Introduction
C’est avec force que s’impose la peinture dans le récit de Leila Sebbar (la trilogie Shérazade : Shérazade, 17 ans, brune, frisée, les yeux verts, Les carnets de Shérazade, Le fou de Shérazade). La constante intertextualité avec l’art de la peinture, plus particulièrement la peinture orientaliste, forme la trame du fond du récit, le domine et devient un élément capital. L’odalisque, thème principal de la peinture orientaliste, revient d’une manière récurrente dans le récit de Leila Sebbar. Servante, esclave, l’odalisque est une monnaie d’échange, un objet sexuel, un jouet dont la destinée est entre les mains de son maître, le sultan. Emprisonnée au cœur du harem, l’odalisque mène une vie de prisonnière. Devenant par la suite un genre pictural à la mode, l’odalisque véhicule la représentation de femmes inactives, lascives, peu vêtues. Sa représentation chez les peintres orientalistes est née d’un contexte sociopolitique et culturel précis où la découverte de l’Orient enflamme les imaginations occidentales brumées par les interdits de la religion. Ces peintures où des lieux interdits et fermés sont révélés au regard de l’Autre sont réalisées à partir d’une perception/représentation où les fantasmes prennent la place de la mémoire. Leila Sebbar investit cet imaginaire orientaliste et propose une réécriture de l’odalisque dans sa trilogie. Les chefs-d’œuvre d’abord narrativisés, sont subvertis et réécrits autrement, d’une manière à ce que les odalisques qui les peuplent existent autrement : elles sont l’image inverse. De l’intertexte à la subversion par le récit de cet intertexte, nous découvrirons que pour mettre fin au discours orientaliste, Leila Sebbar reprend les peintures orientalistes, dans le but de reconstruire l’image valorisée de la femme. L’Odalisque échangera sa place avec l’homme occidental atteint d’orientalisme. D’observée, l’odalisque devient l’observatrice désormais. Nous aurons l’occasion de découvrir des versions tout à fait différentes des originales, des versions où la femme orientale ne s’adonne plus au sommeil ni à la lassitude, où son regard n’est plus vide et où ses gestes ne sont plus emprisonnés par la lenteur.
1. Dans Shérazade 17ans, brune, frisée les yeux verts
Leila Sebbar donne du relief aux odalisques : le matin, au réveil, la jeune fille se met à parcourir le musée jusqu’au moment où la vue du tableau de Matisse, L’Odalisque à la culotte rouge arrête son regard et la laisse en proie à une émotion intense. Leila Sebbar insiste sur le fait que ce que ressent la jeune fille ne doit rien à la réflexion analytique et qu’il importe peu à sa protagoniste de connaître la raison de son attirance pour cette peinture particulière. Shérazade : « Écrit la description de l’odalisque sans rien préciser, sans noter qu’elle la trouve plutôt laide et que pourtant cette femme la touche. Elle ne cherche pas à savoir pourquoi. »1
Nous emprunterons ici pour les besoins de notre analyse la différence établie par Roland Barthes entre le studium et le punctum dans son étude sur le regard photographique. Cette étude montre qu’il est d’abord possible de percevoir une photographie en fonction de son savoir et de sa culture : c’est le studium. Or : Un second élément vient casser… le studium. Cette fois, ce n’est pas moi qui vais le chercher… c’est lui qui part de la scène, comme une flèche, et vient me percer2. Barthes appelle ce second élément le punctum : le punctum d’une photo, c’est ce hasard qui, en elle, me point3. De la même façon, c’est bien la représentation de l’odalisque qui provoque une intense émotion chez la protagoniste.
Lorsque la jeune fille refuse d’analyser l’origine de ce sentiment, elle refuse ainsi de porter sur le tableau un regard codé par la culture et le savoir. En effet, précise Barthes : Lorsque le punctum se révèle à moi je congédie tout savoir, toute culture, je m’abstiens d’hériter d’un autre regard4 .Ainsi la photo doit être silencieuse… La subjectivité absolue ne s’atteint que dans un état, un effort de silence. La photo me touche si je la retire de son bla-bla ordinaire…, ne rien dire, fermer les yeux, laisser le détail remonter seul à la conscience affective5.
La jeune fille, qui s’abîme dans la contemplation de l’odalisque pendant quelques heures, chercherait donc à se pénétrer de l’émotion particulière créée par une sorte de punctum pictural. Plus encore, si l’on suit Roland Barthes dans son raisonnement, la démarche de notre héroïne peut en fait être vue comme une tentative de faire sortir du cadre l’odalisque triplement enfermée par le tableau, la tradition musulmane et la tradition orientaliste. Barthes prend comme contrepoint l’exemple du cinéma dans lequel le personnage qui sort de l’écran continue cependant à vivre dans ce qu’il appelle « le champ aveugle », pour montrer qu’en photographie il n’existe rien de tel : tout ce qui se passe à l’intérieur du cadre meurt absolument, ce cadre franchi. Lorsqu’on définit la photo comme une image immobile, cela ne veut pas dire seulement que les personnages qu’elle représente ne bougent pas ; cela veut dire qu’ils ne sortent pas : ils sont anesthésiés et fichés, comme des papillons. Cependant, dès qu’il y a punctum, un champ aveugle se crée (se devine)… Le punctum fait fantastiquement sortir le personnage… de la photographie, il pourvoit cette photo d’un champ aveugle6.
