Introduction
Quelques recherches ont déjà tenté d’appréhender le domaine du français oral au niveau de l’éducation en Algérie, mais peu d’entre elles se focalisent sur ce qui se passe dans le domaine académique, et encore moins s’intéressent au français comme objet d’enseignement à l’université.il n’y a pas encore eu de travail réalisé autour de la pertinence de l’enseignement de l’oral et l’efficacité des stratégies adoptées pour son enseignement à l’université.
Dans la mesure où le niveau L1 de la filière « français » constitue la principale porte d’entrée dans l’apprentissage du français oral en tant que langue enseignée en milieu universitaire, il nous a semblé nécessaire d’articuler la problématique de la présente recherche autour des stratégies adoptées par les universités algériennes dans la prise en charge de l’enseignement de la composante orale et commencer par leur examen critique et proposer des dispositifs à mettre en œuvre pour son optimalisation.
1. Le contexte de l’étude : Le système éducatif en Algérie
1.1. L’enseignement primaire et secondaire
Force est de rappeler qu’à la veille de l’indépendance de l’Algérie, le pays souffrait d’un déficit d’enseignants pour faire face à un taux de natalité relativement élevé, d’autant plus que le système scolaire prévalant avant l’indépendance était calqué largement sur celui qui avait cours en métropole. Le nouveau gouvernement mis en place au lendemain de l’indépendance tentait alors un renversement de la situation pour promouvoir les cultures arabe.
S’ensuivirent alors plusieurs mesures et réformes telles que des recrutements massifs d’enseignants ayant nécessité des formations intenses, l’abolition des écoles privées, l’obligation et la gratuité de l’école
Actuellement, l’arabe classique est la langue d’enseignement durant les neuf premières années de l’enseignement scolaire, le français, même s'il est aussi utilisé dans les cours supérieurs de mathématiques et de sciences, n’est enseigné qu’à partir de la troisième année primaire.
À propos de l’usage des différentes langues locales et étrangères dans l’enseignement, il faut dire qu’il s’agit d’un sujet quelque peu épineux. Ainsi, avant d’apprécier la place accordée au français dans le système éducatif du pays, il nous paraît important d’évoquer la question du choix de la langue d’enseignement et son influence sur l’atteinte des objectifs pédagogiques.
La particularité du contexte algérien tient surtout au caractère « non monolingue » et « non-uniculturel » du pays, avec notamment un double métissage avec l’arrivée des janissaires turcs au haut Moyen-Âge et la colonisation française aux XIXe et XXe siècles. Après l’indépendance, la politique de l’arabisation qui cherchait à destituer le français au profit de l’arabe a favorisé l’embarras du choix pour la langue d’enseignement. En fait, le choix de l’arabe classique comme langue officielle et nationale a rencontré beaucoup de complications et une diminution des taux de réussite scolaire. Aussi, la tentative de substituer l’anglais au français comme première langue étrangère n’a pas été soutenue, car le français, chargé d’histoire et mêlé à la culture algérienne, restait très populaire.
In fine, cette place du français oscille entre un affaiblissement considérable du fait de la concurrence avec l’arabe et l’anglais et une reconnaissance de l’importance de la restauration de la langue française surtout dans l’enseignement universitaire, en tant que langue et objet d’enseignement. Si tel est l’environnement de l’éducation scolaire en Algérie, qu’en est-il de l’enseignement supérieur ?
1.2. L’enseignement supérieur en Algérie
1.2.1. Le système classique
L’enseignement supérieur algérien a longtemps été conçu et fonctionnait sous le modèle européen, depuis la colonisation, et cela malgré une volonté de redéfinir le système de la part du nouveau gouvernement postcolonial. Désormais, les Algériens veulent s’approprier de leurs universités, se former et acquérir des compétences avec une perspective de développement de leur pays, sans pour autant se détacher fondamentalement du modèle français. Mais, des réformes pour élargir le champ d’action et les publics de l’enseignement supérieur n’ont pas toujours eu de succès, surtout avec des évènements qui marquaient une forte islamisation et politisation du système universitaire algérien, jusqu’aux années 1980. Ils s’ensuivent alors des conséquences catastrophiques aussi bien au niveau structurel, stratégique, infrastructurel, et humain.
