Formes énonciatives et rapport de places dans le débat de Tariq Ramadan et Pascal Bruckner

أشكال النطق وعلائق الأمكنة في مناظرة طارق رمضان وباسكال بروكنر

Enunciative forms and report of places in the debate of Tariq Ramadan and Pascal Bruckner

Khadidja Zaimeche

p. 595-613

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Khadidja Zaimeche, « Formes énonciatives et rapport de places dans le débat de Tariq Ramadan et Pascal Bruckner », Aleph, Vol 10 (3) | 2023, 595-613.

Référence électronique

Khadidja Zaimeche, « Formes énonciatives et rapport de places dans le débat de Tariq Ramadan et Pascal Bruckner », Aleph [En ligne], Vol 10 (3) | 2023, mis en ligne le 06 février 2020, consulté le 31 octobre 2024. URL : https://aleph.edinum.org/7203

Le débat est un genre discursif et interactif particulier où s’affrontent les paroles et les images exhibées et construites par les débatteurs. En effet, chacun d’eux tente de favoriser son image et dévaloriser celle de l’adversaire, en lui imposant un rapport de place dominant. Cette étude pluridisciplinaire est limitée à l’analyse de la relation unissant certaines formes énonciatives telles que les termes d’adresse et les actes de langage et la gestion du rapport de places.

يشكل الحوار أو مناظرة أسلوبا خاصا من أساليب الحوار التفاعلي تتبارى فيه العبارات والصور التي يشكلها المتحاوران. بالفعل فإن كل واحد من المتحاورين يحاول أن يعطي صورة أفضل عن نفسه يحط بها من قيمة منافسه. سنخصص هذه الدراسة لتحليل بعض أشكال الخطاب كالعبارات الموجهة والقصدية وكيفية إدارة علائق الأمكنة والأدوار.

The debate is a particular discursive and interactive genre where the words and images displayed and constructed by the debaters. Indeed, each one of them tries to favour his image and to devalue the image of the adversary by imposing a dominant report of places on him. This multidisciplinary study is limited to the analysis of the relation uniting certain enunciative forms such as terms of addressing and acts of speech and report of places management.

Introduction

Le débat, sous toutes ses formes (débat politique, culturel, de société, talk-show), est devenu l’une des caractéristiques les plus marquantes de la vie publique moderne et du paysage médiatique, mais aussi d’Internet et des réseaux sociaux. En tant qu’objet d’étude, en sciences du langage, il se prête à des approches multiples allant de l’analyse des conversations à la rhétorique. Pour cela, il suscite l’intérêt des analystes du discours et des interactions verbales.

Dans cet article, sera analysé le dernier débat auquel a participé Tariq Ramadan avant l’éclatement de son affaire, fin 2017, et sa mise en examen début 2018. Ce débat s’est tenu au Salon du livre, à Genève, en Suisse, le 30 avril 2017, à l’occasion de la parution de son livre : Le génie de l’Islam. Face à lui, le romancier et essayiste français Pascal Bruckner, qui faisait aussi la promotion de son nouveau livre, Un racisme imaginaire : Islamophobie et culpabilité. Les deux débatteurs sont les représentants de deux courants idéologiques distincts : la laïcité défendue par Pascal Bruckner et l’engagement religieux islamique de Tariq Ramadan. Ce dernier est le plus célèbre et le plus controversé des islamologues contemporains. Il est connu en Europe et dans le monde arabo-musulman par ses talents d’orateur, son charisme et sa force de persuasion. Fervent défenseur des valeurs islamiques et de la citoyenneté européenne, il est souvent sollicité par des médias européens, des instances académiques et des organisations culturelles afin d’exprimer le point de vue ou l’opinion de l’Islam sur certaines questions d’actualité. Ses débats suscitent, souvent, de vives réactions de la part de ses partisans et détracteurs. Ces derniers le perçoivent comme un radical aux positions problématiques, dissimulées derrière un discours conciliateur ; alors que, ses « adeptes » voient en lui le musulman intellectuel, moderniste et modéré, au discours courageux et convaincant. Au-delà de ces deux représentations contradictoires, Tariq Ramadan a su se construire une image médiatique, soutenue et par une argumentation et une éloquence distinguée. Dans le débat en question, son interlocuteur est Pascal Bruckner intellectuel, philosophe et écrivain, il est l’invité permanent des plateaux télévisés, il ne se retient pas, il s’exprime sur la politique française et internationale, s’attaque aux sujets les plus délicats et suscite toujours des polémiques et des controverses.

Dans la présente étude, nous nous intéresserons tout particulièrement aux choix énonciatifs de Tariq Ramadan confrontés à ceux de Pascal Bruckner, que nous mettrons en relation avec le système de préservation des faces positives. Ensuite, nous étudierons comment les deux participants au débat les exploitent afin de gérer les rapports de places tout au long de l’interaction. Pour cela, nous nous sommes posé les questions suivantes :

De quelle façon les formes énonciatives se rapportent-elles à la gestion des rapports de places ?

En sachant que les places sont étroitement liées au système de préservation des faces, notre question conduit à une autre : comment s’articulent le système de préservation des faces et la gestion des rapports de places dans le débat de Tariq Ramadan et Pascal Bruckner ?

