L’examen des verbes de ces deux langues romanes peut déboucher sur le constat que les dissimilitudes, pourtant nombreuses, dans le fonctionnement de la catégorie grammaticale nommée verbe, ne sont que des différences de surface. Elles n’influent en rien sur l’identité structurelle du verbe qui se présente sur le plan génétique d’une façon similaire sur le plan de la langue. C’est précisément sur ce plan et sur ce plan seulement que démonstration portera1.
Considérons, en italien, le paradigme du verbe uccidere au présent de l’indicatif
Uccido
Uccidi
Uccide
Uccidiamo
Uccidete
Uccidono
Composition sémiologique et organisation génétique
Une analyse, même superficielle, opérée sur le seul plan morphématique nous permettra de distinguer les différentes parties élémentaires qui composent ce paradigme verbal qui apparaît comme une forme phonique, porteuse d’un contenu sémantique, composée d’unités successives, elles-mêmes porteuses de sens.
Ainsi, le paradigme uccido comporte deux unités signifiantes, unités non divisibles : uccid- qui porte la sémantèse verbale, l’apport de signification -o qui réfère à la personne support de cette sémantèse2. Dans la forme considérée -o, porteur du signifié de la première personne, constitue une partie signifiante.
Nous identifions donc dans le verbe deux types de signifiés : d’une part, le signifié matériel ou notionnel, invariable, appelé traditionnellement sémantème ; d’autre part le signifié formel ou de structure variable en fonction du rang qu’occupe l’être qui l’accompagne dans l’ordination que propose le verbe. Ces deux éléments sont identifiables dans la nomenclature en usage dans les grammaires scolaires sous les appellations de radice verbale et de desinenza. La première partie « costituisce l’elemento fondamentale di agni forma — verbale […] è quella qui porta in sè l’idea dell » azione espressa dal verbo » (A. d’Asdi & P. Mazzamuto : 150) ; la seconde […] caratterizza agni singala forma verbale contrassegnandone la persona […] qui « significa cio che è sottoposto alla condizione dichiarata dal predicata. » (A. d’Asdi & P. Mazzamuto : 207).
D’un point de vue morphologique et lors de la transition d’une forme à une autre, le signifiant du paradigme uccidere présente un élément invariant uccid- en position initiale et un élément variable placé dans les six formes en position terminale : -o, -i, -e, -iamo, -ete et -ono.
Dans l’usage de l’italien, comme dans celui de la langue française que nous aborderons plus loin, il nous est donné à constater que cette dualité morphologique se reproduit dans le signifié. L’idée de tuer constituant l’élément de signification de ce paradigme verbal se retrouve inaltérée lors de la transition d’une de ses formes à une autre.
Ces deux unités ainsi percevables se disposent dans une ordination selon laquelle l’apport de signification est toujours dans l’avant obligé de tout paradigme verbal. Cette ordination constitue, dans la genèse du verbe, une servitude structurale à laquelle aucun verbe quelle que soit sa sémantèse n’a liberté de se soustraire.
La genèse mentale du verbe apparaît ainsi comme un mécanisme binaire obligé que nous pouvons figurer schématiquement de la façon suivante :
Cette observation pour technique qu’elle apparaît n’est pas nouvelle, tant s’en faut. Beauzée, déjà, note à propos du verbe qu’« il faut distinguer dans tous les mots, & par conséquent dans les verbes, la signification objective, c’est l’idée fondamentale qui est l’objet de la signification du mot, & qui peut être commune à des mots de différentes espèces ; la signification formelle, c’est la matière particulière, dont le mot présente à l’esprit l’objet dont il est le signe. Et il ajoute : « la signification formelle est nécessairement différente dans chacun de ces mots, quoique la signification objective soit la même. » (Beauzée : 594-5)3. Pour ce qui est du verbe, G.Guillaume a effectivement montré que c’est « un mot dont l’entendement s’achève au temps. (Guillaume 1949c [1973 : 92 et 110-1]. Et la genèse mentale du verbe comme de toutes les autres parties de langues est, selon lui, la suivante : Temps opératif de la construction du mot4
La première tension (U1 S), productrice de la sémantèse verbale, conduit de l’univers du pensable (U1) à la notion singulière (S). La seconde (SU2) conduit à l’univers formel (U2) qu’est la partie de langue. Dans le cas du verbe, les catégories de voix, d’aspect, de mode, de temps et de personne sont des formes généralisantes.
