Notes sur la question du prestige dans quelques parlers arabes 

مذكرات في مسألة الهيبة في بعض اللهجات العربية

Notes on the Question of Prestige in some Arabic Dialects

Nadjouia Raoud

p. 11-32

للإحالة المرجعية إلى هذا المقال

مرجع ورقي

Nadjouia Raoud, « Notes sur la question du prestige dans quelques parlers arabes  », Aleph, Vol 11 (3-2) | 2024, 11-32.

بحث إلكتروني

Nadjouia Raoud, « Notes sur la question du prestige dans quelques parlers arabes  », Aleph [على الإنترنت], Vol 11 (3-2) | 2024, نشر في الإنترنت 17 janvier 2024, تاريخ الاطلاع 07 octobre 2024. URL : https://aleph.edinum.org/10504

Contrairement à des pays tels que les États-Unis ou le Royaume-Uni, où la corrélation entre les variables phonologiques et la classe sociale est étayée par les résultats des travaux de Labov (1972) et Trudgill (1974), il n’existe pas, dans les pays arabes et/ou arabophones, une norme prestigieuse unique. Dans cet article, qui aborde la question du prestige dans les pays arabophones, et en se basant sur de nombreuses études menées par des spécialistes en dialectologie/sociolinguistique arabe, nous démontrons que le modèle variationniste labovien ne peut pas être appliqué à ces contextes plurilingues et polyglossiques. Cela relève davantage de facteurs culturels, communautaires et religieux. Pour ce faire, nous examinons deux traits phonologiques saillants : les variables de l’arabe standard, notamment l’uvulaire occlusive q sourde, et les interdentales avec leurs variantes dans quelques pays arabes ou arabophones.

لى عكس دول مثل الولايات المتحدة أو المملكة المتحدة، حيث يتم دعم الارتباط بين المتغيرات الصوتية والطبقة الاجتماعية من خلال نتائج أعمال لابوف (1972) وترودجيل (1974)، لا يوجد في الدول العربية و/أو البلدان الناطقة بالعربية، معيار لغوي مرموق فريد. في هذه المقالة، التي تتناول مسألة الهيبة في البلدان العربية، وعلى أساس عدد من الدراسات التجريبية حول اللهجات العربية، نوضح أن نموذج التباين اللابوفي لا يمكن تطبيقه على هذه السياقات المتعددة اللغات واللهجات، وأن الأمر يتعلق بالعوامل الثقافية والمجتمعية والدينية. وللقيام بذلك، قمنا بفحص سمتين صوتيتين بارزتين : المتغيرات العربية الفصحى للصوت اللاهوائي الانسدادي q والأصوات بين الأسنان ومتغيراتها في بعض البلدان الناطقة بالعربية.

In contrast to countries such as the United States or the United Kingdom, where the correlation between phonological variables and social class is substantiated by Labov’s (1972) and Trudgill’s (1974) research findings, there is no singular prestigious standard in Arabic-speaking countries. This article addresses the issue of prestige in Arabic languages and, drawing on numerous empirical studies of Arabic dialects conducted by Arabic dialectologists/sociolinguists, asserts that the Labovian variationist model is not applicable to these multilingual and polyglossic contexts. Rather, the dynamics at play are influenced more by cultural, community, and religious factors. To illustrate this, we scrutinize two prominent phonological features: the Standard Arabic variables of the voiceless uvular occlusive q and the interdentals, along with their variants, in some Arabic or Arabic-speaking countries.

Introduction

Avant d’aborder la question du prestige dans les variétés linguistiques arabes, il est essentiel de définir le concept de « parler prestige » et d’en délimiter les contours. Un parler prestigieux est associé à une classe dominante dans un contexte donné et se caractérise par des traits linguistiques à tous les niveaux : phonétique/phonologique, morphosyntaxique et sémantico-pragmatique. Il s’agit de la variété vers laquelle les locuteurs des classes sociales moins privilégiées tendent, communément appelée variété cible, comme démontré dans les études de Labov (1972) et Trudgill (1974) sur la corrélation, notamment, entre l’usage des variantes phonologiques « r » et « -ing » et la classe sociale aux États-Unis et au Royaume-Uni, respectivement.

Dans les pays arabophones, il n’existe pas une variété unique de prestige en raison du répertoire linguistique composé de plusieurs langues telles que l’arabe, le français (et/ou l’anglais) et le berbère, comme c’est le cas en Algérie. De plus, la situation diglossique/polyglossique caractérisant ces pays arabophones fait que les variétés, à savoir l’arabe dialectal et l’arabe classique/standard, sont assignées à des fonctions différentes. Selon la définition de Ferguson (1959), la diglossie est une situation dans laquelle, bien que ne correspondant pas parfaitement au contexte actuel, deux variétés sont en usage : d’une part, la variété haute ou « High variety » - l’arabe standard - utilisée dans la communication formelle, à l’éducation et à la diplomatie, et d’autre part, la variété basse ou « Low Variety » - l’arabe dialectal - réservée à la communication informelle (à la maison, entre amis et pairs, et dans la rue).

Bien que l’arabe standard soit décrété comme langue nationale et officielle, il ne jouit pas du même statut que celui assigné aux langues standards dans les pays occidentaux, où elle est utilisée à l’écrit comme à l’oral et demeure une variété cible, donc une variété de prestige. L’arabe standard n’est cependant pas employé dans tous les contextes formels parlés. Ainsi, dans de nombreux pays, des discussions sur des sujets sérieux tels que la politique ou la philosophie, ainsi que des discours présidentiels dans certains pays, sont conduits dans une variété d’arabe dialectal de prestige. Mais de quel arabe dialectal s’agit-il ? Dans cet article, nous examinerons certains traits de variétés dialectales dans quelques pays arabes ainsi que les différents statuts qui leur sont assignés et leurs relations avec la langue standard.

1. Le Modèle Labovien appliqué aux études arabes

Le modèle de William Labov (1972), traitant de la corrélation entre la classe sociale et les pratiques langagières, a été appliqué pour expliquer les préférences linguistiques des locuteurs arabes, en dépit des différences de situations et de répertoires linguistiques et langagiers. C’est ce que nous tenterons d’examiner dans ce qui suit.

1.1. Le Modèle variationiste

Dans ses études sur la réalisation du (r) par des locuteurs appartenant à des classes sociales différentes, Labov (1972) a découvert une corrélation entre l’usage du (r) post-vocalique en position finale dans l’expression « Fourth floor », qu’il avait indirectement élicitée lors de ses enquêtes dans trois grands magasins de la ville de New York : Saks, Macy’s et Klein. Parmi les résultats de ses travaux, il en ressort ce qui suit :

  • L’usage du (r) était majoritairement en usage parmi les locuteurs de la classe supérieure, moyennement fréquent dans la classe moyenne et quasi inexistant dans la classe ouvrière.