Étant donné que les formes énonciatives comme les marqueurs de subjectivité, les termes d’adresse et les actes de langage sont liés à un travail de figuration, nous avons supposé qu’un locuteur ne peut préserver et valoriser sa face, par rapport à celle de son adversaire, qu’en lui imposant et en maintenant un rapport de places dominant tout au long de l’interaction.

Afin de vérifier le bien-fondé de notre hypothèse, nous avons choisi deux niveaux d’analyse :

  • l’analyse des formes énonciatives (termes d’adresse et actes de langage).

  • L’analyse du système de préservation des faces et les rapports de places.

La présente étude s’inscrit dans le domaine qui prend en charge l’étude du discours en interaction (Kerbrat-Orecchioni 2009 : 14) ou la pragmatique des interactions (Vion 1992 : 198). Selon une approche pragmatico-énonciative et interactive de l’analyse du discours. Nous adoptons le point de vue de Vion, qui considère que la théorie énonciative peut être appréhendée d’un point de vue interactif (Vion 1992 : 18). Ainsi, les formes énonciatives peuvent être considérées comme « le résultat de comportements stratégiques de manière à intégrer dès le départ la présence des acteurs dans leurs productions » (Vion 1992 : 18). Corrélativement, l’approche pragmatique « intègre » ce qui constitue l’essentiel du message énonciatif (Vion 1992 : 184). Cette approche « éclectique » (Kerbrat-Orecchioni 2009 : 22) combine des approches différentes, mais applicables à un seul objet d’étude. Nos outils d’analyse sont puisés dans la pragmatique, l’approche énonciative, mais aussi les différentes approches interactionnistes, l’analyse conversationnelle, la microsociologie de Goffman et la théorie de politesse de Brown et Levinson.

1. Ancrage théorique

Le débat est un type discursif et interactionnel particulier, construit sur un fond de divergences, il tend vers un consensus entre des avis et des idées contradictoires exprimées autour d’un sujet d’actualité tout en respectant le droit et la liberté d’expression de chacun des débatteurs. Il se déroule devant un public, qui est le véritable destinataire (de chacun des débatteurs) ; c’est lui qu’il faut séduire et convaincre, puisque les débatteurs savent bien qu’ils ne peuvent ni s’accorder ni se convaincre. Chacun d’eux a pour objectif la valorisation de son image, et la dévalorisation de celle de l’adversaire. Cette image construite au fil des interventions est l’enjeu même du débat. Comme objet d’étude, l’image de soi et de l’autre est prise en charge par les différents courants de l’analyse du discours et des interactions. Elle renvoie à l’identité que le locuteur assume et projette et attribue à son interlocuteur. Pour d’autres, elle est la place ou la position que chacun d’eux tente d’occuper et préserver tout au long de l’interaction, dans ce cas-là, elle est synonyme de rôle interactionnel. Nous exposons, dans ce qui suit, les concepts qui serviront de cadrage théorique à notre recherche. En effet, le concept de place trouve son origine dans la notion de « rôle » de Goffman (1973 : 181), qui découle de sa célèbre métaphore du monde, où chaque individu a un rôle à jouer et à accomplir, ainsi que dans les concepts de « face » (Goffman 1976 : 5) et « territoire » ou « réserve » (Goffman 1973 : 43). Selon Goffman, l’individu en situation d’interaction, tend à préserver ses territoires, limiter les offenses et les menaces envers autrui et lui-même en adoptant un « comportement normatif » (Goffman 1973 : 124). Goffman restitue la notion de « rôle » ou de « face » à celle de « catégorie » ou d’« identité sociale » (Goffman 1973 : 181). Cette notion d’« identité » est reprise par les interactionnistes anglo-saxons qui considèrent que le genre, l’ethnie et l’identité socioprofessionnelle structurent l’échange et agissent comme une contrainte, où l’identité est vue comme une variable sociale qui doit rendre compte des fonctionnements linguistiques et discursifs. En effet, H. Sacks a élaboré le dispositif de catégorisation ou « membership categorisation device » (Sacks 2014 [1972] : 61) qui permet de rendre compte du fonctionnement des catégorisations de façon méthodique selon des règles d’application prédéterminées. De ce fait, l’articulation de l’aspect social (contexte) et linguistique prend la forme d’une influence mutuelle entre les ressources linguistiques et les catégorisations des participants à l’interaction (Mondada 1999 : 26-31). Ce rapport a été également développé au sein de l’école française de l’analyse du discours, en matière de « pratique discursive » dans le but de décrire les faits discursifs (Foucault, 1969 : 67).

Dans cette perspective, les places sont liées aux formations imaginaires qui sont sous-entendues et renvoient à l’image que le locuteur a de sa place et de la place de l’autre (Maingueneau 1996 : 63). Il renvoie aussi à « l’identité des partenaires » (Maingueneau 1996 : 63) Par ailleurs, sous l’influence des philosophes anglo-saxons, la notion de rôle ou de place s’est trouvée liée à celle de « valeur illocutoire » et « effets perlocutoires » des actes de langage (Austin 1970 : 125).