À l’issue de sa contemplation de l’odalisque, Shérazade ferait donc sortir symboliquement du cadre et par là même du cliché, non seulement la femme orientale, mais aussi toutes les femmes représentées dans les tableaux. Dans cette suite d’idée, nous allons déceler à travers son voyage, trois versions réelles différentes par opposition aux versions picturales originales. Shérazade va redéfinir et va repeindre les tableaux des orientalistes à sa manière, en leur redonnant vie, en libérant les odalisques de leur prison éternelle, va les sortir, les laisser se mouvoir, leur donner des émotions, donner un sens à leurs regards vides. Shérazade va sortir Les Femmes d’Alger, définitivement de leurs appartements.
Mais aussi, lors de sa visite au musée Shérazade note dans son carnet la description des femmes des tableaux qu’elle visite : La Jeune Fille en vert de Lempicka, la liseuse grise de Picasso, et les Femmes dans un intérieur de Fernand Léger : « Ces tableaux, qu’elle avait regardés comme par hasard, à deux ou trois reprises, étaient tous des portraits de femmes dans des positions, des attitudes différentes, mais presque toujours allongées sur un sofa. »7
Il faut également noter que cette position symbolise depuis la Renaissance la passivité et donc la disponibilité de la femme aux yeux du spectateur-propriétaire, est adoptée symboliquement par Shérazade qui reste longtemps immobile, comme « anesthésiée », pour reprendre l’expression de Barthes, devant le tableau de Matisse. Ce tableau apparaît dès lors comme un miroir qui renvoie à la protagoniste son image de femme orientale qui a été littéralement aplatie, aplanie par la vision du peintre orientaliste. Sitôt la porte du musée franchie, lieu qui, rappelons-le, symbolisait lui-même l’espace de la claustration picturale, Shérazade se détache littéralement du tableau : elle sort du cadre, du cliché, elle reprend du relief. Mais une fois sortie, il est clair qu’après un siècle de claustration et d’inertie, les odalisques vont incontestablement bouger.
Leila Sebbar offre de la mobilité aux odalisques : ainsi, on comprend que le besoin de mobilité de la part de notre héroïne soit vital : sa décision est prise… elle n’hésite plus, elle partira ce soir avec Pierrot8. Il est intéressant de noter que la jeune fille achète toutes les reproductions en carte postale de l’odalisque au magasin du musée, reproduction qu’elle emportera avec elle dans son futur voyage comme s’il s’agissait d’en faire profiter l’odalisque. La voyageuse ne se séparera pas de ces cartes sinon pour les envoyer à Julien et à ses amies Zouzou et France auxquelles elle écrit en matière d’explication à son départ soudain : c’est à cause d’elles que je pars.9 À travers ce déplacement il s’agit donc pour Shérazade de déplacer littéralement l’image de la femme orientale comme image statique de femme passive, et de la soustraire ainsi à la contemplation du spectateur-propriétaire.
Nous allons à présent analyser d’autres subversions d’œuvre picturale orientaliste dans le deuxième volet de la trilogie.
2. Dans Les Carnets de Shérazade
Nous sommes mis en présence d’une odalisque qui se séquestre elle-même : si le camion de Gilles et l’atmosphère qui s’en dégage rappellent fort la vie dans un harem, Shérazade est libre de ses mouvements. À l’opposé de la véritable odalisque, elle se séquestre elle-même, le camion devenant alors non pas un lieu d’enfermement forcé, mais un refuge pour la jeune fille. Ainsi, volontairement cloîtrée, Shérazade peut entrer et sortir librement de sa retraite, la porte du camion n’étant jamais fermé à clef quand elle s’y trouve : Gilles n’a pas fermé la portière à clef, elle aurait pensé qu’il l’a séquestrée.10
Une nouvelle version du tableau de Femmes d’Alger de Delacroix : Par ailleurs, dans une autre scène, des filles habillées en cuir avaient enlevé le foulard qu’elles portaient autour du cou et l’avaient noué à la hauteur des fesses pour une danse du ventre en jean, mini-jupe skaï, ou pantalon bouffant :
« Elles dansaient comme les femmes aux fêtes arabes, entre elles dans une pièce de l’appartement, séparées des hommes. Elles dansaient en public, sans honte, sachant qu’on ne les regardait pas… elles dansaient à deux ou trois, surprises de leur audace et riaient au frémissement que la danse imposait aux épaules, aux ventres, aux fesses11. »
Dans ce passage, l’auteur mime et en même temps subvertit les peintures orientalistes. Les danseuses évoquent les femmes orientales des tableaux : Foulard noué, danse du ventre, pantalon bouffant qui rappelle le saroual, elles dansent comme les femmes aux fêtes arabes. Cependant, loin de leur ressembler, elles ne dansent pas dans des pièces d’appartement sous la surveillance des hommes, elles sont dehors, dansent en plein public, mais ne sont cependant pas regardées, ce qui fait qu’elles dansent librement, se réjouissent pleinement, se moquent des frémissements de leurs ventres et fesses suite à la danse. Elles sont dés-érotisées, il n’y a pas de voyeur, de spectateur. Enfin libérées du regard, elles sont mouvantes, heureuses et tellement vivantes.