  • Un nombre moyen de personnes interrogées de la classe moyenne faisaient usage des traits de la variété standard de prestige. Labov a également constaté que les locuteurs de cette classe sociale qui ne prononçaient pas le (r) final spontanément finissaient par le prononcer (dans le langage soutenu) lorsqu’il les faisait répéter en faisant mine de ne pas avoir entendu, ce qui implique que c’est bien la réalisation finale du (r) qui représente la variante (cible) de prestige.

Appliquée par Trugill (1974) dans ses enquêtes sur Norwich au Royaume-Uni, cette approche labovienne a également révélé une corrélation entre l’usage des variables linguistiques, notamment la réalisation de -ing, et l’appartenance à la classe sociale, avec le même constat : la stratification et la différenciation sociales sont exprimées par l’usage de variantes linguistiques bien définies. Ainsi, il en ressort que la variété considérée comme la variété de prestige est celle parlée par les classes supérieures et à laquelle les classes moyennes aspirent.

1.2. Corrélation entre les variables phonologiques et la classe sociale

Le paradigme labovien a été adopté dans de nombreuses études sociolinguistiques arabes, les résultats desquelles ont abouti à la conclusion que l’arabe classique/standard était la variété de prestige dans les pays arabes/arabophones, de manière similaire à l’anglais standard aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Ainsi, les travaux d’El Hassan (1979) ont exercé une influence notable sur les linguistes spécialisés en études arabes, parmi lesquels figurent Sallam (1980), Owens & Bani Yasin (1991), et Tarrier (1993) (cf. Kouloughi 1996 : 5).

Au milieu des années soixante-dix, les résultats basés sur les études de Mitchell (1976), El-Hassan (1979), et Sallam (1980) portant sur des locuteurs du Liban, de Syrie, de Jordanie et d’Égypte suggèrent un continuum : plus la situation est formelle, plus fréquent est l’usage des variantes de prestige. Il en découle que les partisans de ce continuum déclarent que la variété parlée de prestige était donc l’Arabe Parlé Lettré1 (Educated Spoken Arabic), qui occupait le plus haut niveau formel dans les conversations formelles et était utilisée par les Arabes instruits (Owens, 2001, p. 427).

2. L’arabe standard n’est pas systématiquement la variété de prestige

Parmi les opposants à la thèse de l’arabe parlé instruit, on peut citer des positions mettant en exergue l’importance d’étudier les variétés arabes dialectales. Abdel-Jawad (1986) ; Haeri (1997) ; Al-Wer (2002) et Gibson (dans Bassiouney, p. 119) soutiennent Ibrahim lorsqu’il déclare que « puisque l’arabe standard moderne n’est pas une variété parlée, ce n’est pas l’arabe standard qui est la variété arabe cible mais plutôt le vernaculaire prestigieux des différents pays, d’où l’importance de la distinction entre variantes standard et variantes de prestige » (dans Owens 2001 : 437-8).

Dans le même ordre d’idées, Al-Wer affirme que les données phonologiques et morpho-syntaxiques montrent que le changement linguistique en Jordanie ne va pas vers l’arabe classique mais en direction de la variété parlée haute, et que les locuteurs hautement instruits ont fait appel aux dentales plutôt qu’aux interdentaires (Al-Wer, 2002, p. 46). Pour Al-Wer (in Miller, 2007, p. 29) « une sorte de langue vernaculaire koine Ammanie standardisée devrait se stabiliser et représenter l’identité locale, malgré l’afflux continu de migrants étrangers ».

Dans son étude sur Bahreïn, Holes note qu’une alphabétisation accrue et une urbanisation n’entraînent pas nécessairement l’usage de traits de l’arabe classique (Holes, 1987, p. 18). Dans nombre de pays arabes, ce sont des variétés dialectales qui, de par le pouvoir et la puissance de ses groupes, exercent une influence sur d’autres parlers, moins prestigieux (Bassiouney, 2009, p. 124).

2.1 Données linguistiques

De nombreuses données linguistiques attestent de l’usage des variantes dialectales dans les discours soutenus ou formels. Pour l’Égypte, Haeri (1997) déclare que l’arabe parlé lettré (Educated Spoken Arabic) n’existe pas, car « étant donné que les Égyptiens... emploient l’arabe égyptien pour parler de philosophie, de littérature […] et d’autres sujets mondains, ce qu’ils utilisent ne peut être considéré comme un langage familier »2. Elle ajoute que l’arabe égyptien est une langue en soi, puisque la variation stylistique est un produit des ressources simultanées des variétés en contact, et que dans mes données, pour ces locuteurs qui utilisaient les ressources de l’arabe classique, la grande majorité employait les ressources lexicales (ma traduction) (Haeri 1997, p. 227).

À Amman, en Jordanie, Al-Wer (2000) note que, bien que « l’arabe classique écrit suggère une distinction phonémique entre /ḍ (e)/ et /ḏ/, « aucun des dialectes parlés n’a maintenu ce contraste » (p. 7).

2.2 Classe sociale ou autres facteurs : Machrek

Outre la problématique liée au concept de classe sociale, qui n’est pas bien définie et ne peut donc être un critère dans le choix des variantes linguistiques, et contrairement aux sociétés non diglossiques, où la variété de prestige est celle de la langue standard détenue par les classes dominantes, ce sont d’autres facteurs - religieux, spatiaux et socio-politiques - qui interviennent dans le choix des variables dans quelques pays du Machrek.