En effet, Slakta a mis en relation les notions d’acte de langage, idéologie, position (ou place), et par la suite le rôle (Slakta 1974 : 101). Il considère que tout acte de langage a une fonction déterminée nommée « valeur illocutoire » (Austin 1970 : 113) ou « force illocutionnaire », qui peut être identifiée selon le contexte ou la situation du discours sans recourir à l’analyse ou l’interprétation de ses marqueurs (Searle 1972 : 68). Et dont la réalisation est gouvernée par des règles (« normatives et constitutives ») intériorisées par le locuteur et régissant l’emploi des éléments de la langue (Searle 1972 : 53), tout en étant liée à l’influence que le locuteur cherche à exercer sur l’autre. S’inscrivant dans cette lignée Kerbrat-Orecchioni propose une analyse interactive et communicative de l’acte de langage, où la valeur interactionnelle de l’acte viendrait s’ajouter à sa valeur illocutoire (Kerbrat-Orecchioni 2001 : 54). Elle envisage les actes de langage comme éléments « relationnèmes » : « Qui sont à la fois des indicateurs ou des créateurs d’un certain type de lien, ils peuvent refléter des données textuelles, mais aussi parfois les modifier ou les constituer » (Kerbrat-Orecchioni 2001 : 69).

Deux catégories sont dégagées : celle des relationnèmes marqueurs de distance, et celle des relationnèmes marqueurs de position hiérarchique ou « taxèmes » qui attribuent aux actes de langage une « valeur taxémique ». (Kerbrat-Orecchioni 2001 : 69) Kerbrat-Orecchioni distingue les actes de langage fonctionnant comme « des taxèmes de position haute » (Kerbrat-Orecchioni 2001 : 69) tels que : l’acte d’interdire, conseiller, critiquer, reprocher, etc. Et les « taxèmes de position basse » (Kerbrat-Orecchioni 2001 : 69) qui traduisent cette position ou la renforcent, tels que : l’excuse, l’aveu, le recul, l’autocritique, etc. Les effets des taxèmes sont identiques aux « effets perlocutoires » d’Austin (Kerbrat-Orecchioni 2001 : 125) et de Searle (Kerbrat-Orecchioni 2001 : 86).

Kerbrat-Orecchioni a élaboré cette distinction en s’appuyant sur la taxonomie d’Austin des actes de langage (1970), la notion de territoire ou de face de Goffman (1976), les lois conversationnelles de Grice (1979), ainsi que la théorie de la politesse de Brown et Levinson (1978) qu’elle a réaménagée. Aussi, elle a introduit d’autres notions comme celle d’« Acte flatteur pour la Face » ou « Face Flattering Act » (Kerbrat- Orecchioni 2001 : 74) à côté de celle d’« Acte menaçant pour la face » ou « Face Threatening Act » (Brown et Levinson 1999 : 313) (Kerbrat-Orecchioni, 2001 : 74).

Aussi, certains taxèmes peuvent révéler la relation qui unit les participants à une interaction comme les termes d’adresse, formes de politesse, postures, rythme et ton de la voix. Alors que d’autres peuvent inverser les positions des participants à l’interaction (Kerbrat-Orecchioni 2001 : 70).

Cette dimension relationnelle est appréhendée par R. Vion en termes de « rôle interactionnel » (Vion 1992 : 80), car le sujet est appelé à « adopter une position en fonction d’une répartition sur le tas de rôles et des attitudes » possibles. Ainsi la position ou « place est constitutive du rôle dans la mesure où accomplir un rôle pourrait impliquer l’occupation d’un ensemble de places » (Vion 1992 : 83). Reprenant le concept de « place » ou « rapport de places » de Flahault (1978), Vion estime que le terme « place » renvoie aux trois types de position : le statut, les places interactives, et la position de prestige. (Vion 1992 : 83) Tandis que le concept de « rapport de places » « permet d’appréhender le positionnement comme une entité relationnelle ». (Vion 1992 : 80)

Dans cette perspective, le rôle est une entité hétérogène (Vion 1992 : 82), et ne peut être assumé qu’en accomplissant un travail de figuration ou de construction d’image (Vion 1992 : 35). Il entraîne, par conséquent, « la gestion de deux positions symétriques ou complémentaires constitutives d’un rapport de places » (Vion 1992 : 35) ; quand il est dominant, il est appréhendé en tant que cadre ou espace interactif (Vion 1992 : 111) et attribue à l’interaction son caractère coopératif ou compétitif. (Vion 1992 : 128) C’est pourquoi, dans toute interaction, s’échangent les représentations et les images de soi, soit à travers un travail de figuration ou de préservation des faces, soit à travers ce qui est énoncé par les participants à l’interaction, comme formes énonciatives (actes de langage, termes d’adresse ou de considération, modalités d’implication, etc.). De ce fait, tout acte de communication est effectué sur un fond représentatif et intersubjectif. (Kerbrat-Orecchioni 1980 : 208)

2. Corpus et méthode d’analyse

Notre corpus est un enregistrement audio obtenu après la conversion du format vidéo du débat, qui était filmé et diffusé sur le réseau social YouTube1, réunissant Tariq Ramadan et le philosophe français Pascal Bruckner. La conversion des vidéos s’est faite au moyen d’un logiciel en ligne2, car le format audio de l’interaction permet une transcription plus rapide et minutieuse du corpus. Toutefois, nous avons recouru plusieurs fois à l’enregistrement vidéo pour relever les données non verbales (gestualité, mimiques, postures et disposition spatiale des participants à l’interaction) essentielles pour l’analyse. Puisque cette étape est la plus importante et la plus coûteuse en temps, nous avons choisi de transcrire notre corpus à l’aide du logiciel : Transcriber3, dont nous avons limité l’usage à la segmentation de la bande sonore. En ce qui concerne les conventions de transcription, elles sont inspirées de celles élaborées par V. Traverso (1999 : 25). Les débatteurs sont désignés par leurs initiales et l’animateur par l’abréviation Anim. Pour mener cette analyse, nous mettons en relation certaines formes énonciatives (comme les termes d’adresse et les actes de langage qui peuvent avoir des fonctions illocutoires multiples selon leurs emplacements dans le tour de parole) avec le système de préservation des faces, et ce, pour examiner la gestion des rapports de places par chacun des débatteurs durant toute l’interaction.