Une forme verbale quelle que soit sa sémantèse, dans sa composition génétique, implique nécessairement deux unités linguistiques entre lesquelles s’institue une relation de prédication. La première signifiée par le radical énonce une sémntèse prédiquante et la seconde, signifiée par le morphème de la personne, mentionne un « être prédiqué, concerné par la sémantèse verbale.
Toutefois, la dualité en cause ne se manifeste que sous l’espèce de l’unité. Le système linguistique contraint les éléments qui la composent à n’avoir aucune existence autonome et à être intimement liés pour servir à la traduction de l’expérience extérieure.
Cette unité doublement constitutive ne permet, en langue, par abstraction, de générer que « du puissanciel, du virtuel. » (Chevalier 1976 : 16).
Il est donc aisé de déduire de ce qui précède que ce qui a été transformé dans les six formes du paradigme uccidere est le statut de l’être auquel l’« idée ou la matière particulière est rapportée. Cet être se définit par la capacité de varier selon l’ordre qu’institue la hiérarchie des êtres impliqués dans l’acte du langage. Il constitue le support spatial nécessaire à l’évocation de tout événement et symbolise le départ de la tension du mouvement qui fonde le verbe.
La prédicativité et la prédication
« Ayant leur siège dans la langue, l’apport de signification et son support formel, même s’ils sont réduits à leurs propriétés les plus générales se trouvent être mis en relation » (Zenati 1998 : 5). Cette relation constitue ce que J.Cl. Chevalier nomme « la première articulation interne du vocable baptisé verbe ». (Chevalier 1976 : 16-7).
La catégorie verbale — pour peu que l’on veuille l’analyser pour ce qu’elle est et non pas pour ce qu’elle représente — assurément instituée en langue est une unité prédicative au sein de laquelle s’établit un rapport entre un être E et une sémantèse S dont il est le support5.
Nonobstant les diverses valeurs que peuvent prendre les deux éléments qui le constituent, ce rapport sera partout et toujours le même.
La première représentation que nous pouvons donc donner du verbe en langue est la suivante :
Cette représentation inscrivant l’apport dans l’antériorité du support a l’ambition de souligner l’imprécision — imputable à l’influence du discours — de la représentation que donne J.Cl. Chevalier laissant croire qu’en langue bien que le raisonnement qui sous-tend la figuration qu’il dégage est profondément juste — le support ou l’être remplissant le rôle du support apparaît, dans l’antériorité de ce qui est dit. En somme une disposition exactement inverse de celle qui a cours dans la langue.
Pour nous en convaincre, il suffit d’examiner, en langue, hors de tout emploi, une quelconque notion orientée vers la formalisation du verbe. Le signifié grammatical de cette dernière apparaît toujours dans la suite du signifié notionnel et jamais l’inverse. Si l’être auquel est référée une sémantèse verbale est posé en concevabilité avant que ne se soit produit aucune sémantèse le qualifiant, en percevabilité où la forme verbale est déjà portée à la visibilité, physifiée, — même s’il s’agit d’une forme psychique (Zenati 1988 : 33 et sq) — la sémantèse verbale n’apparaît que dans l’antécédence de l’être sur lequel elle porte.
Cette imprécision, notons-le au passage, témoigne d’un argument épistémologique pernicieux dont souffre la thèse de J.Cl. Chevalier qui consiste à déclarer que le support occupe la position d’avant en langue parce que — surtout par fonction — dans le discours, il n’apparaîtra que dans cette position : dans l’antécédence de l’apport.