2.2.1. L’affiliation religieuse : Bagdad, Mossoul et Mergî

En Irak, les parlers arabes étaient initialement classés en deux catégories : le groupe qeltu et le groupe gelet. Le groupe qeltu comprend Tigris, l’Euphrate et l’Anatolien. Le groupe qeltu inclut l’arabe de Mossoul, l’arabe chrétien de Bagdad et l’arabe juif de Bagdad. Ces dialectes qeltu étaient parlés par les Musulmans du nord de Bagdad (ex., Mossoul et Tikrit) et par les Chrétiens et Juifs dans la totalité de la zone dialectale, qui inclut des parties de Bagdad jusqu’au nord-est et sud de la Syrie et de la Turquie, respectivement. Les dialectes gelet sont parlés dans les régions du centre et du sud de l’Irak ainsi que dans certaines parties de l’Iran (ex. Ahwaz). Les parlers gelet sont apparentés à l’arabe nadji, une variété parlée au nord-est de l’Arabie (Biadsy et al., 2009, p. 55). Cependant, avec l’avènement et la domination de l’immigration rurale aux 17e et 18e siècles, le parler des Musulmans de Bagdad, qui était avant cela un parler qeltu, a adopté certains traits bédouins/ruraux, comme cela s’est passé au Maghreb (Palva, 2009, p. 35-6). Comme tous les immigrants qui ont importé des traits du parler gelet à Bagdad étaient musulmans, ces traits sont vite devenus des marqueurs des groupes musulmans, ce qui a conduit au contraste entre le parler des Juifs et Chrétiens de Bagdad et celui des Musulmans de Bagdad (ibid., p. 36). Le parler des Musulmans appartient au groupe dit gelet de l’arabe mésopotamien, avec ses traits typiquement bédouins (ibid., p. 20) relativement récents (17e et 18e siècles) (ibid., p. 35-6), tandis que les parlers des Juifs de Bagdad et des Chrétiens de Bagdad font partie du groupe qeltu, descendants de l’arabe médiéval (Palva, 2009, p. 20).

À présent, le parler des Musulmans de Bagdad a emprunté certains traits des parlers qeltu :

  • La présence de la lettre q dans nombre de mots d’emprunt à l’arabe standard tels que « qallad » signifiant « imiter », » signifiant « appliquer », et « surveiller » ;

  • L’utilisation de termes techniques associés à la culture urbaine ;

  • L’observation de l’alternance morphophonémique de q et g dans le langage de femmes âgées, par exemple, « is-saqq can yizgi :na mayy » signifiant « le porteur d’eau avait l’habitude de nous apporter l’eau (potable) » (Palva 2009, p. 20), reflétant un changement dialectal en cours vers la variante q de prestige.

À Mossoul, la troisième ville d’Irak, des études antérieures ont montré que certains traits des parlers qeltu étaient supplantés par des traits supralocaux, c’est-à-dire des parlers gelet, et que les parlers qeltu étaient en voie de régression géographique. En Irak et dans la ville syrienne de Der iz-Zor, les parlers qeltu étaient supplantés par les parlers gelet (Palva,1983, p. 101, dans Yaseen 2015, p. 5). Cependant, Yaseen (2015) souligne que le contact des Maslawi (les habitants de Mossoul) avec les populations d’immigrants qui ont importé des traits du parler gelet n’a pas conduit à la dilution de certains traits qeltu, notamment le q, qui agit comme un symbole de l’identité Maslawi (p. 12). Suivant le modèle de Milroy et Milroy (1985, dans Yaseen 2015, p. 7), des réseaux denses favorisent cette conservation (Wolfram and Thomas, 2008, p. 39, dans Yaseen, 2015, p. 7), en particulier parmi les jeunes (Al-damluji, 2014, dans Yaseen 2015, p. 7).

À Mergî, en Irak, la conservation des interdentales est attestée dans le parler arabe chrétien de Mergî, un village à quelques encablures de Mossoul, tandis que dans l’arabe du village Yazīdi, non loin de Mergî, les interdentales de l’arabe /ṯ/, /ḏ/ et /ḏ̣/ sont réalisées comme les sifflantes /s/, /z/ et /ẓ/ (Hassan, 2023, p. 5). Ce dialecte de Mergî est étroitement lié au parler qeltu du village Yazīdi de Bǝḥzāni et diffère à bien des égards du parler qeltu du voisin Mossoul (Hassan, 2023, p. 22).

2.2.2. La ségrégation socio-spatiale : Mésopotamie

Bien que des études aient attesté de la présence de dialectes arabes musulmans, chrétiens et juifs à Bagdad (Blanc 1964 ; Abu-Haidar 1997), certains dialectologues, tels que Blanc (1964), semblent soutenir que c’est la ségrégation socio-spatiale, résultant des mouvements de population juive et chrétienne, qui est responsable des différences plutôt que l’appartenance religieuse. Même s’il est généralement reconnu qu’en Mésopotamie et en Afrique du Nord, les dialectes juifs, par exemple, sont plus proches des dialectes qeltu sédentaires non hilalis que des dialectes bédouins geltu, notamment après l’arrivée des groupes bédouins.

… la migration ultérieure de groupes bédouins venus de la péninsule arabique, leur installation progressive et leur prise de pouvoir au XIXe siècle ont conduit à un changement de dialecte parmi les groupes musulmans, adoptant un dialecte geltu, tandis que les juifs et les chrétiens conservaient l’ancien dialecte de la ville (Miller & Caubet 2010 : 240).

Cette dynamique démontre comment les facteurs socio-spatiaux peuvent influencer les variations linguistiques au fil du temps, renforçant ainsi l’importance de la ségrégation socio-spatiale comme un déterminant significatif des différences linguistiques observées dans la région.

2.2.3.La situation sociopolitique : Bahreïn, Liban, Jordanie

À Bahreïn, Holes (1987) souligne l’importance de considérer des facteurs tels que l’histoire, la géographie, les groupes ethniques et la religion. Les Bahreïnis sont divisés en Sunnites et Chiites. Les Sunnites se subdivisent en ‘Arab, qui résident dans les villes, et les Hwala. Les Chiites comprennent les Baharnas, un groupe sédentaire concentré à Manama et dans de petits villages, se revendiquant des premiers habitants de Bahreïn (Wilson 1954, dans Holes 1987 : 11) ; le groupe iranien des A’jam (Perses) et les ‘Arab, caractérisés par « les vertus bédouines d’indépendance, de virilité et d’autonomie » (ibid., 12), et nombreux considèrent comme « ‘ayb » (honte) des emplois tels que « vendre, acheter, être coiffeur ou tailleur » (ibid.).

Les Baharnas chiites adoptent les variantes de prestige du groupe ‘Arab ainsi que les variantes de l’arabe standard avec l’avènement de l’éducation, des médias de masse et de la mobilité sociale, réduisant la ségrégation entre ces groupes (ibid.,13). Le groupe chiite Baharna adopte le dialecte ‘Arab sunnite dans l’espace public, en raison du pouvoir prédominant de ce dernier. À Bahreïn, Holes (1987 : 70) a découvert que, même si le groupe arabe dominant conservait son g et son ǵ natifs, les locuteurs lettrés du Baharna possédant un k natif passaient au g des ‘Arab et non au q de l’arabe standard. En revanche, la communauté ‘Arab de Bahreïn, même lorsqu’elle se trouve « isolée parmi les Baharna », ne s’oriente pas vers les caractéristiques de cette dernière mais vers celles de l’arabe classique (ibid., 17), suggérant que le g des ‘Arab est considéré comme une variante de prestige pour les non-‘Arab, mais que ces derniers, même conscients du statut prestigieux de leur parler, ont recours au q de l’arabe classique pour des raisons d’accommodation (intercompréhension) ou de déférence envers leurs interlocuteurs non-‘Arab.