La méthode d’analyse appliquée à ce corpus est pluridisciplinaire, et s’apparente au modèle descriptif élèctique de Kerbrat-Orecchioni, qui se résume à « l’exploitation d’un certain nombre d’aspects de fonctionnement du discours-en — interaction, avec les moyens du bord, c’est-à-dire en exploitant les ressources disponibles et les outils qui semblent les plus efficaces » (Kerbrat-Orecchioni. 2009 : 23). En outre, pour des besoins analytiques, nous avons retenu deux niveaux d’analyse ; le niveau local correspond à l’analyse du contenu, la valeur et la fonction des actes de langage, et le niveau séquentiel, qui correspond à l’analyse des échanges conversationnels complexes de type : question/réponse ou intervention/réponse. Cela ne délimite pas les tours de parole en simples paires adjacentes (question/réponse), du fait qu’un seul tour de parole peut comprendre plusieurs types d’actes de langage. La nature formelle et institutionnelle de l’interaction permet à l’animateur du débat d’imposer une certaine organisation des tours de parole et de régler leur durée, où chacun des débatteurs est prié de riposter ou agir à l’intervention de l’autre. Ces interventions peuvent être plus ou moins longues et complexes, comme elles peuvent se référer à l’ensemble de l’échange.

3. Un débat et des interrogations : scénographie d’une violence civilisée

L’analyse de notre corpus a révélé que la force énonciative de chacun des débatteurs est centrée sur la préservation de leurs propres faces et le maintien d’un rapport de place dominant ou son renversement. L’emploi, presque systématique, de la part des débatteurs des termes d’adresse et plus exactement des formes nominales comme « renforçateur » des actes menaçants pour la face de l’autre (Kerbrat-Orecchioni.2010 : 12). Elle a révélé, aussi, que les différents actes de langage effectués par l’un ou par l’autre ont pour fonction de discréditer l’adversaire, nuire à son image, tout en se plaçant dans une position dominante.

3.1. Termes d’adresse et actes de langage

Tout d’abord, nous nous sommes intéressées aux termes d’adresse pris dans leur contexte énonciatif ou discursif, au-delà de la symétrie d’emploi, une fois liée aux actes de langage, l’analyse a révélé une relation de distance voire d’agressivité unissant les deux débatteurs. Ces derniers ont employé le pronom d’adresse « vous », et des formes nominales semblables.

Or, Pascal Bruckner (désormais P. Bruckner) a utilisé la formule : l’appellatif monsieur + patronyme (lignes : 136, 251, 356), et son occurrence soit : appellatif + prénom+ patronyme (ligne 234) suivie d’une critique puis d’une condamnation, et la forme nominale : prénom + patronyme (ligne 120) suivie d’une critique, à la ligne (428). Puis, cette forme apparaît à la ligne (460) accompagnée d’un reproche, puis d’un compliment qui se transforme juste après en une critique, après que T. Ramadan a rejeté ou a refusé le compliment à la ligne (464), après l’interruption de l’animateur P. Bruckner reprend la remarque de T. Ramadan pour le critiquer, encore une fois, comme le démontre le passage suivant :

460 PB Tariq Ramadan je pense que : votre problème à vous (.) c’est que vous auriez pu.
461 devenir le Luther de l’Islam vous êtes-vivez en suisse vous auriez pu être le grand
462 réformateur dont l’Islam européen a besoin (.) pour engager un dialogue justement
463 avec le monde occidental et avec les extrémistes du monde musulman
464 TR [Luther était un
465 radical
466 Anim laissez le finir [je vous donne deux minutes pour répondre après
467 PB [un radical, mais qui a eu quand même une action extrêmement
468 modernisatrice je constate que malheureusement vous ne l’êtes pas et il me semble
469 que votre difficulté à vous c’est que vous êtes au milieu du gué c’est dire d’un côté.

À partir de la ligne (474), Tariq Ramadan (désormais T. Ramadan) répondra avec ferveur à une accusation de P. Bruckner, où le terme d’adresse prend la forme du patronyme, employé seul, accompagné d’un FTA, en l’occurrence un directif synonyme de position haute à la ligne (484). Se trouvant dans une position basse, P. Bruckner tente de la renverser, mais il ne réussit pas, il emploie la forme nominale du terme d’adresse : prénom + patronyme, accompagnant un acte d’exhortation, ce qui explique peut-être l’échec de sa tentative de prise de parole. L’intervention de l’animateur à la ligne (485) et même celle d’un homme dans le public sont nécessaires pour faire taire T. Ramadan et permettre à P. Bruckner de reprendre la parole, qui emploie le même terme d’adresse et le même acte de langage, suivis d’un conseil qui a la valeur d’une critique, comme le démontre le passage suivant :

