La créativité lexicale dans les pratiques langagières des lycéens mostaganemois

الإبداع المعجمي في الممارسات اللغوية لطلاب المدارس الثانوية

Lexical Creativity in the Language Practices of High school Students

Hafida Benbouziane

Citer cet article

Référence électronique

Hafida Benbouziane, « La créativité lexicale dans les pratiques langagières des lycéens mostaganemois  », Aleph [En ligne], 9 (1) | 2022, mis en ligne le 09 avril 2022, consulté le 28 mars 2024. URL : https://aleph.edinum.org/5466

Dans cet article, nous mettons en évidence la créativité lexicale et l'ingéniosité linguistique dont font preuve les jeunes Mostaganémois (Algérie) dans leur production orale particulière et unique. Ces dialectes particuliers les différencient des autres générations et leur permettent essentiellement d'exprimer leur identité juvénile.

في هذا المقال، نهتم بالإبداع المعجمي والبراعة اللغوية التي أظهرها متحدثو مستغانم الشباب (الجزائر) في إنتاج لهجاتهم الخاصة. تميزهم هذه اللهجات عن الأجيال الأخرى بينما تسمح لهم بالتعبير عن هويتهم "الشابة"

In this article, we highlight the lexical creativity and linguistic ingenuity demonstrated by young Mostaganemian speakers (Algeria) in their particularised, unique speech production. Theses peculiar dialects differentiate them from other generations and essentially allow them to express their youth identity

Introduction

Dans cet article, nous ciblons les parlers des jeunes dans le but de décrire puis d’expliquer les comportements langagiers des lycéens mostaganemois (Algérie). Nous nous intéressons particulièrement à la créativité lexicale chez ces locuteurs, et à leur habileté à manipuler les différentes langues et variétés de langues présentes dans le contexte linguistique algérien. Nous pensons que la différence entre les parlers de ces locuteurs est due, en partie, à l’environnement dans lequel ils évoluent, étant donné que les uns vivent en milieu urbain tandis que les autres habitent en zone rurale.

À travers cette étude, nous tentons de savoir : quelles sont les particularités des parlers des jeunes lycéens ? Et à quoi sont dues les variations observées entre les parlers des lycéens de la ville et ceux de la zone rurale ?

Cette recherche s’inscrit, à la fois, dans le cadre de la sociolinguistique urbaine qui s’intéresse de très près aux parlers des jeunes, et dans la sociolinguistique générale ou « classique » puisque nous avons deux terrains différents. Il y a d’une part la ville, « un endroit particulier parmi tous les endroits où l’on peut rencontrer ces locuteurs qui donnent « vie » aux langues. » (Calvet, 2005), et d’autre part la zone rurale étudiée par la sociolinguistique « classique » qui vise à : « étudier la covariance langue/société, sans problématiser la ville : l’espace apparaît comme un donné » alors qu’en sociolinguistique urbaine, « on considère que l’espace est un produit social, que la dénomination, la désignation de l’espace concourent à le produire socialement. » (Veschambre 2004 : 1)

Les parlers jeunes intéressent depuis de nombreuses années les linguistes algériens qui se questionnent sur l’existence d’un parler propre aux jeunes. Fatima Mekkaoui (2002), qui s’est interrogée sur le discours des jeunes (étudiants entre 18 et 20 ans) et sur le statut du français dans leur discours, en vue d’expliquer les raisons pour lesquelles ces derniers s’intéressent au français, estime que le mélange des langues (arabe dialectal/français) dans les pratiques langagières de ses enquêtés est dû au fait que :

« ces jeunes, à bien des égards, ne maîtrisent pas les outils de l’expression écrite et élaborée. Ils ne disposent pas non plus dans les deux langues d’un vocabulaire étoffé. Ils pallient ces carences par la création ou plutôt la mise en place « d’une nouvelle langue ». Elle résulte du mélange des différentes variétés langagières en usage dans la société. » (Mekkaoui 2002 :185)

Boumedini et Daouda, pour leur part, affirment que les parlers jeunes sont :

« un ensemble de pratiques langagières régies par des normes et reflètent une certaine pensée jeune. Ces jeunes, accusés par la bonne société d’être incapables de s’exprimer correctement dans une langue adéquate, peuvent néanmoins produire des textes poétiques qui seront chantés, qui expriment des émotions, des sentiments, des morceaux de vie, des expériences. » (Boumedini et Daouda 2011 : 75)

1. L’enquête

Nos enquêtés sont des lycéens de 3e année secondaire âgés de 16 à 20 ans. Nous avons sélectionné deux groupes d’élèves hétérogènes. Le premier groupe est constitué de dix lycéens scolarisés dans des filières différentes au lycée Mohamed Khemisti, situé en plein centre-ville, tandis que le second groupe est constitué d’une dizaine de lycéens, toutes filières confondues, scolarisés au lycée de Bouguirat. Située en zone rurale à 27 kms de la ville de Mostaganem.