À Beyrouth, au Liban, q et ʔ ont fusionné, donnant la variante nationale ʔ même parmi les locuteurs instruits et dans les situations formelles. Cependant, les locuteurs de Beyrouth utilisent davantage le q que le k lorsqu’ils parlent à des locuteurs non libanais, évitant ainsi leur k local (Sallam 1980 : 92, cité dans Owens, 2001, p429). En d’autres termes, ʔ est la variante nationale de prestige, mais le q de l’arabe classique est la variante internationale de prestige.

La même évaluation caractérise les conclusions de Sawaie (1986) sur la Jordanie, suggérant le statut de prestige de ʔ et la manière masculine de parler de g (Sawaie 1986, dans Owens, 2001, p. 455). Dans son étude sur la Jordanie, Abd-el-Jawad (1987) note que, parmi les quatre variantes q, ʔ, g et k, le q est associé à l’arabe standard et au discours urbain, le k aux dialectes ruraux palestiniens centraux et le g à d’autres dialectes ruraux palestiniens et les dialectes israéliens et le jordanien rural. Quant au ʔ, « il a été amené en Jordanie en grande partie par des réfugiés des guerres israélo-arabes » (Abd-el Jawad 1987 : 361, dans Owens, 2001, p. 436). Pour la Jordanie, Al-Wer (2007) affirme que les variantes dialectales sont plus en usage que les variantes de l’arabe classique et que l’identité ammanie est très présente dans le processus d’accommodation dialectale.

2.2.4. L’appartenance communautaire : Machrek

L’appartenance communautaire est également un facteur déterminant dans le choix d’une variante dialectale. Un trait linguistique fortement lié à une communauté dominante est souvent privilégié aux dépens d’une communauté moins dominante, tout en tenant compte du lieu et du contexte où ce choix est opéré. La réalisation du q de l’arabe classique en est un exemple pertinent : il est réalisé en g parmi les parlers ruraux, villageois ou bédouins et est associé à la rudesse, à la virilité et à la ruralité dans presque tous les parlers arabes. Le q est réalisé en ʔ en Égypte, en Syrie et au Liban, où il est considéré comme la variante de prestige. Des études révèlent que, dans de nombreux pays arabes, en particulier dans le Machrek, la variante g est associée à la « virilité ». Observant la concurrence entre les variantes ʔ et g et le déclin de k en Jordanie, Abd-El Jawad (1981) souligne la complexité des valeurs symboliques et politiques attachées à chacune d’elles : « tandis que ʔ représente les ’normes palestiniennes’ – bien qu’il soit moderne et historiquement urbain – ’g est à l’origine jordanien, mais aussi dur, légèrement machiste et robuste » (Abd-El Jawad (1981), p. 176, dans Owens, 2001, p.437).

Pour l’Égypte, Miller rapporte le parler en Haute-Égypte des Sa’aîda qui, bien que conscients du statut prestigieux de l’occlusive glottale ʔ, emploient la vélaire sonore g qui caractérise le parler de leur communauté : « Que ce soit au Caire ou en Haute-Égypte, les Sa‘aîdîa établissent une distinction nette entre leur dialecte et celui du Caire, distinction qu’ils décrivent en termes de traits linguistiques (par exemple, la réalisation *q en [’] au Caire et en [g] au Sa‘îd), de domaine d’usage et de valeurs. Ainsi, le dialecte du Caire est dit ’doux’ et ’élégant’, il est associé aux notions d’urbanité, de raffinement, de modernité. Les dialectes de Haute-Égypte sont décrits comme ’rudes’ et ’secs’ parce qu’ils se sont développés dans un milieu géographique aride et sont associés aux notions de simplicité et de ruralité » (Miller, 2007, p. 181).

2.3 Maghreb

Outre la situation géographique, qui distingue les parlers arabes au Maghreb, d’autres facteurs distinguent certains dialectes appartenant à des aires géographiquement proches et/ou en contact. Dans Arabic in the City (2007), des études portant sur 13 pays arabes ont révélé des écarts importants concernant des variétés en contact, telles que les koinè ou nouveaux parlers urbains (Miller et al., eds. 2007). Au Maroc, le parler de Casablanca, une koinè fixe et stabilisée, un mélange de traits ruraux et bédouins, représente la koinè marocaine (Hachimi 2007). Cependant, il est souligné que ce parler « est loin d’être prestigieux et encore moins d’être la norme » (Hachimi 2011). Ceci est corroboré par les résultats de Moumine (1990, dans Hachimi 2011), indiquant la variation entre [q] et [g] recoupant la société casablancaise en classes sociales, où [g] marque la classe ouvrière basse et [q] marque la classe moyenne et professionnelle (p. 33). Ainsi, la koinè casablancaise ne peut être considérée comme la variété de prestige.

Pour la Libye, le parler prédominant est le parler bédouin, une koinè attestée dès le début du 19e siècle (Pereira, 2007). Des études antérieures indiquent la présence de « l’arabe des locuteurs musulmans dès la fin du 19e siècle, parlé pendant l’occupation ottomane de la Tripolitaine, qui est déjà majoritairement de type bédouin [...], différent de celui des locuteurs juifs, de type préhilalien ». Pereira pose la question sur l’existence d’un parler commun aux Musulmans et Juifs avant la bédouinisation de celui des Musulmans suite à un exode rural massif et une sédentarisation des populations bédouines au 19e siècle. Les premiers résultats attestent du maintien des traits bédouins - sauf pour les interdentales, remplacées par les occlusives alvéolaires - tandis que le q et les diphthongues sont maintenus (Pereira 2018, pp. 35-36). Des études plus récentes pourraient fournir une description du parler de prestige en Libye.

Pour l’Algérie, des travaux sur les villes d’Alger (Boucherit 2004), d’Oran (Labed 2019 ; Jairo 2015), de Frenda (Mahi & Labed 2021), de Tlemcen (Dekkak 1979 ; Dendane 2007), de Sidi Bel-Abbès (Raoud 2016), et Tiaret (Brahimi et al. 2019), notamment, ont révélé que ce n’est pas vers l’arabe classique que se dirigent les nouveaux parlers algériens, mais plutôt vers les nouvelles koinès des grandes villes et, dans certains cas, vers le parler de la capitale.

