Le prisme des révolutions arabes

Abdelkader Benarab

p. 25-52

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Abdelkader Benarab, « Le prisme des révolutions arabes », Aleph, Vol. 2 (2) | 2015, 25-52.

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Abdelkader Benarab, « Le prisme des révolutions arabes », Aleph [En ligne], Vol. 2 (2) | 2015, mis en ligne le 25 juin 2016, consulté le 19 mars 2024. URL : https://aleph.edinum.org/384

Ce travail consiste à présenter aux lecteurs le point de vue de certains intellectuels, écrivains, dramaturges, artistes et musiciens, sur ce qu’on a convenu d’appeler le printemps arabe. Cette élite vit majoritairement en Europe. Nous suivrons au fil de cette progression leur réaction immédiate face aux évènements qui ont traversé, l’espace de leur pays. L’expression de leur production littéraire et artistique ne prétend pas à l’exhaustivité. Comment lire ces évènements ?

This work aims to present the viewpoints of so-called Arab intellectuals, writers, playwrights, artists and musicians regarding the movement known as the Arab spring to the reader.
This elite mainly lives in Europe. Our point is to follow their immediate reactions to the the events that happened throughout their countries. The literary and artistic works included in this study don't pretend to give out a full representation of what has been produced or written on this subject. How to interpret these events?

يتمثل هذا العمل في إطلاع القراء على آراء بعض المثقفين، الكُتَّاب، المسرحيين، الفنانين والموسيقيين حول ما اعتاد الناس على تسميته بالربيع العربي. إن أغلبية هذه النخبة تعيش في أوروبا. سنتابع ردود أفعالهم المباشرة ازاء الأحداث التي شهدتها بلدانهم من خلال إنتاجهم الأدبي والفني. كيف نقرأ هذه الأحداث؟

Il ne peut y avoir de révolution que là où il y a conscience.
Jean Jaurès

Introduction

Ce travail consiste à présenter aux lecteurs le point de vue de certains intellectuels, écrivains, dramaturges, artistes et musiciens, sur ce qu’on a convenu d’appeler le printemps arabe. Cette élite vit majoritairement en Europe. Nous suivrons au fil de cette progression leur réaction immédiate face aux évènements qui ont traversé l’espace de leur pays. L’expression de leur production littéraire et artistique ne prétend pas à l’exhaustivité. Comment lire ces évènements ? Nous partons d’une proposition herméneutique chère à Paul Ricœur : « Expliquer plus, c’est comprendre mieux ». Il y a ceux qui privilégient le facteur contingent et saisissent les objectivations (formes et significations des évènements) à partir d’une approche axiologique et une métaphysique de la sensibilité, dont la survenance de l’évènement ne peut être saisie que dans l’instantanéité subjective, sans lien avec les causes rationnelles de son engendrement. D’autres voient l’Histoire comme principal moteur de l’action : les turpitudes historiques, le soubresaut social et les tentatives de changements doivent mobiliser un coefficient élevé de maturité, afin de pouvoir appréhender les conditions objectives de la mutation. D’autres encore font appel aux théories sociales appliquées pour tenter d’élucider les troubles de la société arabe. Déterminisme culturel et religieux ? Retard historique ? Immobilisme durable ? S’agit-il d’indices anonciateurs d’un remodelage de la physionomie politique et culturelle du monde arabe, demeuré en deçà d’une certaine idée de la modernité et du progrès ? Ce questionnement troublant, dans l’approche ontologique du sujet arabe, appelle une approche herméneutique pour atteindre à l’archéologie souterraine qui sous-tend cette faillibilité historique arabe. La lecture des bouleversements sociaux par l’élite pensante dans le contexte de cette présentation laisse planer l’idée globale d’une intériorisation subjective du mal. Signifie-t-elle un déterminisme absolu ou un enfermement essentialiste dans cette symbolique du mal ?

Essayistes et politologues

Les dénominations pour qualifier les mouvements insurrectionnels dans l’élan de l’instantanéité induisent une ambiguïté sémantique et une embarrassante définition pour dire la révolution arabe.

Quelle lecture la conscience intellectuelle arabe a faite des Révolutions, nées au début de l’année 2011, depuis l’Europe, au travers d’une abondante, mais imminente production littéraire et artistique ?

Ce phénomène inédit a pris de court les intellectuels désemparés devant leur tentative d’élucider l’ampleur du phénomène, à mesure que celui-ci se propageait et risquait d’embraser le monde arabe. Si leur point de vue connaît souvent des divergences d’interprétation, en revanche, tous s’accordent à penser que ce mouvement n’était ni prémédité ni préparé. Aucune annonce ne pressentait cet élan explosif des délires insensés. Ni même dans le cœur complice du poète, souvent ouvert aux confidences prématurées des mystères, n’a résidé cette ode aux inflexions déchirantes pour célébrer les délices des libertés perdues. Le vent qui a soufflé sur la Tunisie, l’Égypte, la Libye, le Yémen, la Syrie et, par extrapolation, l’Algérie et le Maroc, exception faite des pays du Golfe sommairement pourvoyeurs de tensions, a laissé pantois les commentateurs arabes, encore sous l’effet de leurs vives surprises. D’où la difficulté d’emblée du choix du libellé pour désigner ce phénomène populaire : Révolution ? Rébellion ? Mutinerie ? Poussée démocratique ? Printemps arabe ? Autant d’incertitudes qui reflètent le trouble de la conscience pensante, dont le scepticisme historique est nourri par l’immobilisme et le despotisme des États. Et l’on voit mal comment il pourrait se dissiper au regard de la spontanéité de la rue.

Autant d’interrogations inscrites au creux de la pensée des observateurs en situation d’engagement, pour nous expliquer les soubresauts inhabituels de tels évènements, au miroir du sens historique, ou du non-sens de l’Histoire dont ils font partie. Ils nous proposent des éléments de réponse à travers une grille d’analyse comme approche du réel : est-ce l’effet des tensions historiques générées par les régimes d’obéissance, le népotisme et les pratiques vénales ou bien l’abîme des désespérances populaires qui ont provoqué ces élans de furie ? Ou serait-ce simplement l’étincelle meurtrière qui a consumé spectaculairement le corps inerte du jeune Mohamed Bouazizi et qui a mis le feu à la poudrière explosive, mettant en branle le mouvement effréné des foules ?

Vues de l’Europe, les différentes révoltes dans les pays arabes sont apparues avec une spontanéité inouïe. À leur égard, et dans l’ensemble, les réactions des intellectuels sont différentes selon les uns et les autres, sans toutefois s’aligner sur la même ligne de pensée. Il y a certainement des motivations psychologiques et culturelles qui expliquent ces postures intellectuelles tantôt proches, tantôt opposées.