Toutes ces considérations nous montrent que la définition selon laquelle le verbe exprimerait dans les deux langues italienne et française « […] soit l’action faite ou subie par le sujet, soit l’existence ou l’état du sujet […] » (Grévisse 1980 : 668) se révèle intuitive et impressionniste. Elle ne constitue pas une définition en bonne et due forme de ce que peut être une forme verbale dans sa constitution, mais une justification sémantique de l’utilisation discursive d’un verbe. En conséquence, elle caractérise non pas l’organisation interne et les mécanismes de la mise en place d’un verbe, mais une situation dans laquelle il viendrait à être employé. Elle n’est en définitive qu’une considération empirique débouchant sur une taxinomie du « réel » ; et « […] correspond à des vues qui sont pour une grande part étrangères au véritable mécanisme de la langue […] »(Guillaume 1949c [1973 : 108]
Cette définition résume bien les problèmes qui mettent en jeu les rapports de la pensée, du langage et du réel que J.Harris a évoqué dans le livre III de Hermès. Pour lui, « le langage n’est pas une nomenclature des choses ou un miroir de la réalité [a picture of the universe], mais le reflet d’opérations mentales [le « miroir de l’entendement] » selon la belle formule de Leibniz (Parmentier 2014).
Le verbe et le mécanisme de l’incidence
La représentation que nous avons donnée du verbe, par son caractère de figure close, montre que la sémantèse et l’être auquel elle vient échoir sont contenus dans une seule unité, et cette unité a son siège dans la langue. Ce mouvement de translation d’un apport de signification à un support de signification est baptisé par G.Guillaume le mécanisme d’incidence.
Dans les deux systèmes linguistiques, « avant toute incidence à un élément nominal, le verbe a en effet son incidence de langue intraverbale à la personne que le verbe incorpore. » (Guillaume 1949b [1971 : 145] & Zenati 1988 : 35).
La conjugaison est à cet effet la traduction du jeu mécanique de l’incidence de l’apport verbal à une personne pragmatique (R. Valin), logique de (G. Guillaume) de fonction constante et de rang variable.
Le verbe dans le système linguistique italien comme dans celui du français est défini par ce régime incidenciel de la sémantèse à son support. Ce dernier est un être linguistique parfaitement distinct de la sémantèse même s’il est assigné au verbe sous la forme d’une morphologie terminale : celle du signifié grammatical. Notons que cette incidence intra verbale est, quelle que soit la forme verbale que nous considérons, toujours progressive dans ce sens que le signifié grammatical est toujours dans l’après de ce qu’il supporte.
À ce niveau, après avoir posé, d’une façon assez générale, le jeu mécanique de l’incidence, il y a lieu d’examiner son fonctionnement dans le plan de la langue et dans celui du discours.
En passant du plan de la langue qu’est celui de la puissance à celui du discours, celui de l’effet. Le mécanisme d’incidence bien qu’il concerne la même relation se déploie de deux manières différentes.
Dans le plan de la langue, celui de la représentation, l’incidence se fait toujours à la personne ordinale, celle que le verbe incorpore et qui change d’intitulé ordinal. Elle caractérise une relation puissanticielle désignée sous la notion de prédicativité.
Dans le plan du discours, celui de l’expression et qui correspond à une visée d’effet dans la terminologie guillaumienne, « […] le verbe est porteur d’une incidence externe qui se conclût à volonté, dans le plan même du verbe, sur supports spéciaux » (Guillaume 1949c [1973 : 72] & Zenati 1988 : 37) « ou par substitution — dans le plan du nom — sous la forme du substantif sujet » (Guillaume 1949b [1971 : 99] & Zenati 1988 : 37). Elle est dans le premier cas en limite externe et dans le second externe.
L’incidence externe est régressive, contrairement à l’incidence interne qui a cours dans la langue. Le rapport qu’elle caractérise est celui que philosophes, linguistes et logiciens désignent sous la notion de prédication.
La prédicativité et la prédication concernent donc la même réalité linguistique — le rapport institué entre un support et un apport de signification — mais est différent le lieu de leur exercice : respectivement la langue et le discours.
Le langage peut donc être de ce point de vue considéré comme la transition de la langue au discours, comme un mouvement conduisant du lieu de la puissance à celui de l’effet ; de la prédicativité à la prédication. Langue et discours ne construisent pas une dichotomie et ne recouvrent donc pas l’opposition saussurienne de langue/parole. Elle est très voisine, dans les réalités linguistiques dont elle veut rendre compte, de la distinction aristotélicienne d’energia et d’ergon et de celle plus proche de nous, sur le plan grammatical que temporel, capacity/actuality que développe J. Harris.
Figurativement :
Considérons en français, d’une façon encore très provisoire, le verbe marcher en langue et en discours pour donner une image plus concrète de ces deux rapports et des régimes incidenciels qui les soutendent.
