Dans une société de la connaissance et de l’innovation, la recherche est au cœur de la création de valeur. Avoir l’expérience de la recherche est un atout indispensable pour les futurs cadres de cette société. Ainsi, le doctorat est une expérience indispensable pour connaître le monde de la recherche et de l’innovation, s’attaquer à des problèmes complexes, construire des solutions nouvelles, explorer des possibles… etc. C’est aussi une expérience et des compétences qui permettent d’accéder au plus haut niveau de qualification : le grade de docteur. Ce grade valide la capacité à produire de nouvelles connaissances, méthodes et outils scientifiques, la capacité à mettre en œuvre une intelligence créatrice. Dans le même contexte, les thèses constituent des documents de première importance qui doivent être valorisés en tant que vecteurs essentiels de la communication scientifique, expression de l’activité de recherche dans les universités (et autres établissements habilités) et références pour la carrière des jeunes docteurs. La production des thèses aujourd’hui sous une forme numérique (en plus de la forme papier) permet d’envisager cette valorisation de façon renouvelée et plus ambitieuse.
Alors que la diffusion ou la publication d’un travail scientifique est une étape essentielle dans la carrière d’un chercheur ; c’est aussi une opération juridique complexe touchant à des droits aussi fondamentaux que la propriété intellectuelle et le droit d’auteur. En tant qu’auteur, le docteur bénéficie de droits moraux et patrimoniaux sur sa thèse ; en contrepartie, il doit respecter ceux d’autrui.
Dans le milieu universitaire, une thèse est un travail présenté sous forme d’ouvrage exposant une recherche scientifique originale et ses résultats dans un établissement d’enseignement supérieur habilité, soumis à soutenance publique devant un jury pour l’obtention du grade de docteur1. Donc la thèse est le résultat d’une production, d’une création (œuvre de l’esprit). En tant que telle, elle est protégée par le droit d’auteur.
La diffusion des thèses est une phase importante pour l’avenir du doctorant, elle doit s’appuyer sur une convention qui garantit le respect des droits d’auteur du thésard. L’autorisation de diffusion est d’abord et nécessairement accordée par le jury de la thèse, puis elle est confirmée par l’auteur. Cette autorisation n’a pas de caractère exclusif, le doctorant conserve ses droits d’auteur et garde la possibilité de faire publier tout ou partie de sa thèse auprès d’un éditeur2.
Les aspects juridiques de la diffusion électronique des thèses
La diffusion d’un travail scientifique3 est une étape essentielle dans la carrière d’un chercheur ; c’est aussi une opération juridique complexe relative au respect du droit d’auteur4, à la notion de droit de copie et de propriété intellectuelle5.
Il existe une série d’exceptions bien définies ou d’usage toléré pour lesquelles il n’est pas nécessaire de disposer d’une autorisation de citation et de diffusion formelle de l’auteur :
Les courtes citations
Il existe des conditions à prendre en considération concernant la citation :
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Caractère de brièveté de la citation par rapport à la globalité de l’œuvre citée ;
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Utilisation dans un but informatif ou pédagogique ;
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En respectant les droits moraux (paternité de l’œuvre…) ;
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L’œuvre doit être obtenue de façon licite ;
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Indiquer la source du texte cité (nom, auteur, titre, page, nom de l’éditeur, date d’édition, etc.)6.
Le droit à l’image
Le droit à l’image est un droit à toute personne physique de disposer de son image lui permettant l’opposition à l’utilisation commerciale ou non de cette image. L’exploitation d’une image nécessite une demande d’autorisation de diffusion par écrit, mais en cas de refus ou de coût onéreux7 le doctorant peut opter pour le cryptage qui est une solution envisageable consistant à mettre ces ressources dans un fichier distinct, et ne pas les faire figurer dans la version de diffusion en ligne de la thèse.
Les œuvres tombées dans le domaine public
En droit de la propriété intellectuelle le domaine public désigne l’ensemble des œuvres de l’esprit et des connaissances dont l’usage n’est pas ou n’est plus restreint par la loi (après expiration)8. La durée des droits patrimoniaux varie selon le pays exemple en Algérie 50 ans après la mort de l’auteur ou du dernier auteur si c’est une œuvre composite. Au-delà de ce délai, l’œuvre, qu’elle soit graphique, audiovisuelle, ou textuelle, tombe dans le domaine public et devient également libre de droits. Elle peut alors être librement citée, reproduite et réutilisée.
