Introduction
La communication, depuis l’avènement du numérique, s’élabore désormais dans les réseaux sociaux, considérés de nos jours comme les lieux de l’échange virtuel les plus prisés et les plus usités par les acteurs sociaux. Ce qui nous interpelle en tant que chercheure, ce sont les discours qui ont traversé la toile dans notre contexte pandémique actuel. Nous pensons qu’il serait intéressant de questionner les pratiques discursives numériques sur la Covid 19, dans le contexte algérien pour analyser la dimension pathémique dans ces pratiques, destinées à sensibiliser quant à la nécessité de se protéger au cours de la troisième vague. Notre postulat de départ stipule que les technologies numériques, en tant que moyen de diffusion de l’information, engendrent de nouvelles pratiques communicationnelles via le Web 02 (Paveau 2017). Le discours qui s’y construit dans un écosystème numérique1connecté est appelé techno discours natif en ligne. Selon Marie-Anne Paveau « Pour rendre compte de l’élaboration de ces discours web natifs, je parle de technologie discursive. Je la définis comme l’ensemble des processus de mise en discours de la langue dans un environnement technologique, la production discursive étant intrinsèquement liée à des outils technologiques (2013a, 2013c) » (Paveau, 2015 : 3). Cela nous amène à dire que les énoncés produits dans les environnements connectés, au sein d’une technologie discursive ont une nature composite : ils sont non seulement langagiers, mais aussi métissés de technologie.
Il n’est pas vain de rappeler que les contextes des années 2020 et 2021 ont été marqués par une crise sanitaire mondiale qui n’est pas sans conséquence sur la vie des êtres humains depuis la propagation de la Covid 19 et de ses variants « Alpha » et « Delta » apparus respectivement en Grande Bretagne et en Inde. Le contexte algérien connaît une augmentation des cas de contaminations par le variant Delta2, pendant le troisième trimestre l’année 2021. Face à cette situation de crise sanitaire, le corps médical algérien est confronté encore une fois, après la seconde vague au cours de l’année 2020, à une recrudescence du taux de mortalité chez les patients, ayant contracté l’infection virale. Suite à ce constat, une campagne de sensibilisation massive qui préconise la vaccination et le respect des mesures sanitaires a été menée, via le net. Pour engager la responsabilité de la population face à l’obligation de se faire vacciner tout en continuant à respecter la distanciation sociale pour sauver leur vie, plusieurs genres discursifs ont ponctué Facebook, dans le but de convaincre les internautes de la gravité du moment. De ce fait, le terrain numérique algérien nous offre l’opportunité d’explorer les discours qui ont circulé sur la toile, en nous interrogeant sur la stratégie argumentative relevant de la mise en mots du pathos, dans divers technodiscours en ligne. Ce qui justifie en partie l’intérêt pour cette réflexion.
Par ailleurs, nous rajouterons que ce travail est également motivé par, d’une part une curiosité empirique, en tant que chercheure en sciences du langage sur les modes de fonctionnement de la persuasion pathémique3 dans les discours numériques médiés dans le contexte épidémiologique algérien de la 3e vague ; et d’autre part, par le fait de vouloir cerner les enjeux du pathos dans cette campagne de médiatisation, à travers la multitude de technogenres que nous avons observés sur Facebook. L ‘objectif étant de questionner l’appareil émotionnel prisé par les médias sociaux pour émouvoir le public, en accélérant le processus de persuasion, face à la détérioration de la situation pandémique, en faisant adhérer la doxa à la gravité de la situation sanitaire.
De ce fait, nous nous interrogeons sur la manifestation du pathos, dans les discours circulant sur certains médias et certains groupes. Pour ce faire, les questions suivantes seront posées : quels genres de techno-discours circulent sur le Facebook pour sensibiliser les citoyens, au cours de la 3e vague ? Quels sont les procédés linguistiques et non linguistiques permettant la construction discursive de l’émotion dans ces techno-discours ?
Afin de répondre à ces deux questions, nous aurons recours aux propositions théoriques de l’Analyse du discours numérique de l’école française, propulsée par les travaux de Marie-Anne Paveau sur les pratiques communicationnelles numériques, dans un environnement connecté. De plus, nous recueillerons les discours en ligne pour constituer le corpus devant servir à l’analyse. Pour cela, nous avons ciblé le journal numérique « Essaha.com » et deux groupes Facebook « COVID-19 (SARS-CoV2) Algérie DZ » et « Vivre avec la Covid 19 », desquels nous avons sélectionné par la technique des captures d’écrans, les différents discours numériques qui serviront à répondre à la problématique formulée. L’analyse des pratiques numériques retenues se fera en ayant recours aux outils d’investigation de l’analyse des discours numériques et prénumériques4. Nous nous centrerons essentiellement sur les travaux de Marie-Anne Paveau, de Catherine Kerbrat-Orecchioni et de Christian Plantin desquels seront sélectionnés les outils d’investigation, pour analyser la dimension pathémique. Tout l’intérêt sera de mettre à profit les apports de l’analyse du discours numérique et l’analyse de l’argumentation discursive afin de comprendre la manière par laquelle se construisent les émotions dans le discours natif en ligne, pendant la 3e vague de la Covid 19, en Algérie.