Les intellectuels arabes développent depuis quelques années, surtout depuis l’agression de l’Irak par la coalition proaméricaine en janvier 1991, une double méfiance : envers les démocraties occidentales et envers leurs pays d’origine. Et pour cause, ils considèrent que les pays occidentaux sont liés aux crises politiques et économiques qui agitent l’espace géopolitique arabe. Qu’ils usent de prétextes variés et de raisons alléguées, dans le dessein de promouvoir les paradigmes d’universalisation des valeurs démocratiques. Le discours « démocratique » en est le moyen le plus puissant en tant qu’il utilise subtilement différentes stratégies de crédibilité pour s’ancrer dans celle plus globale de domination. C’est par un jeu d’activation des foyers de tensions dans chaque pays économiquement dépendant, que ces séduisantes rhétoriques se déploient. Les régimes en place s’acculent à des solutions extrêmes. Ils se mettent au service des puissances économiques dans un alignement qui efface toute aspérité pour ne garder que la version normative. Les populations se trouvent ainsi comprimées entre le miroir d’une Europe prospère, mais inaccessible, et l’espace étriqué où les maintiennent leurs gouvernements. En même temps, l’Europe, pourvoyeuse de démocratie et de droit de l’homme, veille à ce que la rébellion soit circonscrite hors de ses frontières territoriales, par crainte de les voir envahir par les populations du Sud. Cette posture de mal-être collectif est la principale caractéristique d’une jeunesse arabe désespérée et révoltée.

Dès leur apparition, ces manifestations surprennent les intellectuels. Pour la plupart d’entre eux qui vivent en exil, s’ils ont été stupéfaits de la rapidité de l’action et du vent de sédition qui a balayé plusieurs pays, jusqu’à renverser certains de leurs dictateurs, c’est que l’espoir d’une amorce de progrès s’amenuisait chaque jour.

D’emblée, on peut affirmer que ces vastes mouvements de protestations ne sont relayés par aucun projet de réflexion critique, ou d’évaluation idéologique, ni même un programme politique pour le choix du modèle social. Le rattachement à une assise culturelle et philosophique préexistante à la survenance révolutionnaire est absent du processus de révolte. Ainsi toute entreprise comparative avec les mouvements historiques révolutionnaires de par le monde, serait d’une portée épistémologique limitée. Certains en ont vu une révolution des Œillets, d’autres une révolution à la française. Hasardons un parallèle avec les velléités audacieuses de la Renaissance arabe au XIXe siècle, et voyons ce qui la caractérisait par rapport au printemps arabe d’aujourd’hui. L’aînée de deux se définissait essentiellement par une volonté de changement et par l’espoir de voir se réaliser de véritables « Tanzimats ». C’est une résurrection qui avait l’avantage de porter en elle une contribution intellectuelle, littéraire, historique et sociologique, afin d’amener les sociétés affectées par un retard aliénant, à un niveau de développement avoisinant celui de l’Occident. L’exemple de la Nahda préfigurait une parenté conceptuelle et littéraire, inspirée puis rapportée par des missions d’étudiants envoyés en France et en Angleterre. C’est dire qu’il existait des conditions préalables théoriques qui rendaient pensable une posture de réforme épistémologiquement en décalage ou en rupture avec le credo mis en cause. L’initiative de réformation du socle politico-social arabe était-elle une utopie ? La réponse tient à deux facteurs essentiels. Le premier est que l’action pratique et la praxis dynamique ne furent pas intégrées à la mise en marche du processus d’innovation, au moment où ces penseurs arabes inventoriaient leur déficit historique et les carences sociales, en référence à un bilan historique interprétatif, mais sans les outils de transformation. Le deuxième facteur étant le contexte colonial violent qui a étouffé toute volonté d’entreprise et lourdement grevé cette matrice révolutionnaire. C’est pourquoi la Révolution française, et les Lumières philosophiques dont elle s’est nourrie ont fait l’admiration des écrivains arabes qui s’attachèrent à en transférer les scintillements sans atteindre le cœur des refontes.

Le cas des mouvements protestataires à partir de 2010 n’a pas la même configuration : ils ont plutôt une caractéristique apolitique, brumeuse et anonyme. C’est pourquoi l’analyse sociopolitique comparative et l’approche évaluative, opérées immédiatement pendant et après le déroulement des protestations, ne retrouvent pas la logique de transversalité dynamique, chère aux grandes révolutions qui ont secoué l’Histoire de l’humanité.

Au début des années 2011, nous avons assisté à une explosion de voix et de manifestations sans précédent, une vigueur à chasser les dictateurs au pouvoir, quels qu’en soient le prix et la finalité. Sans arrière-pensées préalables. Autant dire que le marasme de cette « Hogra » généralisée sévissant parmi les peuples est elle-même le but désigné. Elle n’est ni moyen ni prétexte à une radicalisation ou une conversion structurelle, tel que pouvait nous le faire espérer ce soulèvement. On peut penser, à la suite de Gilbert Achcar (2 013) que :

« Le moteur profond des évènements est le blocage du développement dont pâtissent les économies et les sociétés du monde arabe. Ce blocage est illustré tant au niveau de la croissance particulièrement faible du PIB par habitant en moyenne régionale au cours des dernières décennies qu’au niveau des taux de chômage records qui caractérisent l’ensemble arabe, en particulier le chômage des femmes et des jeunes, avec une surreprésentation des diplômés parmi les chômeurs. »

Malgré la logique de ce constat, il n’autorise pas à penser que c’est cet arrière — plan général qui a pu précipiter les évènements et provoquer les dynamiques de sursaut. Car de ces scènes bouillonnantes, les acteurs sociaux et les intellectuels arabes ne semblent pas avoir pesé lourdement, malgré quelques voix dissonantes. Leur tâche est demeurée quasi inopérante. Le syndicat ouvrier tunisien aussi puissant qu’il fut, bénéficiant d’une assise expérimentale solide, n’a pu prévoir l’émergence brusque d’une telle manifestation. La grève des ouvriers égyptiens, les contestations au Maroc, en Algérie, au Yémen et dans les autres pays arabes languissent, face à l’intransigeance et à la coercition gouvernementale. Toutes les analyses s’accordent à relever que la situation endémique qui sévissait depuis longtemps au cœur des pays arabes commençait à déborder, mais le pouvoir s’employait activement à écumer les coulées du trop-plein. Ces mouvements insurrectionnels sont arrivés par une circonstance contingente, indépendante de la nature endogène et des causes qui les ont provoquées. C’est surtout l’aspect spectaculaire et la dimension subjective qui ont joué.

Dans le contexte de l’analyse, la contribution du Tunisien Fethi Benslama est importante par le regard neuf qu’il porte. Psychanalyste et enseignant en sciences humaines à Paris VII, il décortique le geste du malheureux Mohammed Bouazizi en appliquant aux évènements qui l’ont conduit à la fatalité, un diagnostic étiologique approfondi, en vue d’atteindre à l’intelligibilité des faits. Il publie à ce propos, en 2011, Soudain la révolution ! Un livre qui porte sur la subjectivité et l’imprévisibilité des faits dont le titre est à lui seul un programme analytique. Benslama évacue les logiques rationnelles qui rapportent tout aux catégories économiques et sociales. Il affirme que le sacrifice de Bouazizi :

« Veut dire qu’il aurait pu avoir lieu ou pas. Sans lui, toutes les conditions certaines, telles que la pauvreté, le chômage, la répression policière, l’absence de libertés, la corruption, n’auraient pas donné lieu à une insurrection. » (Benslama 2011 b : 16)

