Le champ sémantique de la notion « femme » et la logique victimaire du discours féministe dans un corpus hybride

Mahraoui Abdelkrim, Fall Khadiyatoulah et Zenati Djamel

p. 117-178

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Mahraoui Abdelkrim, Fall Khadiyatoulah et Zenati Djamel, « Le champ sémantique de la notion « femme » et la logique victimaire du discours féministe dans un corpus hybride  », Aleph, Vol. 6 (1) | 2019, 117-178.

Référence électronique

Mahraoui Abdelkrim, Fall Khadiyatoulah et Zenati Djamel, « Le champ sémantique de la notion « femme » et la logique victimaire du discours féministe dans un corpus hybride  », Aleph [En ligne], Vol. 6 (1) | 2019, mis en ligne le 25 octobre 2019, consulté le 22 décembre 2024. URL : https://aleph.edinum.org/1683

L’analyse du discours est une méthode d’approche des textes et des discours de divers types. Malgré les différentes variantes méthodiques que peuvent connaitre ses applications, elles ont un élément commun : elles analysent des surfaces textuelles, qu’elles déconstruisent et délinéarisent pour atteindre leurs contenus.
Pour se faire, la procédure consiste à isoler des séquences puis à les manipuler par des régularisations et homogénéisations et enfin à les classer avant de les soumettre à un travail d’interprétation.
Notre hypothèse principale c’est que l’application des procédures rigoureuses d’analyse de discours même à des discours, qui peuvent paraître pour le non-spécialiste comme relevant de la cacophonie ou du tohu-bohu social, permettent d’isoler des structures susceptibles d’expliquer ces discours par un ordre sous-jacent qui les détermine et les classe dans une typologie.
Autrement dit l’analyse de discours peut mettre en évidence grâce à ses procédures les conditions sociales de productions à l’intérieur des discours, qu’il soit hétéroclite et hétérogène ou homogène. Cet ordre sous-jacent est repérable par un ensemble récurrent de marques syntaxiques et sémantiques.

Le travail que nous proposons dans cette contribution prend place dans la tradition de tous les travaux d’analyse de discours de l’école française qui ont exploité la méthode distributionnelle de Harris pour l’étude des rapports entre idéologie et langage ou pour caractériser la typologie textuelle des discours. Il examinera, suivant cette méthode, un corpus hybride, excessivement hétéroclite et hétérogène, composé d’un ensemble de discours portant sur la condition de la femme. Il a comme objectif principal de caractériser la typologie (politique, polémique, didactique, ludique, juridique, etc.) qui domine cet amas de discours. A cet objectif principal se greffent d’autres objectifs secondaires : mettre en relief le mode de fonctionnement de cette typologie si elle est individualisée et mettre à l’épreuve l’efficacité de la méthode déjà systématisée. 

Discourse analysis is a method of approaching texts and speeches of various types. Despite the different methodological variants that its applications may have, they have one thing in common : they analyze textual surfaces, which they deconstruct and delinearize to achieve their contents.
To do this, the procedure consists in isolating sequences, then manipulating them by regularizations and homogenizations and finally classifying them before submitting them to interpretation.
Our main hypothesis is that the application of rigorous discourse analysis procedures even to discourses, which may seem to the non-specialist to be cacophony or social hubbub, makes it possible to isolate structures likely to explain these discourses by an underlying order that determines them and classifies them into a typology.
In other words, discourse analysis can highlight through its procedures the social conditions of production within discourse, whether heterogeneous and heterogeneous or homogeneous. This underlying order is identifiable by a recurring set of syntactic and semantic marks.

The work we propose in this contribution is in the tradition of all the discourse analysis work in French schools that has used Harris’ distributional method to study the relationship between ideology and language or to characterize the textual typology of discourse. Using this method, it will examine an excessively heterogeneous and heterogeneous hybrid corpus, composed of a set of discourses on the status of women. Its main objective is to characterize the typology (political, polemical, didactic, playful, legal, etc.) that dominates this mass of discourse. In addition to this main objective, there are other secondary objectives : to highlight the way in which this typology works if it is individualized and to test the effectiveness of the method already systematized.

تحليل الخطاب هو وسيلة لمقاربة النصوص والخطابات بأنواعها المختلفة وعلى الرغم من المتغيرات المنهجية لتطبيقاتها المختلفة، إلا أن لها عنصرًا مشتركًا واحدًا، أي أنها جميعًا تبدأ بتحليل الأسطح النصية وتفسخ المادة اللفظية المكونة لها قبل الوصول إلى محتواها من الدلالة الظاهرية , يتمثل هذا، الإجراء في عزل الثوابت ثم معالجتها بالتنظيمات والتجانس، لتصنيفها أخيراً قبل استخلاص النتائج والتفسيرات. فرضيتنا الرئيسية هي أن تطبيق هذه الإجراءات الصارمة لتحليل الخطاب - حتى على الخبطات التي تبدوا لغير المتخصصين غوغاء أو زحام اجتماعي وصخب - يمكن عزل بناءات تشرح هذه الخطابات بترتيب أساسي يحددها ويضعها في تصنيفات نصية. بمعنى آخر، يمكن أن يكشف تحليل الخطاب من خلال إجراءاته عن الظروف الاجتماعية لتوليد الخطابات، بغض النظر عما قد يكون غير متجانس فيها. يمكن تحديد هذا التصنيفات النصية أساسا من خلال مجموعة الثوابت من العلامات النحوية والدلالية. يعتمد العمل الذي نقترحه في هذه المساهمة أساسا على طرق تحليل الخطاب للمدرسة الفرنسية التي تستغل طريقة التوزيع لهاريس لدراسة العلاقات بين الإيديولوجيا واللغة أو وضع تصنيفات لنصوص. سوف تفحص مساهمتنا، وفقًا لهذه الطريقة، مجموعة مختلطة، غير متجانسة بشكل مفرط لخطابات الكترونية حول حالة المرأة. الهدف الرئيسي منه هو وصف الأنماط (السياسية، الجدلية، التعليمية، المتشددة، المرحة، القانونية، إلخ) التي تهيمن على كومة الخطابات حول هذه القضية، ويتم تطعيم هذا الهدف باخر ثانوي يتمثل في تسليط الضوء على الوضع البنى الوصفية لتصنيفات وهذا لاختبار فعالية الطريقة التي نعتمد عليها.

« La linguistique permet de substituer au donné du texte, une logique du texte. Elle sert qu’à mettre à jour, l’économie interne d’une idéologie, en aucun cas à établir la fonction sociale » Robin (1971 : 47).

« Le sens d’un texte est (...) donné par l’ensemble des prédicats constitués autour d’un mot (ou de plusieurs) qui est, alors, identifié avec le discours lui-même » Dubois (1971 : 17).

1. Prolégomènes

1. 1. Un discours spontanément caractérisé

La mise en discours de «  la cause des femmes » dans les médias algériens livre, dans la majorité des situations, les discours qui s’en rapportent, à un travail de très haute abstraction en les intégrant dans la sphère que dessine le terme générique de «  débat ». Ils sont portés à généralité et les quelques commentaires qui s’aventurent dans les sentiers de la spécification les restreignent à la catégorie de discours polémique.

Il n’est pas rare en effet de lire ou d’entendre des commentaires du genre :

  • («  la polémique + le débat sur les droits de la femme + sur la promotion des droits de la femme »)1  ;

  • («  la polémique suscitée + le débat suscité par le projet de loi sur la violence + sur la protection+ sur les droits + sur le port de la burqa + du burkini », etc.)

En donnant ainsi «  débat » et «  polémique » comme termes interchangeables, il s’institue une relation d’équivalence entre un genre et une espèce devenue son prototype.

Qu’il soit clair et qu’il soit d’emblée posé que le classement de ce discours dans cette typologie est immédiat, instantané et flou, car fondé sur des critères non pertinents et non opératoires. Leurs énonciateurs se réfèrent, dans la plus convaincante de leur argumentation, aux positionnements antagonistes des différents interlocuteurs sous forme d’oppositions binaires du type :

«  militants vs opposants »,
«  démocrates avant-gardistes vs conservateurs »,
«  laïques vs islamistes, fondamentalistes ».

Loin de catégoriser ce qui fait qu’un discours fonctionne, le résultat de ces oppositions répétées est souvent un poncif sentencieux qui vient conforter la petite fabrique de l’idéologie qui érige en doxa un jugement issu de la pensée commune. Forgée à partir de performances structurées par l’idéologie, cette taxinomie produit une typologie qui cède tout ou partie de ce qui la configure à la momentanéité superficielle du discours.

En linguistique de corpus2, pour aboutir à une grammaire de discours, fondée à la fois sur l’observation des faits comme un matériau empirique et sur l’explication de leur structuration, il est nécessaire de relever les segments et les classes de segments récurrents dans le corpus d’une façon méthodique et rigoureuse.

1.2. L’efficacité d’une méthode

Pour le linguiste soucieux de l’analyse des formes, la méthode distributionnelle élaborée par Zellig Harris (1969) dans Discours analysis est une chréode dans la mesure où elle permet, par les possibilités de description qu’elle offre à partir de la réduction en énoncés et de leur régularisation (homogénéisation) en les rangeant dans des classes d’équivalences, de comprendre, en examinant les «  schèmes de récurrences », comment les structures formelles sont déterminantes à l’égard des structures de sens au point, sans savoir exactement ce que le texte dit, il devient possible de déterminer comment il le dit et de signifier les univers de références qu’il implique.

L’observation de la distribution des régularités des structures caractérisant un discours permet donc d’induire un contenu sémantique et de le lier aux comportements socioculturels des énonciateurs. Corréler les discours avec les situations sociales des énonciateurs, ces agents sociaux de la parole, aboutit à une linguistique moins frustrée puisqu’in fine elle explique les raisons d’être d’un discours et comprend les intrusions somme toute humanistes de leurs subjectivités dans leurs actes langagiers. Il n’y a de sujet qu’idéologiquement marqué et son acte langagier, sauf à le réduire à sa stricte dimension praxéogénique3 n’équivaut pas à un simple acte d’expression.

C’est essentiellement autour de la réadaptation4 de cette méthode aux données du corpus que s’articulera la démarche préconisée ici5. Nous nous référons aux travaux où elle a démontré son efficacité, essentiellement le travail Marcellesi (1971) qui l’a convoquée pour dégager des corrélations entre comportement social et comportement linguistique dans le discours des communistes et des socialistes des congrès de Tours  ; celui de Maldidier (1969) qui a pu caractériser la ligne idéologique de plusieurs journaux en étudiant leur distance : prise en charge ou rejet de l’énoncé ou encore celui de Courdesse (1971) qui a analysé, d’un point de vue contrastif, quelques énoncés organisés autour de quelques mots pivots des deux chefs politiques Thorez et Blum.

Il est vrai que l’on peut de prime à bord nous objecter que, si dans les années 70, la méthode explorée correspond à une véritable nouveauté épistémologique, aujourd’hui son charme a quelque peu le goût des cendres. Mais, devant l’invasion, dans le champ linguistique, du concept de «  représentation » et son inflation, il n’est pas superflu de rappeler que seul le corpus est scientifique et que l’un des enjeux actuels du traitement sémantique des corpus textuels concerne la nécessaire tentative de «  contrôle et d’objectivation » de ce qu’il interroge (D. Mayaffre : 2002).

Et comme, il s’agit d’une redécouverte, son adaptation ne saurait s’effectuer isolément des acquis théoriques qui lui sont ultérieurs. C’est ainsi que nous l’impliquerons dans une double démarche à la fois sémantique, en passant en revue le champ sémasiologique et onomasiologique de «  femme » et logique en examinant l’ordination linéaire des constituants des discours.

Par le biais de la première démarche (Robien 1974 et Picoche 1978), il devient possible de dresser une carte anatomique du sens de la lexie «  femme » plusieurs fois occurrente dans les discours ordonnant, dans une certaine logique6, un ensemble de propositions soutenant la thèse de cette même «  femme » devenue «  femme victime ». L’espèce, atteignant un très haut degré de prototypicalité, supplante le genre auquel elle appartient et devient son parangon.

Le recours à la logique, par sa technicité formelle, imposera une analyse, en immanence, des traits inhérents de l’énoncé qu’elle réduit à sa forme minimale de proposition articulée autour d’un sujet et de prédicat. Elle discernera, par la seule considération des schémas prédicatifs, dans la variation des discours, les régularités discursives communes au discours féministe en Algérie et discriminera, à travers les stratégies qui gouvernent à sa genèse, son projet de sens et sa fonction sociale.

1.3. Principes généraux de la délinéarisation du corpus7

Il est difficile de contracter tous les discours du corpora de l’étude à cause de la forte hétérogénéité des données qui le composent, de la longueur des articles, de la diversité des rubriques où ils sont insérés, des réactions suscitées et de la multitude des lexies qui composent le champ onomasiologique de la notion «  femme » qui s’organise autour d’une constellation de substituts lexicaux de formes différentes et de fréquence assez importante. Nous relevons, plus de 50 formes différentes («  femme », «  épouse », «  fille », «  sœur », «  victimes », «  employée », «  grand-mère » …).