1. Considérations théoriques : transversalité théorique entre Analyse du discours et Analyse du discours numérique
Le cadrage théorique, dans cette réflexion, nécessite le croisement des considérations épistémiques et théoriques de deux disciplines disjointes par leurs recherches sur le discours. En effet, le discours n’est pas appréhendé de la même manière en Analyse du discours et en Analyse du discours numérique. La distinction majeure entre les deux repose sur la constitution même de ce dernier, l’un est pétri de technologie, il est virtuel, l’autre dépend des canaux de transmission classiques.
Nous rechercherons dans ce cadrage théorique une transversalité entre l’approche argumentative du discours ému et l’approche écologique5 du discours numérique par la mise en exergue de la dimension pathémique dans le discours médié. Pour ce faire, nous ferons appel aux théoriciens ayant réfléchi sur la question, entre autres, Marie-Anne Paveau et Christian Plantin.
1.1. L’Analyse du discours : le pathos dans la persuasion
Lorsque nous parlons du discours persuasif dans le cadre des sciences du langage et de l’Analyse du discours, nous nous référons aux travaux aristotéliciens sur les moyens argumentatifs employés par les orateurs afin de persuader l’auditoire. Aristote nous explique grâce à sa rhétorique que le projet argumentatif se construit par le recours à trois niveaux distincts : l’ethos (l’image de soi), le pathos (les émotions éprouvées) et le logos (les arguments logiques et rationnels).
Un peu plus tard, les analystes du discours tels que Ruth Amossy, Chaïm Perelman et Christian Plantin vont développer la conception aristotélicienne, en instaurant la nouvelle rhétorique qui stipule que : « […] l’argumentation n’est pas un raisonnement déductif qui se déroule dans le champ du pur raisonnement logique, en dehors de toute interférence du sujet. Elle nécessite tout au contraire une interrelation du locuteur et de l’allocutaire. L’influence réciproque qu’exerce l’un sur l’autre l’orateur et son auditoire dans la dynamique du discours à visée persuasive constitue ainsi l’une des clés de voûte de la « nouvelle rhétorique » (Amossy, 2000 :8). Ainsi, cette nouvelle vision de l’argumentation met en avant des paramètres discursifs qui sous-tendent la relation entre locuteurs, allocutaires et discours contextualisé, à visée persuasive. En conséquence, l’articulation entre ethos, pathos et logos représente le fondement de tout projet argumentatif. C’est le pathos qui nous intéresse dans cette contribution car l’observation de notre terrain d’étude (terrain numérique) laisse entrevoir de fortes charges émotives, au cours du processus de persuasion, dans ce nouveau contexte pandémique du mois de juillet 2021.
Le pathos, en tant que stratégie argumentative se voit définir comme l’expression des sentiments dans le discours. À cet effet, le chef de file de l’école française Christian Plantin voit dans l’argumentation pathémique un processus discursif visant à mettre en place un arsenal d’émotions qui constituent l’argument émotionné : « Il est impossible de construire un point de vue, un intérêt, sans y associer un affect, les règles de construction et de justification des affects n’étant pas différentes des règles de construction et de justification des points de vue » (Plantin, 2005 :103). De ce point de vue, nous en déduisons que l’émotion se construit dans le discours dont le résultat est une argumentation basée sur l’affect exprimé par le locuteur et suscité chez l’allocutaire (Plantin, 2005).
Pour Patrick Charaudeau « […] les médias utilisent, chacun à sa façon, des types de procédés de scénarisations du réel qui tendent à présenter les évènements du monde de façon dramatique, en s’appuyant sur les croyances populaires et les émotions collectives » (Charaudeau, 2000 :1). Ce postulat heuristique, nous ouvre une perspective fort intéressante pour notre réflexion une fois transposée au domaine de l’affect et de l’argumentation par le pathos. Cela suppose que l’un des rôles des médias est de faire circuler l’information évènementielle, en suscitant l’adhésion au point de vue du journaliste par la mise en place d’éléments pathémiques dramatiques et discursifs. Nous pensons que c’est le cas, dans le contexte épidémiologique de la 3e vague, et que les discours numériques vont véhiculer cette dramatisation dans la mise en mots numérique de l’événement qui est, ici, la pandémie en Algérie.
1.2. L’analyse du discours numérique : Le pathos dans la médiatisation numérique
L’ère du numérique a imposé aux linguistes de nouvelles pratiques discursives via les technologies modernes. À ce propos Christine Develotte et Marie-Anne Paveau précisent : « La plupart des communications et relations humaines s’élaborent désormais, à des degrés divers selon les contextes, dans les dispositifs numériques, entendus comme des écosystèmes communicationnels en ligne, à partir d’appareils connectés » (Develotte, Paveau, 2017 : 199). En conséquence, les progrès technologiques, entre autres, la naissance du Web social et les différents appareils de connexion tels les smart phones, les tablettes, les ordinateurs etc. ont collaboré à la naissance de nouvelles formes de communication, en usant de ces nouveaux canaux et par là même, en permettant au discours de devenir numérique. Il convient, donc, de voir comment il se définit dans cette nouvelle perspective analytique qui : « […] consiste en la description et l’analyse du fonctionnement des productions langagières natives d’internet, et plus particulièrement du web 2.0, dans leurs environnements de production, en mobilisant à considération égale les ressources langagières et non langagières des énoncés élaborés » (Paveau 2017 : 29) .