Même si, L’arabisation tentait de remplacer le français en tant que moyen d’enseignement dans les universités, dans les Sciences sociales et humaines, voire dans les Sciences exactes. Durant quelques décennies après l’indépendance, l’enseignement des langues étrangères a même été prohibé. Toutefois, avec la persistance du modèle français dans le système d’enseignement supérieur, le français reste très utilisé à des fins pédagogiques.
1.2.2. La réforme LMD
L’introduction de la réforme LMD constituait donc une occasion pour le gouvernement de mettre fin aux dysfonctionnements au sein de l’enseignement supérieur algérien. Cette réforme devrait toucher à la fois le contenu et l’organisation des études, et changer profondément les pratiques des établissements universitaires tout en développant une responsabilisation accrue de l’étudiant dans son cursus. Malgré des résistances émanant surtout des corps enseignants, mais également des étudiants, le nouveau système est entré en vigueur en 2004 et a été étendu à toutes les universités après une période de coexistence avec l’ancien système. Il faut dire que cette coexistence associée à un manque de rigueur et de conviction de la part des autorités centrales n’est pas sans effet négatif en ce qui concerne la gestion et du suivi de la scolarité et de l’éducation.
Finalement, pour terminer ce survol du système d’enseignement supérieur algérien, il convient de noter un manque crucial de corps enseignants dans le pays, surtout après le flux massif d’enseignants ayant fui l’Algérie durant les crises des années 1980-1990. Pour aller plus loin, le système d’éducation en général en place doit encourager l’engagement actif dans l’enseignement et l’apprentissage réfléchis, engageant à la fois les enseignants et les étudiants.
2. Le cadre théorique : l’oral et les compétences langagières
En ce qui concerne le deuxième point du cadre théorique, à propos des concepts de l’oral et des compétences langagières :
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Il y a lieu d’abord d’analyser successivement la notion de communication verbale et celle d’oral.
-
Puis, il sera question de définir les éléments pouvant influer sur les compétences langagières en langue étrangère.
2.1. La communication orale
La communication orale est le reflet de l’environnement dans lequel les interactions entre au moins deux interlocuteurs, l’émetteur et récepteur prennent place. Ces personnes partagent généralement le même langage pour se comprendre. En effet, selon Vion Robert1, la communication orale comprend trois volets : l’écoute, l’exposé et l’interaction. Les situations rencontrées et les objectifs des interlocuteurs conditionnent le volet dans lequel ils interagissent.
2.2. Notion d’oral
La langue orale est le système par lequel nous utilisons des mots parlés pour exprimer des connaissances, des idées et des sentiments. Le développement de la langue orale signifie donc développer les compétences et les connaissances qui entrent dans l'écoute et la parole, tout ce qui a une relation étroite avec la compréhension de la lecture et l'écriture. La langue orale est dès lors composée d'au moins cinq composants clés : compétences phonologiques, pragmatiques, syntaxe, compétences morphologiques et vocabulaire (également appelée sémantique). Toutes ces composantes de la langue orale sont nécessaires pour communiquer et apprendre à travers la conversation et l'interaction parlée, mais il existe des distinctions importantes entre elles qui ont des implications pour l'alphabétisation.
2.3. Les composantes du langage et compéteence orale
La langue orale est le système par lequel des mots parlés sont utilisés pour exprimer des connaissances, des idées et des sentiments. Cela implique donc des compétences et connaissances relatives à l’écoute et à la parole. En fait, la langue orale est composée d’au moins cinq éléments clés, à savoir : les compétences phonologiques, pragmatiques, syntaxiques, morphologiques, lexicales, et sémantiques.
Figure2 : Les différentes composantes du langage
La phonologie concerne la perception, la manipulation et l'organisation des sons qui forment les mots |
La morphologie renvoie à la connaissance des règles de combinaison (préfixes, suffixes, etc.) permettant de former des mots. |
Le lexique de dictionnaire interne ou notre bagage de vocabulaire. L'accès au lexique est la capacité de trouver et d'utiliser le mot juste. concerne not |
La syntaxe représente l'organisation des mots afin de créer des phrases cohérentes. |
La sémantique consiste à la compréhension du sens des mots et des phrases. |
La pragmatique se définit comme la compréhension des liens existant entre la langue et le contexte de son utilisation. |
Source : Dr. Dave Ellemberg, 2012.