En raison de sa vocation agricole, Bouguirat n’offre que le travail de la terre à ces jeunes habitants. L’éducation n’est pas une priorité pour les natifs du village et l’enseignement connaît encore certaines anomalies qui tardent à être levées. La surcharge des classes est un des plus amers constats que nous avons pu faire, malgré l’existence de plus de 25 établissements, tous cycles confondus.

Notre enquête a pour but de décrire les variations dans les parlers jeunes, pour expliquer d’une part qu’il ne s’agit pas d’une langue sans règles, pauvre et incapable d’exprimer une identité jeune et d’autre part, que ces parlers sont étroitement liés au contexte socioculturel dans lequel évoluent les jeunes locuteurs.

Pour notre enquête, nous avons opté pour une observation participante dans le but de côtoyer nos enquêtés et de collecter un maximum d’informations sur leurs pratiques langagières. La recherche qualitative et ethnographique s’est traduite donc par la méthode de l’observation participante et notre présence prolongée sur le terrain.

Nous avons pu nous rapprocher sans difficulté des étudiants, car nous avions enseigné dans cet établissement dans le passé. Nous avons donc pu enregistrer les interactions verbales de ces jeunes lycéens afin de décrire leurs pratiques langagières et leurs choix linguistiques.

2. Cadre théorique 

La théorie de Gumperz autour de l’alternance codique a particulièrement retenu l’intérêt des linguistes. Cette théorie a été utilisée par de nombreux chercheurs tels que Mohamed Zakaria Ali-Benchérif dans une analyse quantitative portant sur les énoncés produits et reçus à partir d’une conversation bilingue qui a eu lieu entre une locutrice immigrée et sa partenaire non immigrée. Le chercheur avait pour objectif la quantification des unités de la conversation en vue de caractériser les choix de langues opérés par les locutrices ainsi que le poids de l’alternance codique dans leurs échanges langagiers.

Ali Benchérif avait émis l’hypothèse que dans les conversations entre les locuteurs immigrés/non immigrés, il y avait des éléments qui relevaient du bilinguisme et d’autres qui relevaient de l’exolinguisme. Il avait également supposé qu’en dépit de la prépondérance de l’une ou l’autre langue dans la conversation bilingue entre l’immigrée et sa partenaire, le choix et les alternances codiques assuraient une adaptation mutuelle.

Il affirme à l’issue de son enquête que : « Dans les situations de contact de langues, le choix entre le mode monolingue ou bilingue n’est jamais totalement stable. Il dépend en premier lieu de la compétence présumée de l’interlocuteur. » Il ajoute plus loin que

« La dominance du français dans les interactions est aussi liée à une compétence bilingue manifeste, mais inégale chez les deux locutrices. Elle est matérialisée notamment à travers les alternances codiques qui sont considérées comme « une forme de choix de langue ». (2009 : 132)

Par ailleurs, la fréquence de l’emploi de l’une ou l’autre langue ou les deux à la fois nous conduit, eu égard à l’asymétrie des répertoires, à rendre compte de l’adaptation de chacune des deux locutrices à sa partenaire.

3. Présentation de l’enquête 

Pour notre enquête, nous avons opté pour l’observation participante. Ce type d’enquête : « consiste à recueillir des données en participant soi-même aux situations de communication qui les produisent… » (Blanchet, 2000 : 41) Cette méthode a de nombreux avantages dont les plus importants sont : la réduction au maximum des biais engendrés par la présence de l’enquêteur, la possibilité d’enquêter de l’intérieur de l’interaction langagière, et enfin, la comparaison des pratiques effectives par rapport au discours sur les pratiques.

Pour approcher nos enquêtés, sans qu’ils aient l’impression d’être des rats de laboratoire, il a fallu penser à une sorte de subterfuge afin de les mettre à l’aise et de casser la glace qui peut exister entre des personnes jusque-là totalement étrangères. Nous avons pensé à nous faire passer pour une conseillère d’orientation à double casquette. Nous étions à la fois l’ex-enseignante du secondaire, qui connaît bien leurs établissements et l’enseignante universitaire qui côtoie quotidiennement le milieu qu’ils convoitent et dont ils espèrent faire partie, dans un proche futur.

Enfin, nous avons été aidée, dans les deux contextes, par des enseignants de la langue française qui nous ont permis d’approcher les lycéens en classe, lors du premier contact, mais en dehors de la classe pour les autres rencontres, car nous nous réunissions généralement entre midi et treize heures (après le déjeuner) dans des salles vides, ou dans des salles d’informatique quand elles étaient libres.

4. Résultats de l’enquête 

4.1. L’alternance codique 

À la suite de l’enquête menée auprès des lycéens, et l’analyse quantitative des usages langagiers plurilingues de ces sujets, dont l’enjeu principal était le recensement des mots de la langue française utilisés par nos témoins, deux constats importants ont été faits. D’une part, il s’avère que le discours de ces jeunes est un mélange, une alternance, de plusieurs langues distinctes (l’arabe algérien, l’anglais et le français), et d’autre part, la pratique de ces jeunes locuteurs se démarque par une énorme créativité lexicale et un nombre conséquent d’emprunts.