De là, nous en déduisons que les discours numériques en tant que : « […] productions langagières et discursives natives d’internet » (ibid.), mobilisent les plates-formes numériques, les réseaux sociaux et présentent selon les deux linguistes des caractéristiques technodiscursifs, dans un écosystème numérique marqué par des productions hybrides. L’hybridité s’explique par un métissage entre le langage et la technologie numérique dans un contexte sociotechnique : « Dans les univers discursifs numériques, l’hybridité est principalement celle qui assemble du discursif et du technique : les discours numériques natifs sont des technodiscours (Paveau 2013) » (Develotte, Paveau, 2017 : 206).
Ainsi posées, les productions discursives nécessitent des outils analytiques numériques pour ouvrir la réflexion autour du pathos, dans ce type de discours qui relève de la communication numérique médiée par ordinateur. À ce niveau-là, Marie-Anne Paveau nous renseigne sur la définition même de ce type de communication, comme étant une interaction entre les internautes où le médiateur est une machine. Elle pose un continuum entre le linguistique, le contextuel et le technologique grâce à la mise en place de genres technodiscursifs, pour diffuser l’information via le Web. En effet, l’organisation de ce dernier est configurée par les différentes plates-formes et les réseaux sociaux qui sont les principaux canaux de la circulation des informations, sur la toile et de ce fait ils sont l’objet d’une médiatisation intense et rapide des événements politiques, culturels, économiques, etc. marquant la sphère sociale. Dès lors, les médias sociaux ont des rôles importants dans la diffusion de l’information et contribuent à la circulation des discours émotionnés via les réseaux sociaux tels que Facebook, par exemple. Selon Christian Plantin : « Les plates-formes de web sociaux, étant associées à un potentiel émancipateur, à la liberté de la parole et à l’expression des sentiments, sont aussi des espaces particulièrement intéressants pour l’analyse du discours émotionnel et émotionné » (Plantin, 2011 :20).
Le modèle analytique de Plantin repose sur les niveaux suivants :
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Le terme de l’émotion
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Le lieu psychologique : le sentiment
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L’énoncé d’émotion.
Cette précision, nous permet d’envisager l’analyse du pathos dans les pratiques discursives traduisant l’expression des sentiments aussi bien chez le producteur du discours que celui qui le reçoit. Notre tâche sera, donc, d’identifier et d’analyser les catégories émotionnelles dans les deux sens. À partir de là, nous pouvons greffer les outils d’investigation de l’argumentation par pathos à ceux de l’analyse du discours numérique, en identifiant l’émotion construite et les termes qui la construisent dans l’énoncé.
Pour relever les termes de l’émotion des énoncés numériques, nous focaliserons l’étude sur les écritures numériques, et plus particulièrement sur les textes numérisés6 possédant les aspects suivants selon Marie-Anne Pavot (2017) :
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La délinéarisation : le discours est chargé, dans ce cas, de technomots, des technosignes et des hyperliens.
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L’augmentation énonciative : la prise en charge du discours numérique peut être faite par un énonciateur unique ou augmenté par des énonciateurs multiples appelés « énonciateur collectif ». L’augmentation se traduit par les discussions que peut susciter une publication, par exemple.
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La technogénéricité : tout texte numérisé appartient à un genre discursif numérique
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La plurisemioticité : les discours peuvent être accompagnés d’une multitude d’images, de vidéos, de photos, d’enregistrements, etc.
Le tout assemblé et contextualisé dans son environnement numérique et social construit le technodiscours natif en ligne.
1.3. Genres discursifs et technogenres numériques
La question des genres discursifs suscite multiples débats chez les linguistes en Analyse du discours. En ce qui concerne la présente étude, il sera question de catégoriser les différents genres de discours numériques qu’offre le réseau Facebook. Pour ce faire, nous devons accorder une attention particulière à la classification de Marie-Anne Paveau qui nous propose une définition du genre qui sied à la problématique posée ici, elle stipule que : « […] le genre, je pose son hétérogénéité comme l’un de ses traits principaux, particulièrement sur l'Internet : les genres de discours sont co-constitutifs des matérialités technologiques et des dispositifs communicationnels propres aux univers discursifs numériques. Les programmes génériques des discours numériques sont élaborés au sein de l’écosystème de l'Internet » (Paveau, 2013 : 12). Les genres sont, donc, hétérogènes, ils ne dissocient pas le discursif du technologique, dans la mesure où l’un est constitutif de l’autre, dans une forme technodiscursive, qu’elle qualifie de composite : « Je définis le genre de discours composite comme un genre au sein duquel les énoncés n’ont pas une nature « purement » langagière, mais en partie constituée de matériau technologique : écran, timeline, avatars, liens, boutons, bookmarklets, etc. ». (Paveau, 2013 : 13).