En 2004, Boucherit notait, pour Alger, une tendance quantitative générale à la bédouinisation des dialectes urbains de la capitale, reflétant « une prolétarisation progressive d’un nombre croissant de locuteurs, dont la plupart sont d’origine rurale » (Boucherit, 2004, p. 10). Cependant, à présent, comme nous venons de le voir, ce sont plutôt les variantes citadines q et les dentales qui sont indexées comme variantes de prestige.

Le même glissement phonologique est observé dans le discours des tlemcéniens. Alors que Dekkak faisait état, en 1979, de la convergence du ʔ tlemcénien vers le g rural (ou bédouin), en particulier parmi les hommes, des résultats relativement récents sur le changement linguistique dans le discours des hommes tlemcéniens vivant à Sidi Bel-Abbès font référence au remplacement de ʔ par q. Le ʔ tlemcénien est perçu comme trop efféminé, tandis que le g « paysan » est jugé trop guttural et « vulgaire » d’après eux (Raoud, 2016, p. 200). Les hommes tlemcéniens optent pour q dans la sphère publique tout en conservant ʔ pour la sphère privée ou à l’intérieur de leur groupe communautaire. On pourrait suggérer que ce glissement de la bédouinisation des parlers vers leur citadinisation s’explique par le changement de valeurs, où l’authenticité, la rudesse ou la virilité associées à certaines variantes bédouines ou rurales ne sont plus perçues comme des valeurs de référence, même (et surtout, peut-être) par les locuteurs de parlers bédouins. L’Algérie, à l’instar de tous les pays du monde, connaît un chamboulement socio-économique significatif centré sur le capital et les signes extérieurs de richesse, suscitant une plus grande conscience et expression de la nouvelle stratification sociale (Bergel & Benlakhlef, 2011). Les « begar » (nouveaux riches) affichent ouvertement leurs richesses nouvellement acquises à travers la construction de bâtisses luxueuses et l’achat de voitures puissantes qui circulent dans les artères des nouvelles villes. En raison de la mobilité croissante tant spatiale que sociale, certains traits des parlers régionaux en Algérie et dans d’autres pays arabes s’amenuisent avec la diffusion de traits de parlers prestigieux à l’échelle régionale et nationale.

Dans les descriptions des parlers algériens, on observe une tendance générale vers le remplacement des interdentales fricatives /ṯ/ par les dentales occlusives t, non seulement dans le parler ordinaire des Algériens (Raoud 2016), mais également, chez de jeunes étudiants (cf. Labed 2016 sur Frenda), dans leurs récitations du Coran, style formel par excellence, et donc exigeant une prononciation très soutenue. Cependant, dans une enquête sur les discours hautement formels d’arabisants, on observe une conservation des phonèmes interdentaux de l’arabe classique lorsqu’ils lisent. Néanmoins, lors d'un événement formel, nous avons observé que certains conférenciers, dont le parler d'origine est caractérisé par les dentales, effectuent le remplacement de /ṯ/, /ḏ/ et /ḏ̣/ par t et d et la fusion de ḏ̣ et ḍ en ḍ lors de leurs présentations publiques. La pratique de la lecture, assimilable au langage formel, pourrait suggérer que, pour ces orateurs, l’arabe standard demeure la variété prestigieuse, en accord avec les perceptions générales attribuant à l’arabe standard le statut de variété prestigieuse. Des citoyens algériens expriment parfois des excuses empreintes de gêne quant à leur incapacité à s’exprimer en arabe classique lorsqu’ils sont interviewés par des médias arabophones. Concernant les jeunes étudiants de Frenda (cf. Labed 2016) qui réalisent les interdentales comme des dentales, on pourrait en déduire que soit a) cela reflète un changement en cours même dans le discours soutenu ou, plus probablement, b) les étudiants ne distinguent pas la lecture formelle de l’expression orale et que les variantes phonétiques ne sont pas pertinentes.

Cela étant dit, l’importance de l’identité dans les parlers arabes algériens est soulignée dans de nombreux travaux, où des jeunes d’origine rurale, bien qu’ayant convergé vers des traits typiquement sédentaires tels que les dentales et la dédiphthongaison, alternent entre les deux variantes (rurale et sédentaire) à l’intérieur de leur groupe communautaire, comme symbole d’identité et de solidarité (Raoud 2016). Cette dynamique n’altère toutefois pas le statut de prestige des parlers citadins cibles. Des résultats similaires sont signalés dans le discours des jeunes d’Adrar (Bouhania 2007), de Tiaret (Brahmi et al. 2019) et de Frenda (Mahi & Labed 2021), avec, cependant, la différence que, pour Bouhania (2007), c’est l’arabe standard qui conserve le prestige.

3. Les variantes phonologiques et leurs statuts dans les pays arabes

Nous avons précédemment constaté que les variantes linguistiques étaient généralement liées aux statuts attribués à leurs locuteurs en tant que membres d’une communauté religieuse ou ethnique, spatio-temporelle ou dans une situation socio-politique particulière. De plus, les variantes prestigieuses des grandes villes et capitales arabes ont souvent supplanté les variantes locales, soulignant ainsi l’importance de la question de l’identité dans les choix linguistiques des locuteurs. Cependant, il est intéressant de noter que les variantes de prestige ne correspondent pas toujours à celles auxquelles tous les locuteurs des pays arabes ou arabophones s’identifient, car ces individus ont tendance à mettre en avant les variantes de leurs parlers d’origine. Un argument pertinent en faveur de l’orientation des parlers arabes vers des variétés dialectales prestigieuses plutôt que vers l’arabe standard est la présence, dans diverses études, de traits linguistiques appartenant à des variétés arabes dialectales et non à l’arabe standard. Dans la section suivante, nous examinerons les différents statuts de la variable classique q et de ses variantes, ainsi que la question de la conservation ou du remplacement des interdentales dans les pays arabes.