480 Anim [vous savez (.) vous parlez les deux en même temps plus personne ne comprend
481 rien donc l’un après l’autre s’il vous plait [Pascal Bruckner terminez
482 PB [et donc et donc Tariq Ramadan je vous
483 [exhorte (incompr) donc
484 TR [il faut lire Bruckner il faut lire Bruckner il faut lire lire lire lire lisez
485 Anim [Tariq Ramadan s’il vous plait (.) ALLO (incompr) on comprend rien [Pascal
486 Bruckner terminez
[Là, un homme dans le public crie T. Ramadan vous allez le laisser parler↑]
487 PB [Tariq Ramadan je vous exhorte essayez d’être enfin moderne et [réformateur et]

Cependant, à d’autres moments du débat T. Ramadan a employé l’appellatif monsieur à la ligne (375) suivi d’un FFA pour sa propre face, mais qui peut être considéré comme un FTA pour la face de son adversaire, dont l’objectif est d’embarrasser l’autre. À la ligne (444) et (446) le même procédé se répète, mais sous une forme particulière : adjectif cher + l’appellatif monsieur, suivi d’un FTA, qui est un directif, en l’occurrence.

  • Exemple 1

448 le dire arrêtez de nous dire que : on va regarder le nombre qui fait la différence
449 dès qu’il y en a un (.) soyez avec moi dans la condamnation est-ce que je suis
450 claire monsieur↑ la condamnation est claire↑ ne commencez pas à jouer avec
451 le fait que je n’étais pas claire dans la condamnation

Dans l’exemple 1, T. Ramadan, après avoir longuement expliqué sa position vis-à-vis des attentats de Paris et de Charlie Hebdo, et il a rappelé sa condamnation de tous les attentats dans le monde entier, le directif à la ligne (449) suivi de la question qui comporte le terme d’adresse : monsieur, qui vient renforcer le FTA, en tant que taxème de position haute et relationnème de distance. Puis, vient la deuxième question, elle-même suivie d’un autre directif, les deux sont considérés comme des FTA (s) et des taxèmes de position haute.

Quelques cas de délocution révélateurs d’un certain type de relation, comme le démontrent les exemples suivants :

  • Exemple 2

57 TR xxx d’abord/euh merci d’organiser ce : ce débat (.) la façon dont dont/euh (.) dont
58/euh Pascal Bruckner se : s’explique à l’oral est beaucoup plus douce que la façon
59 dont il aborde le sujet à l’écrit sa façon d’aborder le sujet à l’écrit est très violente
60 et : extrêmement problématique alors moi je veux rev’nir au débat maintenant qui
61 est le nôtre (.) quand on aborde ces questions il faut être rigoureux (.) faut être
62 rigoureux sémantiquement faut être rigoureux historiquement (.) or/euh Pascal
63 Bruckner n’est rigoureux ni l’un ni ni dans un cas ni dans l’autre premier élément (.)
64 islamophobie comme vous le mettez à l’évidence apparaît à l’époque coloniale, mais.

Dans l’exemple 2, T. Ramadan commence son intervention par un remerciement, suivi directement d’une délocution (à la ligne 58), sous forme d’un terme d’adresse à la forme nominale (prénom + patronyme) accompagné de l’anaphorique « il » (à la ligne 59), qui contraste avec l’emploi des déictiques « je » (60) et « notre » à la ligne (61), suivie d’un commentaire à valeur générale explicitée par l’emploi du pronom « on ». La deuxième délocution à la ligne (62), suivie d’une critique. Par ce procédé, T. Ramadan, veut priver son adversaire de son statut d’allocutaire. En effet, il emploie la délocution à deux reprises en s’orientant vers le public qu’il prend à témoin et met à distance P. Bruckner, qui est assis à proximité de lui et qu’il démontre d’un geste de la main (Sullet-Nylander 2016 : 20). Cette stratégie à visée exclusive (Dechanay 2017 : 105) fait partie d’une « scénographie de domination » (Sullet-Nylander 2016 : 17), où le terme d’adresse a une double fonction celle de renforcer l’acte menaçant pour la face de l’autre FTA (Kerbrat-Orecchioni, 2010 : 6), et celle d’instaurer une relation de distance (Kerbrat-Orecchioni, 2010 : 6). En tant que « taxème de position haute » (Kerbrat-Orecchioni. 2001 : 69) il traduit la volonté de T. Ramadan d’installer un rapport de place dominant dès le début de l’interaction (Vion 1992 : 198). Un autre cas de délocution de la part de P. Bruckner à la ligne (410), là aussi le terme d’adresse à la forme nominale vient renforcer l’acte d’accusation qui est un FTA pour la face de T. Ramadan, et constitue ainsi un taxème positionnel, qui s’inscrit dans une stratégie de renversement de postions. Cependant, cette distance s’est vue réduite vers la fin du débat où une diminution de l’agressivité est remarquée, et dont l’animateur se montre très ravi.