Au-delà de cette précision, la linguiste nous présente une typologie des genres technodiscursifs qui, certes, n’est pas exhaustive, mais qui reste suffisante pour l’identification des discours numériques natifs en ligne. Nous retiendrons de celle-ci que le technogenre auquel appartiennent nos discours sont les techonogenres produsés. Ce genre, selon la linguiste, englobe la pancarte numérique, technographisme l’article de presse, la twittérature, les vidéos.
Une fois la catégorie générique définie, nous procéderons à l’identification des genres dans l’univers numérique facebookien, au niveau de la description du corpus.
2. Considérations méthodologiques
Afin de mettre en place une méthodologie de travail. D’abord, nous avons observé le terrain numérique algérien, en ayant une attention particulière pour le réseau social Facebook. Ensuite, nous avons constitué le corpus à partir des publications, sur les pages consultées pendant la troisième vague épidémiologique de la Covid 19 en Algérie (sur une durée d’un mois du 1er juillet au 30 juillet 2021) . Enfin, nous procéderons à l’analyse du corpus, en usant des outils de l’approche écologique du discours et l’approche argumentative.
2.1. Facebook : un terrain numérique de l’information médiée
Nous en convenons que Facebook est un réseau social très usité par les internautes étant donné qu’il est le plus demandé et le plus populaire. Son arrivée sur le Web algérien se fait en 2006, il rassemble beaucoup d’usagers qui partagent tout type d’informations. Constitué de pages personnelles, de groupes virtuels, etc. il fonctionne comme un média social où le public et les professionnels de tous les secteurs communiquent librement, sous le respect de la charte d’éthique qui les protège des violences verbales en ligne. Sécurisés, beaucoup d’internautes utilisent Facebook pour informer et s’informer sur l’événementiel social et mondial, pour effectuer des transactions commerciales, partager des découvertes, exprimer des humeurs, etc. En tant qu’espace virtuel, il constitue pour nous le terrain de prédilection de la communication médiée et de ce fait un des meilleurs écosystèmes numériques de la circulation des discours persuasif, sur la toile.
2.2. Le corpus : récolte et méthode d’analyse
Partant du constat que : « Le corpus est constitué par un ensemble d’observables et non une simple collection de données. Les observables seront situés dans leurs environnements discursifs » (Paveau 2017 : 70). Ainsi, le corpus qui a été retenu est composé de onze discours en ligne, ils oscillent entre discours audio-visuel (la vidéo), discours écrit (la textualité numérique) et images en ligne (technographisme). Les observables seront mis en exergue, en vue d’une analyse qualitative.
Les terrains numériques qui les ont hébergés sont le journal électronique « Essaha.com », média animé par les professionnels de la santé et deux pages de groupes destinés aux internautes : « COVID-19 (SARS-CoV2) Algérie DZ » et « Vivre avec la Covid 19 ». Le choix de ces pages web se justifie par un souci de voulodiversifier les points de vue immanents d’acteurs sociaux différents, à savoir les médecins, les journalistes et les citoyens de tous les âges et de toutes les sphères sociales.
Le corpus a été récolté en usant de la technique des captures d’écran. Nous avons ciblé les publications qui ont été postées, au cours du mois de juillet et nous ne n’avons pas tenu compte des commentaires et des discussions qui ont suivi la publication. Notre but est de rendre compte de la formation des émotions dans le technodiscours initiale, sans prendre en considération les réactions des internautes sur l’information postée.
La méthode analytique préconisée, ici, reposera sur deux démarches ; la première sera descriptive. Elle nous permet de décrire les corpus afin d’en extraire les observables. La deuxième est analytique et qualitative, elle nous aidera à retrouver la construction des émotions, dans les technodiscours natifs. Pour ce faire, cette analyse reposera sur la concomitance entre les outils proposés par Christian Plantin concernant les topiques du pathos, en décelant tous les états émotifs véhiculant les différents types techno-discours, et les outils préconisés par Marie-Anne Paveau (2017) et Michel Marccocia (2017) au niveau des discursivités technologiques, dans le système numérique. Nous ferons également appel aux réflexions Catherine Kerbrat–Orecchioni (2009) sur la subjectivité langagière pour pouvoir analyser les termes de l’émotion, dans le discours et par conséquent repérer les moyens linguistiques qui les véhiculent. . Pour les autres types tels que les photos ou les images, nous solliciterons les travaux en sémiologie, en ciblant ceux de Roland Barthes (1964) grâce à sa Rhétorique de l’image.
Cette hybridité de la démarche méthodologique sera à même de rendre compte du fonctionnement du pathos, dans le discours numérique, comme nous l’avons déjà précisé supra.