Comme il s’agit de questionner sur l’efficacité de l’enseignement du français oral, il apparaît inévitable de parler de compétences langagières en langue étrangère. En fait, les compétences orales constituent l’une des quatre compétences linguistiques des compétences langagières, à côté de l’écriture, l’écoute, et la lecture. L’analyse de la compétence orale porte notamment sur des éléments clés comme l’accent, la capacité de se faire comprendre et à évaluer le degré de compréhension d’un autre interlocuteur, et l’aisance orale.
Il faut aussi noter que la motivation des apprenants qui affecte considérablement leur volonté d’apprendre une langue influe aussi grandement sur leur compétence langagière vis-à-vis de cette langue. De telles motivations reposent sur des attitudes positives à l’égard de la communauté de cette langue et dans le désir de communiquer avec des membres de celle-ci. Cela implique alors de l’effort, du désir et de l’enthousiasme dans l’apprentissage de la langue. En outre, il est possible de prendre également position pour soutenir l’idée que les ressources grammaticales sont susceptibles d’améliorer cette compétence orale en langue étrangère. Enfin, force est aussi de reconnaître que les compétences lexicales sont très importantes pour la compétence orale, car elles imprègnent toutes les autres compétences linguistiques.
3. Le cadre méthodologique
Concernant la méthodologie, il convient de présenter brièvement les hypothèses de recherche, les variables et les indicateurs de l’étude empirique, les méthodes et les outils correspondants
3.1. Les hypothèses
En considération du modèle de la pratique d’enseignement-apprentissage de Derobert Masure et Dehon qui mettent en évidence l’existence de stratégies d’apprentissage adoptées par les étudiants d’une part, et de stratégies d’enseignement mises en œuvre par les enseignants d’autre part, les deux hypothèses suivantes ont alors été formulées :
-
La première hypothèse stipule que « les compétences langagières dépendent des stratégies d’apprentissage qui correspondent aux comportements mis en place par l’étudiant pour mieux apprendre la langue cible (ici, le français) »
-
La deuxième hypothèse stipule que « L’efficacité de l’enseignement de la langue est plus élevée si l’enseignant a davantage recours à la construction du savoir en se référant à un modèle didactique, ou du moins à des stratégies d’enseignement définies préalablement à l’acte d’enseigner plutôt qu’à ses propres compétences langagières ou savoir-faire pédagogiques, c’est-à-dire en improvisant ».
3.2. Variables et indicateurs
Trois variables ont alors été définies au regard de ces deux hypothèses :
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La première variable est la compétence langagière à l’oral du français
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La deuxième variable est la stratégie d’apprentissage des étudiants du français oral. Nous avons utilisé une typologie différenciant les stratégies de répétition, d’élaboration, d’organisation, de contrôle de la compréhension, et affectives.
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La troisième variable est la stratégie d’enseignement des enseignants du français oral. Cinq approches ont été retenues comme méthodes d’enseignement, les approches créative, conceptuelle, plurielle, actionnelle, et communicationnelle.
3.3. Recueil des informations
Trois moyens d’investigations ont été utilisés pour obtenir les informations correspondant à ces trois variables respectivement :
Deux activités de production orale ont été proposées aux étudiants du niveau L1 du département français ayant participé à la présente étude
Nous nous sommes alors adressés à deux publics spécifiques de l’enseignement du français oral du milieu universitaire algérien, à savoir : les étudiants du département « Français » et les enseignants de ces mêmes étudiants. A titre de simplification (à la limite également des moyens disponibles à notre égard), nous avons choisi l’Université de Relizane (Centre Universitaire « Ahmed Zabana»).
70 étudiants de cet établissement universitaire ont pu réaliser les deux activités d’évaluation de la compétence orale, constituant ainsi l’échantillon de notre étude quantitative sur les stratégies d’apprentissage.
Ensuite, ces mêmes étudiants ont été invités à répondre à un questionnaire relatif aux stratégies d’apprentissage selon leurs fréquences de recours à ces pratiques stratégiques vis-à-vis de la matière « Compréhension et expression orale ».