Nous avons une scène de tragédie exécutée au centre de l’agora déclenchant l’ire populaire et appelant à la vindicte. Et nous savons combien la psychologie collective des foules peut être entraînante. Découvrant ce qui pouvait rester de la silhouette disparue, la foule s’est transformée « soudain », je reprends volontairement le titre de Benslama, en un Bouazizi collectif. Une véritable métempsychose s’est opérée. Le corps inerte de Bouazizi a ressuscité dans la foule. Car la transmigration réalisée a généré un être collectif. Surgissement d’un être du non-être. Fallait-il mourir pour donner la vie ? Et cette symbolique transmigratoire, mouvement de la vie à la mort, et de la mort à la vie a créé un schisme consacrant la rupture définitive de l’autorité et du citoyen. C’est tout le peuple qui se lève par la mort d’un innocent qui lui a donné vie et dignité. Dans sa célèbre étude sur la psychologie des foules, que l’écrivain et psychanalyste tunisien ne semble pas démentir, Gustave Le Bon soutient :

« Quelque semblables ou dissemblables que puisent être leurs genres de vie, leurs occupations, leur caractère ou leur intelligence, le seul fait qu’ils sont transformés en foule les dote d’une sorte d’âme collective. Cette âme les fait sentir, penser et agir d’une façon tout à fait différente de celle dont sentirait, penserait et agirait chacun d’eux isolément. » (Le Bon 2011 : 11)

C’est un facteur de fusion qui s’est opéré de l’Un vers le Nous, et ce Nous multiple est devenu à son tour l’incarnation de l’unité. L’être sacrifié est parce qu’il n’est plus. L’échéance de sa mort inconsciemment programmée est solvable d’une altérité, d’une certitude pour autrui. L’acte sacrificiel a valeur de don de soi pour les autres. Un geste asymétrique sans exigence d’un retour compensatoire. Un choix que Mohamed Bouazizi assume avec une prépondérance altruiste. À la suite de la gifle reçue de la femme policière au commissariat, au moment où il voulait porter plainte, il ressentit une double négation de soi : celle de l’assignation humiliante par l’autorité à un statut de non-être social, d’un paria, d’un laissé pour compte, et celle de ce suprême revers, ressenti comme une réduction à l’impuissance virile. La double offense assénée, parce qu’aussi venant d’un sexe opposé, est une disqualification symbolique, une profonde atteinte à l’imaginaire social assiégée par des codes culturels rigides. Une foule se masse, déchaînée, des cris terribles s’élèvent comme une seule voix : Dégage. La diversité devient uniformité. Et comme l’expliquait Freud, à la suite des thèses de Gustave Le Bon :

« L’hétérogène se fond dans l’homogène. Nous dirons que la superstructure psychique, qui s’est formée à la suite d’un développement variant d’un individu à l’autre, a été détruite et mis à nu la base inconsciente, uniforme, commune à tous. » (Freud 1968 : 10.)

Pour le psychanalyste Benslama :

« La révolution tunisienne a surgi d’un angle mort. Vouloir aujourd’hui expliquer ses causes à travers les catégories objectives de la rationalité socio-économique est insuffisant. De telles explications finissent par nous faire adhérer à cette illusion déterministe qui fait tant de mal à notre époque où tout semble programmé. (…) De plus, elle survient dans une situation où l’idée de la révolution s’est retirée de notre espace de pensée, au moins depuis la chute du mur de Berlin, ce qui implique bien plus qu’une simple réactivation : une réinvention. » (Benslama 2014.)

L’auteur insiste sur la soudaineté et la fulgurance du déclenchement comme venant d’un no mans’land de la subjectivité, inatteignable par le pouvoir de Ben Ali. Ce n’est plus la rupture provoquée par le vase social débordant, mais une séparation avec soi-même, avec cet autre que Bouazizi était « Ejection », « Extériorisation », « Expulsion » autant de notions psychanalytiques libératrices des énergies comprimées et comme le principe d’un ressort mécanique, trouvent leur puissance dans la détente. L’autorité est loin d’intégrer l’immensité de la tragédie. Commence alors une comédie : celle d’un show en direct pour le peuple tunisien : la commisération et la pitié dans un face à face à l’hôpital, entre le président Ben Ali et la face disparue. Ultime rencontre entre la puissance de l’être et l’ombre du néant.

L’analyse que fait l’universitaire tunisien sur la révolution arabe et de son pays en particulier est des plus pertinentes à mon sens.

N’eût été quelques considérations susceptibles d’égarer le lecteur moyen au moment où il recourt à une sorte de psychanalyse appliquée à l’étude onomastique, en recherchant des relations de sens entre le patronymique de la victime, son origine et sa mort.

« La signification du nom de Bouazizi aurait-elle pourvu la scène originaire de la révolution tunisienne d’une charge symbolique puissante. »

Si les différentes manifestations de rue qui se déroulaient avaient fait l’objet de concertations et débats au sein d’un encadrement structuré, tels les syndicats ou les partis politiques, elles n’auraient abouti qu’à des formes limitées de revendications, dont le pouvoir se serait empressé d’étouffer, afin de se préserver des situations redoutées. Mais en aucun cas, on n’aurait eu ce raz de marée humain, qui par sa radicalisation instinctive a réussi, là où ont échoué nombre de tentatives organisées par des représentants officiels (mouvements estudiantins, organisations de défense, syndicats, etc..). Car ces représentants, aussi efficaces soient-ils, se maintiennent sous le rapport qui les lie consubstantiellement au pouvoir dont ils dépendent. C’est le cas aussi des groupes opposants qui vivent sous les régimes auxquels ils sont supposés s’opposer, mais dont la relation organique empêche toute action de rupture. L’opposition arabe est en majorité inféodée au système dont elle est issue. Elle est pouvoir du pouvoir. Contre toute attente, ces formes d’opposition organique, mais peu critique constituent un rempart contre les débordements et pour le respect de la norme.

Loin des considérations psychiques développées par Fethi Benslama, l’essai de l’universitaire algérien, Brahim El Mili, Le Printemps arabe : une manipulation aborde une perspective toute différente. Professeur à Sciences-Po Paris, l’auteur inaugure, par l’annonce du titre de son livre, l’ère du soupçon. Il affirme que le monde arabe ne vit pas une révolution, mais « plusieurs révoltes imbriquées les unes dans les autres ». La révolution arabe est-elle manipulée ? Question posée dans l’incertitude d’une réponse affirmée. L’auteur ne rejette pas l’idée conspirationniste. Il affirme même le rôle manipulateur joué par le Qatar et la chaîne Al Jazeera, qu’il appelle ironiquement la chaîne des mille et une news, qui font tout pour

« (peopoliser) une révolte lancée par des anonymes, mais que Doha attribue, par calcul qui dénote une manipulation manifeste, aux Frères musulmans, seule force organisée, mais absente sur les barricades de Tunis et de la place Tahrir. (…) Cette évolution qui mérite description est devenue flagrante avec le printemps arabe où le Qatar prend la posture de « vaisseau amiral » des révolutionnaires tout en écartant superbement toute démocratisation sur son territoire ». (Brahim El mili 2012 b)

Ces révoltes sont comme un nouveau souffle qui mit soudainement en branle la machine de l’Histoire. Le point de vue de l’auteur suit un argumentaire en plusieurs séquences. L’étendue de l’espace protestataire, animé par une jeunesse assoiffée de justice et de liberté. Un mouvement de foule involontaire soulevant les espoirs d’un amendement, sans plan de prise de pouvoir. Enfin le pragmatisme social réunissant les ingrédients d’un scepticisme méthodique. Les convulsions sociales vécues par les peuples confirment l’irréversibilité d’un non-retour aux heures sombres :

« Le printemps arabe de façon involontaire, dit-il, aura été le déclencheur de nombreuses bombes à retardement (…) Rien ne sera comme avant (….) Finis ces dictateurs arabes qui ont tous eu le quart de siècle de gloire. » (Brahim El Mili 2012 a : 212.)