Outils de l’analyse du discours |
Outils de l’analyse du discours numérique |
Les marqueurs de subjectivité |
Les marqueurs morpho-lexicologiques |
Les substantifs subjectifs |
Les marqueurs typographiques |
Les marqueurs sémio-discursifs |
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Les signes plastiques |
Figure 2 : corpus relevé du media numérique « Essaha.com »
Corpus techno-discursif natif en ligne
Page Facebook : Le journal Essaha.com 10-07-2021
3 Analyse des pratiques discursives dans le contexte épidémiologique de la 3e vague.
3.1 La dramatisation comme stratégie pathémique
3.1.2 Description des corpus
Nous avons choisi un corpus hétérogène qui se compose de textes, de photos, d’images et de vidéos, relevés des pages de publication d’ « Essaha.com » qui est un site web, dont la vocation est de présenter des informations, dans le domaine de la santé. Il est animé par des journalistes qui ambitionnent à faire diffuser des informations utiles et vérifiées, pour vulgariser la situation sanitaire en Algérie.
Les deux autres groupes Facebook « Vivre avec la Covid 19 », et « Coronavirus COVID-19 Informations & Sensibilisation DZ » sont gérés par des administrateurs qui publient ou approuvent les posts des abonnés, sur les pages de discussion. Tout en étant au cœur de l’actualité, les thématiques traitées mettent en avant des informations diverses sur la Covid 19. Ces groupes ont été créés pour sensibiliser et éclairer, par le biais de plusieurs types de discours, les internautes sur la maladie de la Covid 19. Nous avons retenu une seule publication qui ne figure pas dans ces groupes, nous le justifions par la forte charge émotionnelle qu’elle met en avant et qu’elle suscite chez les allocutaires.
Pour les pratiques discursives de notre corpus, nous avons constaté que :
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La plupart des discours sont des technogenres produsés. En se référant à la définition du produsage, telle qu’elle est présentée dans les travaux de Paveau (2015), comme un mixage entre les termes « production » et « usage ». Le produsage dans les discours numériques fonctionne comme une notion à travers laquelle sont mis en avant un lieu de création et un usage nouveau de la part de celui qui produit la création. On ne parle plus dans ce cas, de locuteur mais de produser sur Facebook. Ainsi, nous pouvons considérer les publications que nous avons retenues comme appartenant à des technogenres produsés, dans la mesure où il y a assemblage et création entre des éléments distincts. (exemple 8), (exemple3) (exemple 4) (exemple 5) (exemple 9) (exemple 10) (exemple 11)
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Les pages du journal ainsi que celles des groupes mettent en avant une communication multimodale7, dans laquelle sont convoquées des pratiques textuelles, technologiques et sémiotiques différentes, relevant de l’écriture numérique. Celles-ci selon Marie-Anne Paveau (2015) sont des écritures en ligne qui possèdent une dimension technique et langagière concomitantes, dans le système numérique. La typologie des formes discursives sont les suivantes :
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Les textes, exemple 1 et exemple 2,
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les iconotextes (texte + image), (texte + photographie), exemple 4, exemple 5 exemple 6 exemple 9, exemple 10,
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les textes accompagnés de vidéos exemple 6 et exemple3.
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La textualité numérique des technodiscours possède les caractéristiques suivantes :
Le rôle de ces technosignes est de traduire une charge émotive afin de pousser l’énonciataire à agir. Exemple 6 et exemple 7,
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L’augmentation énonciative : elle se caractérise par un énonciateur unique qui est soit, le journaliste ou alors l’administrateur du groupe. Les textes deviennent augmentés une fois la discussion déclenchée à travers la page web. Tous les exemples ont cette caractéristique. Elles sont postées par un seul énonciateur le journaliste ou l’administrateur du groupe,
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la technogénéricité : nous constatons une hétérogénéité des technogenres. Certains sont des produsages relevant du genre médiatique numérique, d’autres sont des technographismes ou des textes numérisés.
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La plurisémiocité se traduisant par un métissage entre texte et images ou texte et vidéos. Dans ce cas, les iconotextes et les vidéos accompagnées relèvent des technographismes, ils possèdent les mêmes traits que les textes numérisés. Nous notons seulement l’absence des émoticônes dans la plupart des technodiscours. Donc, la charge pathémique sera plus exprimée à travers les photos et les textes.
La textualité numérique fonctionne soit comme une introduction au discours audiovisuel du médecin ou alors, comme discours textuels accompagnés d’une illustration. Le tout fonctionne ensemble comme des éléments indissociables.