Sur le plan méthodologique, pour surmonter l’écueil que constitue cette constellation de vocables et rendre notre corpus grammaticalement exploitable, nous procéderons par réduction et délinéarisation des énoncés organisés autour de la seule forme-pivot femme qui comptabilise à elle seule 1250 occurrences dans le corpus contre 177 occurrences pour la forme «  fille » occupant le second rang dans l’analyse statistique8.

Le traitement des environnements syntaxiques de cette forme et les schémas syntaxiques dominants qu’elle organise permettront de relever les différents marqueurs du discours social les involuant et de déterminer la fonction sociale de ce dernier.

Dans un premier temps, l’opération de réduction consistera à intervenir sur la linéarité du texte par un ensemble d’opérations (transformations syntaxiques, découpage des propositions, suppression des expansions, substitution des anaphores par les formes qu’elles reprennent…).

La construction de classes d’équivalence régulées et régularisées, obtenues par thématisation de la forme-pivot femme, aboutit à l’établissement d’une typologie gouvernée par l’identité des schèmes syntaxiques de cette forme et des relations dans lesquelles elle est impliquée en qualité de support de prédication.

Si les propositions simples n’ont posé aucun problème à leur catégorisation, il a été nécessaire, pour éviter des irrégularités circonstancielles impliquant des parcours énonciatifs divers, de procéder à la réduction par simplification à la structure élémentaire des situations plus complexes où sont occurrentes des propositions subordonnées ou coordonnées, des accumulations parataxiques et des expansions de fonction épithète ou attribut.

2. Corpus et analyse

2. 1. Un corpus construit

Notre corpus de référence est constitué d’un ensemble d’articles commentés extraits de la version électronique du quotidien algérien EL Watan. Ce corpus hybride recueilli à partir d’archives électroniques s’étale sur une période de 10 années, entre 2005 à 2015. Le corpus distingué, isolé par la méthode exposée plus haut, est composé d’énoncés construits autour de la forme-pivot femme9.

Loin d’être arbitraire, le choix de cette période de 10 années est motivé par trois évènements politico-juridiques intervenus pour améliorer la situation de la condition féminine ou le statut de la femme en l’Algérie.

  • En 2005, une proposition d’un projet de loi pour la révision du code de la famille de 1984 est introduite par le Président de la République. Il est adopté et voté dans un climat houleux, en raison des modifications qu’il a apportées à certains articles. En consacrant encore et toujours les articles dénoncés par les associations de défenses des droits de la femme comme le tutorat pour le mariage, la polygamie qui n’est pas annulée, mais seulement réglée, régulée et soumise à des conditions juridiques, ce nouveau code reste, dans son essence, attaché aux fondements de l’islam et du droit musulman et fait fi, par voie de conséquence, des revendications des associations militant en faveur de l’égalité des droits.

  • En 2008, une autre loi en faveur de l’amélioration de la condition féminine est proposée pour renforcer la participation de la femme à la vie publique et politique. Son article 31 bis est introduit dans la Constitution et il impose aux formations politiques, sous peine de sanction et d’annulation de leurs listes électorales, d’intégrer un taux variant de 30 à 50 % de femmes parmi les candidats qu’elles présentent aux élections. Les dispositions de cette loi, dans la langue de coton du législateur, visent à promouvoir l’accès des femmes aux assemblées démocratiquement élues (nationales, wilayales, communales) et augmenter leurs chances de participer à la vie politique de la nation. Une autre fois, cette réforme a suscité un débat mouvementé opposant, aussi bien au parlement que dans l’opinion publique, les démocrates, défenseurs de la réforme et ses pourfendeurs, généralement conservateurs.

  • En 2015, un projet de loi de gouvernement, pour la protection des femmes contre tous types de violences, est soumis au parlement. Il autorise la femme, dans l’une de ses dispositions, à porter plainte contre son agresseur si elle est victime de violence. Sa promulgation n’était pas une sinécure. Comme à l’accoutumée, les positions des formations politiques, de l’opinion publique étaient partagées entre opposants, adhérents et hésitants. Les uns considéraient cette loi comme une avancée dans les droits de la femme, les autres la voyaient comme une menace à la famille, et à la société.

Considéré indépendamment du point de vue pragmatique le discours que portent ces projets de loi a des visées performatives dans la mesure où, par son énonciation, il intervient pour inscrire dans les textes un changement de l’état de la condition de la femme.

En plus de son aspect hybride, le corpora de l’étude est constitué d’un ensemble de textes à travers lesquels se construisent des réactions aux différents projets de loi et des commentaires des lecteurs de la version électronique du journal où non seulement les lecteurs interagissent entre eux, mais aussi ils réagissent aux propositions de loi et aux articles des journalistes qui, eux-mêmes, sont déjà des réactions aux contenus des projets de loi. Dans son ensemble, le corpora de l’étude est donc, par son caractère dialogique, le lieu de résonnance de la réception critique des textes de loi à travers des reformulations et des commentaires de plusieurs instances de parole.

2.2. L’analyse du corpus

En considérant le contexte de production des discours et, sur le plan syntagmatique, les environnements syntaxiques de la forme-pivot femme, les énoncés extraits et régularisés peuvent être regroupés dans deux grandes classes de types d’énoncés : les énoncés à structure descriptive et les énoncés à structure performative.

2.2.1. L’énoncé descriptif

Il est porté par trois types de structures de description d’état. Le relevé des fréquences et des formes de sa concrétisation est présenté dans la représentation synoptique ci-dessous où apparaît la modalité de re qui les caractérise10.

Structure de prédication de l’énoncé descriptif : être + prédicat

Sujet

Prédicat

Modalité de re (adjectif)

Contenu de l’énoncé

Fréq.

La femme + les femmes + des femmes + 4113 de femme + plus de 600 000 femmes + 1 sur 4 de femme + une femme sur trois + deux femmes sur trois + 6800 femmes + d’autres femmes à travers le monde

ont été + est/sont + ∅

victime(s)

Violences dans le sens général et générique

17

La femme + les femmes + (∅) femmes + ces femmes + une femme + des milliers de femmes

a été + ont été + ∅

violée(s)

Violence sexuelle

09

La femme + les femmes + (∅) femmes + des femmes + 1,500,000 de femmes + 53 % de femmes + 7091 femmes + 6900 cas de femmes violentées

a été/ont été + est/sont

violentée(s)

Violences dans le sens générique

12

Les femmes + d’autres femmes

sont

livrées / exposées / sujettes à violence sociale, au agressions

La femme
Les femmes
1,5 million de femmes

est/sont

écartée (s), repoussée (s), empêchée (s) + de travailler /de la vie politique + délaissée (s)

Marginalisation

La femme + les femmes + 1,5 million de femmes

est / sont

kidnappée (s) + enlevée(s)

Enlèvement

06

La femme
(∅) Femmes
Ces femmes

est
+ ∅

délaissée
fragilisée (s)
jetées dehors

Exclusion

01
01

La femme
27 femmes

a été
est /sont + ont été

tuée

Assassinat

02
05
01

27 femmes + certaines femmes + 40 affaires de femmes + Beaucoup d’entre elles + 40 femmes +261 femmes

morte(s) + égorgée (s

Les femmes + ∅ femmes + des femmes + une femme certaines femmes + des dizaines de femmes + des centaines de femmes + 4113 femmes + l’une d’elles

a/ont été + est/sont

battue (s)

Violence physique

13

Les femmes

ont été

torturées

01

Les femmes
Des milliers de femmes
Ces femmes

ont été

fouettées
flagellées
châtiées

01
01
01

La femme + les femmes + ∅ femme + 1960 femmes + 6886 autres + certaines femmes

est /sont

a /ont été

Agressée (s)

Agressions (V. Physiques)

07

La femme
Les femmes
beaucoup de femmes + 6900 cas de femmes

est/sont

maltraitée (s)
mal-considérée (s)
malmenée (s)

Maltraitance

03
01
01

Les femmes (lois)

sont

infériorisées

Violences institutionnelle

02

Une femme
Des jeunes femmes
Elles

ont été

ligotée (s)
bâillonnée (s)
enfermée (s)
retenue (s) contre leur gré
gardée (s)captive (s)

Maltraitance

Des dizaines de femmes
Des dizaines de femmes
Des centaines de femmes
Les milliers de femmes
Elle
Elles
Cette même femme
Cette même femme

est/sont

ligotée (s)
bâillonnée (s)
enfermée (s)
retenue (s) contre leur gré
gardée (s)captive (s)

Violence verbale

Les structures paraphrastiques pour dire l’être victime

Sujet

Prédicat

Modalité de re (adjectif)

Contenu de l’énoncé

Fréq.

Les femmes

subissent

des exactions + toutes formes de violence + des violences + des humiliations

1 (04)

La femme

souffre

d’intolérance + de la discrimination

01

Elles + Les femmes

deviennent

objet de violence

V. de façon général

02

La plupart de nos femmes

resteront

chadourées dans l’ignorance

V. symbolique

01

La femme

se heurte

à des discriminations

Discrimination

01

La femme

n’a pas droit

à l’émancipation + au vote

Discrimination

1(2)

Les femmes

ne sont pas

visibles

Marginalisation

01

Une femme

ne pouvait désormais

témoigner

Discrimination

01

Sur le plan statistique, le domaine sémantique de la violence sature le contenu du corpus et la forme attributive signifiée par le substantif «  victime » en emploi adjectival est la plus fréquente dans les structures. Sur le plan linguistique, l’examen des structures prédicatives caractérisant la construction du contenu de la victimisation révèle que les énoncés qui en rendent compte sont construits sur la base du noyau verbal être et des adjectifs signifiant un état. Les prédicats d’attribution ou épithètes, par ellipse du verbe être, dans les contextes immédiats de la forme-pivot femme sont à la fois des équivalents syntaxiques et sémantiques et peuvent en conséquence se substituer les uns aux autres sur le plan paradigmatique. Le prédicat le plus fréquent «  être victime », involue en son sein tous les autres adjectifs en contexte immédiat droit au point de figurer la structure d’un archétype syntactico-sémantique.

Il ressort de quelques contextes, lorsque le bilan des méfaits subis est exposé dans le même contexte, que l’énonciateur choisit un ordre allant de la notion générale de «  victime », qu’il détaille par ingrédience11 en un éventail de types de violence ou d’états de victimisation signifiée par prédications engageant des attributions de propriété du genre : (est battue + tuée + assassinée, etc.) ou en donnant des détails sur l’état d’existence de l’être femme ou des types de violences subies. De ce tableau explicite, il se dégage trois sortes de propositions qui actualisent le domaine sémantique de la victimisation réalisé à travers des descriptions de l’état de la femme victime. Ils seront détaillés dans ce qui suit.

2.2.1.1. Structure standard 

Syntaxiquement saturée, la structure ternaire signifiée par : (déterminant + femme + être+ adjectif attribut) constitue le schéma syntaxique le plus fréquent du corpus.

2.2.1.2. Structure contractée 

Réduction par effacement de la copule «  être » de la structure standard, elle est statistiquement la plus répandue dans notre corpus après la structure standard. Il faut voir dans cette structure parataxique portée par les expressions comme (femmes victime + les femmes victimes) non pas une réduction du prédicat d’existence, mais une condensation métaphorique objectivant l’état associé. La femme victime, par le truchement de transformations syntaxiques modalisant fortement l’énoncé12, devient le prototype de la femme et son parangon discursif.

2.2.1.3. Structures paraphrastiques 

Sans être très fréquentes dans le corpus, les structures paraphrastiques qui impliquent la maltraitance et la victimisation caractérisent un «  état dégradé de la femme », la montrant subissant exaction (ex action) exercée par un agent extérieur. Le substantif femme est toujours posé en situation de patient du procès signifié par le verbe. Sur le plan syntaxique, elles exploitent des variantes équivalentes sémantiquement au prédicat d’existence être comme :

  1. les verbes d’état (devenir + rester)  ;

  2. les verbes pronominaux à effet de sens passif (se heurter) (Zenati 1988)  ;

  3. les verbes dont le sémantisme exige un sujet patient du procès qu’ils involuent comme souffrir, subir  ;

  4. le verbe avoir dans une construction négative (ne pas avoir) qui implique un état résultant d’une action subie13 ;

  5. et des structures mettant à l’œuvre des verbes puissanciels explicitant la transition du substantif de son état virtuel à son état effectif, comme pouvoir, devoir, falloir14.

En dehors de la variante mettant en œuvre les verbes puissanciels, toutes les autres décrivent un état du sujet ou une action dont le sujet est le site, le lieu où se résout la tension verbale. Excepté le verbe rester dont la sémantèse implique une neutralité à l’égard des transformations, les sémantèses des autres verbes présentent la femme support de prédication non pas in esse, mais in posse15.