Exemples :

  • [win rayha had week end?] (1), « Où vas-tu ce week-end ? »

  • [winnenrouh, ha facebook w télé comme d’habitude] (2), « Où veux-tu que j’aille, ça sera facebook et télé comme d’habitude »

  • [chriki yelabkit tliké w tpartagé lbakrah, ya adieu amigos fatek train. Facebook ma yejib bac] (3), « Si tu passes ton temps à partager et à aimer sur facebook tu ne réussiras pas. Facebook ne te permettra pas d’avoir ton bac ».

  • [yalbacya la France. ELbotiwelalmisiria] (4), « Soi je décroche mon bac, soi je m’en vais. Mieux vaut immigrer clandestinement que de rester dans la misère ».

Dans l’énoncé (1), nous sommes en présence d’une alternance codique intra-phrastique, car les éléments grammaticaux des deux langues se plient aux positions qu’ils occupent à l’intérieur des structures syntaxiques. Tandis que dans l’énoncé (2), il s’agit d’une alternance codique inter-phrastique étant donné que nous avons un usage alternatif de segments de phrases où les énoncés sont juxtaposés à l’intérieur d’un tour de parole.

Les exemples (4 et 5) illustrent ce processus de création fondé essentiellement sur une sorte de jeu avec les langues. Le locuteur exploite les différentes langues en présence dans l’espace communicationnel algérien. Il utilise un nombre considérable d’emprunts, et passe régulièrement d’une langue à une autre sans se préoccuper de la norme grammaticale. Cette circulation incessante entre l’arabe dialectal (Chriki), l’anglais (tliké- to like) et le français (tpartagé - partager) démontre une capacité chez ces jeunes locuteurs à créer un parler propre à eux, et un sens inné de la fonction ludique du langage qui leur permet de dépasser aisément aussi bien les formes usuelles que les interdits (culturels, politiques et même religieux).

4.2 L’emprunt lexical 

Nous avons été également interpellés par le fait que l’alternance codique soit très peu présente chez les lycéens de zone rurale contrairement à ceux de la ville. Le nombre d’emprunts utilisés par ces jeunes locuteurs reflète ce constat. Les tableaux qui suivent nous résument deux exemples d’interactions enregistrées lors des échanges entre lycéens. Nous y recensons et décrivons les emprunts employés par deux groupes de lycéens évoluant dans deux contextes différents (zone urbaine et zone rurale).

Échange 1 : (conversation N=1)

Durée

Interlocuteurs

Lieu

Date

15 minutes

-Fadéla, Sarah et Aliaa.

Lycée Med Khemisti

10/03/2016

Tableau récapitulatif des emprunts employés dans la conversation N=1 :

Emprunt

Traduction

Description

estylou : [ɛstilu]

Un stylo

-Adaptation vocalique.
-Adaptations au niveau morphosyntaxique .

boumba : [bu:mba]

Une bombe

- Dénasalisation.
-Adaptations prosodique et syllabique.

Portable : [pɔRtˁa:bl]

Un portable

-Adaptations au niveau consonantique.

Mouteur : [mutu:R]

Un moteur

-Adaptation au niveau vocalique et consonantique.

Dechargea : [deʃaRʒa]

Déchargé

-Adaptations prosodique et syllabique.

Chargère : [ʃarʒɛr]

Un chargeur

- Adaptations prosodique et syllabique.

Facebook : [fajsbu:k]

Facebook

-Aucune altération.

Sujiyat : [syʒija:t]

Les sujets

-Adaptation vocalique.
- Adaptation grammaticale.

trimeste : [tRimɛstr]

Un trimestre

-Adaptation consonantique.

Bac : [bak]

Le bac

-Aucune altération.

Week end : [wikɑ̃d]

un week-end

-Aucune altération.
-Maintien de la nasale.

Tili : t[ili]

une télévision

-Adaptation vocalique.

Film : [film]

un film

-Aucune altération.

Ticki : [tiki]

Un ticket

-Adaptation vocalique.

Bireau : [biRu:]

Un bureau

-Adaptation vocalique et consonantique.

Mnervé : [mnɛRvi]

Enervé

-Adaptation morphosyntaxique.
-Interférence avec l’arabe [mnɛRfɛz]

Crisa : [kRi:za]

Une crise

-Adaptation consonantique.
-Adaptations prosodique et syllabique.

Stade : [stˁa:d]

Un stade

-Adaptation consonantique.

Danger : [dɑ̃ʒɛ]

Un danger

-Aucune altération.
-Maintien de la nasale.

direct : [diRɛkt]

Direct

-Adaptation consonantique.

Batima : [batˁ:ma]

Un bâtiment

-Adaptation consonantique.
-Dénasalisation.