3.1. Les statuts de q, g, ʔ et k

Il semble qu’il n’y ait pas de consensus concernant le choix d’une seule variante de prestige parmi q, g, ʔ et k entre et à l’intérieur des pays arabes/arabophones, même si certaines généralisations sont possibles. En général, la variante g est perçue comme ayant des traits de bédouinité, d’authenticité (’ASala) et de « masculinité » au Maghreb et au Machrek. La variante régionale ou communautaire k, stigmatisée dans certains pays arabes (Algérie, Bahreïn, Liban, Jordanie, Maroc et Palestine), est peu utilisée et est souvent remplacée par g ou q. Par exemple, chez les Jebalas du Maroc, Benitez Fernandez signale la perte des traits jebalis, socialement stigmatisés, parmi les Ghzaoua de Ouezzane, au Nord du Maroc,

« chez les informateurs de la ville[...] montrant un processus d’urbanisation[...] lié à l’exode rural [...] mais aussi à des situations de contact avec d’autres variétés » (2019, p. 327).

Concernant ʔ, elle occupe une position de prestige dans de nombreux pays du Machrek en tant que variante nationale, surtout dans les capitales de ces pays. Au Maghreb, ʔ demeure une variante régionale (Tlemcen et Fès) et n’a pas acquis le statut de variante de prestige en dehors de sa sphère communautaire. Elle est stigmatisée dans l’espace public en Algérie et même à Tlemcen, ville caractérisée par son utilisation. Liée au conservatisme tlemcénien, elle est réservée à l’espace privé et familial chez les hommes, étant supplantée par la variante q aussi bien dans l’espace privé que public. Les femmes tlemcéniennes âgées et/ou conservatrices l’utilisent aussi bien dans l’espace privé que public et en sont fières comme d’un symbole de leur descendance noble, comme l’illustre le témoignage d’une femme interrogée :

« Quand on est noble, on ne peut pas avoir tout le monde comme nous [...] La noblesse, elle ne se vend pas et elle ne s’achète pas. Elle est née en nous-mêmes » (Raoud, 2016, p. 199).

Elle souligne également la conscience qu’elle a de la différence de son langage et de l’attitude des Bellabésiens à l’égard de sa façon de parler, exprimant sa fierté de ses origines.

Nous avons observé que de nombreux parlers autrefois ruraux, tels que ceux des villes de Sidi Bel-Abbès (Raoud 2016), d’Oran (Labed 2019), et de Frenda (2021), présentent une tendance à la dentalisation des interdentales. À Adrar (Bouhania 2007), on constate également une inclination des jeunes hommes vers l’utilisation de q, tandis que les jeunes femmes emploient les deux formes : le g local et le q de l’arabe standard. Cependant, il est important de noter que cette convergence est dirigée vers l’arabe standard et non pas vers les parlers sédentaires algériens.

Bouhania (2007) rapporte que les locuteurs et locutrices plus âgés utilisent la variante uvulaire q pour le style formel et la variante vélaire g dans les situations informelles, suggérant ainsi que la variante de prestige est q. Il convient de souligner toutefois que q est également un trait phonologique d’Alger, la capitale. Bien qu’il soit indéniable que les habitants du Sud de l’Algérie maîtrisent l’arabe standard et que leur langage ne soit pas aussi imprégné d’alternance et de mélange codiques (français/arabe) que celui des habitants du Nord de l’Algérie, il est à noter que q est également présent dans le parler de la capitale.

3.2 Les statuts des interdentales et des dentales « ḍ » et « d »

Au Maghreb, notamment en Algérie et au Maroc, de nombreux traits de l’arabe standard sont remplacés par des caractéristiques des parlers citadins ou urbains3. En Algérie, les interdentales sont parmi les traits les plus notables ayant subi une convergence de l’arabe classique vers les dentales des parlers sédentaires, anciens centres urbains. Ainsi, de jeunes locuteurs algériens remplacent les interdentales /ṯ/, /ḏ/, et /ḏ̣/ (caractéristiques de l’arabe classique) de leur parler rural d’origine par les dentales t, d, et ḍ.

En Égypte, au Liban et en Syrie, les interdentales de l’arabe classique /ṯ/, /ḏ/, et /ḏ̣/ sont réalisées comme des sifflantes /s/, /z/, et /ẓ/ (Hassan, 2023, p. 5). Cette réalisation se retrouve également en Irak, dans le village yazîdi de Bǝḥzāni. Cependant, les interdentales sont préservées à Mergî, un village proche de Bǝḥzāni et de Mossoul (ibid.).

En Algérie, dans des contextes variés (formels ou informels, privés ou publics, avec quelques disparités cependant), les interdentales fricatives /ṯ/, /ḏ/, et /ḏ̣/ ont clairement fusionné avec les dentales occlusives t, d, et ḏ. Toutefois, dans certaines situations très formelles telles que les conférences et les comptes-rendus de reportages à la télévision (dits en arabe standard), et bien que cela varie significativement selon l’âge, l’origine et/ou le niveau de compétence en arabe standard des locuteurs, les interdentales /ṯ/, /ḏ/ sont généralement préservées, tandis que l’interdentale emphatique /ḏ̣/ a fusionné avec la dentale emphatique ḍ, donnant ḏ̣. À propos de cette confusion entre le ḏ̣/ et le ḍ :

« ... ils sont réalisés comme une interdentale sonore pharyngalisée dans les parlers ayant conservé les interdentales et comme une dentale sonore pharyngalisée dans les dialectes présentant les reflets dentaux des anciennes interdentales » (Jairo 2023, p. 5).

Les résultats de notre enquête sur les discours de cinq écrivaines arabes (toutes âgées de plus de 50 ans, lors du salon du livre d’Alger de 2023 confirment cette tendance, dont voici un extrait d’une communication :

ʔawwalan ʒiʔtokom bi baʕḏ̣in min tyaret wa baʕḏ̣in minni .
Tout d’abord, je dis. je suis venue ave un peu de Tiaret... et un peu de moi
ʔaʃkoro l ḥoḏ̣or...ɦaʔulaʔi alla ḏi :na...wa min qaḏ̣iyatin ma
Je remercie de leur présence ceux qui….pour une cause donnée[...]
ʔoɦibbo l kita :ba ʔakɵar […] bi taqalidiha...bi turaɵiha
J’aime plus l’écriture avec ses traditions...avec son patrimoine

Une analyse de la communication d’un autre groupe de conférenciers, également âgés de plus de 50 ans, révèle une tendance supplémentaire : lorsqu’ils lisaient leurs notes, ils prononçaient les interdentales de l’arabe standard en /ṯ/, /ḏ/, et /ḏ̣/, mais lorsqu’ils s’adressaient au public (sans lire), ils utilisaient /ṯ/, /ḏ/ (et /ḏ̣/ ou ḍ) selon leurs parlers d’origine respectifs. Ces locuteurs établissent une distinction nette entre leur utilisation de la langue standard et celle de la langue dialectale. Il est possible de déduire, à partir de l’emploi de ces deux paires de traits, la variété d’arabe (standard ou dialectale) que le conférencier a choisie aux différentes étapes de son discours4.