Les certitudes se sont évaporées. Elles n’étaient qu’apparentes. Mais il faut se garder de verser dans le triomphalisme et crier trop tôt victoire. Car, ajoute-t-il, ce ne sont que des accélérations de l’histoire :

« Il faut éviter d’interpréter trop hâtivement. Une véritable démocratisation nécessite une évolution de nature darwinienne plutôt qu’une manipulation de type transgénique, surtout si elle est réalisée dans des laboratoires qataris en vue d’exportation. » (Brahim El Mili 2012 a : 212.)

Ainsi les analyses de ce polytechnicien auront montré que les changements pourraient advenir, mais il faut une longueur de temps pour assister à l’avènement d’un Risorgimento arabe. Car, et l’on aura compris, les territoires impliqués ont gardé intactes les logiques anciennes, comme sont restées inchangées les structures anthropologiques héritées du passé.

Un autre analyste d’origine libanaise et vivant au Canada est Sami Aoun. Il enseigne à l’Université de Sherbrooke. Politologue de renom, il développe dans l’ouvrage qu’il a consacré aux Révolutions arabes (2 013), une thèse très conciliante dans laquelle il fait appel à toutes les composantes ethniques, aux formations politiques afin de les intégrer en tant que catégories sociales, au jeu démocratique à travers une acceptation et une reconnaissance de l’autre. Avec un ton mesuré, il livre une analyse des plus objectives, en évitant savamment les diatribes partisanes. Il considère la Révolution arabe comme une vraie révolution et non une agitation de rue comme certains ont voulu la réduire. Et s’il repousse l’idée complotiste qui serait la source du soulèvement, c’est qu’il lui attribue une maturité et une ambition légitime.

« Le printemps arabe n’est pas le produit d’un complot, dit-il (…) c’est un point culminant d’une maturité qui est au sein des sociétés arabes, touchées par un phénomène appelé, le printemps arabe qui signifie cette ambition d’ouvrir les systèmes politiques et de faire participer de nouvelles élites. » (Aoun interrogé par Adrien Lachance 2013.)

Ni mirage ni virage, le libellé de son ouvrage, ouvre sur une double négation qui inaugure un réalisme et une prudence dans le traitement d’un questionnement délicat et tranché : est-ce une révolte ou une révolution ? Là, n’est pas vraiment la question. À l’enthousiasme de vouloir implanter fébrilement la démocratie en terre arabe, cède une réalité qui rappelle que ce n’est pas par une opération magique qu’on fonde la justice, mais par un passage de turbulences et de souffrances consenties. Cette démarche s’avère difficile par ce qu’elle exige une transition lente et orageuse qu’il faut intégrer comme catégorie dépassable. Un dépassement qui présuppose un espoir et sous-tend un immense optimisme. Lequel optimisme d’ailleurs est quelquefois reproché à l’auteur, en considération de l’insuccès des révolutions selon certains. Mais Sami Aoun rétorque :

« Qu’il faut qu’il y ait des tâtonnements et des erreurs, ce qui dépasse la question de rébellion pour aller plus vers une rupture profonde. » (Aoun interrogé par Adrien Lachance 2013.)

Sami Aoun intègre l’optimisme révolutionnaire à la notion de rupture comme horizon d’une modernité qui est elle-même une rupture paradigmatique, un renouveau. S’il pense que cette « régression » n’est que l’ombre du progrès, nous disons comme Leibnitz que le mal n’est que l’ombre du bien. Et comme l’un est aux antipodes de l’autre, une transition est nécessaire pour assurer leur articulation. La révolution arabe doit traverser la rigueur d’un hiver, ou pour emprunter une métaphore biblique à l’auteur, une période de purgatoire. Celle de l’apprentissage par la jeunesse arabe des règles démocratiques dont elle a déjà semé les premiers germes. Proche de ce ton conciliateur est le franco-algérien, Smaïn Laacher, sociologue et universitaire qui fut chargé juste avant les grands évènements d’enquêter sur « Les protestations publiques au Maghreb. » Du Maroc en passant par l’Algérie, Laacher se trouvait par une heureuse coïncidence en Tunisie au moment précis où les premiers mouvements convulsifs gagnèrent le pays.

À la suite de cette enquête est né un ouvrage (2013) bien documenté qui a pour titre : Insurrections arabes, utopies révolutionnaires et impensé démocratique.

Le titre à lui seul constitue un programme. Il laisse présupposer une suite de développement analytique conduisant à l’impossibilité de démontrer une conversion radicale, défendue par les tenants de l’argumentaire révolutionnaire. Insurrections, utopie, impensé : une trilogie qui croise une double abstraction, utopie et impensé, qui sont de l’ordre de la représentation mythique et intellectuelle, avec une pratique violente de l’insoumission, pour l’élément insurrectionnel. Cette opposition alerte le lecteur qui pressent la méfiance et l’interrogation de l’universitaire-enquêteur, légitimées par sa double posture d’enquêteur et de sujet arabe, soumis à de pressantes interrogations : « Qu’est-ce qui se passe au centre des bouleversements historiques irréversibles ? Qu’est-ce que comprendre les évènements en cours ? Qu’avons-nous défait ? Qu’est ce que nous sommes en train de refaire ? 

En récusant l’appellation « Révolution », appliquée à ces ruptures en série par nombre d’observateurs, ce sociologue évacue les catégories d’intelligibilité qui la nomment. Car explique-t-il :

« Si j’entends par révolution, la définition minimale d’une substitution de l’ordre (établi) par un autre (….) ce qui s’est passé en Tunisie et en Égypte, s’est arrêté à mi-chemin »

Cette tendance circonspecte ne relève pas d’un pyrrhonisme arbitraire ou naïf, mais d’une recherche de sens attribuable au mouvement historique tâtonnant. L’agitation visible de la scène urbaine ne cautionne l’ordre réformable que si la société engage un pacte social et politique de reconnaissance de l’altérité. Altérité à l’intérieur de l’identité nationale même, en déconstruisant les truismes accidentels cumulés dans un for Intérieur, miné par les certitudes absolues. Ce protocole extensif à toutes les sensibilités les inclut et les protège par le droit. Écoutons-le lors de la présentation de son livre :

« Il ne suffit pas de reconnaitre cette altérité, encore faut-il la protéger par le droit et certainement pas par la norme religieuse. » (Laacher 2013.)