-Adaptations prosodique et syllabique.

elbloc : [ɛlblok]

Un bloc

-Adaptation au niveau morphosyntaxique (la détermination)

Quarté : [kartˁe]

Un quartier

- Adaptations consonantique et vocalique.

Misiria : [misiRija]

La misère

-Adaptation consonantique et vocalique.
-Adaptations prosodique et syllabique.

Tachat : [tˁaʃa:t]

Les taches

- Adaptation grammaticale (ajout de la marque du pluriel).

Château : [ʃatˤtˤu:]

Un château

-Adaptation consonantique et vocalique.

Machina : [maʃina]

Une machine

-Adaptations au niveau prosodique et syllabique.

Feniane : [fanija:n]

Un fainéant

-Adaptations prosodique et syllabique.
-Dénasalisation.

Ceinture : [sɛ̃tu:Ra]

Une ceinture

-Adaptation vocalique.
-Maintien de la nasale.

Essilima : [ɛsili:ma]

Le cinéma

-Adaptations au niveau morphosyntaxique (la détermination)
-Adaptation consonantique.

Forma : [fɔRma]

La forme

-Adaptations prosodique et syllabique.

Pommada : [buma:da]

Une pommade

-Adaptation consonantique et vocalique.
-Adaptations au niveau prosodique et syllabique.

Gâteau : [ga:tˤu:]

Un gâteau

-Adaptation consonantique et vocalique.

Numéro : [nimiRu:]

Un numéro

-Adaptation consonantique et vocalique.

Roba : [Ru:pa]

Une robe

-Adaptation consonantique et vocalique.

Ziro : [zi:Ru:]

Zéro

-Adaptation consonantique et vocalique.

elmaillot : [ɛlmaju:]

Un maillot de bain

-Adaptation au niveau vocalique.
-Adaptations au niveau morphosyntaxique (la détermination)

Frigou : [fri:gu]

Un frigo

-Adaptation consonantique et vocalique.

Cousina : ku:zina]

Une cuisine

-Adaptation consonantique et vocalique.
-Adaptations prosodique et syllabique.

Partager : partaʒi]

Partager

-Adaptation au niveau vocalique.

elcomba : [ɛlkɔ̃mba]

Un combat

-Maintient de la nasalisation.
-Adaptations au niveau morphosyntaxique (la détermination)

elboulounat : [ɛlbulu:nat]

Des boulons

-Adaptations au niveau morphosyntaxique (la détermination + la marque du pluriel)
-Adaptation au niveau vocalique.

Cartoune : [kɛrtˤu:na]

Un carton

-Adaptation consonantique et vocalique.
- Adaptations au niveau prosodique et syllabique.

falisa : [fali:ʒa]

Une valise

- Adaptations au niveau prosodique et syllabique.
-Adaptation au niveau consonantique.

Tablier : [tˤablija]

Le tablier

- Adaptations au niveau prosodique et syllabique.
-Adaptation au niveau vocalique.

Corda : [kurda]

La corde

-Adaptation au niveau vocalique.- Adaptations au niveau prosodique et syllabique.

Lista : [li:sta]

La liste

-Adaptations au niveau prosodique et syllabique.

elbouchta : [ɛlbu:ʃtˁa]

La poste

-Adaptation au niveau consonantique et vocalique.
- Adaptations au niveau prosodique et syllabique.
-Adaptations au niveau morphosyntaxique (la détermination)

Classa : [klasa]

La classe

-Adaptations au niveau prosodique et syllabique (Intégration du féminin).

elmarché : [ɛlmarʃɛ]

Le marché

-Adaptations au niveau morphosyntaxique (la détermination)

Échange 2 : (conversation N=2)

Durée

Interlocuteurs

Lieu

Date

15 minutes

-Aiche, Amel, Maroua.

Lycée de Bouguirat

12/04/2016 à midi.

Tableau récapitulatif des emprunts utilisés par les locuteurs de la zone rurale

Emprunt

Traduction

Description

Tiliphoune : [tilifu:n]

Un téléphone

-Adaptation au niveau vocalique.

Nimirou : [nimiRu]

Un numéro

-Adaptation consonantique et vocalique.

Moussika : [musika]

La musique

- Adaptation consonantique et vocalique.
- Adaptations prosodique et syllabique.

Carta : [ka:rtˤɛ]

Une carte

- Adaptations prosodique et syllabique.

Lamba : [lɑ̃mba]

Une lampe

-Maintien de la nasale.
-Adaptations prosodique et syllabique.

coufirtat : [kufiRtˤa:t]

Des couvertures

-Adaptations consonantique et vocalique.
- Adaptation grammaticale (ajout de la marque du pluriel).

Jis : [ʒi:]

Un jus

-Adaptation au niveau vocalique.

Bièça : [bjɛ:sa]

Une pièce

- Adaptation au niveau consonantique.
-Adaptations prosodique et syllabique.

Jipa : [ʒi:pa]

Une jupe

- Adaptation au niveau consonantique.
-Adaptations prosodique et syllabique.

feilleusa : [fɛjuza]

Une veilleuse

- Adaptation au niveau consonantique.
- Adaptations prosodique et syllabique.