Même si les énoncés portés pas verbes puissanciels feront l’objet d’un traitement spécifique, il convient de noter que l’énoncé en pouvoir dans une construction négative projette au même titre que les verbes passés en revue le support sujet femme dans un devenir possible. En contexte, cette projection est renforcée par l’adverbe désormais et la marque du futur hypothétique. Sa structure modale, dès lors où elle est la négation d’un état, est en conséquence équivalente à la structure en être : les femmes ne peuvent témoigner peut être glosé par les femmes ne seront pas témoins.

Tous ces énoncés, malgré les apparentes divergences de structures impliquent des prédicats dont le support est nécessairement le site du procès-verbal qui, de fait, exprime l’être dans l’un de ses états (Van Hout G. 1937 : 84) et paraphrasent tous la structure attributive standard. Pris comme ensemble, ces prédicats décrivent en détail la maltraitance dont souffre la femme. L’aspect statif/résultatif, inscrit explicitement dans l’adjectif épithète ou attribut dans la structure attributive ou passive et implicitement dans les variantes verbales de la copule être des structures paraphrastiques, présente le sujet femme dans une relation prédicative où il est le support, l’actant-patient qui subit les préjudices d’une ex-action exercée par un agent extérieur.

Ce constat conduit, dans un premier moment à proposer sur le plan syntaxique un seul schème pour caractériser le contenu propositionnel de victimisation des énoncés des trois structures. Elles sont de fait réductible, par une opération de transformation syntaxique, à un seul schème syntaxique invariant :

(N) femme +

V) être copule (passé + présent + futur) +

(Adjectif attribut + participe passé à emploi adjectival).

Cette structure figurant le contenu invariant des énoncés peut être, si nous nous référons à la théorie des opérations énonciatives et prédicatives d’Antoine Culioli, présentée sous le schéma de la lexis16 suivante : (femme + être + victime) ou (femme + subir + violence).

À considérer les données statistiques résumées dans les tableaux présentés ci-dessus et la proximité de sens des verbes subir et être, il est aisé de postuler d’une part que le verbe subir peut être glosé par la copule être (être objet de, être soumis à) et d’autre part que le substantif victime offre la possibilité d’admettre, dans sa réalisation effective, le groupe prépositionnel de violence. Le schéma de la Lexis (femme + être + victime) fonctionne donc comme un énoncé abstrait en mesure d’engendrer et d’expliquer tous les énoncés paraphrastiques observés. Le schème syntaxique précédent peut donc être réduit à la forme de base schématique invariante suivante17 : (La + les + x + femme (s) + être [présent + passé] + victime (s)).

Cette opération de réduction des énoncés à une forme attributive implique que le mot victime, dans son emploi adjectival, est interchangeable sur le plan paradigmatique avec tous les participes passés à emploi adjectival mis en branle dans la construction passive considérée comme une attributive particulière (D. Zenati 1988). Qu’elle actualise l’adjectif attribut victime ou un participe passé dans une forme passive, cette structure, qui initie un mouvement résultatif où le substantif sujet femme est le lieu d’effection où s’exécute et se résout la tension prédicative, est archétypale. L’ensemble notionnel être victime de violences a atteint un tel degré de prototypicalité qu’il peut être considéré comme une entité de langue actualisée en discours par tous les participes passés adjoints au substantif femme dans le corpus. Ainsi : être harcelée est l’actualisation d’être victime de violence verbale, être violée, celle d’être victime de violence sexuelle, etc. Chaque participe passé renvoie à une matière notionnelle particularisant la notion de « violence » dont il spécifie le contenu.

Au même titre que pour le mot victime, aucune ambiguïté, il s’en faut de beaucoup, n’est liée au choix de la copule « être » dans la mesure où, à beaucoup d’égards, le verbe être, primitif sémantique de tous les verbes d’état et prédicats d’existence, est en mesure de générer tous les autres verbes dans des structures d’équivalence de type être + un nom d’action. Du schème syntaxique de base, seules les unités linguistiques de la détermination du substantif femme semble faire problème.

Plusieurs types de déterminants précèdent le substantif femme. Ils ont été figurés schématiquement dans la structure de base en une classe à trois possibilités (La + Les + x18 femmes). Même si cette détermination est plurivoque, il est possible de considérer le déterminant La comme l’équivalent des deux autres, car il est en mesure de traduire à la fois la valeur restrictive de x femmes (une classe de femmes) et la valeur extensive du déterminant Les (toutes les femmes).

Ces constats, une fois admis, peuvent aboutir à considérer la structure : (La + femme + être [présent/passé/indicatif] + victime) comme l’invariant de base de toutes les variations possibles des énoncés descriptifs qui rendent compte de l’état victime19 de la femme et qui traduisent le domaine de la victimisation.

En contexte, l’invariant de la victimisation, énoncé constatif, assertif et descriptif admet deux lectures : il peut être interprété comme une description objective de l’état effectif de la femme ou comme un propos subsumant un positionnement idéologique par rapport aux différentes réalités effectivement vécues. Dans le premier cas, il décrit les évènements et les états (modalité de re), dans l’autre il est interprétatif de ces évènements et états (modalité de dicto).

En contexte de la pensée qui gouverne à la production de ces énoncés il faut considérer les deux possibilités interprétatives comme constructions des réalités de la situation de la femme. Les structures des énoncés de la victimisation posent la femme ou (une classe de femmes) comme victime qui subit l’assaut de multiples formes de violence  ; elles exposent le bilan de ces violences et les torts dont elle est la cible : viol, harcèlement, marginalisation, violence symbolique, institutionnelle, physique, etc. Une fois reconnue comme victime, l’intervention d’une instance pour la défendre est discursivement envisageable.

2.2.2. L’énoncé performatif

Le discours dans les structures examinées élabore sa fonction référentielle en construisant l’être femme-victime. Il relève exclusivement de la modalité de re. En revanche, les structures que nous examinerons relèvent, elles, de la modalité de dicto et le discours qu’elles déploient, à visée performative, actualise les revendications sociopolitiques des femmes et promeut leur réhabilitation et leur émancipation dans une logique dialectique.

Dans un premier temps, le discours, dans des énoncés descriptifs employant une syntaxe récurrente prédicat existentiel+ adjectif, montre l’état de la dévalorisation de la femme et dans un deuxième temps, il oriente son mouvement dans le sens d’une possible réparation, actualisée dans énoncés performatifs signifiés par trois structures différentes : la structure modale, la structure de négation et la structure analytique. Cette diversité de structures permet à l’énoncé performatif de compenser sa faible fréquence dans le corpora et correspondre parallèlement à la fréquence élevée des différents prédicats de l’énoncé descriptif de la victimisation dont il transforme la syntaxe d’une façon symétrique et le sémantisme d’une façon dissymétrique20.

Sur le plan énonciatif, la répétition a maxima de l’énoncé descriptif expose la plainte et le discours performatif garantit devant l’opinion publique les arguments qui soutiennent la réparation des torts commis contre la victime. Même s’il n’y a ni tribunal, ni avocat, ni jury, les articles et les commentaires constituent la tribune et les voix des victimes et des militants qui s’y expriment composent la partie civile de la défense.

Du point de vue judiciaire, la réhabilitation de quelque nature qu’elle soit (matérielle, psychologique), avant qu’elle soit effective : réparation des torts, indemnisation, recouvrement de droit, pansement des blessures psychologiques, compassion, consolation, empathie…, est d’abord un acte de parole.

2.2.2.1. La structure modale

Dans ces propositions modalisées, les quatre verbes modaux les plus connus de la vulgate grammaticale sont fréquemment employés. Et malgré la divergence des temps et des modes dans lesquels ils sont impliqués et la variété des verbes qu’ils modifient, les structures syntaxiques qu’ils produisent dans le discours sont identiques. Ils sont occurrents dans une structure où le mot pivot femme autour duquel est organisée la prédication est occurrent en position de sujet ou d’objet et où ils sont suivis, en contexte immédiat droit, d’un verbe d’action (faire) ou d’un verbe d’état (être)21 conjugué ou non. Schématiquement :

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Isolément des conditions de production du corpus, il est difficile de saisir la logique qui sous-tend cet ordre syntagmatique. Mais la prise en considération du contexte de réception et des réactions au discours juridique du corpus, permet de réduire toutes ces configurations syntaxiques à un seul schéma équivalent en devoir être dans la mesure où la modalité exprimée concerne la valeur morale dans certains cas ou traduit l’éventualité et le probable de l’autre. Schématiquement :

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Cette hypothèse, formulée par anticipation, permet d’aboutir, par la réduction des structures des énoncés, à un schéma homogène susceptible de traduire la dialectique transformationnelle qui sous-tend la relation prédicative des énoncés des deux domaines : victimisation et réfection.

Les propositions modales en (falloir, devoir, pouvoir, vouloir) sont le siège de deux contenus : un préconstruit implicatif, qui présuppose l’état victime, rendu possible par le contenu propositionnel de la proposition modalisée signifiée par la proposition subordonnée complétive et un autre contenu, proposé, porté par la proposition modalisée elle-même signifiant un devoir être, un état modalisé. Le contenu présupposé renvoie au contenu de l’invariant de base/ou à l’une de ses variations et le proposé se donne à lire comme la modification de leurs contenus. Examinons plus en détail chacun des modaux.

2.2.2.1.1. Devoir

Même si ce modal est peu fréquent, il investit, comme le modal falloir, d’une façon pertinente le tissu du corpus. Il corrèle les prédicats de la structure de la victimisation pour introduire des transformations (devoir être) qui inversent l’état (être victime).

Structure de prédication pour la proposition de la réhabilitation en devoir

L’énoncé modal

Présupposé à modifier

Proposé modifié

«  La société doit respecter la femme » peut se transformer à «  La femme doit être respectée par la société »

Non respectée, maltraitée

Respectée, considérée, estimée

« Elles (les femmes) méritent le droit d’être traitées comme des personnes»
peut être paraphrasée par « les femmes sont dans le droit d’être des personnes» pour que toute la structure se transforme en « les femmes doivent être traitées comme des personnes»

Maltraitée, non considérée

Considérée, reconnue dans leur statut

La femme doit accomplir bon nombre de missions,

Repoussée, marginalisée, non considérée

Incluse, intégrée au travail politique

La femme doit s’imposer

Repoussée, marginalisée

Affirmée, reconnue

La femme devrait avoir les mêmes droits

Infériorisée par rapport à l’homme, lésée dans ses droits

Rétablie dans l’égalité, être égale à l’homme

Les femmes doivent combattre pour leurs droits

Opprimée, persécutée, dominée

Protégée, préservée

Les femmes doivent refuser la soumission

Opprimée, persécutée, dominée

Émancipée, libérée, révoltée

La femme doit retrouver ses droits fondamentaux

Lésée, dépossédée de ses droits

Reconnue, rétablie dans ses droits

Elle doit retrouver sa place dans la société algérienne

Marginalisée, repoussée, mise à distance, lésée

Reconnue, rétablie dans ses droits

Elle doit avoir les mêmes droits

Infériorisée par rapport à l’homme

Rétablie dans ses droits

Les femmes doivent se battre

Mise à distance, marginalisée, occultée, opprimée, soumise, dominée

Libérée, émancipée, révoltée

Ces femmes doivent être protégées

Maltraitée, battue,

Protégée

Signifiant l’obligation morale virtualisée quand il est suivi d’un verbe à l’infinitif, le modus devoir ne se distingue pas de la construction unipersonnelle il faut et les prédicats que ces deux formes modalisent partagent les mêmes visées sémantiques. Et quand il traduit l’éventualité dans les contextes où il est suivi du verbe être et d’un participe passé, il n’y a entre lui et le verbe pouvoir que l’épaisseur du seuil séparant le domaine du probable de celui du possible22.

2.2.2.1.2. Falloir

C’est incontestablement le modal le plus fréquent. Dans la structure des énoncés avec ce modal, le mot «  femme », attesté dans la proposition relative ou complétive, remplit par sa position plusieurs fonctions syntaxiques. Tantôt le substantif femme (s) occupe la position de sujet de la proposition relative enchâssée ou de la complétive, tantôt il est objet de leur verbe.

Mais si nous considérons l’identité des prédicats modalisés par les deux modus et l’équivalence du sens contextuel entre falloir et devoir il devient possible par le biais d’une procédure de transformation de ramener la quasi-totalité des propositions en falloir à une structure en devoir où le mot femme est occurrent en position de sujet23.

Structure de prédication pour la proposition la réhabilitation en « falloir » 

L’énoncé modal

Présupposé à modifier

Proposé modifié

Il faut préserver la femme

Aliénée, maltraitée

Préservée, protégée

Il faut lui offrir une éducation politique

Marginalisée, repoussée politiquement

Être éduquée politiquement

Il faut préparer la femme à affronter la vie politique.

Marginalisée, repoussée politiquement

Être éduquée, instruite politiquement

Il faut reconnaître que les femmes sont citoyennes

Non reconnue comme citoyenne/soumise, mise sous tutelle

Émancipée de la tutelle

Il faudrait commencer par protéger la femme

Opprimée, agressée, persécutée

Protégée, préservée

Il faut laisser les femmes vivre librement

Opprimée, soumise, contrôlée

Émancipée, libérée

Il faudrait que la femme respecte la femme

Méprisée, maltraitée

Estimée, respectée, protégée

Il faudrait que la femme ait sa place au sein de la société.

