Introduction
La peur, un affect inhérent à l’expérience humaine, est un concept complexe qui résiste à une définition aisée (Costantini & Abelhaser, 2014 : 49). Elle s’inscrit, comme l’a soutenu Paillard (1993 : 07), dans le tissu historique de l’humanité, traversant les époques depuis les origines hominiennes jusqu’à la modernité contemporaine. Les peurs, de natures variées, qu’elles soient individuelles, collectives, relationnelles, culturelles, ou environnementales, se manifestent sous différentes dénominations telles que l’angoisse, la crainte, l’anxiété, la terreur, l’appréhension, l’épouvante, la frayeur, ou l’effroi.
L’une des manifestations les plus fréquentes de la peur chez l’être humain est la glossophobie, soit la peur de s’exprimer en public. Cette inquiétude, considérée comme l’un des troubles les plus répandus (Olano, 2019 : 09), surgit habituellement avant et pendant une communication orale publique. La glossophobie, lorsqu’elle atteint des niveaux modérés, peut être gênante, mais non invalidante. Cependant, lorsqu’elle s’accentue, elle devient insurmontable, voire paralysante.
La peur de parler en public est prévalente dans les milieux universitaires et peut avoir des répercussions néfastes sur la performance des étudiants, constituant ainsi un facteur d’échec potentiel. Lorsque cette appréhension touche les apprenants d’une langue seconde ou étrangère (L2), elle se transforme en anxiété langagière, telle que définie par MacIntyre comme une « réaction émotionnelle négative d’inquiétude se manifestant lors de l’apprentissage ou de l’utilisation d’une langue seconde » (1999 : 27).
En tant qu’enseignante de français langue étrangère (FLE) à l’Université Lounici Ali - Blida 2 (Algérie), nous avons observé que nos étudiants de Master 2 éprouvent une réticence marquée à prendre la parole en classe et redoutent particulièrement la soutenance de leur mémoire de Master, une étape imminente de leur cursus. Cette constatation nous a poussée à examiner le degré d’anxiété langagière chez les futurs candidats au Master de français à Blida 2 et à chercher les causes sous-jacentes de cette anxiété langagière.
L’objectif de cette recherche, située à l’intersection de la psychologie, de la psychopédagogie et de la didactique des langues étrangères, est d’abord de mesurer le niveau d’anxiété langagière parmi les étudiants en Master 2 du département de français à Blida 2. Cette mesure sera effectuée grâce à un questionnaire conçu spécifiquement pour le public cible. Ensuite, nous tenterons de comprendre les raisons de la persistance de cette anxiété chez des étudiants qui ont accumulé plusieurs années d’apprentissage du FLE. Pour éclaircir cette problématique, nous recourrons, en plus du questionnaire, à une recherche documentaire comprenant l’analyse des programmes de licence et des offres de formation en Master. Enfin, nous proposerons des recommandations visant à aider les étudiants à surmonter cette appréhension et à améliorer leurs performances lors des soutenances de Master.
1. Définitions des Concepts
Dans le premier volet de notre chapitre théorique, nous exposerons les concepts clés qui jalonnent cette recherche. Nous commencerons par définir la notion d’anxiété du point de vue psychologique, ainsi que celle de glossophobie, un trouble du langage qui touche plus de la moitié de la population adulte. Ensuite, nous aborderons le concept central de notre recherche, l’anxiété langagière, en l’appréhendant du point de vue didactique et psychopédagogique. Nous discuterons des différents types d’anxiété langagière, de ses manifestations chez les individus affectés, de ses origines, et des moyens pour la surmonter.
1.1. L’Anxiété
L’anxiété représente un sentiment « normal » et courant chez l’être humain, souvent en réponse à un mode de vie stressant et au besoin naturel de contrôler sa vie (Horwitz et al., 1986 : 125). Elle est supposée disparaître en l’absence de stimuli externes, mais lorsqu’elle devient intense, durable, et incontrôlable, elle est qualifiée de trouble de l’anxiété. Selon Costantini et Abelhaser (2014 : 50), l’anxiété, d’un point de vue psychanalytique, est un trouble dépourvu d’objet précis et de fonction véritable, envahissant le sujet, qui tente de s’en défendre de multiples façons. Wilkinson (2011 : 15) la décrit comme une émotion caractérisée par l’appréhension de futurs événements potentiellement désagréables ou nuisibles, induisant une inquiétude intense et affectant négativement le comportement de l’individu.