3.1.2 Analyse du corpus
Après description du corpus, nous remarquons que les pratiques discursives numériques sont diversifiées, elles oscillent entre le verbal (les écritures textuelles, les discours audio-visuels) et le non verbal (image- photographie- émoticônes, etc.) le tout relevant de production hybride dans l’espace numérique, ce qui lui confère des formes composites. En effet, l’analyse des écritures numériques (Marccocia, 2017) et des technographismes (Paveau 2017), nous oriente vers deux dimensions analytiques possibles citées par Marie-Anne Paveau : dimension morpho-lexicologique et dimension sémio-discursive. Tout l’intérêt par cette analyse est de voir comment se construit le pathos à travers ces dimensions, dans une double contextualisation à la fois numérique et sociale. Nous ne reviendrons que brièvement sur le contexte socio-sanitaire étant donné que nous l’avons présenté dans l’introduction de cette contribution. Nous précisons que la troisième vague épidémiologique causée par la propagation rapide du variant Delta a semé la peur et la panique au sein du personnel de santé qui s’est retrouvé face à une situation dramatique et incontrôlable, dans les hôpitaux (manque d’infrastructure, manque d’oxygène, décès d’éminents médecins -45 médecins au cours du mois de juillet 2021-, manque de moyens, décès de jeunes patients etc.). À cela, nous pouvons rajouter l’échec de la campagne de vaccination avant l’avènement de la 3e vague. Tous ces facteurs ont favorisé la mise en place, à nouveau d’un discours médié par les voies du numérique, pour atteindre une grande partie de la population afin de casser la courbe de la vague épidémiologique, le plus rapidement possible. Les solutions proposées par le corps médical et les groupes activant pour la sensibilisation contre le nouveau variant du corona virus, sont la prévention et la vaccination.
Afin d’atteindre cet objectif, les discours natifs en ligne ont été dotés d’une charge émotionnelle importante de la part des locuteurs qui ont posté leurs publications, via le média social Facebook. Nous nous attellerons, ici, d’analyser ceux qui ont été sélectionnés comme corpus et que nous avons décrits supra. Le but étant de relever les procédés linguistiques et non linguistiques qui sont à l’origine de la construction des émotions dans l’écosystème numérique.
3.1.2.1. Dimension morpho-lexicologique : les topiques de détresse, de colère et d’impuissance
Cette dimension concernera l’écrit numérique. De ce dernier seront sélectionnés les signes de ponctuation, les adjectifs, les adverbes, les substantifs et les verbes subjectifs comme révélateurs des topiques affectifs de détresse et d’impuissance. Dans les exemples suivants :
Exemple 1 : PROTÉGEZ-VOUS ! ! PROTÉGEZ LES VÔTRES ! ! ! ! ! AVANT QUE CA NE SOIT TROP TARD. CE QUE NOUS VOYONS, CE QUE NOUS VIVONS ET TERRIBLE, CROYEZ-MOI. PR Soraya Ayoub
Exemple 2 : Plus de places dans nos structures, et le comble l’oxygène manque ! ! ! SVP en ces jours de fêtes, évitez les rassemblements, les embrassades, mettez vos bavettes ! ! ! ! ! faites attention à vos familles ! ! ! ! Prions ensemble que ce cauchemar finisse ! ! ! !
Exemple 10 : Je sais pas qui a fait ce dessin, mais il est incroyable ! ! !
Exemple 7 : Pour se vacciner, vous n’avez pas besoin de faire un test antigénique ou sérologique… Seule une pièce d’identité est nécessaire.
Exemple 6 : LA VACCINATION N’EST PAS OBLIGATOIRE, mais elle vous protège mieux contre le danger de la mortalité. LE CHOIX VOUS INCOMBE PERSONNE NE VOUS Y OBLIGE
Exemple9 : APPEL A LA POPULATION ! ! !
BASTA C’EST FINI… KHLASS
L’oxygène manque cruellement et vous risquez votre vie !
Et que Dieu nous protège inchallah !
La structure morphosyntaxique est marquée par l’oralité et l’usage de l’exclamation accompagnant des injonctions à l’impératif. Ce procédé linguistique traduit un SOS lancé par les médecins afin de mettre l’accent sur la gravité de la situation. Il y a mise en scène d’une situation dramatique se traduisant par des signes d’exclamation permettant d’accentuer l’émotion construite dans ces énoncés numériques. Nous remarquons dans le premier exemple l’usage des majuscules dans les formes interjectives et cela s’explique par le fait que la locutrice souhaite doter son appel d’un cri de détresse qui doit être visible typographiquement et de ce fait audible pour les allocutaires qui font la sourde oreille et qui ne mesurent pas la dangerosité du variant. En somme, les signes typographiques sont animés d’une forte charge émotionnelle, ils accentuent les sentiments d’impuissance et de colère face à la situation épidémiologique qui vire vers la tragédie, vu l’augmentation du nombre des cas et de décès parmi les patients contaminés.
Par ailleurs, dans les exemples 7 et 9, l’interjection marque l’étonnement et la colère provoqués par une situation chaotique et tragique. Par contre, dans les deux derniers exemples, le message de sensibilisation à la vaccination est marqué par des points de suspension et de l’alternance entre signes typographiques majuscules et minuscules. Il s’agit d’attirer l’attention des internautes sur leur responsabilité quant à la vaccination pour se prémunir contre le corona virus. La structure négative fonctionne ici comme un rappel à l’ordre, une injonction implicite qui place l’internaute devant l’obligation de se faire vacciner, en prenant conscience de la nécessité de ce geste sanitaire pour sauver sa vie.