Jido : [ʒido]

Le judo

- Adaptation au niveau vocalique.

Coustime : [kusti:m]

Un costume

- Adaptation au niveau vocalique.

bentoura : [bɛ̃tu:ra]

La peinture

-Maintien de la nasale.
- Adaptations vocalique et consonantique.

frein : [frɛ̃]

Le frein

- Maintien de la nasale.
-Respect de la prononciation d’origine.

Cabsula : [kabsu:la]

Une capsule

- Adaptations vocalique et consonantique.
- Adaptations prosodique et syllabique.

Aliminium : [aliminju:m]

Aluminium

- Adaptation au niveau vocalique.

Fillage : [fila:ʒ]

Un village

- Adaptation au niveau consonantique.

Fista : [fista]

Une veste

- Adaptations vocalique et consonantique.
- Adaptations prosodique et syllabique.

Fibri : [fibri:]

Vibrer

- Adaptations vocalique et consonantique.

pipper : [pipɛ]

Bipper

- Adaptation au niveau consonantique.

Carrossa : [kaRu:sa]

Un carrosse

- Adaptation au niveau vocalique.
- Adaptations prosodique et syllabique.

Blassa : [bla:sa]

Une place

- Adaptation au niveau consonantique.
- Adaptations prosodique et syllabique.

Mécanicien : [mekanisjɛ̃]

Un mécanicien

-Maintien de la nasale.
-Respect de la prononciation d’origine.

Saboun : [sabu:n]

Un savon

- Adaptations vocalique et consonantique.

Shampooing : [ʃãpwɛ̃]

Le shampooing

- Maintien de la nasale.
-Respect de la prononciation d’origine.

spour : [spu:r]

Le sport

- Adaptation au niveau vocalique.

Firma : [fi:rma]

Une ferme

- Adaptations vocalique et consonantique.
- Adaptations prosodique et syllabique.

4.3. Procédés d’intégration phonologique des emprunts au français

Les procédés d’adaptation des emprunts sont multiples et différents d’une langue à une autre. L’installation d’un terme étranger dans une langue d’accueil nécessite généralement l’adaptation des mots empruntés aux exigences de prononciation et de fonctionnement des mots de la langue d’accueil, car la langue prêteuse a souvent beaucoup de différences par rapport au système d’accueil.

La plupart des emprunts au français en arabe dialectal subissent des transformations très variées sur le plan phonologique. Ces changements peuvent apparaître aussi bien au niveau vocalique que consonantiques, car lorsque des sons français n’existent pas dans le système phonétique de l’arabe dialectal, ils sont remplacés par les sons les plus proches, comme dans le cas de l’emprunt « veste » dans l’arabe dialectal, qui se prononce en français [vɛst] et qui est prononcé [fi:sta] par certains locuteurs algériens. Ce changement n’est pas caractéristique des parlers jeunes, mais il s’agit d’une déformation qui touche beaucoup de locuteurs algériens qui ne maitrisent pas parfaitement le français standard.

Toutefois, certaines constantes sont observables sur le plan phonologique, telles que la substitution des sons qui n’existent pas dans le système phonétique de l’arabe algérien par les sons les plus proches. Ainsi, le [R] français sera systématiquement remplacé par le [r] dit roulé (crédit devient [kri:di] en arabe algérien). Le son [p] sera souvent remplacé par le son [b] par exemple (le mot « lampe » qui devient [lɑ̃mba]), et le son [v] par le son [f] bien qu’ils soient de plus en plus maintenus dans de nombreux emprunts.

En ce qui concerne les voyelles, le son [e] - quoiqu’il existe dans la langue d’accueil - sera néanmoins remplacé par les sons [i] [u] [ɛ]. Le son [e] est plus au moins respecté suivant la région, les citadins ont généralement tendance à le prononcer correctement, contrairement aux locuteurs des zones rurales qui le remplace le plus souvent par le son [i]. De même, les sons [ɔ] et [o], en dépit de leur existence dans le dialectal algérien, ils sont souvent remplacés par le [u], par exemple : l’emprunt « bureau » qui devient [biru].

En outre, le son [y] sera remplacé par les voyelles [u] ou [i] selon l’emprunt. Enfin, les sons [oe] et [ø] seront remplacés par [u] dans certains emprunts, sachant qu’ils sont le plus souvent prononcés correctement par les locuteurs qui les emploient, comme dans « chauffeur » et « ingénieur ».

Les nasales n’existent pas dans le système phonologique de l’arabe dialectal, c’est pourquoi la plupart des emprunts subiront une dénasalisation et ces sons seront remplacés par la combinaison de voyelles, le plus souvent longues, avec les sons [n] ou [m] comme dans [banka] « banque » [sˤabu:n] « savon ».