Dans le plan de la langue, et quand nous analysons le paradigme du verbe marcher à la première personne du pluriel :/maʁʃɔ̃/, il est bel et bien fait état d’une relation entre deux entités linguistiques : un support signifié par le morphème de la person/ɔ̃/et un apport/maʁʃ-/qui lui est rendu incident. Figurativement, nous avons :
La flèche qui augmente le rapport indique la progressivité du régime incidenciel.
Le rapport institué dans (les élèves + ils) écrivent où un verbe pose dans son antériorité un substantif les élèves ou un substitut pronominal ils en position de sujet peut être figuré de la façon suivante
Dans cette représentation, contrairement à la première, l’incidence est externe, en ce sens que c’est hors de lui que le verbe trouve un support nominal ou pronominal placé toujours en situation initiale. Elle est, en raison de cette position qu’occupe le support, régressive.
En considérant bien les deux derniers exemples que nous venons de poser, nous remarquerons que, dans le premier, la dualité entre le comportement (G. Moignet) et l’être qui en est le support est livrée sous la forme de 1’unité. Tandis que le second exemple ne livre pas une unité doublement constitutive, mais deux entités parfaitement distinctes l’une de l’autre.
Cette dislocation du groupe primitif fait que « c’est dans le discours, par fait de discours et de discours seulement, que le verbe — français — trouvera son incidence » achevée. (Guillaume 1949c [1973 : 66].
En conclusion, avant de dégager les conséquences de ces observations sur la structuration du verbe en langue en français et en itali nous pouvons retenir que les deux opérations fondamentales de la pensée caractérisent une seule et même relation ; laquelle relation est posée sous la forme d’une unité doublement constituée dans le rapport de langue et sous forme de deux unités parfaitement distinctes dans celui du discours.
Le phénomène de la prédicativité ne s’oppose pas à la prédication en vertu de ce qu’il est posé dans dans un autre lieu que celui où la seconde trouve à s’exercer. La prédicativité, à l’image de la langue conditionnant le discours, est permissive à l’égard de la prédication. Ce qui revient à poser que sans l’existence préalable d’un rapport de prédicativité, il ne saurait y avoir de prédication possible6.
Il résulte de ces considérations, en somme fort générales, un certain nombre de propriétés et d’implications sur la composition génétique du verbe et sur les mécanismes de la transition de la langue au discours. Il est alors nécessaire d’examiner, d’une façon méthodique – et détaillée, les verbes des deux systèmes linguistiques aussi bien en langue qu’en discours7, de vérifier ce que cette binarité suppose de propriétés, et de le faire dans chacun des deux plans et dans la transition de l’un à l’autre.
En somme, il s’agit d’étudier la réalité des deux opérations dans les verbes italiens et français afin d’en dégager les propriétés de structure qui définissent chacun d’eux. Et de là établir, sur ce point précis, une analyse comparative de l’organisation génétique et génésique des verbes des deux systèmes linguistiques en présence.
Considérons les choses en langue, et considérons-les étroitement, telles qu’elles se présentent en italien et en français actuel.
Le verbe de langue et support
En reconsidérant le paradigme du verbe uccidere donné au début de ce chapitre, nous remarquerons que le verbe italien dans le plan de la langue se présente déjà incident à la personne qui fait l’objet d’un intitulé ordinal variable. Il fournit sur l’être concerné par la sémantèse verbale, quel que soit le rang de son apparition dans les six formes que propose la conjugaison italienne trois informations. Dans uccido, par exemple, nous savons qu’il est parlé d’un être auquel l’idée de tuer est rapportée, que cet être existe et qu’il occupe dans le temps, en ayant part à l’interlocution au titre actif, le même lieu que l’acte de locution : le présent.
Dans le système linguistique français et quand nous considérons en langue un quelconque paradigme verbal, par exemple le verbe Marcher :
Personnes simples |
Personnes doubles |
/ maʁʃ/ / maʁʃ/ / maʁʃ/ / maʁʃ/ |
/ maʁʃɔ̃/ / maʁʃe/ |
L’information formelle qui nous est livrée sur le support est quantitativement bien moindre que celle que propose le verbe italien.