Quant à l’étude des stratégies d’enseignement, quatre enseignants de la matière « Compréhension et expression orale » ont répondu positivement à notre sollicitation pour les entretiens individuels
4. Présentation des résultats et analyse
Quatre points ont été traités concernant l’efficacité de l’enseignement du français oral dans les universités algériennes, à savoir : la compétence orale des étudiants, la place du système LMD dans ce cadre précis, les stratégies d’enseignement des enseignants, et les stratégies d’apprentissage des apprenants.
Selon les enseignants interviewés, la compétence orale des étudiants est très insuffisante pour suivre dans des conditions acceptables cette formation universitaire. Notre évaluation à travers les activités de production orale a indiqué, en revanche, que cette compétence orale est « très moyenne ». La majeure partie de ces étudiants disposent d’une compréhension acceptable de l’oral, mais le véritable problème concerne l’expression orale à cause notamment d’une insuffisance lexicale et grammaticale. Nous avons aussi remarqué un manque crucial de confiance de l’apprenant à ses propres compétences dans cette matière, un cercle vicieux, car cela limite davantage leur progression.
4.1. Apports conditionnels du système LMD
Certains enseignants avancent que les apports du système LMD dans l’enseignement et l’apprentissage du français oral sont encore très limités, requérant plus d’éclairage sur les rôles et compétences des différents acteurs en présence. Parmi les impacts positifs attendus de cette réforme sur le système LMD, nous avons identifié une place plus importante accordée à l’oral par rapport à l’écrit, une compétence élargie de l’enseignant dans l’élaboration du contenu et du contenant de son cours, une responsabilisation accrue de l’étudiant grâce à la mise en place d’activités diverses, une centration sur l’apprenant, et une motivation élevée des étudiants à investir davantage dans l’apprentissage à cause d’une meilleure perspective de l’étudiant dans son parcours académique.
La concrétisation de ces impacts potentiels est conditionnée entre autres par l’existence d’infrastructures et matériels suffisants ainsi que de ressources humaines étoffées et organisées de manière optimale pour combler le manque constaté. Il convient aussi de repenser au volume horaire alloué à la matière « Compréhension et expression orale » notamment pour mieux faire participer tous les étudiants aux activités de classe.
4.2 Stratégies d’apprentissage efficaces et complémentaires
Nous avons analysé une vingtaine de pratiques stratégiques auxquelles les étudiants ont recours (au moins « souvent »), dont dans l’apprentissage du français oral (principalement avec la matière « Compréhension et expression orale »). Nous les avons groupés suivant la classification deWolfs2. Avant de considérer leur efficacité individuelle, il faut noter que les étudiants de notre échantillon sont « multi-stratèges », recourant à au moins 3 stratégies par étudiant ; la plupart d’eux ont l’habitude de plus de 10 stratégies
4.2.1. Stratégies de répétition
A propos des stratégies de répétition, certes, il apparait que les pratiques de « répétition » (à haute voix) soient légèrement meilleures que les pratiques de « prise de note » : 51% de ceux optant pour ces premières contre 42% adoptant ces dernières ont obtenu au moins la note moyenne aux deux activités de production orale. Par ailleurs, il faut dire que tous ceux qui ont l’habitude de la prise de note sont également familiers des pratiques de « répétition » : mais, l’inverse n’est pas toujours vrai, car 2/3 de ceux qui ont choisi la répétition comme pratique exclusive (en faisant abstraction des autres types de stratégies : d’élaboration, d’organisation, etc.) ont eu des notes supérieures ou égales à 10. De même, l’on se doute des apports positifs de la prise de note dans les stratégies de répétition : en effet, 62% de ceux qui pratiquent à la fois la répétition à haute voix et la prise de note n’ont pas atteint la note moyenne.
En tout cas, la performance des étudiants habitués des stratégies de répétition peut être qualifiée de « moyenne » : la moyenne de leurs notes est de 10.6, près de la moitié d’entre eux ont obtenu la note moyenne, environ la moitié des étudiants ayant eu au moins cette note moyenne ont opté pour ces stratégies. En somme, nous ne sommes pas en mesure de dire que les stratégies de répétition ont des apports significatifs (par rapport à ceux qui n’ont pas l’habitude de ces pratiques) sur la performance des étudiants.
