dans ce sens qu’il faudrait comprendre les récits de voyage d’Assaffar et de Tazi d’autant que ces récits, de par leur contenu condensé, fonctionnent comme activité d’échange culturel symbolique en ce sens que l’expérience interculturelle, donne un degré de profondeur au regard porté sur soi. En d’autres termes, s’enfoncer dans la réalité sociale et culturelle de l’autre, outre qu’il favorise l’interfécondation, il permet, à coup sûr, le décentrement des fixités culturelles trop doxatiques et la construction d’un nouvel humanisme. (Edward Said and Jacques Derrida 2008 : 1-21). Cela s’opère par le fait de mener des réflexions permanentes sur ses propres valeurs et partant sur son univers de croyance. S’il y a possibilité de repenser ses valeurs culturelles, c’est grâce aux vertus de l’interculturel. Tel est l’un des enseignements fondamentaux que l’on a pu tirer des récits d’Assaffar et de Tazi. Un tel constat ne peut que conforter au bout du compte l’indissociabilité du voyage et de l’interculturel.
Si enfin la modernité est irrémédiablement un destin de notre ère, jusqu’à quel point le modèle français restera-t-il un exemple à suivre pour les voyageurs marocains ? Le rationalisme dont se targuent les modernistes reflète-t-il le véritable humanisme ? La raison communicationnelle est-elle, à elle seule, capable d’apporter le coup de grâce aux cultures