Généralement, les emprunts au français ne gardent pas leur forme initiale en intégrant l’arabe dialectal algérien. Ils changent le plus souvent phonologiquement et morphologiquement en intégrant la langue emprunteuse, en l’occurrence le parler algérien. Ces adaptations diffèrent selon la nature de l’emprunt et du milieu emprunteur.

Par ailleurs, il existe des emprunts qui ont subi des transformations phonétiques lors de leur intégration dans la langue d’accueil, qu’il est difficile d’expliquer, car ils échappent à toute logique. Nous pouvons citer à titre d’exemple le son [l] qui est remplacé par le son [n] dans certains emprunts tels que : « casserole » qui devient [casruna], « cardigan » qui devient [gardigã] ; ou encore « Poste » qui sera prononcé [buʃtˁa] en arabe dialectal. Bien que les sons remplacés existent en arabe algérien, ils ont été substitués par d’autres.

4.3.1. Adaptation au niveau vocalique

[o] ou [ɔ]/[u]

[y]/[u] ou [i]

[oe] ou [ø]/[u:]

*Robe : [ruba]

*Zéro : [ziru]

* Bureau : [biru]

* Aluminium : [aliminjum]

* Bureau : [biru]

* Capsule : [kapsula]

*Chauffeur : [ʃifur]

* Moteur : [mutur]

4.3.2. Maintien des nasales

Les voyelles nasales [ɛ̃] [ã], et [ɔ̃] sont généralement maintenues dans un certain nombre d’emprunts intégrés au dialecte algérien. Elles sont plus ou moins bien prononcées selon les locuteurs et leur degré de connaissance de la langue française. Cependant, la grande majorité des locuteurs algériens, qu’ils soient francophones ou pas, produisent spontanément les voyelles nasales [ɛ̃] dans train [trɛ̃] et [ɔ̃] dans blond [blɔ̃].

4.3.3. Dénasalisation

La dénasalisation consiste en la perte de l’articulation nasale d’une consonne ou d’une voyelle. Il peut s’agir d’une modification phonétique normale ou pathologique. Elle se manifeste par l’interruption de l’écoulement de l’air par le nez, soit par relèvement du voile du palais, soit par obstruction des cavités nasales, en cas de rhume notamment.

[ɔ̃] / [u], [u:n], [un], [u:m]
* Bombe : [bumba]
* Boulon : [bulun]

4.3.4. Adaptations au niveau consonantique

Le son [v] n’existe pas dans le système phonologique de l’arabe c’est pourquoi il a viré au son [f] dans certains emprunts :

[p] / [b]

[v]/[f]

[t]/[tˤ]

*Lampe : [lamba]
* Pièce : [bjɛsa]
*Place : [blasa]

* Valise : [fɛliʒa]
* Veilleuse : [fɛjuza]
* Veste : [fista]

* Château : [ʃatˤtˤu]
* Tablier : [tˤablijjɛ]
* Carte : [kartˤɛ]

4.3.5. Adaptations au niveau prosodique et syllabique

Bien que l’arabe dialectal soit une variation de l’arabe classique sa structure syllabique est beaucoup plus souple que celui-ci et se rapproche plus de celle du français, ce qui a facilité l’intégration des emprunts au français. D’autre part, au niveau prosodique, les emprunts au français ont tendance à perdre leur accent tonique et à se soumettre aux règles accentuelles de l’arabe dialectal algérien.

*Pièce : [bjɛ̄sa]
* Place : [blāsa]

4.4. Procédés d’intégration morphosyntaxique des emprunts au français

L’intégration morphosyntaxique des emprunts au français se manifeste principalement par l’ajout d’affixes (préfixes, suffixes, infixes) de l’arabe dialectal algérien au radical français.

4.4.1. Intégration du genre et du nombre

  • Intégration du féminin

L’arabe dialectal emprunte énormément de mots à la langue française, mais en intégrant la langue d’accueil, ces emprunts ne gardent pas la marque du genre de la langue d’origine, et intégreront celle de la langue d’accueil. Ainsi, les emprunts lexicaux au français seront marqués, la plupart du temps, par un [a] final pour le genre féminin. Le masculin n’ayant pas une marque spécifique en arabe dialectal algérien sera reconnu en l’absence de cette voyelle finale [a].

*[ba:la] : « pelle »
*[ba:nka] : « banque »

Par ailleurs, en intégrant l’arabe dialecte algérien, certains emprunts lexicaux vont changer de genre ; ainsi, certains emprunts qui sont masculins en français deviendront féminins en arabe dialectal, comme le cas de l’emprunt « commissariat » qui est considéré comme un nom féminin en arabe dialectal.

  • Intégration du pluriel

En intégrant l’arabe dialectal, les emprunts au français vont adopter le plus souvent le pluriel externe en [ɛ:t] et [a:t]. Cette forme de pluriel, bien qu’elle ne soit pas l’unique, reste néanmoins la plus constante et la plus productive.

*Pièces : [bija:sa:t]
*Machina : [maʃina:t]

4.4.2. Adaptation grammaticale et changement de catégorie

Dans leur passage dans en arabe dialectal algérien, les emprunts au français appartenant à une certaine classe grammaticale ne vont pas forcément la conserver.