1.2. La Glossophobie
La glossophobie, définie comme la peur de parler en public, est une préoccupation répandue parmi la population. Plusieurs études indiquent qu’elle affecte toutes les strates sociales, touchant plus de la moitié des adultes. Le psychiatre André Christophe (2004) estime qu’une personne sur deux éprouve la crainte de s’exprimer en public, et qu’une sur trois renoncerait à parler en public à la dernière minute.
2. L’Anxiété langagière
Un étudiant universitaire souffrant de glossophobie risque de rencontrer des obstacles significatifs dans son parcours académique. Les nombreuses études menées dans le milieu universitaire sur les troubles liés à la prise de parole en classe et leur incidence sur la performance des étudiants révèlent que ce phénomène est fréquent, notamment parmi les apprenants de langues secondes ou étrangères. Le Professeur Bekleyen Nilüfer, spécialiste de l’impact de l’anxiété langagière dans l’apprentissage des langues secondes ou étrangères, affirme que cette anxiété est plus prononcée dans les cours de langue, particulièrement ceux qui requièrent une communication en langue étrangère (2004 : 30). Jane Wilkinson souligne que selon plusieurs chercheurs, l’anxiété langagière chez les étudiants entrave considérablement l’apprentissage des langues secondes ou étrangères (2011 : 09).
Le concept d’anxiété langagière a été formulé pour la première fois en 1986 par Horwitz, E. K. Horwitz, M. B., et Cope, J. Ces chercheurs distinguent ce trouble de l’anxiété générale, affirmant qu’il s’agit d’un trouble spécifique à l’apprentissage des langues (1986 : 128). Ils ont élaboré un cadre théorique et une échelle de mesure de l’anxiété langagière, intitulée Foreign Language Classroom Anxiety, pour l’évaluer.
Cela nous amène à nous interroger sur les types d’anxiété langagière, leurs symptômes, et les raisons de leur présence chez les étudiants universitaires, en particulier chez ceux étudiant les langues secondes ou étrangères.
2.1. Les Types d’Anxiété langagière
Wilkinson (2011 : 15), en s’appuyant sur les travaux de chercheurs tels que Coulombe (2000), Macintyre (2007), Spielberger (1966, 1972), et d’autres, a identifié trois types d’anxiété langagière, chacun présentant des caractéristiques distinctes et apportant une compréhension nuancée de ce phénomène.
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L’anxiété de trait est le premier type identifié. Il se définit comme une caractéristique stable de la personnalité, ce qui signifie qu’elle est présente de manière constante chez certains individus. En d’autres termes, il s’agit d’une disposition innée à éprouver de l’anxiété dans des situations de communication langagière. Cette anxiété devient ainsi une composante permanente de la personnalité de l’individu.
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L’anxiété d’état représente le deuxième type d’anxiété langagière. Contrairement à l’anxiété de trait, elle n’est pas permanente. Elle émerge temporairement en réponse à des situations spécifiques perçues comme menaçantes ou stressantes. Par exemple, un étudiant peut éprouver de l’anxiété d’état juste avant de devoir passer un examen oral. Cette anxiété est, en quelque sorte, une réponse réactionnelle à des circonstances particulières.
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L’anxiété face à une situation spécifique constitue le troisième type d’anxiété langagière. Elle se manifeste uniquement dans des contextes spécifiques, où des situations particulières sont considérées comme anxiogènes. Même les individus qui ne sont pas prédisposés à l’anxiété de trait peuvent développer ce type d’anxiété dans des circonstances particulières. Par exemple, dans le contexte de l’apprentissage des langues étrangères, les étudiants peuvent développer cette anxiété après quelques cours, en réaction à des expériences négatives. Cette anxiété peut, à son tour, affecter leur performance académique, créant un cercle vicieux d’anxiété langagière accrue (Wilkinson, 2011).