  • Exemple 3

516 TR vous dire vous savez l’Islam le problème c’est sexiste de fait l’Islam a fait des
517 mâles frustrés vous êtes content avec ça vous il a dit Kamel Daoud puis ça
518 sonne bien c’est Kamel qu’il a dit [donc en l’occurrence/ah↑/ben voilà voilà
519 Anim [/uppppp stop stop
520 voilà [il dit il se demande si c’est faux ben oui c’est faux mon ami donc
521 Anim [là pas
522 si pensez [que l’Islam produit des mâles frustrés↑ je je je mon dernier mot
523 PB [je pense rien moi c’est vous le spécialiste
524 Anim [on a fait un pas vers l’un vers l’autre formidable je me tourne vers la
525 [salle parce qu’il faut absolument donner la parole à [la salle

Dans l’exemple 3, T. Ramadan emploie une délocution à la forme pronominale : « il », mais accompagnée cette fois d’un terme de parenté « ami » et le possessif « mon » à la ligne (508), qui peut être interprété comme un « adoucisseur » (Kerbrat-Orecchioni. 2010. 69), mais la réaction de P. Bruckner à la délocution à la ligne (511) vient sous forme d’un FTA à sa propre face « je pense rien moi », et un FFA en identifiant son adversaire comme le « spécialiste ». Cela peut s’expliquer peut-être par la volonté de P. Bruckner de répondre à l’« adoucisseur » de T. Ramadan par un autre.

3.2. Actes de langage et rapport de places

L’analyse des actes de langage a démontré que la relation interpersonnelle ou le rapport de places qui s’est installé entre les deux débatteurs est un rapport conflictuel et en négociation permanente comme le démontre l’analyse des extraits suivants. Après la première intervention de P. Bruckner (de la ligne 12 à la ligne 52) la réaction de T. Ramadan contient plusieurs taxèmes de position haute et/ou des FTA(s), (à partir de la ligne 57) ; c’est aussi une contre argumentation appuyée par des dates et des chiffres, ces derniers sont repris dans ses interventions ultérieures, comme le montrent les extraits suivants :

La mise en crise

62 rigoureux sémantiquement faut être rigoureux historiquement (.) or/euh Pascal
63 Bruckner n’est rigoureux ni l’un ni ni dans un cas ni dans l’autre premier élément (.)

L’insistance

À plusieurs reprises, le rythme rapide, le ton haut et une gestualité nerveuse : le matériel non verbal (gestes, mimiques, posture) et para verbal (prosodique et vocal) sont révélateurs d’une relation interpersonnelle (Kerbrat-Orecchioni 1996 : 26) tendue et conflictuelle, comme à la ligne (69) et (70)

69 dites maintenant et donc premier élément historique (.) ERREUR deuxième élément
70 historique ce n’est pas DU TOUT à l’époque de la question iranienne le mot
Et à la ligne (105)
105 Internationales disent (.) CHIFFRE À L’APPUI se développe en occident une
106 position qui est un racisme antimusulman et qui fait qu’on cible des personnes dans

La demande/question directe

T. Ramadan emploie un argument d’autorité. En effet, il appuie sa définition de l’islamophobie en affirmant que des organisations internationales des droits de l’homme et bien d’autres l’emploient pour qualifier un racisme envers les musulmans. Par la suite, dans le but de mettre P. Bruckner dans l’embarras, il lui demande pourquoi il refuse un tel emploi du terme islamophobie, cette interrogation s’étale sur plusieurs lignes comme le démontre le passage suivant, à la ligne (95).

93 de le faire l’antisémitisme existe donc ma question (.) elle est extrêmement clai : re
94 elle va à l’encontre de tout ce que vous dites il n’y a pas de d’utilisation et
95 d’instrumentalisation d’un terme la question est très simple est-ce que aujourd’hui
96 chiffre à l’appui non pas dans les espèces vagues idées théoriques que vous avez, mais
97 chiffre à l’appui dans tout ce qui est produit par des institutions qui utilisent le terme
98 islamophobie l’OCE l’observatoire de des/euh de/euh de Vienne les Nations Unies
99 et (.) l’Union européenne la seule le seul pays non pas le seul pays le seul cercle

La même question est reformulée à la ligne (184), posée d’ailleurs plusieurs fois durant le débat, est un acte « ambivalent » (Kerbrat-Orecchioni 2001 : 87) et appelle une réponse de type oui/non, donc une demande de confirmation (Léon 1992 : 223). Elle est considérée comme une question piège, dont le but est de mettre l’adversaire dans la difficulté et de le discréditer, quelle que soit sa réponse, dans ce cas-là, la question est considérée comme taxème de position haute (Léon 1992 : 223), comme le montre le passage suivant :

183 nous sommes tous d’accord là-dessus maintenant monsieur répondez clairement à la
184 question y a-t-il ou non en France en Allemagne en Suisse aujourd’hui en Europe
185 aux États-Unis une expression d’un racisme qui vise une population parce qu’elle est
186 musulmane et (incompr) ↑ comment vous expliquez chiffre à l’appui 72 — de la
187 population française a une image négative de l’Islam =est-ce que ça veut dire veut

Pour équilibrer le rapport de place et introduire un rapport secondaire (Vion 1992 : 111), P. Bruckner commence son tour en répondant sur un ton extrêmement calme, tout en critiquant le comportement de son adversaire, cela constitue une valorisation de sa propre face et une dévalorisation de la face de l’autre. À son tour, il émit des FTA (s) comme :

La mise en crise

120 PB Alors Tariq Ramadan ne vous laissez pas emporter par l’esprit polémique (…) en
121 général je vous connais plus doux, mais je ne rentrerai pas dans ce jeu-là
122 effectivement je crois que ça nous mènera à rien non le mot islamophobie est

Cependant, il évite de répondre à la question posée par T.Ramadan (à la ligne 184), et change de thème pour parler de « christianophobie » par opposition à « islamophobie », d’« antisémitisme », de « terrorisme », ce qui constitue une atteinte aux lois conversationnelles. (Vion 1992 : 92)