3-4 Les œuvres placées sous la licence Creative Commons ou Copyleft9
Le Copyleft est la possibilité donnée par l’auteur d’un travail soumis au droit d’auteur (œuvre d’art, texte, programme informatique, etc.) à l’utilisateur de copier, utiliser, étudier, modifier et distribuer son œuvre, avec la restriction que celui-ci devra laisser l’œuvre sous les mêmes conditions d’utilisation, y compris dans les versions modifiées ou étendues10. Son objectif est de faciliter le partage des créations en :
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Permettre aux titulaires de droits de choisir et d’exprimer les conditions d’utilisation de leurs œuvres ;
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Respecter le droit des auteurs en facilitant la création, le partage et la diffusion des œuvres ;
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Faire apparaître clairement les conditions de la licence de mise à disposition de cette création, à chaque utilisation ou diffusion.
Ainsi, le but du projet de la Fondation Creative Commons est de promouvoir la « Culture Libre »11 pour les productions de l’esprit. L’idée directrice de ces licences inspirées des logiciels libres est d’offrir un choix de licences pour la création de contenus hors logiciel. Pour cela, six licences, nommées « contrats types », sont disponibles à partir d’une combinaison de quatre principes (paternité, pas d’utilisation commerciale, pas de modification, partage à l’identique des conditions initiales)12 :
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Paternité
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Paternité, pas de modification
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Paternité, pas d’utilisation commerciale
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Paternité, pas d’utilisation commerciale, pas de modification
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Paternité, pas d’utilisation commerciale, partage des conditions initiales à l’identique
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Paternité, partage des conditions initiales à l’identique
Tableau :Les 6 licences « Creative Commons »
Attribution : Toutes les licences Créative Commons obligent ceux qui utilisent vos œuvres à vous créditer de la manière dont vous le demandez, sans pour autant suggérer que vous approuvez leur utilisation ou leur donner votre aval ou votre soutien. |
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Pas d’utilisation commerciale : Vous autorisez les autres à reproduire, à diffuser et (à moins que vous choisissiez « Pas de Modification ») à modifier votre œuvre, pour toute utilisation autre que commerciale, à moins qu’ils obtiennent votre autorisation au préalable |
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Partage dans les mêmes conditions : Vous autorisez les autres à reproduire, diffuser et modifier votre œuvre, à condition qu’ils publient toute adaptation de votre œuvre sous les mêmes conditions que votre œuvre. Toute personne qui souhaiterait publier une adaptation sous d’autres conditions doit obtenir votre autorisation préalable. |
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Pas de modification : Vous autorisez la reproduction et la diffusion uniquement de l’original de votre œuvre. Si quelqu’un veut la modifier, il doit obtenir votre autorisation préalable. |
Source : Creative Commons France - http://creativecommons.fr/licences/les-6-licences/
L’usage à vocation pédagogique ou de recherche
La nécessité de respecter strictement les règles de propriété intellectuelle et de droit de citation concerne surtout les images et les illustrations. Elle revêt un caractère tout à fait primordial lorsque l’emprunt ou la réutilisation se fait dans le cadre d’une publication chez un éditeur ou une revue à vocation commerciale. Dans le reste des cas, il est possible de considérer qu’il existe une forme de tolérance autour d’un « usage juste, raisonnable ou acceptable13. » Le principal argument en faveur d’un « usage juste » des contenus en matière de droit d’auteur repose sur l’existence d’une exception relative à l’utilisation des livres, de la musique imprimée, des publications périodiques et des œuvres des arts visuels à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche.
Le plagiat
Tout au long de sa recherche, le doctorant aura à produire des travaux dans lesquels il doit intégrer les idées de différents auteurs et de ce fait, il est très important de savoir comment insérer correctement ces idées dans son travail s’il ne veut pas se retrouver en situation de plagiat qui est considéré comme une « utilisation frauduleuse de l’œuvre d’autrui soit par emprunt, soit par imitation 14» ou encore comme un « vol littéraire. Le plagiat consiste à s’approprier les mots ou les idées de quelqu’un d’autre et de les présenter comme siens15. »
Les formes de plagiat
Le plagiat peut prendre plusieurs formes ou situations comme16 :
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Copier textuellement un passage d’un livre, d’une revue ou d’une page Web sans le mettre entre guillemets et/ou sans en mentionner la source ;
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Insérer dans un travail des images, des graphiques, des données, etc. provenant de sources externes sans indiquer la provenance ;
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Résumer l’idée originale d’un auteur en l’exprimant dans ses propres mots, mais en omettant d’en indiquer la source ;
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Traduire partiellement ou totalement un texte sans en mentionner la provenance ;
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Utiliser le travail d’une autre personne et le présenter comme le sien (et ce, même si cette personne a donné son accord).
Par conséquent, l’autoplagiat est une autre forme de plagiat, qui consiste à réutiliser des parties de contenus dont on est l’auteur pour l’insérer dans un nouveau document. Même si l’on en est l’auteur, il est indispensable d’indiquer dans le nouveau document créé l’origine des extraits, et des passages que l’on réutilise.