4.2.2. Stratégies d’élaboration
Parmi les dix pratiques stratégiques dans cette catégorie de stratégies d’apprentissage, quelques-unes se démarquent en termes d’efficacité : mnémotechnique, répondre aux questions, recourir à des images mentales, et relier aux connaissances déjà acquises. En effet, bien au-delà de la moitié de ceux qui ont adopté ces pratiques ont obtenu la moyenne aux activités de production orale, surtout pour les deux premières pratiques. Pour les deux dernières, ces pratiques sont largement familières des étudiants qui ont eu la moyenne à ces activités d’évaluation (et largement exclues des pratiques de ceux qui n’ont pas eu cette moyenne).
Tableau – Efficacité relative des stratégies d'élaboration
Etudiants qui ont eu la moyenne |
Etudiants ayant exclu ces pratiques et qui n’ont pas eu la moyenne |
||
Mnémotechnique |
60% |
47% |
38% |
Répondre aux questions |
59% |
61% |
50% |
Recourir à des images mentales |
56% |
84% |
78% |
Relier aux connaissances acquises |
55% |
82% |
78% |
Par ailleurs, nous n’avons pas pu identifier de combinaisons remarquables (en termes d’efficacité) de ces différentes pratiques. Il y a tout de même une tendance à dire que plus ces stratégies sont combinées, plus elles ont de potentiel à accroitre la performance des étudiants, bien que cela n’est pas systématique : Par exemple, la moyenne des notes des étudiants ayant opté pour ces quatre pratiques (à la fois) est significativement plus élevée que celle des notes des autres étudiants3. Cependant, il n’y a aucune information permettant de savoir si un étudiant utilise instantanément ces quatre pratiques pour une même tâche associée à un objet d’apprentissage donné.
Il y a lieu de noter que pratiquement tous les étudiants de l’échantillon auraient eu recours habituellement à au moins une de ces quatre pratiques.
4.2.3. Stratégies d’organisation
Les trois pratiques stratégiques rentrant dans ce type de stratégies d’apprentissage sont sensiblement égales, en termes d’efficacité : les moyennes des notes des étudiants recourant habituellement à ces pratiques ne sont pas significativement différentes L’on remarque que ces moyennes de note avoisinent sensiblement la moyenne (10), comme c’est le cas des stratégies de répétition. De plus, il semble que le recours à ces pratiques d’organisation n’apporte pas quelque chose de positif aux étudiants : la moyenne des notes de ceux qui ont recours à ces stratégies n’est pas significativement différente de celle des autres étudiants.
En somme, parmi ces stratégies cognitives (ayant un lien direct avec l’objet d’apprentissage, qui est la matière relative au français oral), les pratiques d’élaboration semblent offrir une meilleure performance pour les étudiants. Toutefois, il ne faut pas oublier la possibilité de combiner ces trois types de stratégies (de répétition, d’élaboration et d’organisation). Dans ce sens, nous avons tenté de comparer la performance moyenne des étudiants ayant recouru aux différentes combinaisons possibles de ces stratégies avec la performance moyenne des autres étudiants : nos calculs concluent que ces deux performances ne sont pas significativement différentes. Autrement dit, il apparait que les étudiants ont intérêt à opté pour un type de stratégie plutôt que d’essayer de les combiner (tous les trois ou bien deux à deux).
4.2.4. Stratégies métacognitives
A titre de rappel (et pour les différencier des stratégies cognitives) les stratégies métacognitives se focalisent sur le processus d’apprentissage, c’est-à-dire sur les stratégies utilisées dans l’apprentissage. En d’autres mots, les stratégies métacognitives visent à réguler et gérer l’ensemble des stratégies adoptées, tandis que les stratégies cognitives agissent directement sur l’objet d’apprentissage. Ainsi, les quatre stratégies métacognitives selon la classification de Wolfs semblent être équivalentes en termes d’efficacité.