Ce qui ressort des études, des enquêtes et des observations concernant cet aspect est que les locuteurs âgés conservent la distinction phonologique entre le discours soutenu et le discours ordinaire, tandis que les jeunes locuteurs semblent être en phase de perdre cette distinction. Des études comparatives, quantitativement et qualitativement approfondies, pourraient fournir des éclaircissements plus précis sur cet aspect.

4. Hiérarchisation, variation stylistique et intercompréhension

La variation stylistique offre de précieux indices sur les attitudes, les représentations et les pratiques linguistiques au sein d’une communauté donnée. Le contexte, avec ses multiples facteurs tels que la situation, les participants, le sujet de discussion et le lieu, joue un rôle déterminant dans le choix des styles, oscillant entre le formel et l’informel. Dans le contexte des parlers arabes, la variation stylistique constitue également une fenêtre permettant d’appréhender la variété (ou la langue) de prestige à travers les choix des locuteurs parmi les langues et les variantes composant leur répertoire langagier.

4.1. Hiérarchisation et variation stylistique

À la différence des pays monolingues, où une seule langue prédomine dans l’espace public et où une seule variété, généralement la variété standard de prestige, est utilisée en contexte formel, la variation stylistique dans les contextes plurilingues et/ou polyglossiques se caractérise par une alternance codique. Cette alternance ne se limite pas à l’intérieur d’une seule langue, mais elle implique plusieurs langues, car le locuteur puise dans ses ressources linguistiques. Un exemple illustrant ce scénario pourrait être une conversation entre deux voyageurs dans le train Alger-Sidi Bel-Abbès, qui passerait progressivement du style le plus formel (le français, supposant que cette langue fasse partie de leur répertoire verbal) au plus informel, un parler régional. Les deux voyageurs pourraient débuter la conversation en français autour d’un article de journal, puis passer à une discussion sur la météo en arabe algérois. Par la suite, ils pourraient se remémorer leurs années universitaires et, en découvrant qu’ils ont étudié à la même université (d’Oran), converger vers le parler d’Oran. Enfin, en se rendant compte qu’ils sont tous deux originaires de la ville de Sidi Bel-Abbès, ils pourraient passer à l’usage de leur parler commun. On peut en déduire que le français, du moins dans ce cas particulier, sert de première langue de prestige, sous réserve que le locuteur l’emploie, car il pourrait tout aussi bien utiliser directement l’arabe algérois, ce dernier étant non seulement le parler de la ville mais aussi la variété algérienne de prestige dans l’espace algérois.

4.2. Intercompréhension entre locuteurs de pays arabes distants

Les recherches sur l’accommodation entre locuteurs de pays arabophones différents suggèrent que ceux-ci « convergent de leurs variétés nationales vers l’arabe standard, vers d’autres variétés de prestige et vers des langues étrangères » (Bassiouney 2009). Des études examinant le choix de la variété d’arabe entre des locuteurs du Machrek (par exemple, Égyptiens, Syriens et Jordaniens) ont révélé une préférence générale pour l’arabe standard (cf. Owens 2001). À ce sujet, Bassiouney note :

L’arabe moderne standard n’est pas la seule source de prestige linguistique et que, dans pratiquement toutes les communautés de langue arabe examinées, il existe une langue dominante qui exerce une influence sur les autres langues de statut inférieur dans ce pays ou dans la région environnante. Les raisons de cette influence sont diverses, mais les principales d’entre elles sont la domination socio-économique de la ville (par exemple, le Caire) sur la campagne ou l’influence d’un groupe politique au pouvoir, par exemple, les familles royales du Golfe (Bassiouney 2009 : 20) [Ma traduction]

De par son industrie cinématographique et artistique, l’Égypte a grandement contribué à l’essor du parler arabe du Caire, qui représente l’une des variantes arabes les plus prestigieuses tant au Machrek qu’au Maghreb. Par exemple, l’accommodation en arabe du Caire par les Tunisiens travaillant à Londres pourrait être attribuée à leur insécurité vis-à-vis de leur propre variété arabe (S’hiri 2002, dans Bassiouney 2009 : 320). Une pratique similaire est observée chez les Algériens en situation de communication avec des locuteurs du Machrek. Ainsi, face à un Égyptien, un locuteur algérien utilisera généralement soit l’arabe standard, s’il le maîtrise, soit s’accommodera vers le parler du Caire (en utilisant des éléments d’égyptien acquis grâce à l’exposition aux films égyptiens et pendant sa scolarité)5.

Dans le cas de locuteurs de pays différents du Machrek, ces personnes peuvent converger soit vers un parler considéré comme prestigieux, soit conserver leurs variantes respectives en fonction du degré d’incompréhension. Ce scénario peut également se reproduire entre des locuteurs de pays maghrébins différents, qui ont la possibilité de converser dans leurs propres variantes ou de s’adapter à un parler considéré comme dominant ou plus compréhensible, en fonction du degré d’intercompréhension et de la maîtrise du parler de l’interlocuteur.

Il est courant de voir des locuteurs de différents pays maghrébins (Tunisiens, Marocains et Algériens) recourir à une langue véhiculaire telle que le français, par choix, habitude ou lorsque l’intercompréhension en arabe devient difficile. Dans de telles situations, les locuteurs de ces pays ont recours à une accommodation dialectale mutuelle, où l’usage de l’arabe standard est pratiquement absent.

4.3 Prestige, standard, formel, direction

Il est essentiel de distinguer entre les termes « prestige » et « standard ». Une variété de prestige est une variété que le locuteur utilise pour montrer qu’il fait (ou souhaite faire) partie d’une classe ou d’une communauté dominante. La confusion entre ces deux termes découle du fait que, souvent en Occident, c’est la variété standard, avec l’accent qui l’accompagne, qui sert de variété de prestige en raison de son association à des facteurs tels que l’éducation, la classe sociale et l’appartenance sociale. Cependant, cette comparaison ne peut être appliquée au monde arabe pour plusieurs raisons.

Premièrement, un locuteur arabe lettré s’exprime souvent dans une langue étrangère, car c’est dans cette langue qu’il a reçu son éducation. Deuxièmement, l’arabe standard n’est pas utilisé dans l’espace public, que ce soit dans des contextes formels ou informels, ni dans le cercle familial, où c’est plutôt l’arabe dialectal qui est en usage. En outre, l’arabe dialectal est parfois utilisé dans l’espace académique et pédagogique, avec certaines interventions et explications réalisées en arabe dialectal (ou en français).