Marginalisée, repoussée

Reconnue

Il faut que la femme lutte
Il lui faudra lutter pour arracher ses droites légitimes
Il lui faudra lutter pour arracher ses droits matrimoniaux
Il lui faudra lutter contre la culture dominante arabo-musulmane

Soumise, opprimée, privée de droit, mise sous tutelle

Révoltée, pourvue de ses droits

Il faut sensibiliser la femme

Marginalisée, occultée

Éduquée, informée, instruite

Il faut informer la femme

Mise à distance, marginalisée, occultée

Éduquée, informée, instruite

Il faut aimer les femmes

Honnies, haïes

Tolérée, considérée, reconnue

Il faut que les femmes au foyer bénéficient d’un salaire

Exploitée

Être bénéficiaire, être payée

Il faut demander pardon aux femmes

Lésée, maltraitée, non respectée

Respectée, reconnue

Il faut rendre justice aux femmes

Victime lésée, maltraitée

Reconnue, rétablie dans ses droits

Il faut qu’elle cesse d’être notre souffre-douleur

Victime

Être bénéficiaire, respectée, reconnue

Il est impératif de commencer à traiter la femme en tant qu’être humain

Opprimée, soumisse, mise sous tutelle

Rétablie dans ses droits, être égale à l’homme, être considérée

Cette possibilité de passage d’un modus à un autre et d’une structure à l’autre n’est pas une accommodation factice. Fonctionnant comme un présentatif introduisant une idée non comme objet d’une affirmation d’existence, mais comme objet d’une visée, d’une volition ou d’une nécessité, falloir épouse une trajectoire sémantique équivalente à celle que dessine le modal devoir.

En observant les énoncés du corpus, il est aisé de remarquer d’une part que les différences entre l’obligation (devoir) et la nécessité (falloir) sont faibles et de l’autre que leur distribution syntaxique est similaire au point d’autoriser l’opération de substitution24.

Cependant, les choses soient aussi simples. Unipersonnel, le verbe falloir exprime une nécessité et l’effet de sens obtenu est plus formel que celui introduit par le modal devoir.

Suivi d’un infinitif : falloir + Vinf, la sémantèse de nécessité introduite s’applique à un groupe dont l’énonciateur fait partie. Les énoncés : Il faut demander pardon aux femmes et Il faut rendre justice aux femmes peuvent être réécrits comme suit : Nous devons demander pardon aux femmes et nous devons rendre justice aux femmes.

Suivi d’un verbe au subjonctif, falloir que + Vsubj permet d’introduire une nécessité qui peut s’appliquer à soi ou à d’autres personnes. Il faut qu’elle cesse d’être notre souffre-douleur / La femme doit cesser d’être notre souffre-douleur

Dans ces tournures, l’énonciateur prend une part active dans les exactions subies par la femme-victime et reconnaît sa part de culpabilité dans la voie de la réfection et de la réhabilitation qu’il promeut à travers des énoncés modalisant la nécessité et l’obligation morale.

2.2.2.1.3. Pouvoir

Statistiquement, les énoncés portant cette modalité occupent le troisième rang. Seulement cinq occurrences dans le corpus sont attestées.

Hormis la nature verbale exclusive du prédicat modalisé et l’introduction des notions de témoignage, de puissance et de possibilité inhérentes à sa sémantèse qui les involue en virtualité, les contenus des prédicats introduits par le modal pouvoir sont quasiment identiques à ceux introduits par les deux verbes examinés plus haut. Seul le modus les distingue les uns des autres.

Structure de prédication pour la proposition la réhabilitation en « pouvoir » 

L’énoncé modal

Présupposé à modifier

Proposé modifié

La femme peut porter plainte

Victime d’abus, de torts

Droit à être réhabilitée

La femme pourra exercer ses fonctions politiques (03)

Repoussée, marginalisée

Reconnue sur la scène politique, en vertu de la loi

La femme peut demander le divorce

Intolérance dans le couple ou être forcée à une cohabitation matrimoniale non consentie

En vertu de la loi, le divorce lui est garanti, être dans le droit de…

Une femme pouvait témoigner

Non reconnue comme témoin, discriminée

Être reconnue comme témoin

Des femmes pourront lutter

Opprimée, soumise, violentée

Émancipée, libérée, révoltée, actrice

La prise en compte des deux aspects du corpus réception du discours juridique et réaction au discours des lois révèle la contiguïté du discours social (politique ou non) et du discours juridique. Cette dernière favorise la reformulation du déontique (normatif) dans le social et le politique. Cependant, assez curieusement, à la différence des modus précédents qui modalisent un statif, les énoncés en pouvoir, dans ce tableau, offrent un pouvoir impliqué dans une suite factitive.

L’autre fait marquant du corpus est signifié par «  une femme pouvait témoigner ». À comparer cet énoncé avec l’énoncé du tableau 01 «  la femme ne pouvait pas témoigner », il est possible de l’interpréter comme une transformation inverse et peut, en conséquence, de conduire sur la piste de l’incursion du registre polémique dans le discours. Mais la considération du contexte signifié par les données infléchit sa lecture vers la prise en considération de la relation entre les deux énoncés, non comme une relation polémique, mais comme une transformation inverse liant les deux énoncés : de la description d’un état-performativité : négation d’un état, vers la transformation de cet état par la force de la loi et du droit.

Le verbe pouvoir, dans ces constructions, implique une valeur déontique  ; les énoncés qui le portent reproduisent intégralement des actes juridiques ou formulent des opinions (hypothèses) sur le droit juridique tout en sous-entendant un renvoi aux textes de loi. Dans leur ensemble, ces énoncés explicitent l’idée que les lois, les textes juridiques consacrent et garantissent à la femme certains droits qui demandent à être actionnés dans le cadre de la loi, à la demande de celle qui se sent lésée ou de celui qui est mandaté par la victime pour la représenter et parler à sa place et en son nom.

Les locutions infinitives ou les verbes d’action à l’infinitif (porter plainte, exercer, demander, lutter, témoigner), modalisés par le modus pouvoir, considérés en contexte, impliquent des sens implicites qu’ils projettent dans un devoir être déontique. Dans leur ensemble, ces verbes signifient un procès qui entraine dans le cadre des lois (cadre déontique) des états : exercer ses fonctions politiques entraine être reconnue, témoigner entraine être reconnue comme témoin au même statut que l’homme, lutter débouche sur un changement d’état : (soumise vs insoumise, aliénée vs libérée, émancipée). Ce discours performatif, actualisé à travers le discours d’action qui supporte les appels des locuteurs à considérer les femmes comme des acteurs-agent, est pertinent dans la mesure où des conditions qui admettent un devoir être, subsumé par les lois, est possible.

Au vrai, ce pouvoir faire, prôné par ces énoncés impliquant un devoir être ou un devoir faire ne pourra advenir que s’il existe un cadre de lois garantissant un possible devoir être déontique. En revanche, dans le cas contraire, en l’absence de ce cadre de lois, toute action des femmes est inutile et tout appel à les reconnaître comme acteur restera caduc. Ainsi, le devoir être déontique est posé comme un préalable idéal requis et une condition possible et le rapprochement, entre le pouvoir faire et le devoir être, qu’autorise le contexte induit que tous les énoncés impliquant la modalité pouvoir intègrent le schème du devoir être.

Ainsi, l’énoncé : La femme pouvait témoigner se réécrit La femme doit être considérée comme témoin valable ou au nom de ce qui est possible dans les lois, la femme doit être reconnue comme témoin valable. Cette extension, au nom de ce qui est possible dans les lois, ajoutée à l’énoncé, traduit les possibilités déontiques de ce devoir être.

Donc, en conformité avec cette structure, les quatre autres énoncés, par substitution des contenus de leurs constituants modalisés avec des équivalents sémantiques, se conforment à ce schéma et l’identité de leur contenu présupposé, avec les contenus présupposés des prédicats modalisés par les deux modus falloir et devoir, confirme qu’il est possible de les transformer en structure en devoir sans altérer le sens ni introduire une ambiguïté de sens les affectant. Schématiquement, le résultat de ces transformations :

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2.2.2.1.4.Vouloir

Les énoncés en vouloir, peu fréquents, cinq (05) dont un énoncé produit deux fois, s’actualisent dans les mêmes cadres syntaxiques que ceux introduits par les trois autres modaux. Les trois premiers énoncés peuvent être ramenés à un seul équivalent sémantique dans une structure mettant en œuvre l’auxiliaire être au subjonctif : La femme veut qu’elle soit reconnue. Les deux autres, en maintenant l’auxiliaire être au subjonctif, dans une forme négative, introduisent un complément prépositionnel à l’infinitif pour signifier un faire puissanciel. L’action du verbe modalisé par vouloir apparaît donc comme un état voulu opposé à un état présupposé dénoncé et combattu. Ainsi : Elles veulent qu’elles soient écoutées / elles veulent qu’elles ne soient pas forcées à se taire / Elles veulent agir pour qu’elles ne soient pas mariées de force.

Structure de prédication pour la proposition de la réhabilitation en « vouloir »

L’énoncé modal

Présupposé à modifier

Proposé modifié

Elles voulaient être reconnues

Non reconnue, marginalisée

Reconnue, rétablie dans leur droit

Elles voulaient être admises

Non reconnue, marginalisée

Reconnue, rétablie dans leur droit

La femme veut avoir sa place dans la politique (02)

Non reconnue
Marginalisée

Reconnue, rétablie dans leur droit

Elles (les femmes forcées au mariage forcé) veulent juste parler (pour ne pas être mariées)

Forcée à taire ce qu’elles subissent

Être dans le droit de s’exprimer pour prendre en main leur être.

Elles (les femmes victimes de mariage forcé) veulent tout faire pour ne pas être mariées

Subir dans la passivité un mariage forcé, soumise, opprimée

Être dans le droit d’agir activement contre le mariage forcé,

Si nous considérons le locuteur prenant la parole au nom des femmes violentées dans ces énoncés, il est aisé de comprendre qu’il formule une requête à la suite d’une demande émanant des femmes. Tous les énoncés avec la modalité de vouloir expriment le souhait des femmes, leur acte de volonté25. Outre l’imparfait hypothétique adjoint à la modalité vouloir dans les deux premiers énoncés et le statut de l’actant en situation de manque à être, exprimé dans tous les énoncés, l’idée d’un acte de demande supporte tous ces énoncés.

Cet acte de demande, inscrit dans le contexte de la réception et la réaction au discours des lois, met en scène un demandeur qui s’adresse à une instance juridique par le truchement d’un porte-parole (un apologiste). Cette scène juridique, qui rend possible cet acte de demande et lui assure sa pertinence, institue la validité de la requête. Et, en dehors d’elle le vouloir faire/être porté par la volition ne peut advenir.

En effet, l’état souhaité mélioratif : être reconnues, être écoutées, être active, ne pas être forcée au mariage non consenti n’est possible que parce que l’acte de la demande qui les porte est garanti par le juridique et la loi qui président à sa genèse et le rendent apte à subsumer en son sein le vouloir être  ; la loi est seule capable de faire advenir cet être, car elle est garante d’un possible devoir-être. Même le vouloir de ces énoncés est imputable au déontique. Le vouloir être/faire n’est possible que parce que le devoir être des lois le garantit. Il n’y a que le déontique qui peut établir le vouloir  ; sans la loi et son intervention à créer des conditions déontiques au vouloir être/faire, le vouloir être/faire exprimé sous forme de demande n’aboutit pas et la tension qui sous-tend le verbe ne trouvant pas de point de résolution suspend le procès qu’elle signifie. La loi est la condition nécessaire et suffisante pour que la femme ne reste pas dans l’espace du manque, de la privation, de la passivité et de la soumission.

Au vrai, le présupposé-être de ces énoncés : (privée + soumise + passive + victime + marginalisée) est actuel  ; leur vouloir être/faire, porté par le dire-faire (la demande) pour atteindre un virtuel devoir-être garanti par le déontique, est seulement possible, car ce qui est souhaité se trouve suspendu à la décision de l’autorité de la loi qui délibère suivant son possible devoir-être déontique. La loi conditionne les possibilités de devoir être demandé. Certes, la femme peut demander, souhaiter, mais l’efficacité de ces actes ne peut aboutir que dans le seul cadre de la loi. La réalisation de ce que la demande projette est possible suivant les deux voies que la loi ouvre : réception/non-réception, satisfaction ou non-satisfaction… Que la femme demande, veuille, souhaite…, la loi, son intermédiaire, est seule capable de garantir la pertinence de son acte de volition d’un devoir être possible qu’elle peut satisfaire ou non.