Toutefois, pour éviter le plagiat, le chercheur peut adopter différentes attitudes comme :
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La citation
L’utilisation de la citation permet d’appuyer nos arguments, et cela en plaçant entre guillemets les mots exacts d’un auteur.
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Le résumé
Le but du résumé est simplement de rapporter de façon succincte des propos d’un auteur sans donner de détail ou d’exemple, autrement dit c’est la condensation du sens d’un texte en utilisant nos propres mots.
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La traduction
C’est de mentionner l’auteur et la source du texte original (le fait de créer une nouvelle version d’un texte ne dispense pas de citer les références d’origine).
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La paraphrase
La paraphrase consiste à reformuler avec ses propres mots et ses propres phrases les écrits d’une autre personne. Comme pour la citation la référence du document paraphrasé doit être indiquée en note de bas de page. En fin de document, la bibliographie doit lister tous les documents utilisés avec leur référence complète17.
Cas concret de plagiat
Maints pays luttent contre le plagiat dans les universités, et ils se dotent de moyens efficaces comme les logiciels antiplagiat (il existe une variété de logiciels antiplagiat, soit payants comme Compilatio ou gratuit comme Viper the anti-plagiarism scanner, plagscan) pour assurer le respect des droits d’auteur et de la propriété intellectuelle ainsi que l’honnêteté scientifique.
En Algérie, le plagiat a pris de l’ampleur et il est devenu un véritable phénomène qui s’est répandu dans le milieu universitaire. Cette inquiétante généralisation dont la presse a fait écho à plusieurs reprises a obligé le Ministère de l’Enseignement Supérieur à s’organiser pour entrevoir des moyens de lutte qui garantiraient la probité intellectuelle des travaux universitaires.
D’un point de vue législatif, le décret exécutif n° 08-130 du 3 mai 2008 relatif « au statut particulier de l’enseignant-chercheur » inflige de sévères sanctions à l’encontre de l’auteur du plagiat : Le chapitre 8, article 24, ce décret stipule qu’il
« … est considéré comme faute professionnelle de quatrième (4e) degré, le fait pour les enseignants chercheurs, d’être auteurs ou complices de tout acte établi de plagiat, de falsification de résultats ou de fraude dans les travaux scientifiques revendiqués dans les thèses de doctorat ou dans le cadre de toutes autres publications scientifiques ou pédagogiques. »
Malheureusement, ses dispositions n’ont pas été mises en œuvre par toutes les institutions concernées, d’ailleurs les cas de plagiat ne font qu’augmenter et ne sont dénoncés généralement que par les médias et voici quelques exemples :
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À l’université Abdelhamid Ibn Badis de Mostaganem, des étudiants ont découvert suite à la consultation du site officiel de l’université d’Irak, le plagiat d’un enseignant (docteur) qui aurait copié la lettre du doyen de cette université et quelques passages d’une autre lettre du doyen de l’École irakienne des beaux-arts.
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Un chercheur français scandalisé par le pillage de ses écrits de la part de son pair algérien. Didier Delignières de la Faculté des Sciences du Sport et de l’Éducation Physique de l’Université de Montpellier I a fait état d’un vol dont il a été l’objet de la part d’un certain docteur de l’université de Biskra. Il a relaté avec menus détails et preuves à l’appui les faits incriminés en guise témoignage pour faire voir au lecteur algérien honnête que le plagiat dont ne relève pas d’une fiction ou d’un acte gratuit et diffamatoire, mais bel et bien d’une pratique effective.
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Un troisième cas est celui d’une enseignante à l’université de Tlemcen qui, invitée à une soutenance, fut surprise par le plagiat d’un thésard de l’université de Bab-Ezzouar lors de sa soutenance, elle a constaté qu’il a pris trois chapitres de sa thèse sans même la citer. Sa réaction était instantanée en suspendant la soutenance et en adressant par la suite une lettre de réclamation au Ministère de l’Enseignement Supérieur, à l’université de Bab-Ezzouar et au CERIST, afin de prendre des mesures coercitives à l’encontre de cet étudiant.
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Cette enseignante du département de français de l'université d'Alger devenue professeure en déposant un dossier dont les articles le constituant comportent tous des traces de plagiat. Elle a, ensuite, en défiant toutes les règles de l'éthique et de la déontologie, présidé aux destinées du comité scientifique du département où elle s'est érigée en cenceur.
Notons qu’après la récente réunion des représentants du Ministère de l’Enseignement Supérieur, les responsables des universités et ceux du CERIST se sont mis d’accord sur la nécessité d’instaurer un dispositif de contrôle efficace pour remédier à cette situation scandaleuse dans les délais honnêtement acceptables.