Il existe une autre scène similaire dans le même volet de la trilogie où, au cours de son voyage, Shérazade va continuer à s’attacher à déconstruire la vision du peintre orientaliste, libérée du regard du voyeur, elle reprend vie. Invitée à un mariage traditionnel marocain, Shérazade nous offre ainsi une nouvelle version du tableau de Delacroix : « Shérazade dansa avec un foulard rouge vif… elles dansaient ensemble, les femmes dansaient, les petites filles aussi… Shérazade pensa aux femmes d’Alger de Delacroix, si elles avaient dansé, elles auraient eu la même grâce. La jeune fille s’était habillée comme celle qui tient le narguilé sur le tableau, en vert et or, avec une tunique de mousseline blanche et un gilet rose brodé… Toute la nuit, elle dansa12. » Dans ce nouveau tableau, les femmes se libèrent encore une fois par le mouvement de la danse. Elles dansent entre elles, pour leur seul plaisir et non celui d’un spectateur masculin, elles sont tout simplement heureuses. Elles se sont réveillées de leur torpeur, loin des yeux qui les guettent continuellement. Mais la subversion ne s’arrête pas ici, nous verrons que le regard même du jadis spectateur orientaliste-propriétaire masculin sera éclaté par Leila Sebbar.
Les rôles s’inversent : Gilles l’Odalisque/Shérazade le spectateur-voyeur : Dans un autre passage du récit, les rôles s’inversent : Gilles devient l’odalisque regardée à son insu, et Shérazade le voyeur. Arrivé près d’une rivière, Shérazade regarde Gilles qui est : Torse nu, une serviette-éponge blanche autour du coup13.
Shérazade, encore une fois, subvertit la tradition voyeuriste et détient la prérogative de regarder, le bain de Gilles dans la rivière nous rappelle ostensiblement le bain des odalisques, l’accent est mis sur sa nudité suggérée, en étant habillé à moitié, comme les odalisques en saroual et à la poitrine souvent découverte, et en portant du blanc comme La Petite Baigneuse d’Ingres, tableau qu’on va revoir dans les prochaines pages ; Shérazade remplace l’œil du peintre, du voyageur orientaliste.
Regard volé/Regard récupéré : Dans la scène suivante, Shérazade récupère le regard volé du peintre orientaliste : lorsque Shérazade se baigna dans la rivière avec Marie14, elle subvertit le regard voyeuriste masculin :
« Elles étaient nues dans la rivière… Elles se frottèrent le dos vigoureusement avec le Palmolive que Shérazade avait eu juste le temps de prendre dans un Prisunic de Rochefort… tout à coup, Shérazade poussa un cri. Les vêtements avaient disparu. D’instinct, chacune croisa ses mains sur ses seins en disant – merde et merde – les sacs étaient encore là, mais elles seraient pieds nus. Marie décida que le voleur n’était pas loin, sûrement derrière le tronc d’arbre le plus proche de la rivière. Elle sortit à grandes enjambées de l’eau et se mit à courir, nue dans la compagne. Shérazade la regardait poursuivre quelqu’un qu’elle ne distinguait pas. Marie ne réussit pas à rattraper le garçon, mais il laissa tomber les deux paquets qui l’encombraient. Marie l’insultait à pleins poumons, debout, les vêtements sur le ventre. Shérazade riait15 . »
Dans ce passage qui mime clairement une baignade d’odalisques, le voleur de vêtements intervient comme le peintre, qui vole en quelque sorte les habits des Orientales, et par conséquent les dénude. En sortant du bain, l’une des baigneuses récupère les vêtements, récupère leur espace intime et chasse le voyeur. La réaction de Shérazade ne se fit pas attendre : Shérazade riait16.