Parallèlement, nous remarquons que les topiques de détresse se manifestent par les verbes modalisés à l’impératif : » PROTÉGEZ-VOUS ! !PROTÉGEZ LES VÔTRES ! ! ! ! , « CROYEZ-MOI ! », « évitez les rassemblements », « mettez vos bavettes ! ! ! ! ! », « faites attention à vos familles ! ! ! ! », « Prions ensemble », « continuez à respecter les mesures barrières », « vaccinez-vous », ou des modalités nominales, « BASTA », « KHLASS ».
Le recours aux modalisations verbales et nominales se justifie par le fait qu’il s’agit ici d’un appel exhortatif urgent qui suscite l’action. Les allocutaires doivent réagir en adoptant les gestes barrières et la vaccination. En somme, la ponctuation expressive, l’usage des majuscules et les modalisations verbales et nominales construisent une forte émotion, traduisant deux sentiments saillants : la détresse, la colère et l’impuissance face au Delta, en sollicitant chez les allocutaires un sentiment de culpabilité et de peur.
Pour les émoticones considérés comme des technosignes, ces derniers sont des procédés qui ont été peu remarqués dans les publications sur le media essaha.com ou dans les groupes sociaux. Nous les remarquons seulement au niveau des deux exemples 6 et 7. Ils traduisent les émotions suivantes :
La persuasion par le pathos repose ici sur la mise en avant de sentiments positifs de sécurité face à la campagne de vaccination qui apparaît comme la seule issue pour stopper la propagation de la maladie dans les sphères sociales. Le rôle des émoticônes est d’exprimer les sentiments des administrateurs ou des membres qui ont publié l’appel à la vaccination comme meilleur moyen de lutte contre le variant Delta. Ils traduisent l’attitude psychologique qu’adopte le scripteur face à son énonciation, tout en mettant l’accent sur l’intensité de l’émotion (la détresse) par le recours à la répétition pour le premier émoticone.
En définitive, les émoticônes sont des marqueurs émotifs positifs dans les exemples retenus, ils instaurent implicitement un sentiment d’espoir de fin de pandémie, grâce à la vaccination et l’action collective des citoyens qui sont leurs propres sauveurs.
3.1.2.2. Dimension sémio-discursive : les topiques d’impuissance, de tristesse, d’abattement et de victimisation
La plupart des technodiscours recueillis sont composites, voire hybrides8 car ces discours sont marqués par une multiplicité modale discursive. Elle corrobore à la mise en place d’un ensemble d’éléments langagiers et para- langagiers grâce au mixage des codes linguistiques, iconique dans la pratique discursive sur Facebook. Cette caractéristique nous impose le recours aux approches sémiologiques (Barthes 1964) jumelées aux approches de l’analyse du discours de persuasion (Plantin 2011)
Les textes numérisés fonctionnant comme des « para-textes » (Marccocia 2017 : 91) annonçant les videos, nous renseignent sur le contenu du discours audio-visuel qu’elles véhiculent. (exemple 3) et (exemple 6). Le reste des textes, par contre, sont des technographismes où se combinent texte et image/ photo (exemple 4), (exemple 5), (exemple 8), (exemple 9), (exemple 11). L’analyse de ces corpus numériques, nous permet de déceler les topiques pathémiques de la détresse, d’impuissance, de tristesse, de victimisation que nous avons dégagés des structures linguistiques et non-linguistiques dans ces pratiques discursives numériques. Nous remarquons que les marqueurs émotifs (termes émotifs) les plus saillants de ces topiques sont les suivants :
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Les substantifs subjectifs : « les maux »- « drame »- « gravité »- « détresse »- « contaminés »- « contaminations »- « décès »- « le variant Delta ». « Perte » « virus » « danger » « maladie » « malades » « souffrances » « état grave »
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Les adjectifs subjectifs : « complets »- « délicate ». « grande » « satané », « fatigués » « laminés » « exténué » s « saturés » « hospitalisés »
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Les verbes subjectifs : « est réduit »- « est saturé »- « risquent » - « sauver » « nuire » « n’épargne personne », « souffraient » « augmentation des cas » . « terrasse »
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Les formes négatives « ne… pas », « ne… rien » . « ne. plus »
Tous ces marqueurs linguistiques mettent en place un discours angoissant décrivant une situation pandémique difficile qui n’est plus sous contrôle du secteur sanitaire.