L’acte directif/ordre

155 pas tout à fait la même donc ne ne mettez pas dans votre diatribe [ne mettez pas dans
156 TR [(inaudible)

P. Bruckner réussit à faire reculer T. Ramadan, qui répond à la ligne (158) sur un ton plus calme, un rythme plus lent, il sourit et sa gestualité est moins tendue, comme le démontre le passage suivant :

163 TR [(rire) d’accord [d’accord
164 écoutez je vais répondre à cela ne faites pas semblant de ne pas avoir compris ce
165 que j’ai dit je disais que votre débat sur l’origine du terme et le fait que le sens
[T. Ramadan a une voix plus calme, le ton a baissé, il sourit sa gestualité est moins tendue, et le rythme est moins rapide]

Ce recul, après le reproche ou la critique, est un révélateur de position basse (Kerbrat-Orecchioni 2001 : 69), que T. Ramadan tente de renverser et riposte immédiatement. Il reprend sa question intimidante à la ligne (189) :

189 aujourd’hui c’est que vous avez sur le plan du terrain social au niveau du travail
190 discriminations à l’emploi discrimination au logement à l’école ça existe ou pas ↑
191 répondez à la question au lieu de nous emmener sur le mot a été inventé pour
192 éviter la critique moi j’ai aucun problème avec prop — votre critique à l’Islam et le

La multiplication de la demande de réponse à la question déjà posée (voir infra) par le locuteur, en l’occurrence T. Ramadan, a pour objectif d’intimider l’adversaire, le mettre dans l’embarras, pour avoir raison de lui, et lui faire admettre sa thèse. (Kerbrat-Orecchioni 2001 : 69) Mais P. Bruckner sait bien qu’il ne peut répondre ni par oui ni par non, alors il ignore la question dans le but de préserver sa face. Cette stratégie d’évitement est constatée par T. Ramadan qui ne compte pas aménager la face de son adversaire et essaye de renforcer son positionnement dominant, en multipliant les FTA(s) :

Une accusation

177 Dieu sait si-moi je les accepte vous savez entre nous je suis moi sur une liste de
178 DEASH vous n’y serez pas = vous savez pourquoi vous n’y serez pas↑ parce que
179 vous êtes l’un des objectifs de ce qu’ils veulent eux ils veulent la fracture dans la
180 société c’est exactement le même discours les t-vous êtes un allié intellectuel
181 objectif de LA FRACTURE dans la société occidentale pourquoi parce que vous
182 en train de me parler de quelques personnes qui sont contre le sentiment victimaire

Une deuxième accusation

194 dernier élément que j’aimerai dire c’est que ce que vous avez dit dans votre propos
195 bas est révélateur de votre pensée votre pensée en fait c’est l’Islam est le problème.
196 parce que vous pensez que nous pensons que comme c’est la dernière révélation.

Une mise en crise

225 présence musulmane c’est pas vrai vous en a avez fait un problème vous avez un
226 vrai problème les seuls musulmans avec lesquels vous avez envie de discuter c’est les
227 gens qui répètent ce que vous dites vous avez envie de-vous avez-vous n’êtes pas
228 dans le dialogue vous êtes dans ce qu’on appelle un monologue interactif vous parlez
229 avec vous-même c’est ça

Dans le passage suivant, que nous trouvons très intéressent, T. Ramadan combine différents procédés : énonciatif et argumentatif dans le but de maintenir un rapport de places dominant. En effet, il pose une question, qui peut avoir la valeur d’une critique ou accusation à la ligne (197) ; suivie d’une autre indirecte qui prend la forme d’un acte assertif à la ligne (198), cette dernière est renforcée par une question rhétorique, à valeur argumentative à la ligne (200). Par ce procédé, T.Ramadan retourne l’accusation qui lui était destinée vers son adversaire, où l’accusateur devient accusé. Il se permet même un directif à la ligne (201)

197 nous avons un problème avec l’altérité, mais monsieur avez-vous une connaissance.
198 de l’histoire des idées et l’histoire des sociétés↑ vous allez dire à un homme qui vient
199 d’une société majoritairement musulmane que dans son histoire il n’a pas su
200 cohabiter avec les juifs et les chrétiens, mais la-l’extermination des juifs elle a eu lieu
201 où ↑en Égypte↑ au Maroc↑ elle a eu lieu ici eu Europe vous n’allez pas donner une
202 leçon d’histoire à une population qui en Europe aujourd’hui (.) il y a un problème

Face à cet amas d’accusations ou de FTA(s), P. Bruckner essaye d’équilibrer ce rapport de places dominant imposé par son adversaire, où il occupe une position basse. Toutefois, il ne cède pas et accuse à son tour T. Ramadan d’avoir un discours rétrograde, et plus encore facétieux et enfantin, comme le démontre le passage suivant :

233 PB pour moi alors (.) nous sommes (inaudible) en train d’essayer de dialoguer
234 monsieur Tariq Ramadan, mais apparemment vous me mettez dans tous les sacs
235 possibles et imaginables rallié de DAECH je vous dis c’est tellement gros que (.) je
236 pense que vous devriez rougir de ce genre d’accusation c’était bon ça à l’époque de
237 l’Union soviétique quand on accusait l’autre de faire le jeu de l’impérialisme bon
238 sérieusement on n’est pas/heu on n’est pas au jardin d’enfants essayons de garder au
239 débat un certain niveau quant à l’altérité dont vous parlez oui c’est vrai que dans
240 l’histoire des pays musulmans il y a eu un : : : certaine protection des juifs et des guerres

Nous terminons notre analyse avec cette séquence, fortement marquée par des interruptions et des accusations réciproques, qui traduisent la volonté de chacun des débatteurs de s’imposer, en dévalorisant l’image de l’autre. T. Ramadan veut maintenir le rapport de place qu’il a su instaurer dès le début de l’interaction ; de l’autre côté P. Bruckner ne se laisse pas faire, et tente à chaque intervention de renverser ce rapport de places, qu’il a réussi à équilibrer à plusieurs reprises.