Quand la femme souhaite, veut, demande, elle s’adresse à la loi au nom du possible devoir être que la loi lui garantit. Elle attend que son vouloir être/faire, porté par sa demande, aboutisse dans les possibilités de devoir être déontique. En conséquence, là où la volonté est indépendante, celle de la femme est une constante reformulation du devoir être déontique, de ce que la femme a comme droit et le vouloir être précédemment supposé à tous les énoncés en vouloir converge in fine vers un devoir être. En effectuant une opération de commutation, nous obtenons, à partir des énoncés précédents, les énoncés transformés ci-après :

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2.2.2.1.5. Conclusion

Il convient, avant de passer en revue les autres structures de l’énoncé performatif, de récapituler sous forme d’alinéa l’essentiel des points passés en revue dans l’analyse des énoncés modaux.

  • La proposition modalisée enchâssée relative ou complétive présuppose un préconstruit à valeur implicative s’articulant sur l’invariant de base ou ses variations. Les modus, en modalisant les différents prédicats de ces propositions, répondent symétriquement, implicitement ou explicitement par la modification des états de violence posés dans les prédicats de victimisation (le présupposé de l’énoncé). Dans les tableaux, la mise en regard du proposé et du présupposé fait apparaître la symétrie et la dissymétrie qui existent entre l’énoncé modal et l’invariant de base (ou ses variations).

  • Les environnements syntaxiques à valeur modale autour du mot pivot femme reproduisent les mêmes schèmes. Cette récurrence et la possibilité de leur homogénéisation sont deux aspects de la prédication modalisée, car ils permettent de prétendre à l’explication de la logique sous-jacente aux différentes prédications portées par l’hétérogénéité excessive du corpus.

  • Les propositions enchâssées ou les prédicats modalisés et leurs contenus introduits par les quatre modaux sont quasi identiques dans la plupart des énoncés. Il semble que la seule différence dans certains cas réside dans le verbe qui porte la modalité. Il est montré dans les tableaux que les contenus sémantiques des prédicats modalisés par les modus (falloir, devoir, pouvoir, vouloir) sont identiques et sémantiquement équivalents.

  • Le contenu du modus dans ces structures se caractérise par la force performative que véhiculent les quatre formes falloir, vouloir, pouvoir et devoir. C’est le rapport locuteur/destinataire qui semble déterminer la nature de cette force, elle est un dire-faire. Employant la force du verbe et résonnant avec une certaine autorité que lui confère la sphère du pouvoir des lois pour agir sur le destinataire, dans le but de l’amener à adhérer au nom de cette autorité à la cause des femmes, leur emploi est l’expression même de l’idée de la défense des droits de la femme.

  • Même avec l’exclusion des ilots textuels du discours juridique, la structure syntaxique modalisée des verbes falloir, devoir et pouvoir, et, dans une certaine limite, le verbe vouloir reproduit une structure syntaxique identique à celle du discours juridique. Il s’agit d’une interférence d’un discours dans un autre ou l’émergence d’un interdiscours aux contours encore flottants26.

  • La force performative des modaux tend vers deux objectifs : d’abord, proposer les modalités de changement des dures réalités d’existence de la femme (soumission/rébellion, révolte, émancipation  ; torts/réparation, droit lésé/droit recouvert, mariage forcé/mariage consenti, refusé, non-reconnaissance / reconnaissance , marginalisation / reconnaissance, passivité / action…), puis agir en vue de modifier ces dures réalités par l’invocation de l’impérieuse nécessité ou l’ascendant pouvoir des impératifs moraux et déontiques (intolérance/la morale dit tolérance, refus de droit/, mais le droit est assuré par le droit, le tort/, mais le droit assure la réparation, la soumission/, mais le droit dit nul n’est forcé à se soumettre….). En passant de l’invariant de base et de ses variations à l’énoncé modal, toutes les valeurs de référence des prédicats s’inversent totalement. Le passage de l’univers (FV) à l’univers (FDE) s’effectue par une transformation inversive. Contrairement aux énoncés de la victimisation qui posent de la femme un état d’existence effectif dégradé par une action exercée par un agent extérieur, les verbes modaux proposent, eux, un état d’existence amélioré de la femme tel qu’il est pensé par le législateur ou tel qu’il devrait être assuré par le cadre normatif.

  • De ces quatre modalités, il sera également retenu le fait qu’elles sont toutes un faire de parole qui agit pour réaliser les conditions possibles d’un devoir être, issue à l’être posé. Le dire-faire en question n’est pas une quête, mais une action par la parole au nom de la loi pour créer des possibilités de changement dans le cadre de la loi, c’est-à-dire conquérir grâce à l’action de la parole un devoir être pour combler tout le manque de l’être posé comme réalité d’existence. Plus encore, la lecture téléonomique27 de devoir faire, introduit par les modaux dans les verbes à l’infinitif ou au subjonctif (travailler, lutter, demander, porter plainte, exercer…), aboutit à la conclusion que le devoir faire, réclamé dans ces énoncés, débouche sur un devoir être. Travailler, lutter… ne sont réclamés que pour aboutir au changement de l’état des choses. Ces verbes (faire) qui agissent tendent tous à créer un état de fait (être). Sur ce plan, la démarche préconisée et conduite ici est assez explicite. Elle a montré que toute la structure modale est portée par un même projet : passer d’un être à un devoir être. Après tout, les quatre modalités sont dominées par le même programme de sens : agir par la parole, au nom d’un devoir être déontique, pour atteindre un devoir être posé comme possibilité. Autrement dit, les défenseurs de la cause des femmes parlent au nom des lois et dans le cadre des lois pour atteindre ce que la loi pose comme possible déontique favorable à la femme et à sa cause.

Telle est la réalité de la défense de la cause des femmes dans l’enchevêtrement des différents discours. Le discours sociopolitique de la cause des femmes, rendu possible par le discours juridique, reproduit la forme de discours juridique (judiciaire) auquel il répond. Même si cette conclusion est encore prématurée, il est possible de penser que la femme et ceux qui parlent en son nom calquent leur discours sur celui du législateur au point où certains énoncés ne sont que des copies d’articles de loi et certains autres se caractérisent par la prééminence du champ onomasiologique du registre juridique.

2.2.2.2. La structure de négation 

Seules deux occurrences sont attestées dans le corpus : La femme n’est pas inférieure à l’homme et La femme n’est pas un objet

La structure signifiée par ces deux énoncés entre dans le droit fil de la logique qui soutient la structure prédicative du corpus. Ils ont pour sujet le mot pivot «  femme » déterminé par l’article générique «  La ». Ainsi considérés et entendus dans le sens dénotatif, ils paraissent être le résultat de la transformation négative d’une métaphore dévalorisante affirmée dans le discours ou « ailleurs »  ; comme il est possible de les traiter aussi comme des réponses «  polémiques », des répliques à une structure affirmative, explicite ou sous-entendue, car toute négation suppose une affirmation qu’elle controverse28. Ainsi, le segment la femme n’est pas l’inférieure présuppose que la femme est posée quelque part dans la réalité (l’infériorité comme état, modalité de re) ou dans une affirmation comme inférieure (l’infériorité comme dire, modalité de dicto). De même, le segment la femme n’est pas un objet présuppose également, soit dans les faits (état), ou dans une affirmation (dire) que la femme est objet.

Si l’on ne considère que cet aspect polémique du discours, il est juste possible d’interpréter ces formes négatives comme des réponses aux discours adverses d’un interlocuteur. L’interprétation du sens de ces formes négatives est indissociable d’une affirmation posée et d’une inférence connotée ou implicite. L’étroite relation énonciative et syntaxique entre la forme négative et la forme affirmative (négation d’un état/affirmation d’un état, affirmation d’un énoncé/réfutation d’un énoncé), affirme l’existence d’une altérité adverse.

Si l’on considère le contexte du corpus et l’implicite que l’intrdiscours implique, les sous-entendus de cette structure négative dans sa relation au discours juridique se font jour : les deux attributs de cette structure de négation portent des éléments de sens qui renvoient au discours juridique. Ne pas être objet présuppose être humain, ne pas être inférieur connote à la marge de la signification être égale de l’homme. L’un et l’autre de ces présupposés comportent l’élément de sens du discours juridique en lien avec le champ déontique grâce auquel il est possible de consentir à la réduction de leurs schèmes syntaxiques à une structure en devoir être. Les deux énoncés en forme négative réclament en dernier recours le devoir déontique de la femme prévue dans la loi. Donc si une transformation de ces deux énoncés est opérée grâce à la substitution de leur partie négative par les équivalents implicites, le résultat sera signifié par les énoncés équivalents suivants : La femme doit être l’égale de l’homme→ (FDE) / La femme doit être (considérée comme) un être humain →(FDE)

À vrai dire, parmi les équivalents ou substituts de la lexie femme dans le corpus, des vocables comme (être humain, humain, citoyenne, etc.) relevant du vocabulaire juridique sont attestés dans les discours. Cela faisant, la signification de ces vocables demeure trempée dans ce qui rappelle la dignité humaine et l’égalité, droits requis, à conquérir ou à recouvrir après avoir été perdus, bafoués, dépossédés, spoliés et déniés.

À travers les deux énoncés obtenus par la transformation et les définitions juridiques d’être humain, le discours constitutionnel et le discours des droits de l’homme donnent des échos aux principes juridiques de la dignité et de l’égalité que tout être humain (y compris les femmes) mérite (est dans son droit d’avoir). Enfin, directement ou indirectement, les énoncés obtenus grâce la transformation et à l’interférence des significations sont des réclamations d’un devoir être qui se projette dans l’idéal devoir être déontique que protègent et garantissent les lois.

2.2.2.3. La structure analytique 

Deux types de structures analytiques sont occurrentes dans le corpus. L’une met en œuvre l’auxiliaire avoir et l’autre se déploie par le truchement de la copule être. Si la première n’entre pas en concurrence avec d’autres structures, la seconde ne doit pas être confondue avec la structure de l’invariant (et celle des variations) dans la mesure où elle ne décrit pas un état, mais elle asserte un propos, un principe ou une citation. Trois remarques essentielles se dégagent de ces énoncés : d’un côté, l’univocité de la détermination du mot pivot femme, la détermination uniforme signifiée par l’article générique La29. De l’autre côté, la virtualité de la référence oriente l’inscription de la valeur référentielle vers un idéal porté par une valeur de vérité détachée du locuteur. Enfin, l’autorité de l’affirmation s’exprime à travers un locuteur qui lui prête sa voix par lieutenance.

2.2.2.3.1. Les structures avec “avoir”

Structure de prédication pour la proposition de la réhabilitation en « avoir »

Sujet

Prédicat

Le complément

Fréq.

La femme

a

droit à une liberté certaine

02

un droit universel au respect de son intégrité psychique

02

un droit universel au respect de son intégrité physique

02

un droit universel à la vie

01

droit au respect de sa dignité

01

sa grande place dans la société

01

Sur le plan syntaxique, cette structure analytique correspond à un schème classique d’une proposition universelle, d’un principe ou d’une phrase générique : La femme a droit à (au) + SN.

Même si cette structure est peu fréquente, elle semble résulter directement d’un texte juridique et ne fait pas que transformer l’invariant de base de la victimisation (ou ses variations). Les cinq premiers énoncés en «  avoir un droit universel » calquent les articles de lois de la Déclaration universelle des droits de l’Homme dans lesquels le mot femme a remplacé les mots Homme et individu. Sur le plan du contenu, ces énoncés, en virtualisant le substantif femme, rétablissent la femme dans ses droits, au nom des lois conformément aux exigences des droits universels de la personne. La femme devient de jure ce que l’homme est de facto. Ce n’est pas le sujet locuteur qui assure le rétablissement du droit refusé, ou usurpé, mais c’est la voix de l’autorité juridique qui légifère et se fait entendre à travers ses lieutenants. Tout se passe comme si, en dépit des réalités, le locuteur se substitue à la voix de l’autorité en convoquant ses principes, pour rétablir au nom des principes de droit, la femme dans ses droits. Dans le discours, le rétablissement dans le droit est la contrepartie discursive de la victimisation de la femme ou de sa maltraitance. Mieux encore, le recouvrement de droit se fait par le discours et dans le discours.

Ces énoncés qui s’opposent aux constituants des énoncés de la victimisation sont assertifs et contextuellement prescriptifs. L’énoncé de rétablissement dans le droit effectue une transformation assertive au contenu de l’énoncé la femme est victime d’injustices. Son énonciation permet au moins, dans le discours, à la femme de recouvrir ce dont elle est lésée. Ainsi le rapprochement de ces énoncés avec les énoncés de la structure prédicative de la victimisation révèle que le contenu de leur complément prépositionnel dans le syntagme verbal avoir droit à inverse symétriquement les contenus d’état des adjectifs des énoncés de la victimisation : (avoir droit à la liberté vs soumise, dominée) (avoir droit au respect de la dignité vs malmenée, non respectée, avoir droit à l’intégrité physique/psychique vs violée, insultée…, avoir droit à la vie vs mortes, assassinée, avoir sa grande place dans la société vs repoussée, marginalisée).