Tableau – Efficacité relative des stratégies métacognitives
Étudiants qui ont eu la moyenne |
Étudiants ayant exclu ces pratiques et qui n’ont pas eu la moyenne |
||
Pratiques stratégiques métacognitives |
% par rapport à ceux qui ont recouru à ces pratiques |
% par rapport à l’ensemble de ceux qui ont eu la moyenne |
(% par rapport à l’ensemble de ceux qui n’ont pas eu la moyenne) |
Se poser des questions |
50% |
68% |
81% |
Faire quelque chose |
56% |
87% |
81% |
Définir et tenter d’atteindre un sous-objectif |
54% |
58% |
59% |
Changer de stratégie |
58% |
68% |
59% |
En effet, selon le tableau précèdent, les proportions des étudiants ayant eu recours à ces différentes pratiques métacognitives dépassent la moyenne, mais les proportions de ceux ayant exclu celles-ci et qui n’ont pas obtenu la moyenne sont également élevées. ce tableau montre également que les moyennes des notes de ceux qui ont eu recours à ces différentes pratiques métacognitives ne sont pas sensiblement différentes (les unes des autres). Ces données laissent aussi entendre que les performances des individus optant pour ces stratégies métacognitives peuvent également être qualifiées de moyennes.
4.2.5. Stratégies affectives
Les commentaires analogues à ceux pour les stratégies métacognitives prévalent également pour les stratégies affectives : les quatre pratiques affectives considérées (créer et maintenir sa motivation, maintenir sa concentration, gérer son anxiété, et gérer son temps) sont quelque peu équivalentes en termes d’efficacité, et les performances des étudiants adoptant ces stratégies peuvent aussi être qualifiées de « moyennes ».
En guise de synthèse, aucune combinaison de stratégies d’apprentissage n’a manifestement prouvé ses apports positifs dans ce sens, au regard des données que nous avons analysées. Nous avons tout de même remarqué que le fait de recourir à davantage de stratégies pourrait améliorer la performance des étudiants qui ont déjà de compétence orale relativement élevée. Ainsi, avec la (barres de couleur rouge), nous constatons qu’à partir d’une certaine note obtenue par des étudiants (apparemment ayant une bonne compétence orale ; ici, à partir de 15 points sur 20), l’adoption d’une pratique stratégique supplémentaire de la part de ceux-ci semblent faire accroitre leur performance sur cette matière. Force est toutefois d’insister que cette tendance n’est pas systématique, en considérant par exemple la fluctuation (augmentation et diminution) des notes (même si la tendance est « généralement » haussière).
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En revanche, il semble que l’ajout de stratégie supplémentaire risque même de détériorer les résultats pour les étudiants qui ont une compétence orale relativement faible. La raison de ces mouvements réside probablement au niveau des types de stratégies supplémentaires intégrées par ces étudiants :D’une part, pour ceux ayant une compétence orale relativement élevée, nous remarquons que ces stratégies supplémentaires sont essentiellement métacognitives et affectives (le nombre des stratégies cognitives restant plus ou moins constant – toutes celles susceptibles d’accroitre la performance à l’oral étant déjà intégrées préalablement) ;
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D’autre part, pour ceux ayant une compétence orale relativement faible, ces mouvements sont plutôt inversés : ajout davantage de stratégies cognitives autres que celles qui sont susceptibles d’améliorer la performance à l’oral (pratiques d’élaboration autres que les quatre énoncées plus haut, en l’occurrence), au détriment des stratégies métacognitives et affectives ;
Pour les étudiants de compétence que l’on peut qualifier « d’intermédiaire », aucune conclusion ne peut être formulée concernant la relation entre le nombre de stratégies et la performance à l’oral des étudiants.
4.3. Stratégies d’enseignement : rigides ou modulables
Il faut d’abord noter que les stratégies des enseignants de la matière « Compréhension et expression orale » se basent essentiellement sur des référentiels théoriques, méthodologiques et pratiques. Ce sont des référentiels tirés des recherches scientifiques réalisées sur cette discipline Bien que ces bases soient relativement stables, l’improvisation entre également dans les stratégies des enseignants interviewés, c’est-à-dire une considération du contexte d’enseignement et du feedback émanant des étudiants afin d’adapter les stratégies et les dispositifs d’enseignements utilisés.
Par ailleurs, nous avons remarqué deux postures de l’enseignant vis-à-vis des étudiants qui assistent à leur cours.
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D’un côté, il y a ceux qui offrent une certaine liberté de choix aux étudiants dans l’élaboration du dispositif d’enseignement. L’improvisation est alors importante car l’enseignant cherche surtout à adapter son enseignement en fonction des besoins des étudiants. Il va aussi recommander aux apprenants des stratégies d’apprentissages répondant mieux à leurs besoins pour obtenir des résultats meilleurs.