361 PB vous êtes avec les bourreaux pour la convergence c’est raté et je vous renvoie je
362 vous renvoie effectivement à votre assimilation avec DAECH que les loups se
363 mangent entre eux je n’y peux rien c’est la règle dans toutes les
364 Anim Tariq Ramadan
365 TR au-delà du au-delà du fait qu’on ̒ est pas dans l’humour, mais qu’on est dans un
366 propos un peu : /euh à la limite de l’insulte permettez-moi de vous répondre
367 PB c’est vous qui avez commencé
368 TR/ah↑, mais vous savez la sagesse c’est de répondre [avec élégance à l’insulte et je
369 Anim [non (inaudible)
370 vais quand on [l’a je vais vous répondre avec [élégance ma réponse ma
371PB [(incomp)
372Anim [vous étiez très sages tous les deux jusqu’à maintenant [on va le
373 laisser répondre puis je vous donne la parole
374 TR [réponse ma
375 réponse avec élégance monsieur (.) c’est la la chose suivante (.) première des

Dans ce passage, P. Bruckner répond à l’accusation de T. Ramadan (ligne 178, voir infra) par une autre accusation (à la ligne 362) considérée par ce dernier comme une insulte. Sur un ton léger, P. Bruckner se justifie, en interrompant T. Ramadan (à ligne 367). Ce dernier réagit immédiatement et critique son adversaire (ligne 368), il émit deux FFA(s) pour sa propre face (sage aux lignes 368, et élégance à la ligne 375) qui sont, en même temps, des FTA(s) pour la face de son adversaire.

Conclusion

Le maintien d’un rapport de places dominant passe nécessairement par un travail de figuration (Goffman 1973 : 105) ou « une ligne de conduite » (Goffman 1974 : p9), qui se traduit par l’emploi de formes énonciatives particulières. Cela correspond, dans ce débat, à un plan d’attaque, visant à dévaloriser la face de l’adversaire, dans le but de préserver sa propre face, et se donner une certaine image de soi auprès du public. Chacun des débatteurs a adopté une stratégie énonciative basée sur l’emploi massif des FTA (s) liés à l’emploi des termes d’adresse comme « renforçateurs » (Kerbrat-Orecchioni 2010 : 69) des actes menaçants pour la face en tant que marqueurs de distance. Et des formes délocutives, dont la visée est d’exclure l’adversaire et le discréditer devant le public. Cette analyse énonciative et pragmatique du débat peut être approfondie et corroborée par une analyse argumentative (Gauthier 1994 : 11), qui mettrait au clair les stratégies argumentatives suivies par les deux débatteurs, et les relier, par la suite aux activités discursives et énonciatives d’un côté, et les stratégies de positionnement de chacun des débatteurs de l’autre.

1 Chaine YouTube : Dominique Bianchi : https://youtu.be/3rCynlJE03A, ajoutée le 15 mai 2017 ou http://www.mizane.info

2 Le logiciel est : OnlineVideoConverter.com (OVC) version3.0 disponible sur internet à l’adresse suivante :

https://www.onlinevideoconverter.com/fr/success?id=i8b1d3b1e4b1f5j9d3

3 La version (1.5.1) du logiciel est disponible à l’adresse suivante : https://transcriber.fr.softonic.com/

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Vion, Robert. La communication verbale : Analyse des interactions. 1992. Paris : Hachette.

Les conventions de transcription (inspirées des conventions de V. Traverso4),

[

Interruption et chevauchement

(.)

Pause inférieure à une seconde

(..)

Pause supérieure à une seconde et inférieure à trois seconde mais non chronométrée

(Silence)

Pause non suivie de la durée

« 

Chute d’un son

:

Allongement

::

Allongement très important

Mot interrompu brutalement par le locuteur

Majuscule

L’insistance

(asp)

Aspiration

(Rire)

Rire

××××

Coupure due au transcripteur

([])

Phénomène non transcrit

(inaudible)

Passage inaudible

=

Enchaînement rapide au début et à la fin de la séquence

(incompr)

Mot ou passage incompréhensible

1 Chaine YouTube : Dominique Bianchi : https://youtu.be/3rCynlJE03A, ajoutée le 15 mai 2017 ou http://www.mizane.info

2 Le logiciel est : OnlineVideoConverter.com (OVC) version3.0 disponible sur internet à l’adresse suivante :

https://www.onlinevideoconverter.com/fr/success?id=i8b1d3b1e4b1f5j9d3

3 La version (1.5.1) du logiciel est disponible à l’adresse suivante : https://transcriber.fr.softonic.com/

4 Traverso, Véronique. L’analyse des conversations. 1999. Paris : Nathan. (Collection 128), p. 25.

Khadidja Zaimeche

Université Frères Mentouri- Constantine1

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