Comme énoncé analytique, il ne décrit pas la réalité des faits, mais il prescrit sur la base des principes de droit donc, il n’asserte que sur la base des principes de droit et non sur la base sur la référence aux faits. Compte tenu de tous ces rapprochements de ces énoncés analytiques en «  avoir » au domaine déontique et leur relation implicite ou explicite avec les prédications de la victimisation, il est possible d’affirmer que cette structure analytique qui épouse la forme syntaxique et le contenu sémantique d’un énoncé déontique, l’article de loi, se rattache nécessairement à l’expression d’un devoir être de la femme. L’énoncé la femme a droit peut se réécrire la femme doit être dans le droit

2.2.2.3.2. Les structures avec “être”

Faisant l’éloge de la femme ou exaltant ses vertus à travers des énoncés métaphoriques, ces structures attributives introduisent un contenu à valorisation positive en position d’attribut. Elles établissent une relation d’égalité (égalisation) ou d’équivalence entre la femme et une idéalité, entre ce qu’elle est ce qu’elle doit être.

Contrairement à l’énoncé invariant de la victimisation où l’attribut est spécifié par un adjectif, dans la structure analytique, l’attribut est spécifié par un syntagme nominal et se présente sous la forme distributionnelle suivante : La femme + est + SN qui a valeur de structure distributionnelle définitionnelle de la structure analytique. Le tableau suivant inventorie les propositions analytiques de cette classe :

Structure de la copule pour la réhabilitation

Sujet

Prédicat

Le complément

Fréq.

La femme

est

le pilier de la société

03

l’avenir de l’homme

02

le complément de l’homme

02

la fondation de la société.

01

l’égale de l’homme

01

un don de dieu

01

l’espoir de l’humanité

01

notre allié le plus sûr

01

notre confident

01

garante de l’unité de la famille

01

un chef d’œuvre

01

l’élément vecteur de la société

01

une fleur dans la vie d’un homme

01

demeure

l’avenir de l’homme

01

Si l’énoncé descriptif invariant de la victimisation, où l’attribut est spécifié par l’adjectif, caractérise négativement la femme dans une orientation dévalorisante sous-tendue par un présent descriptif renvoyant à la réalité des faits  ; les énoncés analytiques inscrivent, par le truchement de la copule être au présent gnomique, la femme dans un univers virtuel et idéalisé confirmé par l’orientation axiologique euphorisante de l’attribut. Ils sont souvent des sentences, des pensées, des maximes, des principes de la culture commune, des aphorismes, des poncifs que la doxa permet de reproduire. Le sujet-locuteur, faisant coïncider son propos avec un sujet universel, prête sa voix à l’autorité pour qu’elle se dise30 et fait en creux le blâme de tout locuteur n’adhérant pas à la cause des femmes.

S’adressant aux reins et au cœur, ces énoncés construisent des stratégies de persuasion mettant à l’œuvre l’éthos de l’énonciateur et le caractère universel de leurs contenus qu’ils posent comme seuls vrais. Ils instituent ainsi un système de valeurs identique parfois au système de valeur des lois pour élever certains principes au rang d’impératifs moraux au point d’instaurer un devoir être de la femme31.

En conséquence, l’énoncé : la femme et + SN se transforme en : La femme doit être + SN : la femme est l’avenir de l’homme devient la femme doit être l’avenir de l’homme où le devoir-être, sans être toujours déontique, acquiert un statut symbolique, éthique ou moral.

2.2.3. La logique dialectique : victimisation/(défense de) la réhabilitation de la femme

Une fois, toutes les considérations posées sont admises, il est nécessaire d’expliquer, par un travail de comparaison entre les deux catégories d’énoncés, sur la base des traces linguistiques du sujet parlant, comment s’effectue la transformation discursive qu’induit la réfection de l’état de la femme victime.

Dans la perspective d’analyse de discours adoptée ici, il n’est pas possible de comprendre un énoncé pris isolément de tout contexte. C’est la mise en regard de l’énoncé avec les énoncés de même contexte ou son insertion dans l’ensemble du discours32 qui peut assurer sa compréhension. Ici, comme ailleurs, seul le contexte est à même de désambiguïser les discours.

La confrontation des deux types énoncés, par l’étude comparée des catégories sémantiques et syntaxiques qui les soutiennent, permet de situer les contrastes des structures où ils sont occurrents et de mettre au jour le fait explicateur, gouvernant au fonctionnement syntaxique de leurs prédicats, qui se présente sous la forme d’une structure organisée dans un système d’identité et d’opposition entre leurs schémas syntaxiques symétriquement placés. Pour bien mettre en valeur cette dialectique, il suffit de comparer les marqueurs formels les plus nets des énoncés et les contenus qu’ils engendrent. La structure des énoncés prônant la défense de la femme et la réfection de sa condition s’oppose d’une façon symétrique aux prédicats de la victimisation. Les structures des deux énoncés se présentent alors sous forme d’un chiasma structural (Zenati 1985). Cette symétrie, où les contenus des énoncés des deux structures s’inversent, est apparente au niveau de la détermination du mot pivot femme, de ces rôles actanciels, des modalités temporelles du prédicat de l’énoncé et de l’orientation axiologique de leurs contenus.

2.2.3.1. Opposition des valeurs de l’opération de la détermination

Dans un premier moment nous passerons en revue la détermination du mot pivot femme dans les différentes structures prédicatives.

Une observation même immédiate du corpus permet de distinguer, dans les structures prédicatives mettant en scène la victimisation, les quantifiants, statistiquement très fréquents, et les articles définis et indéfinis moins récurrents que les précédents. Toute multiforme qu’elle soit, cette détermination, dans ces structures, peut s’écrire : il y a x femmes ou x femmes. En revanche, l’actualisation du substantif femme, dans la structure prédicative prônant la défense de la femme et la réfection de sa condition, ne s’effectue, si on excepte les reprises anaphoriques assurées par les démonstratifs (cette, ces), que par les articles définis, «  La » ou «  Les ».

Malgré l’hétérogénéité de discours induisant la variation de l’emploi de la détermination du mot pivot femme, il est possible de remarquer une certaine régularité dans les familles paraphrastiques de chacun des deux pôles de cette dialectique. Dans les structures de la victimisation, la détermination, même si elle présente une certaine unité, est plurivoque. Les déterminants quantifiants et les déterminants composés (des centaines de, des dizaines de…) ou les déterminants indéfinis (une, des, certaines, beaucoup de) dans les structures de la victimisation expriment une valeur effective, actuelle du référent femme. Les déterminants circonscrivent dans la réalité une classe x de femmes, composée d’un nombre défini ou indéfini de femmes qu’ils identifient effectivement comme des individus qui subissent la violence ou qui sont affectés par les propriétés sémantiques «  victime, harcelée, assassinée… » Mais dans ces mêmes prédicats, quand il s’agit de la détermination par les deux articles «  La/Les », le statut de cette détermination, toujours actuelle, présente une certaine ambiguïté en introduisant une bivalente : elle peut être extensive ou restrictive. Dans le premier cas, ces déterminants peuvent renvoyer à toutes les femmes et dans le second, ils spécifient une classe de femmes parmi toutes les femmes, pour la particulariser en lui assignant les propriétés effectives : victime, harcelée, violée… Pour l’une ou l’autre valeur, le réfèrent est effectif et actuel.

En revanche, dans les structures prônant la défense de la femme et sa réhabilitation où les deux articles sont imposés par la syntaxe même de l’énoncé33, la détermination est univoque et contraignante dans les structures simples où seul l’article la est grammaticalement recevable et biunivoque dans les structures modales où elle supporte grammaticalement les deux articles, glissant ainsi vers les structures analytiques et les structures de la négation.

Ainsi l’identité des déterminants la/les, dans les deux structures prédicatives, implique des valeurs divergentes. Si, dans les structures de la victimisation, ces deux articles sont des déterminants parce qu’ils identifient effectivement des individus-femmes dans leur état actuel, dans les réalités des faits, dans les structures prônant la défense de la femme et sa réhabilitation, ces mêmes articles virtualisent la femme en soumettant son être linguistique à une très haute abstraction renforcée par les attributs virtuels, non actualisés qui se rapportent au sujet femme des énoncés. Dans un cas, elle est prédiquée dans l’autre, intégrée dans système de prédicativité, elle est en attente d’une matière notionnelle particularisante. Contraints par la syntaxe qui les supporte, les deux discours normatifs (structures modales, et analytiques en avoir) et métaphoriques (structures analytiques en être) imposent à l’actualisation du mot femme les deux articles «  La/Les » qui permettent, par virtualisation, de libérer la femme du monde des faits et la projeter dans un monde possible où elle est vue sous un état mélioratif. Dans le discours performatif, l’objet femme n’est pas une entité du monde des faits et des états  ; il est seulement objet de discours. Le discours se défait de la modalité de re pour n’assumer que la modalité de dicto.

Le discours descriptif, par une grammaire libre du déterminant, rend compte dans le détail de la diversité des faits et des états des réalités multiformes. En revanche, dès que le discours devient normatif ou qu’il épouse les contours du discours juridiques, les possibilités de l’emploi des déterminants se réduisent pour ne laisser place qu’à l’expression de la virtualité.

2.2.3.2. Inversion et opposition

2.2.3.2.1. Inversion des rôles actanciels de la femme 

Examiner, dans cette relation prédicative, les rôles actanciels de l’actant34 femme débouche sur la considération des modalités qui définissent son identité dans la mesure où, comme l’écrit Fontanille (1998 : 140), il est rattaché à la notion de modalité. Les actants positionnels sont déterminés par des modalités de présence (et les modes d’existence)  ; les actants transformationnels sont déterminés par des modalités des prédicats d’action et d’état (modalités de faire et modalités de l’être). L’attribution de modalités différentes à un même actant fait de ce dernier, du point de vue de la grammaire du discours, un lieu pour des rôles modaux différents. Ainsi, dans la structure attributive35 de l’énoncé descriptif de la victimisation, le sujet femme de l’énoncé est interprété comme le patient, l’être qui subit l’action. Alors que dans l’énoncé performatif modalisé, l’être patient devient, par inversion des rôles actanciels ou par une transformation dissymétrique des contenus des prédicats, le bénéficiaire ou l’agent du procès signifié par le verbe. Ce chiasma structural se reproduit dans la confrontation de la structure analytique en avoir avec les structures de la victimisation.

À examiner dans le détail les prédicats modifiés par l’introduction des modaux, ou la substitution de l’attribut par le prédicat en avoir, apparaît une symétrie entre les prédicats qui marquent la victimisation et ceux qui marquent la défense de la femme et sa réhabilitation : l’être négatif devient être positif, la privation devient l’appropriation, le non-avoir devient avoir, la passivité devient l’action et le manque devient manque comblé. La défense de la femme et sa réhabilitation dans la structure modale et analytique en avoir accompagne symétriquement et systématiquement la maltraitance marquée par la victimisation. L’énoncé performatif est construit de telle façon à ce qu’il porte la force de l’action qui tend à améliorer l’état de la victime en lui dessinant les contours d’une situation profitable. La finalité du modus est d’agir pour inverser, celle de l’avoir est d’agir pour s’approprier. Ainsi, la relation prédicative être bénéficiaire ou être acteur-agent dans l’énoncé performatif est parfaitement symétrique à l’état d’être patient victime de l’énoncé descriptif. La première position indique l’état transformé du patient, la deuxième son agent, l’opérateur de sa transformation.

2.2.3.2.2 Inversion de l’orientation axiologique du prédicat

Quand il s’agit de comparer, le prédicat attribut descriptif de l’invariant (et des variations) de l’énoncé descriptif de la victimisation aux prédicats de l’énoncé performatif, il est aisé de remarquer que la structure de la métaphore (énoncé analytique en être) introduit, par le truchement du prédicat « être », un syntagme nominal qui exprime un sens positif par rapport à l’orientation négative inhérente aux adjectifs de l’énoncé descriptif, victime, harcelée, battue. La valeur négative dysphorique des adjectifs victime, harcelée, battue, assassinée…s’oppose à la valeur positive euphorique de l’idéel/idéal des mots (avenir, espoir, fleur, confident, l’égal…).

La comparaison des prédicats introduits par les modaux et les prédicats analytiques en avoir avec les prédicats de l’énoncé descriptif, montre qu’ils évoluent sur des axes oppositifs : les axes bénéficiaire / possessif / appropriatif caractérisent les premiers alors que les deuxièmes évoluent sur l’axe déficitaire / dépossessif / privatif.

2.2.3.3.3. L’opposition des modalités temporelles

À voir les choses superficiellement, les oppositions des modalités temporelles que subsument les verbes de la prédication peuvent passer inaperçues. Mais, en linguistique où toute réflexion s’articule autour de la prédication et des arguments, ces oppositions définissent une caractéristique intégrante à l’égard de tous les composants du discours.

Au schématisme de la structure prédicative et actancielle, les structures des énoncés correspond un jeu temporel dialectique : au prédicat qui pose le patient-victime dans la structure de la victimisation s’attache, à l’indicatif descriptif, le passif présent/passé, résultatif accompli, pour traduire la permanence de l’état du patient-victime.