Une baigneuse d’Ingres sans spectateur : De plus, dans une autre scène de bain lors de son voyage avec Gilles, Shérazade mime encore une nouvelle fois la peinture d’Ingres, pour mieux soustraire les femmes au bain de la peinture française et orientaliste au regard voyeuriste :
« Shérazade s’étend à plat sur l’herbe au bord de la rivière, culotte, socquette, tee-shirt. Gilles lui dit qu’il ne va pas rester là, à attendre que ses petites affaires sèchent. Il doit être à Cambrai le soir même et dimanche matin à Lille. Shérazade ne l’écoute pas. À un coude de la rivière, dans une sorte de bosquet, les branches des arbres font presque une guérite au-dessus de l’eau, elle se déshabille pour se baigner. Personne ne la voit. L’ombre est fraiche. Shérazade cherche une pierre plate, elle s’assoit de trois quarts, les pieds dans l’eau. Elle a noué autour de sa tête une serviette blanche d’Emma, en une sorte de turban. Elle est assise de dos, au soleil ; un rayon éclaire ses épaules… Gilles aperçoit Shérazade entre les feuilles des arbres, il ne la regarde pas, il ne pense pas à Ingres, ni à Renoir, ni à Cézanne, il ne les connait pas. Il revient vers le camion, appelle Shérazade, on s’en va ! 17»
Dans cette description, il s’agit encore une fois de La Petite Baigneuse d’Ingres. Shérazade est assise de dos, sous les lumières du soleil, qui procurent bien évidemment la chaleur du bain turc dans le tableau, mais aussi de la lumière comme la baigneuse du tableau d’Ingres, qui a le dos éclairé aussi. Shérazade porte un turban, et est assise dans une guérite, un abri, une pièce d’un bain turc sur une pierre plate qui ressemble au bord du bassin du tableau. De plus, Shérazade est muette, elle ne répond pas à Gilles lorsqu’il lui parle, chose tout à fait normale, elle imite une odalisque ! Par contre, l’imitation prend subitement fin dans cette nouvelle peinture, car en se baignant, Shérazade n’est pas regardé, et même si Gilles l’aperçoit entre les arbres, il ne la regarde pas vraiment, et ne pense ni à Ingres ni à un autre peintre orientaliste, d’ailleurs il ne les connait pas, et donc ne porte pas un regard d’orientaliste sur la jeune fille. Son regard est vierge de la culture orientaliste. L’homme s’est contenté de l’apercevoir sans rien penser.
Les Cribleuses de blé de Gustave Courbet/L’Esclave Blanche de Jean-Jules-Antoine Lecomte du Nouÿ où la rencontre de l’Odalisque et de la paysanne : Peu après, Shérazade rencontre au hasard de sa marche le personnage de Francette et écoute longuement son histoire de jeune fugueuse française qui laisse derrière elle sa tâche ingrate de fille de ferme condamnée à la solitude et à la pauvreté de la vie rurale. Cette rencontre de l’odalisque et de la paysanne nous renvoie à la visite de la protagoniste au musée des beaux-arts de Nantes où : « Shérazade put voir dans une pièce réservée, où elle passa la journée… Les Cribleuses de blé à côté de l’Esclave blanche. La rencontre de l’odalisque et de la paysanne. »18 En montrant ces deux personnages féminins se baignant ensemble dans un ruisseau, Leila Sebbar réécrit la scène de hammam traditionnelle, notamment celle qui met en présence la baigneuse blanche accompagnée de son esclave noire. La différence raciale et hiérarchique disparait cependant de ce tableau puisque les deux jeunes filles, se savonnent mutuellement le dos au milieu des éclats de rire, à l’abri de tout regard, dans un espace ouvert qui déconstruit l’espace fermé du hammam :
« Elles se baignent loin de la route… Shérazade lui lance une savonnette… Shérazade lui savonne le dos, la fille savonne le dos de Shérazade. Elle dit qu’elle s’appelle Francette. Elles se rincent en s’arrosant. Francette rit… sa peau est blanche. Shérazade près d’elle se trouve presque négresse… mais ce que tu es noiraude —dit Francette —regarde à côté de moi. »19
3. Dans Le fou de Shérazade
Une autre version des Femmes d’Alger de Delacroix : Dans la maison de la patricienne à Beyrouth, on assiste à une autre possibilité au tableau de Delacroix. Shérazade libère les odalisques :