Ainsi, il est important de reconnaître que les apprenants de langues étrangères, même s’ils ne présentent pas initialement d’anxiété de trait ou de glossophobie, peuvent développer des troubles de l’anxiété langagière en cours d’apprentissage d’une langue étrangère. Ces troubles peuvent entraîner des comportements spécifiques qui ont un impact négatif sur leur apprentissage et leurs performances langagières. Cette compréhension des différents types d’anxiété langagière est cruciale pour concevoir des approches d’intervention appropriées visant à aider les apprenants à surmonter ces obstacles.
2.2. Manifestations de l’Anxiété langagière
Il est indéniable que l’anxiété langagière exerce un impact néfaste sur l’apprentissage des langues étrangères. Elle perturbe les fonctions cognitives et nuit à la mémoire des apprenants anxieux (Eysenck, cité par Wilkinson, 2011 : 20). MacIntyre explique que l’apprentissage des langues repose sur des processus cognitifs tels que l’encodage, le stockage, et la récupération, et que l’anxiété peut perturber chacun de ces processus en détournant l’attention des étudiants vers leur propre réaction émotionnelle, les empêchant ainsi de se concentrer pleinement sur la tâche (1995 : 96). En d’autres termes, les performances cognitives de l’apprenant anxieux sont compromises, sa concentration étant détournée des activités d’apprentissage, notamment celles impliquant la communication orale.
Les répercussions de l’anxiété langagière se traduisent par une variété de symptômes, tant psychologiques que physiologiques, observables ou moins évidents. Les apprenants anxieux ressentent une appréhension, voire une inquiétude intense, à l’approche d’une épreuve orale. Certains évitent délibérément les situations de communication orale, négligent leurs responsabilités académiques, s’absentent intentionnellement des cours, voire abandonnent leurs études. D’autres, plus téméraires, affrontent ces épreuves avec difficulté, prenant le risque de se retrouver dans un état de blocage.
La crainte de participer à des activités orales en classe, telles que les jeux de rôle, les débats, ou les exposés, se manifeste généralement par des symptômes physiologiques visibles. Les apprenants anxieux transpirent, tremblent, bafouillent, voient leur rythme cardiaque s’accélérer, éprouvent des difficultés à structurer leurs idées, et ressentent des douleurs gastriques, entre autres manifestations.
2.3. Causes de l’Anxiété langagière
L’anxiété langagière chez les apprenants de langues secondes ou étrangères est un phénomène complexe et multifactoriel, influencé par divers facteurs d’origine individuelle, sociale et éducationnelle.
2.3.1. Le Facteur individuel ou personnel
Plusieurs aspects individuels ont été identifiés comme influençant le développement de l’anxiété langagière.
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L’âge, par exemple, joue un rôle significatif. Une étude citée par Sylwia Kalińska-Łuszczyńska (2016) indique que l’anxiété langagière tend à augmenter avec l’âge des apprenants, en raison de l’acquisition précoce ou non des compétences en communication. Les individus qui n’ont pas eu l’opportunité de développer des compétences de communication solides à un jeune âge sont plus susceptibles de ressentir de l’anxiété langagière à l’âge adulte.
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Le sexe est un autre facteur individuel important. Des études ont montré que les apprenants de sexe féminin sont généralement moins sujets à l’anxiété langagière que leurs homologues masculins, probablement en raison de meilleures compétences verbales et de communication.
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Enfin, les traits de personnalité jouent un rôle crucial dans le développement de l’anxiété langagière. Plusieurs traits, tels que le perfectionnisme, la compétitivité, l’estime de soi et l’introversion, sont fortement liés à ce trouble. Les individus perfectionnistes ont du mal à tolérer l’erreur et critiquent sévèrement leurs performances en langue, ce qui peut créer un stress important. De même, la compétitivité excessive et la comparaison constante avec les pairs peuvent engendrer des sentiments d’infériorité. Enfin, les apprenants introvertis, qui évitent les situations sociales et de groupe, sont souvent confrontés à des situations de communication orale en langue étrangère qui peuvent les rendre anxieux.