La société arabe doit se penser pour saisir son moi authentique. Se dépasser afin de saisir la relation d’autrui en tant qu’elle est fondatrice de ma subjectivité. Autrement dit, reconnaitre l’autre dans sa différence fonde ma propre conscience ignorée par moi. L’oracle de Delphes confesse à Socrate la fameuse sentence « connais-toi toi-même » par nécessité de jugement de soi par soi, une démarche introspective et mesurable à l’existence d’autrui. L’impensé historique auquel réfère l’auteur est une impossibilité d’agir et de garantir cette mutation, par la révolution, si on est incapable d’évaluer les paradigmes religieux et la tradition profane qui fondent notre imaginaire. Une évaluation et un jugement critique à partir d’une restitution d’un « logos » pensable par le débroussaillement de la conscience. Les modèles de gouvernance seront ainsi moins enserrés dans le carcan de l’utopie arabe, de ses retours affectifs sur le passé, et des échecs répétés. En se défaussant de cette dogmatique pesante, la société arabe aura entamé un lourd effort de démembrement ontologique nécessaire pour sa survie et une contre partie positive à la fissure laissée par le retard historique et les violences endémiques.

Cette mise à plat phénoménale après l’avoir examinée, fera un rappel à une reconstruction de la catégorie religieuse indissociable du projet social. Elle doit veiller à sa réintégration et sa reconversion par la délibération et le rejet de la violence, comme modes dominants de règlement des litiges. C’est à cette métaphysique éthico-sociale que s’attache à développer en filigrane le penseur Smain Laacher, dont la vision du monde reste, par certains côtés, voisine de celle de Sami Aoun, qui appelle de son côté à penser les formes religieuses dans une perception laïque en continuité et non en rupture avec l’histoire religieuse.

Littérature et Révolution

Dans le contexte où se poursuit le vent libertaire qui balaie la plupart des sociétés arabes, le roman en tant que construction narrative relevant de la fiction aura du mal à s’adapter au réalisme cru de la procession d’évènements qui se déroulent sous nos yeux. C’est pourquoi peu de romans ont été consacrés au sujet. Les romanciers se sentent investis du devoir de témoigner et d’expliquer au monde ce messianisme révolutionnaire si espéré, dans un univers où l’espoir est dissout par l’absence d’horizon d’attente. L’écrivain marocain, Tahar Ben jelloun saisit opportunément l’occasion de sortir deux ouvrages à la fois prenant pour thèmes : les révoltes arabes. L’étincelle (2011) est un essai qui fait référence au déclenchement des premiers mouvements en Tunisie et plus tard en Égypte. Il est écrit dans la tradition de son style accessible où les mots chargés d’images voltigent allégrement de Tunis à la place Tahrir. Il décline son projet dans les premières lignes de l’introduction : « J’ai tenu à écrire ce livre pour expliquer ce qui se passe aujourd’hui dans le monde arabe. » On y découvre deux pays exsangues, tenus fermement par deux présidents dont le seul souci est de dilapider les richesses de leur pays respectif. La narration nous dévoile leur communauté d’intérêts, mais face aux contestataires, ils se conduisent comme des victimes. L’auteur invite le lecteur à « pénétrer » dans la tête de chacun d’eux en imaginant ce qui pouvait s’y passer. Avec une ironie mordante, Ben Jelloun esquisse deux portraits grossièrement crayonnés, celui de Ben Ali et de Moubarek, qui sombrent peu à peu dans une dépression névrotique, car ils se sentent bafoués et trahis. Ensuite, l’écrivain passe un à un les pays enfoncés dans cette crise durable sur fond de manque de liberté d’expression, d’intégrisme, d’autorité patriarcale et de restrictions de l’espace individuel. Au fil de la narration le récit peine à se détacher des thèmes itératifs qui grèvent la progression et finissent par blaser la lecture. Le second ouvrage publié presque en même temps, chez Gallimard en 2011, s’intitule, Par le feu, allusion directe à l’immolation du jeune tunisien en décembre 2010. C’est une chronique romancée, dépouillée des langueurs inessentielles, rédigée sur le mode d’un conte, avec une écriture cursive qui épouse la promptitude de l’histoire elle-même. Il s’agit d’un récit d’une cinquante pages, dévoilant la courte vie du protagoniste Mohamed Bouazizi que le désespoir et l’injustice poussent à l’immolation. Il s’agit d’un récit-transcription d’où fuse une saveur de similitude, voire d’identité biographique qui scelle les deux récits. Le narrateur par des détours esthétiques évite soigneusement les noms des personnages et des lieux. La narration institue avec le lecteur un protocole de lecture active afin d’authentifier cette indéniable gémellité narrative. Qu’il s’agisse du livre L’Étincelle ou Par le feu, Tahar Ben Jelloun n’apporte pas beaucoup d’originalité dans ces deux récits où la fiction et la réalité se confondent. Son approche urgente des sociétés arabes prises sous les feux de la rampe, et dont il voulut certainement traiter avec objectivité, n’a pas recueilli la justesse de ton, propre à la position qu’il occupait comme écrivain engagé. Les thèmes abordés dans ses deux livres se répètent dans ses autres ouvrages : la femme, l’intégrisme, l’autoritarisme. En parcourant L’étincelle et Par le feu, on a l’impression que l’auteur nous livre un tiède remake de ses anciens romans. Bien plus il nous offre un récit digne de classement dans les faits divers, par la parcimonie de ses analyses. Or bien des questions en suspens telles les libertés individuelles, par exemple au Maroc, ne sont pas abordées et cet évitement a nui fatalement à son programme d’analyse encadré de nombreux poncifs et lieux communs.

En se tournant vers les journaux et magazines, on découvre les réactions les plus nombreuses et immédiates qui sont rapportées. Mais il est difficile de donner une idée juste de la position des auteurs sur le printemps arabe, sans tomber dans l’éparpillement des discours décousus. Nous avons privilégié d’autres modes d’expression culturelle et artistique, comme le cinéma, le théâtre ou la musique. Mais l’émergence d’une nouvelle culture sociale telle les graffitis, les tags, la culture hip-hop, les réseaux sociaux jouent un rôle de grands diffuseurs et de détonateur dans le déclenchement des lendemains de feu. Ces formes d’art pour communiquer des messages politiques et sociaux ont l’avantage de la rapidité et de la visibilité immédiate. Elles sont en passe de désarçonner la meilleure des littératures par leur vivacité et la simplicité de leurs messages accessibles, concurremment même à la presse écrite. Les pages de Face book permettent à chaque utilisateur d’être l’auteur et le héros de l’histoire. Des héros omniscients qui dialoguent, diffusent et échangent leurs idées en toute liberté. Le Rap est un des genres les plus originaux et les plus influents en matière de subversion et des mises en cause de l’ordre établi.