« Elles s’assoient toutes ensemble sur le plus beau des tapis persans elles parlent et elles fument comme les femmes de la peinture orientaliste, la servante fume le narguilé, la vieille femme des cigarettes américaines plus luxueuses que les Camel de Shérazade… Elles ont parlé, fumé, bu le café de la nuit jusqu’à l’aube. La vieille femme disait que pour la première fois elle sentait la mer et presque l’écume marine [...] 20 »
Dans ce nouveau tableau, Shérazade parle et fait parler les deux femmes. On entend leur voix. Elles sont assises et non pas allongées, elles sont conscientes, elles ne sont pas figées et inertes, elles ne dorment pas et ne sont pas ensommeillées, elles ont bu du café pour ne pas dormir, pour rester éveillées. La servante se sert du narguilé qu’elle servait jadis à ses maitresses. La maitresse fume un cigare moderne, non pour tuer le temps et attendre son maître, elle fume, car elle apprécie la compagnie de ses amies, elle fume pour son propre plaisir. La vieille femme parle de la mer. Elle la sent presque, l’odeur de l’écume marine, l’odeur de la liberté. Il est intéressant de noter ici l’élément de la mer, qui revient plusieurs fois dans le récit. Dans une autre scène, lors d’une visite au musée Shérazade tourne le dos aux tableaux et croit voir la mer. La mer qui a le rôle de libératrice, or, cette dernière est vaste et infinie et non pas réduite et enfermée comme les tableaux. D’ailleurs, Shérazade, la servante et la maitresse de la maison de la patricienne à Beyrouth prévoient toutes les trois d’aller se baigner. Destruction des scènes orientalistes : Dans maison de la vieille patricienne de Beyrouth :
« [...] le palmier décapité, les mosaïques bleues du bassin brisées, la fontaine tarie, les piliers des balustrades, fendus, bientôt la terrasse restera ouverte aux chacals… elle n’a pas quitté sa chambre, somptueuse et démodée, au premier étage. Le lustre a souvent tremblé, un jour il ira s’écraser sur les tapis persans, il faudra faire attention aux éclats de cristal. Les fenêtres en ogive de sa chambre ne sont pas encore trouées, les croisillons vitrés sont solides, la lumière qu’ils filtrent à l’intérieur de la grande pièce est si délicate, mordorée, qu’on les croit fragiles… la mère, lorsqu’elle ne parle plus, caresse doucement l’œillet rouge du sofa, fragile au bord du pli de sa robe. Assise sur le tapis, la servante accepte l’unique verre de thé à la menthe [...] 21.»
La maison de la patricienne est un vrai décor de peinture orientaliste, tous les éléments sont réunis : Un palmier, un bassin, une fontaine, une terrasse, une chambre somptueuse, un tapis persan, la lumière à l’intérieur de la grande pièce est si délicate, mordorée, un sofa, une servante noire, une maitresse, un verre de thé à la menthe. Le caractère ancien et désuet est fortement souligné, une manière symbolique peut-être de souligner que ce genre de scène, de mode de vie, n’existe plus. D’ailleurs, l’auteur le confirme : elles sont seules, les dernières, sa maitresse et elle22. Ainsi :
« Le palmier est décapité, les mosaïques bleues du bassin sont brisées, la fontaine est tarie, les piliers des balustrades sont fendus, bientôt la terrasse restera ouverte aux chacals, la chambre est somptueuse, mais démodée [...] L’Égyptienne écoute sa maitresse assise sur la soie [du sofa] aux fins œillets rouges, la soie usée par endroits commence à se trouer [...] »23
De plus, la désuétude ne s’arrête pas au décor, s’étend même aux personnages de la servante et de sa maitresse :
« -j’avais oublié, je vieillis… je suis enfermée dans ma maison, tu sais pourquoi, un jour peut-être tu reviendras… et je serais ensevelie sous la pierre et le plâtre, alors n’oublie pas ce que je te dis, tu découperas la soie usée du sofa et tu feras de ces œillets rouges, les œillets de poète, mon linceul [...] 24 .»
En proposant à sa servante d’utiliser la soie rouge du sofa (élément indispensable au décor orientaliste) comme linceul, c’est une manière symbolique d’enterrer à jamais le souvenir de ces visions d’orientalistes.