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De l'autre côté, il y a les enseignants qui préfèrent garder la quasi-totalité de la compétence dans la gestion de l’enseignement. La place accordée à l’improvisation est alors restreinte et l’enseignant formulera des directives et non plus des recommandations sur les stratégies d’apprentissage à adopter. En somme, l’on peut parler, en première approxiamtion, d’imbrication des stratégies d’apprentissage avec les stratégies d’enseignement, bien que les informations dont nous disposons ne permettent pas encore de caractériser cette imbrication.
4.4. Pour un modèle didactique du français oral ?
Par modèle didactique pour le cadre de la présente recherche, nous entendons la projection d’une réalité dans un espace élaboré scientifiquement pour la rendre plus intelligible et mieux sujette à l’étude. Ainsi, il est possible de parler de pluralité de modèles dont la principale fonction est « d’analyser » afin de mieux questionner tout ce qui constitue l’acte d’enseigner. Cela écarte alors la perspective d’idéalisation d’un modèle qu’il convient d’imiter, mais plutôt une perspective de remise en question en vue d’améliorer les stratégies d’enseignement.
4.4.1. Quelles approches utiliser ?
À propos des approches didactiques à utiliser, plusieurs propositions peuvent être émises.
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Premièrement, plutôt que de parler de supériorité d’une approche sur une autre, il convient de penser en termes de compatibilité des approches considérées au regard des objectifs pédagogiques.
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Deuxièmement, le choix des stratégies d’enseignement est surtout dicté par la préférence des enseignants qui adhèrent parfois à certains courants de pensée.
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Troisièmement, les contextes auxquels font face les enseignants algériens ne sont pas toujours propices à la mise en œuvre de ces approches.
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Quatrièmement, des approches peuvent être directement déployées pour viser des objectifs différents, c’est-à-dire à travers une même activité.
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Cinquièmement, certaines approches sont directement imbriquées à certaines stratégies d’apprentissage.
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Et sixièmement, chacun renforce la motivation des étudiants, mais de manières différentes, et les résultats à long terme peuvent être également sensiblement différents.
En somme, un modèle didactique destiné à analyser le processus d’enseignement du français oral est caractérisé par les approches didactiques qui le composent.
4.4.2. Comment enseigner efficacement le français oral ?
En guise de synthèse sur l’efficacité de l’enseignement du français oral en milieu universitaire, nous pouvons avancer les points suivants :
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D’abord, les stratégies d’enseignement doivent reposer avant tout sur des bases théoriques et méthodologiques robustes relatives à la compréhension et l’expression orale. Cela devrait assurer un minimum de stabilité de ces stratégies malgré l’importance accordée à l’improvisation dans l’acte d’enseigner.
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Ensuite, les stratégies d’enseignement doivent être modulables surtout en fonction des compétences orales des étudiants.
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De même, les stratégies d’apprentissage des étudiants devraient être une composante essentielle des stratégies d’enseignement des enseignants. L’enseignant a intérêt à émettre des conseils ou directives sur les stratégies d’apprentissage efficace à ses étudiants.
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Aussi, il faudrait chercher à stimuler et diriger les motivations des étudiants notamment à participer aux activités de classe.
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Enfin, il convient de choisir les approches qui correspondent les mieux aux objectifs pédagogiques.
4.4.3. Perspectives et autres recommandations
Il faut reconnaître que la question d’efficacité de l’enseignement du français oral n’est pas seulement une responsabilité des seuls enseignants, ni même celle des seuls étudiants, même si ce sont les premiers acteurs impliqués directement dans ce domaine. La communauté scientifique devrait jouer un rôle de premier ordre pour dynamiser les connaissances dans cette discipline. Cela met en avant l’intérêt que l’on devrait accorder à des espaces et plateformes d’échange pour les partages d’expériences à propos des stratégies d’enseignements et d’apprentissage.
Conclusion
La pertinence d’un modèle didactique du français oral dans les universités algériennes réside dans une perspective d’analyse critique des pratiques d’enseignement à travers ce modèle. Dans notre recherche, nous n’avons pas eu suffisamment d’information permettant de concevoir et d’utiliser un modèle didactique. Cela constitue alors une piste de recherche à privilégier pour approfondir la présente étude.