Hassan Arab. L’écriture du paysage dans Au café de M. Dib et L’Exil et le royaume d’A. Camus. Thèse de doctorat en littérature française et comparée, soutenue le jeudi 18 octobre 2018 devant l’université d’Alger 2 devant un jury composé de M. Mohammed Ismaïl Abdoun, professeur de littérature à l’université Alger 2 (Rapporteur), de Mme Assia Kacedali, professeur de littérature à l’université Alger 2 (présidente), de Mme Amina Bekkat, professeure de littérature à l’université Saad Dahlab – université de Blida (examinatrice), de Mme Afifa Brerhi, professeure de littérature à l’université Alger 2 (examinatrice), de Mme Souad Benali, professeure de littérature à l’université Alger 2 (examinatrice) et de Mme Lamia Oucherif, maître de conférences en littérature à l’ENS d’Alger.
La thèse de Hassan Arab porte sur la place du paysage, sa sémiotisation et sa structuration en topos littéraire dans deux recueils de nouvelles de deux écrivains majeurs des littératures d’Algérie, Mohamed Dib et Albert Camus.
Une lecture attentive des œuvres de ces deux écrivains du cénacle peut montrer leur attachement à des espaces et à des paysages qui les façonnent et les structurent.
Notre approche s’oriente d’emblée vers l’étude de certaines nouvelles de ces deux écrivains en fonction de l’espace représenté. Il s’agit de déterminer les rapports entre les paysages et les structures des nouvelles. Il nous est apparu que nous devions d’abord nous interroger sur le choix de cette forme brève – qu’est la nouvelle – par les deux écrivains, avant d’élargir notre recherche à l’espace en général et à son utilisation, c’est-à-dire à ce qui ancre des situations bien précises dans des réalités topographiques et matérielles voulues et choisies par Camus et Dib.
En traitant le paysage comme une notion au sens de Culioli, cette thèse montre un paysage à l’œuvre. Élu au rang de motif littéraire, il cesse d’être ce cadre spatial où campe le récit pour devenir un actant participant à la construction du sens dans l’économie globale des œuvres examinées.
Ainsi conçue, l’argument épistémologique qui fonde cette thèse conduit à considérer la littérature non pas comme une image de la réalité mais, en pastichant la formule de Leibniz consacrée au langage, « une image de l’entendement de cette réalité ». Elle est donc un reflet du positionnement de l’écriture qui intègre en son sein l’expression d’une subjectivité qui, surgie souvent à l’insu même des auteurs, révèle des sujets s’écrivant dans cet espace où toutes les rencontres deviennent possibles. De l’espace topographique à l’espace scriptural, l’étude du paysage dans cette thèse organise une confrontation à chaque fois singulière des deux écrivains aux composantes du réel pour faire apparaître les mêmes marques et les mêmes références culturelles dans la perception de l’un et de l’autre des « lieux communs » comme le café ou plus généralement les espaces de rencontre. « Ou encore leurs représentations respectives des espaces ouverts et illimités comme la mer et le désert », espaces ouverts configurant l’isolement de l’exil où l’un et l’autre font leurs expériences des limites.
S’étant rigoureusement appliqué à produire une réflexion sur le texte, l’auteur a évité de traiter le paysage comme une pure représentation. Il a, d’un bout à l’autre de sa thèse, cherché à comprendre, à l’image de Michel Collot, comment le paysage résulte de la rencontre toujours singulière entre le monde et un point de vue »
Articulée autour de deux parties équilibrées, cette thèse, en bonne méthode, pour répondre parfaitement à la problématique posée et cerner tous les thèmes qu’elle se doit de traiter, propose une progression considérant l’espace comme un alibi à la rencontre et à la découverte de soi et à l’expérience de l’horreur dans les nouvelles constituant le corpora de l’étude.
La dimension scientifique de ce travail s’appuie sur une méthodologie de recherche bien construite intégrée dans une perspective large qui
« envisager la littérature dans ses rapports avec l’espace. Non pas seulement ce qui serait la manière la plus facile, mais la moins pertinente, de considérer ces rapports parce que la littérature, entre autres “sujets” parle aussi de l’espace, décrit des lieux, des demeures, des paysages, nous transporte, comme le dit Proust à propos de ses lectures enfantines, en imagination dans des contrées inconnues11. »
Bien critique, cette thèse qui pose en son ouverture même l'existence d'un sujet lié à son histoire a le mérite d'ouvrir des pistes pour celui qui cherche à étudier globalement les rapports de la littérature à l'histoire car le paysage, s'il est un motif littéraire n'est jamais, en Algérie, dans les littératures qui la porte neutre face aux soubresauts de l'histoire.