Les posters d’Odalisques de la cité HLM d’Aulnay-Sous-Bois : Lorsque les enfants de la cité détruisent les posters d’odalisques, l’accent est mis sur le caractère dérisoire de cette entreprise. D’où l’exemple de l’enfant qui met sa tête au milieu des fesses de l’odalisque, et dont les amis font semblant de photographier. De ce fait, les odalisques des posters sont démystifiées, ridiculisées et vulgarisées. Ensuite, lorsque les enfants tentent de mettre le feu dans les lambeaux d’images, on assiste à une vraie destruction des fétiches orientalistes, d’« orientaleries », éléments indispensables des scènes orientalistes, qu’on retrouve d’habitude dans les peintures où comme arrière-plan dans des cartes postales coloniales : « un pli de velours », « l’œil d’une plume de paon », « un œillet du poète », « une mèche de cheveux », « un flacon de parfum », « un verre de vin », « un narguilé », « un broc », « une pantoufle brodée », « des sequins », « un turban à fils d’or », « une aiguière », « une boucle d’oreille 25». Ces « accessoires » vont être piétinés, jusqu’à ce qu’ils disparaissent sous une terre humide et noire. Ensevelis symboliquement, ces femmes, ces objets, ces femmes-objets ne risquent plus de réapparaitre. En outre, les enfants ne sont pas les seuls à refuser ces photos, les femmes de la cité aussi exprimèrent leur mécontentement :
« Dans la nuit, les femmes de la cité et des autres cours avaient résolu d’agir contre l’indécence des peintures exposées au regard de tous, petits et grands, hommes et femmes. Elles s’étaient consultées à l’heure du thé à la menthe, et elles avaient pris la décision de les cacher de la manière la plus simple. Chacune est allée chercher le voile qu’elles déplient seulement à l’arrivée au pays natal et qu’elles gardent avec le linge de maison, pour elles et les filles aînées. Les voiles, grands comme des draps de lit, couvraient parfaitement les posters et elles ont passé quelques heures de la nuit à cacher les corps nus des femmes. »26 En cachant les odalisques sous les foulards que les femmes réservaient seulement à l’arrivée du pays natal, c’est comme si elles ont ramené les odalisques chez elles. Les voiles grands, comme des draps de lit, font office de « linceul »27
qui non seulement provoque la cécité, mais assurent aussi la mort fictive des odalisques. En « couvrant », ses femmes, les femmes de la cité, « libèrent » enfin les odalisques des regards voyeurs, en leur remettant le « foulard/drap/haïk » que le peintre/photographe occidentale leur a enlevé de force. Lorsque le réalisateur essaya d’enlever les voiles : les femmes qui guettent la cour du tournage depuis le matin, se sont mises à pousser des youyous effroyables28.
Dans la terrasse de café : Par ailleurs, le dernier volet de la trilogie se termine par le tournage de la dernière scène du film dans laquelle Shérazade incarne une journaliste juive qui rencontre une journaliste arabe. Toutes deux trouvent la mort au moment où un obus s’écrase sur la terrasse où elles se sont assises « sur un tapis persan, comme des odalisques ».29 Dans cette scène, Shérazade apparaît pour la dernière fois en odalisque avant de disparaitre à la fois comme protagoniste du roman et comme actrice de cinéma. Tout se passe donc comme s’il s’agissait de mettre symboliquement un point final à la représentation de la femme orientale, de faire littéralement exploser la scène orientale qui revient à intervalles réguliers dans le roman comme un leitmotiv pour rappeler que ce qui se cache derrière le désir de représentation de la femme en général et de la femme orientale en particulier, que ce soit celui de l’orientaliste, du photographe colonial ou de mode, du pornographe ou du cinéaste, c’est avant tout un désir de voyeur qui cherche à immobiliser par l’image le sujet féminin dans l’espace qu’il lui a assigné. Là, elle apparaît conforme à ses fantasmes, à portée de regard passive, muette, offerte, bref comme un objet fétiche.
Dé-fétichiser le fétichisme orientaliste dans la maison de Pierre Loti : D’abord, pour mieux comprendre le concept de fétichisation, il est nécessaire d’éclaircir la signification du terme « fétiche » et son rapport à l’histoire. Le fétichisme aide à contrôler les manques et masquer (au moins temporairement) les lacunes auxquelles l’exilé est confronté ; mais si l’on se soumet à ce procédé, le fétiche peut lui-même devenir un agent de contrôle. Autrement dit, il peut désorienter l’individu, l’obséder et le contrôler autant que la lacune elle-même. Le fétichisme est donc toujours un concept ambivalent. Pour Freud, dans la psychanalyse, le fétichisme est décrit comme une forme de perversion surgie de la menace de castration et de l’absence de pénis chez la mère30. Deux attitudes contradictoires peuvent donc se développer chez l’enfant mâle : la distinction et la reconnaissance du manque ; la dénégation de cette lacune et ce manque par la substitution par un fétiche, ce qui va mener à la division et la déchirure du Moi. Le fétiche fait bloquer le manque (la lacune), mais paradoxalement, et inévitablement, il nous montre l’absence de quelque chose, il devient l’index de cette absence. Le fétiche est un substitut à l’absence et au manque, mais il commémore à la