  • Changement de genre : le changement de genre est assez répandu en matière d’emprunt, car nombreux sont les emprunts au français qui changent de genre en intégrant l’arabe algérien. Ainsi, des emprunts qui sont masculins en français vont devenir féminins en arabe dialectal algérien, et des emprunts féminins appartiendront au genre masculin dans leur passage dans la langue d’accueil.

*Cinéma (m) : a donné [silima] en arabe dialectal algérien (féminin).
*Tablier (m) : a donné [tˤablija], nom féminin en dialecte algérien (féminin).

  • Changement du nombre : il existe des emprunts au français qui sont à l’origine des pluriels, mais qui sont devenus des mots singuliers lors de leur passage en arabe dialectal et réciproquement, des mots singuliers sont devenus des pluriels.

*Banane : est un nom féminin singulier en français, il a donné un pluriel en arabe dialectal [bana:n] dont le singulier est [banana].
*fromage : est un nom masculin en français, il a donné [fərmaʒ] qui est pluriel en arabe algérien, tandis que le singulier est [fərmaʒa]

4.4.3. La négation

En arabe dialectal algérien, la négation est marquée essentiellement par les affixes [mɛ] et [∫]. La particule [mɛ] se place avant le verbe, et le suffixe [∫] marquera la fin du verbe. Ces affixes de négation sont l’équivalent de l’adverbe de négation « ne… pas » en français.

Dans leur intégration à l’arabe dialectal, les emprunts lexicaux au français obéiront à cette règle et intégreront les affixes de négation du dialecte algérien.

*« Je ne me douche pas » [mɛndawa∫]
*« Je ne démarre pas » [mɛndemari:∫]

4.4.4. La détermination

Le déterminant du terme emprunté au français prendra le préfixe [ɛl] qui jouera le rôle de déterminant.

*Le marché : [ɛlmarʃi]

Quand l’article [ɛl] se place devant le substantif qu’il détermine, et que celui-ci commence par ce qu’on appelle en arabe littéral des « consonnes solaires », l’article subira une assimilation qui entrainera la gémination de la consonne « solaire » du mot.

*La sandale : [ɛssandɛ:la]
*Le dossier : [ɛddu:si]

4.4.5. Les règles de conjugaison

Les verbes empruntés au français vont s’adapter à la conjugaison de l’arabe dialectal algérien en dépit de leur origine française. On retrouvera alors le radical du verbe français (plus ou moins reconnaissable) et des affixes de la conjugaison algérienne.

En conjuguant un verbe emprunté à la langue française, le locuteur algérien dit « n’bronzi » (je bronze), cet énoncé comporte le pronom personnel « n’ » (forme abrégée de ana) qui marque la première personne du singulier. À la deuxième personne, le pronom « n’ » est remplacé par « t’ » (t’bronzi). Le pronom personnel « t’ » (forme abrégée de anta) signifie « tu ». Lorsque le locuteur s’inclut dans un groupe, il utilisera également « n’ », mais cette fois-ci cela donnera « n’bronzou » (nous bronzons) et dans certaines régions. Donc, c’est la terminaison du verbe qui permet de distinguer entre la première personne du singulier « J » et la première personne du pluriel « nous ».

4.4.6. Les possessifs

L’emprunt au français sera marqué à sa fin par le possessif algérien malgré son radical français.

* Nom féminin singulier + Adj. Possessif [ʒipti] « ma jupe »
*Nom masculin singulier + Adj. Possessif [telifuni] « mon téléphone »

5. Interprétation des résultats et commentaire

Lorsqu’ils intègrent l’arabe dialectal algérien, la majorité des emprunts au français subissent des transformations au niveau phonétique ou morphologique. Tandis que d’autres changent complètement de sens. Dans quelques cas d’emprunts, le signifiant n’a pas changé alors que le signifié a subi des modifications sémantiques importantes. Enfin, il y a des emprunts dont le sens n’a pas été forcément modifié, mais un sens nouveau a été rajouté au sens premier du mot, ce sens est généralement engendré par le contexte d’accueil.

L’analyse de ces interactions verbales nous a permis de dégager tous les emprunts employés par nos enquêtés dans les deux conversations. En énumérant l’ensemble des emprunts employés, nous avons remarqué que les lycéens de la ville ont utilisé pratiquement deux fois plus d’emprunts (50 emprunts) que les lycéens de la zone rurale (26 emprunts pour les lycéens de Bouguirat).

Les deux échanges choisis illustrent parfaitement ce processus de création fondé essentiellement sur une sorte de jeu avec les langues. Le locuteur exploite les différents idiomes en présence dans l’espace communicationnel algérien. Il passe régulièrement d’une langue à une autre sans se préoccuper de la norme grammaticale. Cette circulation incessante entre l’arabe dialectal au français montre une capacité chez ces jeunes locuteurs à créer un parler propre à eux, et un sens inné de la fonction ludique du langage qui leur permet d’exprimer leur identité. En effet, cette pratique ou cette créativité est assez ordinaire dans des milieux plurilingues comme tel est le cas de la société algérienne. Les sujets alternent, à des degrés distincts, deux ou plusieurs langues en usage dans le milieu dans lequel ils évoluent.