En effet, dans le même contexte que celui où nous avons examiné le verbe italien : celui de la prédicativité, il nous est donné à savoir qu’un élément formel existe en qualité de support et qu’il est contemporain de l’acte de locution. Cependant le rang qu’il occupe dans la hiérarchie des personnes est laissé dans l’indécis. Le verbe français en langue ne propose à un locuteur potentiel qu’une information très générale : la distinction entre « les personnes génétiquement homogènes et les personnes génétiquement hétérogènes » ou entre « les personnes associatives et personnes simples ». (Moignet 1972 : 17).
L’analyste, à l’observation de la forme/maʁʃ/est dans l’incapacité de déclarer avec précision : quel est le rang, parmi les personnes génétiquement homogènes, qu’occupe le support.
Cette brève analyse du phénomène de la prédicativité laisse entrevoir du système linguistique italien à celui du français certaines différences dans le mouvement génétique du verbe et il convient de les passer en revue. Il est clair que la relation de prédicativité qu’entretiennent l’apport de signification et son support est en français ce qu’elle est en italien.
Dans les deux systèmes linguistiques, comme par ailleurs dans celui de la totalité des langues romanes, « un verbe pour conserver son caractère temporel d’événement doit garder sa référence à un être » de caractère spatial (Moignet 1981 : 56).
Ainsi, le verbe italien comme le verbe français, quelle que soit la classe formelle dans laquelle ils apparaissent dans la nomenclature traditionnelle comporte l’image d’un support nominal auquel la sémantèse est rendue incidente. Il porte, dès la langue, inscrite en lui l’image d’un être, d’une personne dont la tâche essentielle est de lui conférer la stabilité nécessaire pour l’évocation du temps.
Force donc pour nous est d’admettre que ce qui distingue le verbe italien du verbe français n’a pas son lieu dans la structure fondamentale qui les caractérise. Elle est, ici et là, érigée par le même mouvement constructeur et constituée par les mêmes éléments. « Elle dénonce dans la totalité des langues romanes, l’ossature formelle de toute notion qui s’oriente vers la formalisation verbale. » (Zenati 1999 : 5-6).
Le verbe, quelle que soit sa sémantèse, pose donc l’existence de deux entités linguistiques entre lesquelles s’établit une relation de prédicativité faite de l’incidence d’une sémantèse S à un être E « elle est une relation du type apport — support ». (Chevalier 1 76 : 18). Cependant, — et nonobstant cette identité dans la structure génétique des verbes des deux variétés linguistiques – l’organisation interne du vocable verbe diffère de l’italien au français.
En effet, comme le laisse apparaître la comparaison entre les paradigmes des verbes uccidere pour l’italien et du verbe marcher pour le français, la définition de l’un des deux éléments, en l’occurrence le support, qui fonde la relation de prédicativité est ténue en français et achevée en italien.
Le système linguistique italien propose sur lui une quantité d’information supérieure à celle que propose le verbe français. Il met à contribution tout ce que l’appareil formel que la langue possède, tout ce qui peut formellement être dit d’un support : existence, rang et position temporelle. Tandis que la sémiologie de la personne dans le verbe français souligne surtout le caractère spécifique des deux personnes doubles. Il n’use donc que d’une distinction très générale : personnes génétiquement homogènes en opposition aux personnes génétiquement hétérogènes.
Mieux qu’une longue description, le tableau suivant montrera l’état de définition du support, en langue, dans l’un et l’autre système linguistique :
Support |
italien |
français |
Existence d’un support |
+ |
+ |
Position temporelle |
+ |
+ |
Rang |
+ |
- |
Les sémantèses verbales dans les deux systèmes linguistiques comportent dans leur structure la plus profonde l’image d’un support nominal intégré sous la sémiologie d’une personne grammaticale auquel elles sont incidentes. Mais l’une (l’italien) arrive au terme de son mouvement incidenciel en achevant la définition formelle de son support alors que l’autre, en raison de la définition formelle partiellement accomplie de son support, diffère le point d’achèvement de ce même mouvement sur un autre plan.
Cette disparité constatée dans la composition génétique des verbes italien et français influera sur les mécanismes de la mise en discours et par conséquent sur l’organisation du verbe dans le second plan, celui de l’effet.