fois ces derniers, c’est-à-dire qu’il peut consoler temporairement, mais ne peut jamais effacer la trace et la mémoire de la lacune et du manque. L’exilé est confronté simultanément à deux types de menaces : la menace de la disparition du pays d’origine et celle de sa propre disparition dans la société hégémonique. Étant une substitution pour le pays natal, cette image (comme tout autre fétiche), stéréotypée, et simpliste, a le rôle d’équilibrer les relations de pouvoir. L’exilé finit donc par voir la culture (ou l’histoire) du pays d’origine aussi bien que celle du pays hôte, sous forme de fétiches stéréotypés. Mais même si le fétiche semble accorder un certain pouvoir (bien que temporaire) à l’exilé, le surinvestissement de l’exilé sur l’objet fétichisé a un effet destructeur, ce qui rend l’exilé victime de sa propre création. Le fétichisme basé sur la renonciation et la dénégation du manque fait que l’écrivain exilé hésite entre son rôle actif ou passif ; il ne sait pas s’il doit se soumettre complètement à la société hégémonique, ou doit maintenir son contrôle pour se sentir loyal envers le pays d’origine et, finalement, il ne sait pas s’il doit tenir une position stable ou instable dans la société. Un fétiche se concentre seulement sur un segment, un fragment de l’histoire. Cette fixation sur un fragment de l’histoire réduit la douleur que subissent les exilés et les satisfait. Mais cette sorte de fixation, en même temps, appauvrit la vie en exil. Orientalism d’Edward Saïd, est un point de repère fondamental de la théorie culturelle qui cependant a été l’objet de plusieurs critiques. Pour Saïd, l’orientalisme est un discours complexe qui est le produit de l’occident. C’est un système de connaissances basé sur la différence de l’Orient et l’Occident, une opposition binaire où l’Occident est toujours défini comme supérieur et civilisé et l’Orient comme inférieur et sous-développé31. Edward Saïd voit l’orientalisme comme une série de représentations de l’Orient. Edward Saïd et Frantz Fanon ont tous deux été critiqués par des écrivains comme Homi Bhabha. Suivant un schéma derridien et postmoderne, Bhabha propose une vision autre que la vision monolithique, fixe et fermée du discours colonial. Il reconnait les forces nouvelles de l’hybridité qui ne revendiquent pas l’unicité de l’identité, mais qui examinent les différents éléments et les courants d’influences en jeu. Il examine l’analyse et critique l’analyse du regard effectué par Fanon. Dans Peau noire, masques blancs, Fanon interprète la question du regard du groupe colonisateur qui se pose sur le colonisé comme une « interprétation psychanalytique du problème noir »32. Fanon suggère que ce regard constitue et est le révélateur de la condition postcoloniale. De l’autre côté, Bhabha considère la réciprocité de ce regard, une réciprocité que Fanon n’envisage pas. Ce regard d’autrui posé sur le sujet colonial/postcolonial prive le colonisé de sa liberté. Pour Fanon, le colonisé « regardé » ou « pas regardé » ne fera jamais l’expérience d’une identité confortable, puisque « le regard d’autrui qui, en son absence, peut miroiter comme constructeur démolit en fait le colonisé 33». Puisque le colonisé, même ayant gagné l’indépendance et libéré enfin le pouvoir colonisateur, reste toujours colonisé linguistiquement et culturellement. À cette argumentation hégélienne s’oppose celle de Bhabha qui se garde bien de procéder selon une perspective binaire. Pour lui, l’hybridité est un phénomène ambivalent où on ne pourrait regrouper harmonieusement et d’une façon dialectique, le résultat de la tension entre deux cultures. Par ailleurs, l’hybridité est poreuse de multiples influences, en impliquant un déplacement constant et un envoi interrompu de références culturelles, provenant aussi bien du milieu colonisé que du milieu colonisateur. C’est ainsi que l’identification culturelle est sans cesse remise en question, un site que Julia Kristeva nomme « une perte d’identité ». Il s’agit donc d’un milieu ou le postcolonial se fabrique sans cesse ; un milieu de bouillonnement culturel qui ne se soumet à aucune définition stable et où le phénomène de « transculturation » joue entre la culture majoritaire et la culture minoritaire. Cette fragmentation du concept d’hybridité est donc le concept clef pour la compréhension des textes postcoloniaux. En fait, la problématique de la fétichisation du passé et de la culture d’origine contient en elle-même une question de force : comment être reconnu et apprécié ? Pourquoi rechercher cette appréciation ? Comment avoir un poids et une présence active ? Cette problématique surgit du regard du colonisateur posé sur le colonisé, celui-ci cherchant l’appréciation du premier. Mais d’un autre côté, selon Bhabha, ce regard est subverti et est renvoyé réciproquement au colonisateur34. Cette subversion s’applique parfaitement à Sebbar. Elle renvoie au colonisateur son regard stéréotypé et s’attache aussi à remettre en question son propre héritage. Dans les lignes qui suivent, nous allons tenter de démontrer, comment se manifeste cette subversion. Dans le journal de Flora Tristan, Shérazade lit que cette dernière : [...] s’insurge contre le fétichisme des Lyonnais qui habillent de pourpre