À cette première analyse des procédés linguistiques traduisant les émotions dans les textes, nous greffons une deuxième analyse sémiologique des images et des photos des icontextes. Celle-ci, nous permet de déceler à travers le décodage du message plastique, du message iconique les topiques suivants :
Topiques |
Exemple |
Analyse sémiologique |
Victimisation |
Exemple 8 |
Le médecin apparaît comme étant victime de l’incivisme des citoyens qui ne respectent pas les mesures sanitaires. |
Tristesse |
Exemple 8 |
L’image de l’Algérie qui pleure son sort, qui pleure les victimes du variant Delta |
Fatigue |
Exemple 9 |
La position d affalement sur les tables, montre l’extrême fatigue des médecins. Ils sont assimilés aux soldats anéantis après une grande bataille contre la Covid 19. |
Impuissance |
Exemple 8 |
La position assise du médecin sur l’image connote son impuissance devant le non-respect de la distanciation sociale. La bavette déposée sur le marché montre bien que les citoyens ont renoncé aux respects des gestes barrières |
Dévouement |
Exemple 10-5-4 |
Le médecin se sacrifie pour que son patient survive. La noyade synonyme d’étouffement montre le renversement des situations. Le médecin étouffe et se dévoue pour que le citoyen vive. |
Dévouement |
Exemple 5-4-11 |
Les médecins occupent les premiers plans de l’image. La photographie les immortalise comme les héros et les sauveurs par leur dévouement. |
4. Synthèse et discussion des résultats
L’analyse des discours numériques natifs en ligne a permis de constater une dimension pathémique de dramatisation par la mise en circulation de technodiscours alarmants et alarmistes, aussi bien par les professionnels de la santé sur « Essaha.com » que les administrateurs des groupes « Vivre avec la Covid 19 », et « Coronavirus COVID-19 Informations & Sensibilisation DZ », sur le réseau social Facebook. Les topiques persuasifs traduisant des sentiments d’impuissance, de détresse, de colère, d’abattement, de peur et de tristesse se sont construits en filigrane grâce à une pluralité de modalités, à savoir textuels, iconiques et audiovisuels.
Les manifestations du pathos, dans les pratiques discursives textuelles des internautes, ont été véhiculées par des procédés morpho-lexicaux grâce à l’usage d’une ponctuation et d’une typographie expressives, relevant des pratiques orales et gestuelles dans le contexte réel. Le but étant de mettre en place une charge émotionnelle traduisant un sentiment d’échec pour faire réagir les citoyens, en les poussant à se protéger. Nous avons également remarqué le recours aux émoticônes qui, contrairement, aux autres procédés ont exprimé une attitude psychologique positive d’encouragement qui est censée être la porte de sortie de cette crise sanitaire, en Algérie. Les technographismes constitués de combinaison entre texte et image ou texte et photo « non isolables » ont véhiculé des topiques de persuasion pathémique relatifs à des sentiments de fatigue, de dévouement, de tristesse et de dépassement. Ainsi, cela a suscité des sentiments de peur et de culpabilité face à cette situation dramatique et de la compassion envers le staff médical.
En somme, le discours de sensibilisation contre la propagation du variant Delta en Algérie, est marqué par la dramatisation en tant que stratégie argumentative pathémique et technodiscursive se manifestant par un cri d’appel urgent de la part des médecins et des groupes Facebook. La stratégie de dramatisation repose sur la construction d’une dimension émotionnelle complexe vu la multimodalité (verbale paraverbale) qui caractérise les discours natifs en ligne dans le contexte numérique. La complexité se mesure dans l’hétérogénéité des genres discursifs numériques (Paveau 2015-2017) oscillant entre textualité et technographisme à travers les iconotextes ou les vidéos postés sur les pages Facebook du journal « Essa.ha.com" et des deux autres groupes « Vivre avec la Covid 19 », et « Coronavirus COVID-19 Informations & Sensibilisation DZ ». Nous en déduisons que l’appel à la sensibilisation par la dramatisation fonctionne selon le processus suivant dans le discours en ligne :
Les topiques traduits par cet appel sont pour la plupart angoissants ; ils fonctionnent comme des stimulateurs de prise de conscience, en suscitant à la fois des sentiments de peur face au variant Delta et d’impuissance des équipes médicales devant l’ampleur de la vague épidémiologique engendrant une ambivalence dans le processus de persuasion entre topiques négatifs (peur, colère, victimisation, etc.) et positifs (sécurité, espoir, etc.).
Conclusion
En définitive, cette contribution s’est focalisée sur l’analyse du pathos dans les discours natifs en ligne. Elle nous a permis de poser un questionnement qui nécessite le recours à une pluridisciplinarité dans laquelle convergent les postulats épistémiques de l’analyse du discours numérique (Paveau 2017- Marccocia 2017) et ceux de l’approche argumentative (Plantin 2011). Notre but a été de questionner la généricité numérique afin d’analyser une dimension pathémique technodiscursive, à la lumière de la complexité des discours virtuels sur le Web social. En effet, le contexte épidémiologique de la 3e vague a été marqué par une multitude de publications sur le réseau social Facebook, la sphère sociale a été saisie pour prendre conscience de la dangerosité du variant Delta, vu le nombre de contaminations et de décès parmi les citoyens algériens, tout âge confondu.
Par ailleurs, la persuasion par la mise en place de discours émus s’est faite par le recours à des topiques pathémiques de dramatisation. L’enjeu du pathos dans la campagne de sensibilisation, dans les discours alarmistes que nous avons analysés, se mesure dans la l’urgence de faire une sensibilisation massive et rapide grâce aux pratiques discursives hétérogènes, via le média social Facebook, et ce, par le biais des technodiscours où les frontières entre les genres se dissipent, au profit du métissage entre texte, image et vidéo. Pour conclure, nous dirons que notre but a été de démontrer que la multiplicité générique dans des formes négociées (Paveau, 2017), a mis en place une dimension persuasive émotionnelle, via la communication numérique.