Troisièmement, tous les locuteurs arabes ne maîtrisent pas l’arabe standard, soit parce qu’ils ont été éduqués dans une langue étrangère, soit parce qu’ils ne maîtrisent pas simplement l’arabe standard mais plutôt une langue étrangère. Quatrièmement, même si un locuteur a été éduqué en arabe standard, comme c’est souvent le cas pour les universitaires arabisants, il n’est pas garanti qu’il utilise l’arabe standard formel. Cela peut être dû au fait que son interlocuteur ne maîtrise pas l’arabe standard, ou même si les deux locuteurs sont compétents en arabe standard, ils peuvent choisir de ne pas l’utiliser dans un contexte extra-académique (ou même intra-académique). Statistiquement, c’est l’arabe dialectal (ou une langue étrangère) qui remplit la quasi-totalité des fonctions de communication, quel que soit le contexte entre les locuteurs. Par conséquent, les probabilités de recours à la langue étrangère lingua franca ou à la variété de prestige (ou les deux) sont plus élevées que celles de l’utilisation de l’arabe standard.

Un autre point à retenir concerne le changement dialectal et, en particulier, la direction du changement dialectal. De nombreuses études sur les descriptions des parlers arabes rencontrent des difficultés pour établir des généralisations sur la variété arabe de prestige. D’une part, il y a les trajectoires empruntées par les changements dans les différents parlers et accents arabes, et d’autre part, il y a les questions d’identité. Les individus qui modifient leurs façons de parler dans l’espace public se sentent néanmoins culturellement (et donc linguistiquement) liés à leurs communautés d’origine à travers un parler commun. Ce parler, trop stigmatisé ou valorisé, peut être absent (ou caché) dans l’espace public, mais resurgit dans la sphère privée.

Conclusion

Les parlers désignés comme bédouins ou ruraux, caractérisés par l’utilisation prédominante de la variante g, se distinguent clairement des parlers citadins, où la variante q est privilégiée, notamment dans certaines villes et capitales du Maghreb telles qu’Alger, Constantine et Casablanca. Ces parlers urbains sont souvent associés au « raffinement » et à la « noblesse », contrastant avec les parlers en ʔ présents dans d’autres capitales du Machrek, comme Le Caire et Beyrouth, caractérisés par la « citadinité » et le « prestige ». Qu’il s’agisse des ’Arab au Bahreïn, des Ammanis en Jordanie, des Sa’îdis en Haute-Égypte, des Oranais, des Adraris, des Jebalas, des Fessis marocains, des Tlemcéniens ou des Bélabésiens en Algérie, la conservation ou la disparition des traits dialectaux des anciens parlers, qu’ils soient ruraux, bédouins ou citadins, n’est pas uniforme parmi les habitants de ces villes. En effet, une multitude d’accents est en usage en fonction de l’origine, de l’âge et des pratiques sociales.

Malgré ces disparités, une variante de prestige se dégage, à savoir ʔ en Égypte, en Syrie et au Liban, et q au Maghreb, souvent associées aux variantes des capitales arabes. La variante g reste toutefois fortement présente dans des régions caractérisées par une forte identité, comme à Bahreïn ou à Bagdad, ainsi qu’en Algérie, où son utilisation a évolué. Après avoir été associée à l’urbanité et au mélange communautaire, notamment dans des milieux dits « progressistes » jusqu’aux années 2000, la variante g est en voie d’être supplantée par la variante q, considérée comme sédentaire, symbole de prestige et d’ascension sociale, par des locuteurs venus de différentes villes algériennes à la recherche de nouvelles opportunités professionnelles.

Dans les pays arabes, la question de la norme de prestige s’avère difficile, voire impossible, à élucider. D’une part, la langue arabe standard, en tant que langue sacralisée et académique, est perçue comme la langue écrite de prestige par excellence dans les représentations des Arabes. D’autre part, il n’existe pas une seule norme pour tous les dialectes arabes, chaque pays ou communauté ayant sa propre variété de prestige. En Égypte, en Syrie et au Liban, les variantes phonologiques de prestige sont souvent associées aux variantes des capitales, telles que le ʔ remplaçant le q de l’arabe standard et la réalisation des interdentales de l’arabe classique en sifflantes. Au Maghreb, l’occlusive glottale ʔ représente une variante régionale prestigieuse dans les anciennes villes telles que Tlemcen et Fès, mais son utilisation demeure limitée à l’espace privé ou féminin, étant fortement stigmatisée dans l’espace masculin en dehors des groupes communautaires, comme à Tlemcen où les hommes préfèrent désormais la variante q d’Alger. Cette dernière, caractéristique des anciens centres urbains en Algérie, ayant été un temps supplantée par la variante g bédouin/rural, est en train de regagner son statut de variante de prestige.

Au vu des nombreuses recherches sur le sujet, il est évident que les interdentales fricatives sont progressivement remplacées par les dentales occlusives sédentaires, même dans les villes et villages où des parlers bédouins/ruraux étaient auparavant attestés. Cependant, des traits ruraux ou moins prestigieux caractérisant de nombreuses communautés arabes ne sont pas complètement dilués dans les nouveaux parlers des villes prestigieuses. Ces traits conservent leur fonction de marqueurs identitaires et de solidarité, bien qu’ils soient de plus en plus confinés à l’intérieur de leurs groupes communautaires.

1 Ma traduction.

2 « Since Egyptians use Egyptian Arabic to discuss philosophy, literature, politics, as well as the more mundane matters of daily life, what they

3 Les termes « citadin » et « urbain » sont différenciés (voir Messaoudi 2002 pour une description plus complète).

4 Il est entendu qu’une étude quantitative et qualitative plus approfondie est indispensable pour une généralisation.

5 Les années 1970 ont connnu un flux significatif de personnels enseignants égyptiens vers l’Algérie.

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1 Ma traduction.

2 « Since Egyptians use Egyptian Arabic to discuss philosophy, literature, politics, as well as the more mundane matters of daily life, what they speak cannot be viewed as a “colloquial” language » (Haeri 1997: 226).

3 Les termes « citadin » et « urbain » sont différenciés (voir Messaoudi 2002 pour une description plus complète).

4 Il est entendu qu’une étude quantitative et qualitative plus approfondie est indispensable pour une généralisation.

5 Les années 1970 ont connnu un flux significatif de personnels enseignants égyptiens vers l’Algérie.

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