Le cinéma

L’année 2011 aura été celle du cinéma arabe. Pas moins d’une cinquante de films était présentée, et Paris eut l’honneur d’en afficher la plupart. Des documentaires, des fictions, des enquêtes ont été réalisés parfois dans la ferveur de l’instant. Des petits films ne dépassant guère trois ou quatre minutes apparaissent sur internet, tellement courts qu’on parle de « poussières cinématographiques ». C’est une incursion audacieuse de la caméra arabe dans la société, à l’intérieur même de la foule. Une libération inespérée des contraintes de la censure a fait précipiter les cinéastes, caméra au poing, au cœur de l’effervescence. Une témérité non sans risque. Le tournage est brut, comme la photographie, il saisit le vif du temps, des corps emballés, des voix unanimes, des cris, des joies, des coups, des blessures. C’est un captage de l’essence de l’instant. L’image n’est plus celle de cadrer un personnage central avec ses plans intimes, son univers émotionnel et ses états d’âme comme l’exprime bien ce journaliste saoudien :

« Par le passé, les scénarios arabes avaient pour héros un personnage unique : le chef. Quant au peuple, il faisait de la figuration. Désormais, c’est le peuple qui est le héros absolu et le chef est réduit au second rôle. Et plus personne ne se contente de faire de la figuration. Même ceux qui suivent les évènements via les réseaux sociaux ont leur mot à dire à un moment ou à un autre. Chaque film réserve une surprise et la fin n’est jamais prévisible. » (Ziad Al — Drees 2011.)

Le 1er festival du Printemps du cinéma arabe s’est tenu grâce aux efforts de Marie-Claude Behna, d’origine syro-libanaise, spécialiste de cinéma et présidente de l’Association du cinéma euro-arabe.

Au-delà de la filmographie établie, et après l’analyse filmique de l’ensemble de la production, elle s’interroge sur l’aspect formel et esthétique du cinéma arabe, ainsi que l’évolution de ses techniques. Si ce bouleversement dans le monde arabe a lieu, le cinéma n’en sera pas épargné, et pourra même mettre à profit une nouvelle vision artistique. Dans un dossier réalisé par Siegfried Forster pour RFI, elle précise cette position du problème :

« La grande différence est dans le titre. C’est Le Printemps du cinéma arabe et non pas le printemps arabe au cinéma. Nous avons voulu montrer les révolutions et les manifestations populaires aussi bien qu’un souffle nouveau dans le cinéma. » Forester 2011).

Parmi la constellation de films présentés et de valeur inégale deux jeunes réalisateurs le franco-égyptien Samir Abdallah et la Canadienne d’origine libanaise Katia Jarjoura, ont retenu l’attention. Tous les deux sont partis enquêter sur le terrain en Égypte. Deux tournages produits sans fard et surtout sans complaisance avec les attentes du public européen, en quête de sensations fortes et de stéréotypes véhiculés par les médias. Pourtant beaucoup de films d’auteurs arabes sont tombés dans ce travers cognitif, cédant à la facilité d’adopter les catégories occidentales, faisant des spectacles fantaisistes et sans profondeur. Ils font des spectacles pour se donner en spectacle. Comme autrefois le Noir colonisé distrayait son maître pour s’attirer ses faveurs. À travers ces réalisations de facture médiocre, on retrouve les thèmes favoris du public européen : le mariage forcé, la femme arabe battue, la laïcité, l’intégrisme, etc. Des thèmes lassants, mais auxquels recourent certains cinéastes arabes, comme une technique de « produit d’appel », prenant la révolution comme prétexte pour espérer une promotion ou recevoir une consécration.

Katia Jarjoura et Samir Abdallah n’ont pas eu recours à ces symboles rassurants pour rapporter la réalité des faits. Les scènes filmées entament sans détour la réalité explosive de la société arabe en pleine révolte face à des pouvoirs en décomposition. Jarjoura a réalisé Good bye Moubarak, un documentaire de 72 min, diffusé sur la chaine télévisée ARTE. Il s’agit d’une enquête journalistique sur les législatives Égyptiennes sous l’ombre menaçante du parti de Moubarek et d’une opposition quasi clandestine. Les opposants faisaient campagne à la tombée de la nuit dans le secret des quartiers populaires du Caire et d’Alexandrie. La puissance et la réussite de ce documentaire résident dans l’absence de parti pris, avec une distanciation des plus objectives dans le traitement égalitaire des forces représentées. La réalisatrice s’est mêlée au peuple, pour le filmer de l’intérieur et mieux cadrer le plan de ses mouvements. Les manifestants s’en donnèrent à cœur joie. Et pour certains c’est leur première figuration. Face à la caméra, ils ont exprimé leur opinion et leur désir de renverser les régimes finissants. Grâce au cinéma, tout le monde s’est senti vivre des instants de démocratie improvisée, mais qu’ils lavaient éphémère. Des frères musulmans, des blogueurs, des opposants, comme l’ancien prisonnier politique Ayman Nour, tous dénoncent avec la même fougue les pratiques du pouvoir. L’enquête de la cinéaste canado-libanaise pose en filigrane une interrogation suggestive sur l’avenir de ces printemps sous une impulsion narrative préparant l’après-Moubarek.

L’autre production s’est déroulée à l’Institut des Cultures de l’Islam, installé au cœur de Barbès à Paris, donnant l’occasion au cinéaste Samir Abdallah de se produire pour son film documentaire,

« Au Caire de la révolution ». Comme l’indique le calembour du titre, le film se déroule en plein cœur du Caire. Un documentaire d’une heure tourné en février 2011. Le réalisateur est un artiste engagé qui milite sans relâche pour les causes justes : La Palestine, l’immigration, les sans-papiers en France. Il s’est déjà fait connaitre par un long métrage, sorti en 2011 qui s’appelle Gaza-strophe : l’histoire du cauchemar palestinien. Ce qui a permis au public européen de découvrir les crimes israéliens contre Gaza, où Samir Abdallah a séjourné plusieurs fois. Avec sa verve habituelle et pleine d’audace, il a mis le cap sur Le Caire en Égypte. Un pèlerinage à son pays d’origine. Il laisse parler des étudiants, des fellahs, des fonctionnaires. Les médias européens ont toujours des versions tendancieuses, peu nuancées pour raconter ce qui se passe dans nos pays, semble dire l’auteur. C’est le sens de ce voyage à contre — courant des idées reçues. Pour voir de lui-même avec l’œil de sa caméra. Il donne la parole à ce peuple épris de liberté, le laisse exprimer ce qui le tient à cœur. Une foule impressionnante parle comme d’une seule voix, pour clamer des mots en l’air comme : dignité, justice. La place Tahrir devient cet espace de liberté, l’agora d’Athènes où tout se dit, s’échange et se discute. La caméra décape l’écorce sociale, découvre en dessous les strates de la misère. La caméra arabe devient comme ces muckrakers de l’Amérique au temps de son gigantisme tentaculaire, ces grands journalistes qui dénonçaient le pouvoir de l’argent. C’étaient les fouilleurs, les déterreurs des misères sociales. Samir Abdallah s’introduit au plus profond de la complexité égyptienne, pour la voir de l’intérieur. Il renoue avec une passion filiale d’un père artiste militant, Hamed Abdallah (1917-1985), dont il expose d’ailleurs sur la place certaines de ses lithographies. Il relève les effets immédiats de cette révolution naissante qui a permis au peuple de se redécouvrir dans la fraternité, et la solidarité. En donnant la parole à un opposant, ancien professeur de physique, le cinéaste montre l’importance du débat public qui n’est pas limité à la question nationale, mais concerne aussi le monde arabe et régionalement le drame palestinien, érodé par les inacceptables concessions de la direction égyptienne corrompue.