Cet usage de mots français dans la pratique linguistique des jeunes lycéens mostaganémois semble répondre en premier lieu, à un besoin naturel qu’éprouve tout locuteur natif d’un milieu plurilingue. L’univers linguistique dans lequel baignent ces jeunes locuteurs les prédispose à ces pratiques mixtes, même si ces dernières apparaissent à des niveaux généralement différents. Leur niveau d’apparition dépend essentiellement du contexte et du bain linguistique du locuteur (entourage familial, quartier, niveau intellectuel,).

En second lieu, nos jeunes sujets traversent une période de mutation et de formation de l’identité indispensables à leur maturité, d’où la volonté de se faire remarquer en investissant autant que possible sur la symbolique langagière. Ce désir de se mettre en avant traduit la volonté de ces jeunes de montrer qu’ils appartiennent à une tranche d’âge précise et à une classe sociale déterminée, car la langue française est selon eux une marque de modernité et de prestige social.

Toutefois, les lycéens ruraux semblent rejeter cette langue, et n’en font usage que très rarement, comme nous l’avons vu lors du recensement des emprunts employés dans l’interaction verbale numéro 2. Cette attitude ou ce choix inconscient est dû à un certain nombre de raisons dont les plus importantes semblent être : les représentations linguistiques et le contexte socioculturel. Ces représentations dévalorisantes ont été également remarquées par Daifallah & Kaoula qui ont affirmé que leurs informateurs avaient une image négative de leurs pratiques langagières : « Il semble qu’il y ait, chez nos informateurs, un sentiment d’insécurité linguistique… Ils manifestent à l’égard de leur parler un sentiment de rejet et stigmatisent l’alternance codique et les emprunts ». (1996 : 98)

B. Bessai (2012) s’est aussi intéressé à la manière dont les élèves se représentent les langues qui les entourent. Il s’est interrogé sur les valeurs qu’accordent les élèves de Béjaia aux langues, et comment ils les hiérarchisent. Enfin, Ali-Benchérif et Mahieddine se sont également intéressés à la question des représentations linguistiques, et ont souhaité apporter un regard renouvelé sur les représentations que se font actuellement les locuteurs algériens des principales langues en contact en Algérie. Ils ont affirmé que l’arabe standard reste fortement associé, dans l’esprit des enquêtés, à la religion et l’identité nationale même s’il est absent de l’usage quotidien des locuteurs. Quant à l’arabe dialectal, il bénéficie des images plutôt positives, en lien avec son utilité fonctionnelle et sa vitalité. Enfin, l’intérêt fonctionnel du français lui octroie aujourd’hui une place de choix sur le marché linguistique algérien. (2016 : 188)

Conclusion

Les recherches menées ces dernières années en sociolinguistique ont démontré que langue et identité ont toujours été associées étant donné que la langue représente le symbole de l’appartenance à une communauté ou à un groupe donné. Cette démarcation se fait, de manière générale, par des manipulations lexicales et des choix langagiers spécifiques : emprunts lexicaux, néologismes et alternances codiques.

L’observation des jeunes nous a permis de voir que la manipulation lexicale, en vue d’un marquage conscient d’une identité, est souvent pratiquée par les locuteurs jeunes dans le but de s’affirmer et de se distinguer des autres. L’objectif de cette enquête était de mettre en avant cette volonté des jeunes d’opérer un double marquage dans la formation de leur parler mixte, et ce à travers une créativité ingénieuse et surprenante. On y distingue d’une part, le souci de signifier son adhésion à un groupe social « jeune », et d’autre part, le désir de se situer vis-à-vis d’une situation linguistique algérienne souvent conflictuelle.

Cette enquête visait donc à dégager les particularités des parlers des jeunes lycéens, riches en emprunts et en alternance codique, et à identifier l’origine des choix langagiers de nos informateurs. Nous avons constaté à l’issue de notre enquête que les choix linguistiques de nos informateurs dépendent d’une part, du milieu dans lequel ils vivent, comme cela a été démontré grâce à l’analyse quantitative qui nous a permis de voir que les lycéens de la ville utilisaient trois fois plus d’emprunts que ceux de la zone rurale. D’autre part, le recours à la créativité lexicale permet aux lycéens de produire des pratiques langagières symboliques qui leur sont propres et qui expriment leur identité et leur ingéniosité à manipuler les différentes langues qui les entourent. Le mélange entre les langues ne semble pas être le fruit d’une incapacité langagière, mais le résultat d’un choix conscient visant à se démarquer des autres générations et à affirmer une identité jeune.

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Hafida Benbouziane

Université Abdelhamid Ibn Badis Mostaganem Algérie

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