Replacés dans le contexte élargi, ces énoncés noyaux montrent qu’ils sont fréquemment associés à des adverbes de temps à valeur itérative ou durative : «  quotidiennement, chaque fois, toujours, souvent… ». Ainsi, le passif de l’état résultatif des attributs qui caractérisent le patient introduit la permanence de la caractérisation stative qui s’étale sur l’axe du temps du passé au présent de son énonciation et déborde sur un futur certain : le verbe copule être dans la structure attributive (présent générique, présent/passé passif) assigne une propriété à l’objet décrit pour le situer sur les deux extensions du présent, en décadence et en ascendance.

Pour les structures de l’énoncé performatif de la défense de la femme et de sa réhabilitation, les marques morphologiques expriment des temps, des modes et des aspects différents.

Les modaux évoluent au mode tensif pour signifier une tension entre un présupposé état accompli réalisé et un état non encore réalisé, en attente d’être réalisé.

Aux deux extrémités du tensif, se trouvent, en symétrie, l’indicatif présent, passé du présupposé d’un côté et le futur de contingence (vouloir/pouvoir) ou de nécessité (devoir/falloir), futur atemporel, dé (pendant) ou suspendu de l’autre.

Le modal est associé au prédicat de faire ou d’être intégré soit dans la modalité virtuelle (atemporelle) impliquée par le subjonctif soit dans une modalité quasi-actuelle traduite par l’infinitif. Le subjonctif s’attache à une attente, les deux infinitifs se résolvent dans une projection puisancielle. Le résultat de l’attente et de la projection relève des instances qui délibèrent, destinataires de tout le discours de l’action. Dans tous les cas de figure, la décision sur les attentes et les projections échappe à l’actant à l’origine de la tension qui fonde le verbe et de ce fait, la certitude sur leurs résultats reste en suspens.

La tension que révèle le modal contrebalance deux mondes où se situent les situations construites pour les mises en scène de la référence et pondère la distance qui sépare un monde non avéré et un monde avéré. La force performative dont il est investi agit pour rétablir l’équilibre dans le monde des attentes. Les modaux montrent qu’il existe une tension entre un être-là maltraité dans la dure réalité et un modus-être/faire escompté (falloir devoir, pouvoir vouloir-être, vouloir faire) que les lois garantissent. Lié au monde réel temporel de la victime, le monde escompté intemporel projette l’image de la femme respectée, aimée, reconnue

Les deux structures analytiques sont sous-tendues soit par le présent prescriptif pour celle en auxiliaire avoir, soit par le présent gnomique de la virtualité concernant les structures métaphoriques.

Contrairement à l’indicatif descriptif des prédicats de la victimisation qui soutient la description de l’état effectif de l’être femme, ces deux présents ne décrivent en rien ni l’état de la femme ni ce qu’elle est dans la réalité des faits.

Le prescriptif de la structure analytique en «  avoir » élabore la virtualité des attributions/rétributions promises à la femme dans les lois et le gnomique de la structure analytique en «  être » situe la femme dans l’utopie de la virtualité. Les deux sont des modes virtuels du dire, des principes, des préceptes et de la métaphore, alors que l’indicatif descriptif est le mode actuel des faits et des états de la réalité. En fait, le mode virtuel asserte un état (devoir être) de principe et de dire alors que le mode indicatif asserte un état effectif ancré dans le monde des faits.

Voilà donc une structure temporelle tensive dans laquelle évoluent les rôles actanciels successifs de la femme d’un présent passif et extensif, s’étalant du passé vers le futur, au présent extensif. Sur les deux limites se superpose une autre temporalité active attachée à arracher le patient-victime du monde nocif pour l’inscrire dans une virtualité qui lui est profitable.

La temporalité tensive des valeurs référentielles construites

La temporalité tensive des valeurs référentielles construites

La distribution des univers de références sur l’axe temporel des modalités se scinde en deux univers à valeurs distinctes : sur l’axe de la valeur actuelle, le monde réel, des (mé) faits subis et des états, construit par l’indicatif, caractéristique de l’énoncé descriptif, se superpose un monde virtuel prescriptif, dans l’énoncé performatif, sous-tendu par les modes de la virtualité : le subjonctif, l’infinitif, le gnomique et le prescriptif.

Le monde utopique construit par ces derniers est un monde modifié, détaché et disjonctif du monde négatif de la réalité. Dans le même ordre de la catégorie de la modalité temporelle, la catégorie grammaticale de l’aspect structurant l’invariant de base mis en regard avec quelques structures de l’énoncé modal révèle que l’aspect sous lequel se déroule l’évènement dans l’énoncé descriptif relève complètement du statif/résultatif/accompli alors que dans la structure performative, il est de l’ordre aspectuel du statif projectif, non-accompli.

3. Bilan et conclusion

L’analyse de la relation prédicative entretenue entre le mot pivot femme et ses différents prédicats montre qu’au niveau prédicatif tout le discours est fondé sur une structure logique qui consiste à gloser sur le mode assertif et descriptif un contenu propositionnel de base et à modifier, par le truchement des opérations de transformation, ses variations paraphrastiques, pour adopter un mode résolument performatif.

Sur le plan syntaxique, cette structure est un jeu de reformulation d’un contenu de pensée d’un invariant propositionnel avant de lui appliquer des transformations syntaxiques qui le modifient d’une manière inverse et asymétrique. Il définit deux discours structurés chacun par un type d’énoncé :

  • le premier, descriptif de l’état de l’être femme-victime, est ancré dans la réalité des faits et des états. Il véhicule un discours constatatif porté par une structure syntaxique impliquant la copule être et un adjectif attribut.

  • Le deuxième, qui plaide pour l’amélioration de la condition de la femme, est performatif. Il s’articule non seulement sur les faits et les états pour les modifier, mais aussi sur l’interdiscours. Il est caractéristique des revendications socio-politiques des femmes.

Malgré l’organisation syntaxique propre à chacun de ces deux types d’énoncés un lien transformationnel lie leur syntaxe et leur contenu.

Le premier se contente de dresser l’état des méfaits que subissent les femmes, il utilise le verbe être ou ses variantes, dans une forme attributive ou passive pour décrire l’état dégradé dans lequel se trouvent les femmes. Le deuxième, énoncé performatif de l’action, est en lien avec le premier ; il est occurrent dans des structures syntaxiques qui introduisent des transformations sur l’énoncé descriptif pour le modifier. Le résultat de ces transformations sur les structures de l’énoncé descriptif traduit la défense de la femme et la réfection de sa condition. Comme acte de langage, l’action de la défense demande un devoir être/faire qui oriente le mouvement verbal vers un idéal devoir-être (FDE) déontique pour le proposer comme alternative à l’être victime (FV)36.

Compte tenu de cette conclusion, la tentation est grande de considérer la structure élémentaire du discours analysé comme un schéma narratif canonique : récit vs transformation du récit37. Or, les marques analysées des structures syntaxiques et leur contenu : les déterminations, les modalisations, détails de la victimisation, les répétitions, les reformulations paraphrastiques d’un invariant, les énoncés analytiques portant le rétablissement dans le droit ou l’éloge pousse à la considérer comme une structure particulière du plaidoyer relevant du domaine judiciaire. En fait, les déterminants quantifiants, la répétition d’un invariant, le vocabulaire du registre du préjudice et de la dégradation (victimes, harcelée…) relatif à l’énoncé descriptif sont à assimiler à un bilan qui dresse le nombre des méfaits, des préjudices qu’un agent extérieur fait subir aux femmes. Sur le plan énonciatif, ils miment la plainte de la victime alors que les modalités, les structure analytiques et l’implicite de la négation de l’énoncé performatif mettent en avant des revendications socio-politiques des femmes. Pour Vignaux (1976 : 28) : « Il est manifeste que l’avocat fondera sa plaidoirie sur les textes et les faits qu’il jugera favorables à la partie dont il est le défenseur ». Le discours de l’action qui exploite l’énoncé performatif est le moyen par lequel on plaide leur cause. La fonction de l’énoncé qui dresse le bilan est de fournir la preuve pour susciter le pathos du destinataire ; alors que celle de l’énoncé performatif est d’agir sur le destinataire pour le faire adhérer à la cause défendue et le conduire à agir pour changer la situation et rétablir la femme dans ses droits.

Toute cette structure constitue un parcours de transformation qui dessine les contours d’un monde négatif et les modalités de sortie de cette situation délétère qui invoquent l’autorité inhérente aux forces transformatrices de la sphère déontique pour tordre les réalités sociales pesantes sur la femme. La défense est porteuse donc d’une finalité, elle tend à construire ou reconstruire une alter-situation favorable et profitable à la femme dans les limites de ce qu’offrent les possibilités déontiques. Sur tout l’ensemble de discours, la transformation syntaxique de l’invariant FV et de ses variations dans l’énoncé performatif, traduit à la fois une transformation du contenu et de la situation. La défense de la réhabilitation est un acte de langage, un dire-faire qui tend à agir par la force performative qui lui est inhérente pour changer les états supportés par l’invariant (FV) et ses variations et convaincre un destinataire pour qu’il agisse dans le même sens. Toute cette action de changement fonctionne comme une projection vers la conquête d’un idéal (FDE) dont les possibilités sont circonscrites dans les limites de ce qu’autorisent les valeurs et des lois. Ci-après, le schéma suivant illustre et résume notre propos.

Les parcours des transformations de l’état et du discours

Les parcours des transformations de l’état et du discours

1 Le signe (+) dans une suite entre parenthèses signifie ou bien.

2 « La linguistique de corpus situe la signification dans le discours et dans l’interaction entre les gens plutôt que dans l’esprit des locuteurs. En

3 Un «  praxéogène » sommes-nous tentés de dire.

4 Nous n’appliquons la méthode distributionnelle exposée par Harris qu’aux seuls environnements syntaxiques de la forme-pivot femme.

5 Les procédures d’analyse de l’énoncé par une application des méthodes d’analyse distributionnelle inspirée du travail de Harris à des corpus

6 Par logique, nous ne prétendons pas nous référer à la logique formelle d’une quelconque philosophie. Il ne s’agit pas dans ce sens de dégager les

7 En annexe, la méthode adoptée pour délinéariser le corpus de l’étude.

8 Loin d’être schématique et arbitraire, ce choix est statistiquement motivé.

9 Lorsqu’on constitue un corpus, on ne s’intéresse pas nécessairement à la totalité des énoncés appartenant aux textes du corpus ; on peut ne

10 De dicto et de re sont deux locutions distinguant deux modalités importantes des énoncés, ainsi que les raisonnements qui s’ensuivent. Ces

11 L’opération d’ingrédience est une opération interne qui consiste à parcourir l’objet et l’appréhender sous ses divers aspects. Ceux-ci peuvent être

12 Dans cette perspective, DUBOIS (1969 : 188) soutient l’idée que nous avançons : « L’intervention du sujet dans son énoncé (procès d’énonciation) n’

13 La forme avoir dans une construction négative traduit la notion d’être dépourvu et/ou de l’être dépossédé,

14 Ces dernières seront examinées en détail plus bas lors de l’étude de l’énoncé performatif.

15 In esse signifie en être et in posse porte l’idée de puissance et signifie en devenir d’être ou en possible à être

16 Énoncé, envisagé comme entité abstraite, susceptible d’être dit vrai ou faux, mais qui n’est considéré que dans son contenu, et sans affirmation ni

17 Cette opération de réduction des énoncés à une forme attributive implique que la forme passive est considérée comme une forme attributive

18 Le « x » précédent le mot-pivot femme traduit tous les déterminants numériques, simples ou complexes, définis ou indéfinis (une, chiffre, beaucoup

19 Pour le simplifier, désormais nous l’écrivons par le sigle FV

20 Ce parallélisme obéit à une logique dialectique inhérente à tout discours qui appelle une alternance de structures et de modes discursifs pour

21 En référence aux travaux sémantiques sur la quête des primitifs sémantiques de Wierzbicka, A. (1993) et à ceux sur la sémantique des verbes Greimas

22 Les tableaux ci-après présentant le modal falloir et le modal pouvoir et leur analyse mettront en évidence les ressemblances de contenus et de

23 Le corpus, par l’homogénéité retrouvée, permet Ainsi, dans la structure en devoir, le mot femme apparaît en position du sujet pour mettre en

24 Les structures syntaxiques de modalisation de falloir peuvent être remplacées par des structures de devoir, et inversement.

25 Verbe de volition, vouloir attenue l’acte de volonté introduit par les verbes comme demander, proposer, réclamer, revendiquer.