Samir Abdallah continue à militer en faveur des libertés individuelles sans complexe. Son œuvre cinématographique s’inscrit par ailleurs dans une vision globale nourrie d’une pensée philosophique, dégagée de toute allégeance aux discours dominants. Au Caire de la révolution est un film d’une grande objectivité où toutes les composantes de la société sont représentées. Les mouvements islamistes, traités avec tant de mépris par certaines caméras trouvent ici l’expression d’un dialogue, mais aussi l’exigence d’une tolérance mutuelle. La révolution arabe, pour Katia Jarjoura, se pose en termes de précocité et d’avenir incertain, tout comme le réalisateur franco-égyptien qui considère son travail comme un perpétuel chantier à l’image de ces révolutions qui se font.

Le théâtre

« Dans nos pays, l’art doit insuffler une énergie libératrice et permettre de déconstruire les mécanismes d’emprisonnement dans le politiquement et le religieusement correct. »

Une phrase inaugurale qui résume l’ambition dévorante des artistes et dramaturges arabes dont l’œuvre théâtrale s’efforce d’en rende compte. L’auteur est Lotfi Achour, un Tunisien qui vit partagé entre Paris et Tunis. Son spectacle est l’un des plus importants que compte la réalisation musicale et théâtrale arabe sur les mouvements insurrectionnels entre 2010 et 2014. Cette pièce a été commandée par la Royal Shakespeare Compagny à Londres dans le cadre des Olympiades de la Culture des JO de Londres 2012. Réalisé par lui, ce spectacle est une adaptation de Macbeth de Shakespeare ramenée aux dimensions sociales et politiques arabes, mais appliquée à la Tunisie en particulier. Le titre est éloquent : Macbeth Leila and Ben- A bloody History ; en arabe « دبجي مدلا ». Je ne sais si le réalisateur s’est aperçu de cette coïncidence linguistique, mais le terme « bloody » rime bien avec « bladi » (mon pays) et qu’il signifie « sang » en anglais. Ce vocable met en relief l’entrelacement du mot et son contexte politico — social : comme si les pouvoirs arabes avaient du mal à se défaire de la physionomie sanguinaire qui caractérise leurs règnes. Lady Macbeth et Leila Ben, entendons Leila Ben Ali, se ressemblent comme deux gouttes… de sang où elles trempent leur passion. Insatiables épouses au service de leur ambition démesurée. L’agencement scénographique laisse apparaitre un mouvement d’interprétation collectif qui permet aux spectateurs de saisir en même temps et par une vision globale, le complexe écheveau de la composition sociale et politique arabe sans perdre le détail de l’histoire. Comme si le réalisateur dans l’urgence du témoignage voulait coller le spectateur au plus près de cette tragédie tunisienne. L’histoire politique de la Tunisie récente commence avec son fondateur : Bourguiba. Il rappelle à bien des égards Duncan du Macbeth originaire. Ce président valétudinaire est déposé par la force par Ben Ali, comme Duncan fut assassiné par Macbeth sur les ordres de Lady. Mais le père de la Tunisie moderne n’est pas exempt de tort ni de critique, lui qui au temps de sa gloire a formé Ben Ali aux pratiques policières. Le roi anglais et le président tunisien sont liés par le crime sur l’instigation des deux Lady, leur femme. Sans scrupule, les deux ambitieuses gouvernent leur pays par époux interposés qui mettent à exécution leur basse besogne. Sur fond de musique traditionnelle, les thèmes défilent à un rythme scénique interposant les épreuves d’une histoire tunisienne éprouvante. Il y va des bourreaux tortionnaires, de la police militaire, des délapideurs de biens publics, en passant par les scènes terrifiantes d’assassinats. À chaque évocation thématique, la représentation alterne, des interviews de personnes réelles aux discours de personnage de plateau. Les interventions d’acteurs sociaux et d’intellectuels sont intercalées dans des segments filmés pour commenter l’intrigue théâtrale, et l’expliquer au public. Ces discours en contrepoint évoluent en parallèle avec l’écriture plateau et étayent la portée dénonciative du message de l’auteur. À intervalle régulier les interprètes brandissent le portrait du potentat et rappellent sans cesse au public les exactions commises en son temps avant sa fuite en exil. Les planches du théâtre sur la révolution arabe ont joué un rôle non négligeable d’éveilleurs de conscience et de sensibilisations des masses, leur offrant en direct leur propre réalité.

D’autres représentations de facture inégale ont pu se produire un peu partout en Europe, filant les mêmes thématiques révolutionnaires, saisissant l’aubaine inespérée de retourner au pays jouer devant un public longtemps tenu à l’écart des affaires de la cité. L’évocation des libertés, des droits, et de la justice sociale est de l’ordre du tabou. Les jeunes artistes profitant de l’absence temporaire de la censure trouvent une bonne occasion pour débattre ces sujets publiquement avec le peuple. Un théâtre de circonstance : peu leur importe, pourvu qu’ils expriment ce qu’ils n’ont jamais rêvé de faire. À l’instar de ces jeunes étudiants syndicalistes de l’Association Ado + qui ont inventé un spectacle sur la révolution tunisienne. En liaison avec le théâtre Croquemitaine à Paris, ils ont monté la pièce « Dégage » jouée en France et en Belgique en 2012 et dont ils ont fait paraitre une version écrite publiée aux éditions du Cerisier, avec en guise d’introduction l’inoubliable poème d’Abu Kacem Chebbi : « ةايحلا دارا اموي بعشلا اذا », poète tunisien (1909 — 1934). Cette jeune initiative dont les interprètes scandent sans cesse l’hymne révolutionnaire montre aussi la réalité du déchainement populaire en présentant une scène réaliste et parfois amère. Évitant la rigidité d’une exposition didactique de l’histoire de la révolution nationale, cette collaboration franco — tunisienne rappelle l’articulation des trois moments qui composent le soulèvement : la volonté, la liesse populaire et le désenchantement.

Aujourd’hui il faut espérer que la dramaturgie arabe profite de cet affranchissement pour rester à l’avant-garde du combat régional et renouveler ses techniques de représentation souvent improvisées sous le sceau d’une censure aveugle.

La musique

La musique est l’art le plus prisé par la jeunesse et le moins aisé à contrôler. En tant que technique de communication et de représentation, elle bénéficie de moyens de diffusion les plus sophistiqués, ce qui lui donne une capacité créative qui la fait adapter à l’urgence du temps et à la non-contrainte de l’espace.

« Faire de la musique » aujourd’hui n’assujettit son auteur ni à une lourde logistique ni à une recherche théorique approfondie. La grande musique arabe engagée, malgré sa large audience, subissait de jour en jour un amenuisement significatif dans la transmission de ses messages, par suite du monopole étatique sur l’industrie musicale. L’évolution du cadre anthropologique a bouleversé les référents socioculturels et fait évoluer les catégories de pensée vers plus de libéralisation en émoussant la ligne du conformisme. La musique engagée entre 1960 et 1980, dans le monde arabe a produit une vague de musiciens avant-gardistes pour ne citer que les plus célèbres parmi eux : Cheikh Imam, Ahmed Fouad Najm, Marcel Khalifé et bien d’autres. Ceux-là se distinguent par un coefficient d’engagement social et politique rarement égalé. Ils possédaient en général une culture idéologique et une philosophie de l’action qui leur permettaient de se rattacher à des programmes de lutte avec une connaissance de l’histoire de leurs pays.