et d’or une sainte en cire35. Ce passage est une parabole du fétichisme orientaliste. Les couleurs « pourpre » et « Or » nous plongent évidemment dans le discours orientaliste. Shérazade utilise la dénonciation de Flora Tristan contre le fétichisme des Lyonnais, pour sienne, contre le fétichisme orientaliste des Occidentaux. Lorsque Shérazade et sa compagne de route Marie, à la recherche d’un endroit où passer la nuit, se laissent enfermer dans la maison de Pierre Loti à Rochefort. Les signes de l’obsession de l’auteur pour l’exotisme hantent ce lieu dans lequel s’accumulent les objets rapportés de ses voyages. Shérazade qui se moque de cet « Orient de Prisunic »36, et s’amuse à se déguiser avec les costumes et les objets exposés, nous rappelle que ces objets n’ont en fait jamais servi à autre chose :
« [...] Elles s’étaient déguisées… en princesses de harem, en odalisques, en esclaves noires… Rien ne manquait dans le bazar de Loti : soierie, turban, armes blanches et pistolets de marqueterie et de pierres précieuses… la maison de Rochefort était plus laide qu’un souk… elle avait eu envie de tout casser… ce Loti était un manique grotesque, dangereux [...] 37»
La présence de l’objet oriental est donc symptomatiquement d’une perversion à laquelle Alloula se refuse d’accorder le prestige de l’érotisme : une pornographie qui ne s’avoue pas encore, vient remplacer ostentatoirement un érotisme dont la seule excuse est de n’avoir jamais été là38. Shérazade écrivit à Julien pour lui dire : [...] que la maison de Rochefort était plus laide qu’un souk, qu’elle a eu envie de tout casser, plus c’était précieux et rare plus elle se serait acharné, ce Loti était « un maniaque grotesque, dangereux [...]39 Shérazade passe la nuit à s’amuser au milieu d’objets qu’elle trouvait “affreux”40. Marie ne comprend pas la réaction de Shérazade, qui elle, trouvait “que les caprices orientalistes de Loti étaient plutôt amusants et en tout cas innocents.”, que Loti était “un riche original”. Marie ne comprenait pas la hargne de son amie : ces orientaleries accumulés l’avaient exaspérée, pas Marie. – Un orient de Prisunic… Il l’a trouvé dans Bonux… avait dit Shérazade en riant, avant de s’envelopper dans la soie, pour sa nuit exotique41. Shérazade profane la villa du peintre, un endroit interdit au public sauf pendant les visites, et y passe la nuit. Elle va désacraliser ce lieu “sacré” en y apportant du désordre, elle se moque des objets “sacrés” de Loti qu’elle surnomme “babioles d’orient”, et les tourne en dérision. En juxtaposant les termes comme “bazar” et “orientaleries” au Prisunic et Bonux, Shérazade voit la collection de Loti comme fausse et de peu de valeur. En se moquant de la fantaisie coloniale de Loti, elle lui renvoie son regard stéréotypé, réalisant par ce fait, un acte de subversion et de transgression. Shérazade veut résister à la représentation et fixe ce que cet Orient de Prisunic lui donne. Cependant, ces visions stéréotypées, à part les musées, les livres et les informations que Julien et Pierrot lui fournissent, sont parmi les seules sources qui peuvent la renseigner sur son origine.
Conclusion
Dans son récit, Leila Sebbar déconstruit les chefs-d’œuvre du passé, comme l’a fait Pablo Picasso bien longtemps avant elle. Grâce à son écriture subversive, elle réécrit les grands chefs-d’œuvre de la peinture orientaliste dans sa trilogie. Par conséquent, les odalisques jadis lascives, allongées et endormies, sont réinvesties dans une littérature dynamique de défi. Libérées des peintures, elles reprennent vie loin du harem, et œuvrent désormais à se redéfinir, dans ce monde nouveau, loin de la tradition orientaliste. Shérazade va participer à cette grande entreprise. Jeune adolescente fugueuse, mais consciente du danger du pouvoir asservissant du regard, consciente aussi de son devoir et de sa responsabilité de jeune maghrébine moderne, de mettre fin à cette ancienne tradition (orientaliste occidentale) qui a longtemps subsisté au temps de ses ancêtres, qui continue à persister dans son temps, et qui menace sa génération. La jeune fille va dépoussiérer les peintures orientalistes, réveiller les odalisques de leur torpeur et de leur sommeil et les ramener enfin à la vie, loin de l’homme occidental, loin de son regard. Moderne et peu conformiste, Shérazade incarne, par sa perpétuelle disposition à la transgression, les aspirations d’une génération nouvelle, désireuse d’outrepasser les limites habituellement permises. Forte d’une liberté vagabonde qui ne se conçoit que dans la marginalité, insouciante, insoumise et détachée de tout, elle est l’antithèse de l’Orientale façonnée par le regard occidental, et résiste à toute tentative d’appropriation et de modelage. L’auteur, par le biais de la jeune adolescente, combat les mythes et les fantasmes dépréciatifs qui font de la femme un symbole sexuel.
Le récit de Sebbar nous offre ainsi, la possibilité d’une réécriture de l’orientalisme occidental. Shérazade est une Odalisque qui bannit l’enfermement, qui refuse le regard castrateur ; la jeune fille veut se retrouver : “sur la terrasse d’une belle maison qui s’ouvre sur la mer, fumer le narguilé”42. Shérazade est une Odalisque qui quitte définitivement son appartement.