26 Cette occurrence d’un discours dans un autre est une situation très importante à creuser de point de vue énonciative. Dans le parcours suivant

27 Il s’agit de ne pas le confondre avec le finalisme ou la téléologie (de logos = raison, parole).

28

29 Tout autre déterminant est relativement bloqué A une certaine limite, dans la structure analytique en « avoir » l’article « La » peut être

30 Pour ANSCOMBRE (1994 : 99) Les forme proverbiales sont présentées comme appartenant au trésor de conseil empiriques accumulé au fil du temps par la

31 D’ailleurs ANSCOMBRE (1994 :95) dans son effort de cerner la définition des formules proverbiales, il rattache ces dernières au discours juridique

32 Chauveau (1971 : 19) : « l’analyse du discours est fondamentalement comparative » ou DUBOIS (1978 : 4) « L’interprétation des résultats obtenus par

33 Les énoncés à structure x femme sont l’avenir de l’humanité, cette femme est l’avenir de l’homme ; il faut réhabilité x femme , x % de femmes

34 Pour rappel, la théorie actancielle propose la notion d’actant pour expliquer les positions qu’occupent les arguments qui délimitent le prédicat

35 La forme passive est une forme attributive particulière.

36 Selon Fontanille (1998 : 221) « La logique de l’action vise le sens à travers une programmation des transformations du monde »

37 Conformément à l’explication que donne FONTANILLE (1998 : 191) au programme narratif : Un programme narratif consiste alors à transformer un énoncé

38 L’opération de transformation ne change rien au contenu des énoncés en question, elle touche seulement à leur forme grammaticale. L’énoncé

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Pour délinéariser le corpus, nous avons procédé à la :

  • réduction des énoncés environnants la forme-pivot femme à leur forme propositionnelle la plus élémentaire en supprimant pour éviter irrégularités circonstancielles les diverses expansions pour les raisons suivantes :

  • dissociation des subordonnées suivants les règles de la construction à deux propositions distinctes, en sorte à faire ressortir le mot pivot femme en position du sujet ou de l’objet de la proposition tout en préservant l’ancrage temporel des prédicats qui les assemble. (autour duquel ils s’articulent)

  • dissociation en propositions simples les accumulations d’épithète ou d’attribut dans les propositions coordonnées par virgules ou conjonctions au nombre des expansions existantes dans l’énoncé de base.

  • Également, nous dissocions les propositions coordonnées, liées par les conjonctions d’additions ou les virgules en plusieurs propositions simples au nombre des éléments qui les constituent.

  • Nous gardons les reprises anaphoriques renvoyant au mot pivot femme avec leurs pronoms respectifs sans oser les remplacer avec le mot pivot femme qu’ils reprennent.

  • La simplification terminée, nous avons procédé, à maintes reprises, à plusieurs interventions surtout pour les énoncés qui proviennent de l’espace des réactions :

  • Comme nous travaillons sur un discours en français, les quelques fautes d’accord, d’orthographe dans les propositions-énoncés mal-construites et grammaticalement incorrectes qui proviennent de l’espace des commentaires sont corrigées. Ce travail de correction est une exigence méthodique et pratique étant donné que nous travaillons sur la compétence grammaticale des sujets parlants, nous ne pouvons présenter évidemment une proposition-énoncé parsemée de fautes ou mal-construite résultant d’un travail de manipulation grammaticale que nous-mêmes avons effectué sur l’ensemble des énoncés du corpus.

  • Si nécessaire, nous intervenons également pour effectuer des transformations syntaxiques sur les propositions-énoncés en sorte de ramener le mot pivot femme en position du sujet ou d’objet de l’énoncé. D’ailleurs, s’il arrive que notre intervention soit nécessaire, nous reproduisons dans les tableaux des inventaires l’énoncé transformé à côté de l’énoncé matrice38.

Afin que notre analyse soit conséquente, nous avons écarté de la réduction toutes les propositions-énoncés qui peuvent provenir des énoncés proprement juridiques issus des ilots textuels reproduisant l’intégralité de discours normatif des articles du code juridique de la famille, des articles des lois du droit universel, des conventions juridiques internationales pour ne retenir que la partie que nous qualifions de discours social. Elle sera composée des récits des évènements, de l’interactif et de réactif, de discours commun, idéologique et de discours d’opinion. À partir de là, nous pouvons construire une idée partielle de la réception de discours des lois par le social et de la manière dont les locuteurs le mobilisent, l’interprète pour discours du problème de la femme.

Réduction à la forme minuscule procédé plus de la méconnaissance du rôle de la majuscule que de ce qu’elle implique (évidemment notionnel) de tous les énoncés attestés en forme majuscule, ceux-ci proviennent essentiellement de l’espace des réactions. Même si, nous savons que grâce à la majuscule le commentaire reproduit la forme orale de l’interaction et de la réaction et de ce fait, la majuscule peut avoir des effets du sens, mais, les limites de la syntaxe nous n’autorisent pas à intégrer la prosodie dans l’analyse.

1 Le signe (+) dans une suite entre parenthèses signifie ou bien.

2 « La linguistique de corpus situe la signification dans le discours et dans l’interaction entre les gens plutôt que dans l’esprit des locuteurs. En effet le sens des mots est déterminé par le contexte dans lequel ils sont employés » (Wolfgang Teubert 2009 :188).

3 Un «  praxéogène » sommes-nous tentés de dire.

4 Nous n’appliquons la méthode distributionnelle exposée par Harris qu’aux seuls environnements syntaxiques de la forme-pivot femme.

5 Les procédures d’analyse de l’énoncé par une application des méthodes d’analyse distributionnelle inspirée du travail de Harris à des corpus discursifs, dans le cadre de l’analyse de discours constituent l’état inaugural de l’école française de l’analyse de discours. L’étude menée ici tire un grand bénéfice de son déploiement dans les travaux antérieurs qu’elle a suscités

6 Par logique, nous ne prétendons pas nous référer à la logique formelle d’une quelconque philosophie. Il ne s’agit pas dans ce sens de dégager les principes d’identité, de non contradiction et de tiers exclu dans un discours ou un syllogisme au sens philosophique, mais de référer à l’ordre logique et modalités de re et de dicto que subsument les énoncés.

7 En annexe, la méthode adoptée pour délinéariser le corpus de l’étude.

8 Loin d’être schématique et arbitraire, ce choix est statistiquement motivé.

9 Lorsqu’on constitue un corpus, on ne s’intéresse pas nécessairement à la totalité des énoncés appartenant aux textes du corpus ; on peut ne soumettre à l’analyse qu’un sous-ensemble de vocables, d’énoncés ou de marqueurs dont les modalités de sélection dépendent des hypothèses de la recherche.

10 De dicto et de re sont deux locutions distinguant deux modalités importantes des énoncés, ainsi que les raisonnements qui s’ensuivent. Ces distinctions relèvent de la logique, de la rhétorique, de la linguistique et de la métaphysique. De dicto signifie en latin « à propos de ce qui est dit » ; et de de re signifie « à propos de la chose ». Le sens initial de ces deux expressions latines est utile pour comprendre la distinction de sens qui doit être faite dans différentes affirmations. On discernera mieux ces distinctions avec des exemples dans trois contextes : celui de la pensée, celui du désir et celui de la connaissance.

11 L’opération d’ingrédience est une opération interne qui consiste à parcourir l’objet et l’appréhender sous ses divers aspects. Ceux-ci peuvent être liés à l’objet par des relations telles que : être élément de, être partie d’un tout, être sélectionné par quantification, être associé par connotation, etc. (Pierre Verges et all 1987 : 213).

12 Dans cette perspective, DUBOIS (1969 : 188) soutient l’idée que nous avançons : « L’intervention du sujet dans son énoncé (procès d’énonciation) n’est pas dans la seule interprétation sémantique de la phrase initiale, elle est aussi à chacune des transformations facultatives puisque sa décision se manifeste à chaque moment, le choix s’exerçant sur les potentialités offertes. En réalité, les transformations sont là pour modaliser l’énoncé... »

13 La forme avoir dans une construction négative traduit la notion d’être dépourvu et/ou de l’être dépossédé,

14 Ces dernières seront examinées en détail plus bas lors de l’étude de l’énoncé performatif.

15 In esse signifie en être et in posse porte l’idée de puissance et signifie en devenir d’être ou en possible à être

16 Énoncé, envisagé comme entité abstraite, susceptible d’être dit vrai ou faux, mais qui n’est considéré que dans son contenu, et sans affirmation ni négation actuelle`` (Lal. 1968). En philosophie, le mot est pris comme équivalent abstrait de tous les énoncés possibles, et du fait d’énoncer. On l’oppose aussi volontiers à la praxis (Legrand1972). Voir aussi : (Olivier Reboul 2010).)

17 Cette opération de réduction des énoncés à une forme attributive implique que la forme passive est considérée comme une forme attributive particulière.

18 Le « x » précédent le mot-pivot femme traduit tous les déterminants numériques, simples ou complexes, définis ou indéfinis (une, chiffre, beaucoup de, etc.).

19 Pour le simplifier, désormais nous l’écrivons par le sigle FV

20 Ce parallélisme obéit à une logique dialectique inhérente à tout discours qui appelle une alternance de structures et de modes discursifs pour assurer sa progression.

21 En référence aux travaux sémantiques sur la quête des primitifs sémantiques de Wierzbicka, A. (1993) et à ceux sur la sémantique des verbes Greimas, A-J et Courtes, J. (1994) tout verbe est réductible à deux primitifs sémantiques : « être » et « faire ». Le premier est défini dans ces travaux comme renvoyant au sème primitif de base pour dire un état de chose ou une possession de chose (le verbe être et avoir) ; le deuxième est défini comme renvoyant primitivement à la réalisation d’une action.

22 Les tableaux ci-après présentant le modal falloir et le modal pouvoir et leur analyse mettront en évidence les ressemblances de contenus et de formes entre les deux modus.

23 Le corpus, par l’homogénéité retrouvée, permet Ainsi, dans la structure en devoir, le mot femme apparaît en position du sujet pour mettre en évidence l’homogénéité des structures.

24 Les structures syntaxiques de modalisation de falloir peuvent être remplacées par des structures de devoir, et inversement.

25 Verbe de volition, vouloir attenue l’acte de volonté introduit par les verbes comme demander, proposer, réclamer, revendiquer.

26 Cette occurrence d’un discours dans un autre est une situation très importante à creuser de point de vue énonciative. Dans le parcours suivant, nous y reviendrons pour comprendre ses raisons.

27 Il s’agit de ne pas le confondre avec le finalisme ou la téléologie (de logos = raison, parole).

28

29 Tout autre déterminant est relativement bloqué A une certaine limite, dans la structure analytique en « avoir » l’article « La » peut être relativement substitué par classe de déterminants très restreinte « Les, toute, les quelques indéfinis de la généricité : n’importe qu’elle, mais pas une », « Cette, C’est » comme anaphore par contre dans la structure analytique en « être » toutes les possibilités de substitution de cette détermination unique sont bloquées, y compris l’anaphorisation., Dans l’ensemble le nom femme dans ces énoncés ne peut aucunement, en dehors de ces possibilités, accepter comme dans les énoncés de la victimisation une variété infinie de déterminants numériques. Un autre déterminant en dehors de ces formes rend l’énoncé grammaticalement incorrect.

30 Pour ANSCOMBRE (1994 : 99) Les forme proverbiales sont présentées comme appartenant au trésor de conseil empiriques accumulé au fil du temps par la sagesse populaire.

31 D’ailleurs ANSCOMBRE (1994 :95) dans son effort de cerner la définition des formules proverbiales, il rattache ces dernières au discours juridique et en les caractérisant il leur reconnaît trois aspects « un aspect formulaire, l’aspect générique universel, l’aspect prescriptif ».

32 Chauveau (1971 : 19) : « l’analyse du discours est fondamentalement comparative » ou DUBOIS (1978 : 4) « L’interprétation des résultats obtenus par l’analyse de discours ne peut résulter que d’une comparaison interne entre deux ou plusieurs énoncés et d’une mise en correspondance avec des modèles non linguistiques. »

33 Les énoncés à structure x femme sont l’avenir de l’humanité, cette femme est l’avenir de l’homme ; il faut réhabilité x femme , x % de femmes, sonneront mal d’un point de vue grammatical et sémantique

34 Pour rappel, la théorie actancielle propose la notion d’actant pour expliquer les positions qu’occupent les arguments qui délimitent le prédicat, elle distingue la position de l’agent (le sujet qui agit), la postions du patient (le sujet ou objet qui subit) et la position de bénéficiaire (le sujet ou l’objet qui reçoit).

35 La forme passive est une forme attributive particulière.

36 Selon Fontanille (1998 : 221) « La logique de l’action vise le sens à travers une programmation des transformations du monde »

37 Conformément à l’explication que donne FONTANILLE (1998 : 191) au programme narratif : Un programme narratif consiste alors à transformer un énoncé élémentaire en un autre (situation initiale-----situation finale)

38 L’opération de transformation ne change rien au contenu des énoncés en question, elle touche seulement à leur forme grammaticale. L’énoncé transformé reste équivalent au niveau sémantique à l’énoncé source. Dans l’analyse de discours, le recours à cette procédure est indispensable pour normaliser les structures hétérogènes des discours sans quoi il serait difficile de prétendre à découvrir un invariant au discours. l’espace des réactions. Même si, e indicatif asserte un état réel ancré dans le monde des faits. f autour du mot femme l’espace des réactions. Même si, e indicatif asserte un état réel ancré dans le monde des faits. f autour du mot femme

La temporalité tensive des valeurs référentielles construites

Les parcours des transformations de l’état et du discours

Mahraoui Abdelkrim

Université de Boumerdès

Fall Khadiyatoulah

Université du Québec à Chicoutimi

Zenati Djamel

Université Alger 2

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