Dans les années 1980, une nouvelle vague de musiciens est apparue en France se réclamant de la culture hip-hop. Un mouvement artistique importé d’Amérique du Nord dont le fief est encore le Bronx. L’Amérique noire a toujours souffert du racisme blanc et de l’inégalité raciale. La culture négro-américaine privilégie la musique comme mode d’expression contestataire. Le Negro — spiritual ou le Gospel en est un des exemples de rupture avec l’ordre établi.

L’immigration en Europe et en France en particulier est proche de la situation des Noirs américains et cette proximité de conscience a généré une parenté culturelle et une filiation non démentie. La contestation des jeunes de cité s’attache à des références paradigmatiques dont les Noirs savent fournir la quintessence. Quand les révolutions ont éclaté ça et là dans le monde arabe, la musique traditionnelle engagée, s’est vu dépassée par la promptitude révolutionnaire, incarnée massivement par une rythmique aux sonorités métalliques de la musique rap, qui se trouve être le meilleur représentant de la ligne contestataire. La musique engagée a un programme, une idéologie et une composition textuelle élaborés. Cette référence scripturaire est absente du rap qui se veut une musique de l’oralité. Une parole saccadée, lancée, criée, au rythme d’habiles mixages et de prouesses élocutoires. Fidèles à l’étymologie du mot « To rap » en anglais, qui veut dire parler, bavarder, les rappeurs s’en tiennent à cette sémantique éclatée aux inflexions chaudes, une phonation percutante, des mots lardés, des phrases sciées, le sens se donne par le son, et le son par le sens. Une salve de noms, de monosyllabes, le tout rythmé, accordé par l’exigence de la rime. Celle-ci fait le contrepoint de la langue rebelle, adoucit le cri, harmonise la ligne mélodique et capte l’oreille. Une instrumentalisation de pointe, très sophistiquée utilisant les platines, les bandes sonores, introduisant la technique du sampling. Leur langue chantée et leurs improvisations instrumentales ont inventé un style particulier, volontairement en rupture, comme on le voit, sur le plan musical et linguistique, privilégiant le dit sur l’écrit. Toute cette mécanique instrumentale à un sens et des messages. L’intérêt du rap réside dans les thèmes qu’il développe. Les rappeurs se produisent dans les lieux publics, très peu dans des espaces conventionnels. La rue est le lieu idéal pour se faire entendre. Ils étaient les premiers à faire écho aux soulèvements arabes. On pouvait les voir au milieu des foules, faire corps avec elle, la faire vibrer, chanter la révolution. Psycho-M, l’imbattable, Lakk3y, DJ Costa, Armada Bizerte, Dam, Palestinian Rapperz et bien d’autres idoles du rap arabe. Le Tunisien Hamada ben Amor, surnommé, El général, lance ces mots à l’adresse de Ben Ali, au nom de la jeunesse :

« Je sais qu’il ya tant de mots dans le cœur du peuple, mais l’oppression lui interdit de les exprimer, alors je vous les jette à la figure » (Blondin 2008 : 14.)

La plupart de leurs noms sont inventés. Ils s’écrivent avec ou sans majuscule. Ils sonnent plus qu’ils ne signifient. Une onomastique fabriquée dans l’harmonie d’un art perverti. Tous les pays arabes possèdent leurs rappeurs. Souvent incompris, parfois rejetés, ils s’imposent par la résistance. Ils sont populaires et appréciés par la jeunesse. Ahmed Mekki, Ramy Donjewan, Arabian Knightz sont des chanteurs égyptiens de rap, se considèrent eux-mêmes comme les ennemis de l’état, appellent à l’insoumission, à la lutte contre le pouvoir. Le Libanais Rayes Bek, le Libyen Hamza Sisi, l’algérien Igrek et bien d’autres contestataires appellent à l’union arabe, à la liberté des peuples. Leurs textes ne sont pas élaborés selon les canons esthétiques de la littérature dominante, à laquelle ils aiment tordre le cou et subvertir les normes. Ils ont leur propre esthétique. Elle se définit par une recherche de nouvelles techniques instrumentales auxquelles ils adaptent une langue sonore où viennent se décliner tous les mécontentements, les révoltes. Mais il faut surtout regarder du côté des thèmes portés par cette littérature errante. Les textes n’étant souvent pas fixés, nous avons du les transcrire à partir de visionnage de leurs vidéos sur You tube. Dans l’histoire de la musique arabe, il s’en trouve de rares textes avec autant d’intensité dans le verbe : des appels au passé glorieux, aux héros historiques, Saladin ou Nasser, au génocide palestinien, à la rébellion contre les pouvoirs. Leurs expressions dominantes se portent dans toutes les bouches : داسفلاا دالب (pays de la corruption) فلختلا (sous développement) ةنايخلا (la trahison) ناهربلا (la preuve). Ces thèmes se retrouvent dans toutes les chansons. (ناهربلا) « La preuve » renvoie à une connotation mystique qui s’articule directement avec l’Islam, c’est-à-dire Dieu. Selon eux nous vivons sous l’empire du mal et de la destruction contre lesquels il faut lutter pour s’y soustraire. L’Islam étant la seule voix salvatrice. Un message combien de fois répété : La sortie de la crise par l’Islam. Un rempart contre la métaphysique de la mort, comme celle de Bouazizi, contre les agressions culturelles, le racisme et les injustices. Ces groupes se posent comme des prophètes ou des visionnaires porteurs de messages indéfectibles à l’humanité entière, comme nous le rappelle cet auteur : « Toute la stature du rappeur repose sur sa capacité d’être un guide (…) « Follow the leader ». (Blandeau 2008 : 17)

Conclusion

Il est difficile de conclure sur une problématique nouvelle induite par l’effet des évènements politiques et sociaux qui se construisent sous le feu de l’actualité. Beaucoup de questions restent posées. Même si les premières convulsions orageuses sont passées, on ne peut conclure à un abandon ni à un désaveu de l’idéalisme primitif qui a soulevé tant d’enthousiasme dans le peuple. Les éléments de réponse suggérée par l’intelligentsia arabe ne développent pas une homogénéité d’opinion. Les différentes analyses que nous avons suivies attestent de la difficulté à saisir sur le vif, la spontanéité de la rue qui a surpris le monde. En s’exprimant sur ces faits ces intellectuels ont ouvert une possibilité de penser la société, mais de l’intérieur. En tant que sujets arabes leurs œuvres expriment cette nécessité de décoder pour comprendre. Et pour paraphraser Gadamer, il n’est pas suffisant d’être en face d’une objectivation, il faut « se prendre » dans le sens, être habité par le sens de cette volonté de faire et de changer le monde. Pour notre part, la posture que nous adoptons est de tendance conjecturale, en attendant que de nouveaux éléments viennent jeter moins de trouble sur l’approche énigmatique de cette phénoménologie prérévolutionnaire.

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Abdelkader Benarab

Ecrivain, philosophe, université Paris 8.

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