2.3.2. Le Facteur Social
Bien que souvent négligé, le facteur social joue également un rôle crucial dans le développement de l’anxiété langagière.
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Le soutien social provenant des parents, de la famille et des amis peut avoir un impact significatif. Lorsque ces individus s’intéressent au processus d’apprentissage de l’apprenant, partagent leurs connaissances, et investissent dans son éducation, cela crée un environnement de soutien qui aide l’apprenant à mieux gérer ses émotions et à éviter l’anxiété langagière. En revanche, l’absence de ce soutien peut conduire à un sentiment d’abandon et à une plus grande propension à développer des troubles anxieux.
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D’autres facteurs sociaux, tels que l’environnement social, le statut social, le lieu de résidence et l’attitude envers l’erreur et la manière de s’exprimer, peuvent également influencer le comportement et les risques de développer de l’anxiété en situation de communication orale.
2.3.3. Le Facteur Éducationnel
L’anxiété langagière chez les apprenants de langues secondes ou étrangères est étroitement liée à des facteurs éducationnels. Selon les travaux de E.K. Horwitz, M. B. Horwitz et J. Cope (1986), trois facteurs éducationnels sont particulièrement importants :
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La peur d’entrer en communication : Cette peur se manifeste dans des situations de communication avec autrui, en compréhension ou en production orale. Elle s’intensifie lorsque le locuteur doit s’exprimer devant un public dans une langue étrangère, ce qui peut déclencher ou aggraver l’anxiété langagière.
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La peur des tests : Les apprenants de langues étrangères sont plus susceptibles de ressentir de la peur face aux tests, en particulier lorsqu’ils doivent s’exprimer oralement dans une langue étrangère.
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La peur de l’évaluation négative : Les apprenants anxieux ont tendance à croire que les enseignants et les camarades de classe porteront un jugement négatif sur leurs performances orales, ce qui contribue à leur anxiété.
En somme, l’anxiété langagière est un phénomène complexe résultant de l’interaction de multiples facteurs individuels, sociaux et éducationnels. Comprendre ces facteurs est essentiel pour concevoir des stratégies d’intervention efficaces visant à aider les apprenants à surmonter l’anxiété langagière et à améliorer leurs performances en langue étrangère.
2.4. Stratégies pour atténuer l’anxiété langagière
L’anxiété langagière, une préoccupation majeure dans l’acquisition des langues étrangères, peut être atténuée par une approche proactive, basée sur la compréhension des facteurs déclencheurs et l’application de stratégies appropriées. Compte tenu de la complexité de ce trouble, il est essentiel de considérer les diverses causes qui y contribuent, en particulier celles liées à l’apprentissage de la communication orale en milieu scolaire et institutionnel.
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L’Intervention précoce : L’une des mesures préventives essentielles consiste à introduire précocement des activités orales dans les programmes éducatifs, couvrant un large éventail d’activités, telles que les jeux de rôle, les débats, les activités théâtrales et de groupe. Les apprenants doivent être exposés dès leur jeune âge à des situations de production orale, ce qui renforce leur confiance et leurs compétences en communication. Cette exposition précoce et intensive à la communication orale contribue à l’acquisition de compétences linguistiques avancées et à l’amélioration de la posture oratoire.
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L’Adaptation aux Profils Individuels : La prise en compte des facteurs individuels, tels que le sexe, le perfectionnisme, l’introversion et la confiance en soi, est cruciale dans la gestion de l’anxiété langagière. Les enseignants de langues étrangères doivent mener des recherches continues pour identifier les profils d’apprenants susceptibles de développer ce trouble. Ensuite, ils doivent offrir un soutien adapté à chaque apprenant en fonction de ses besoins spécifiques. Par exemple, les apprenants perfectionnistes peuvent bénéficier d’une éducation axée sur la tolérance à l’erreur, tandis que les apprenants introvertis peuvent être encouragés à participer à des activités sociales pour améliorer leur confiance en soi.
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Adaptations pédagogiques : Plusieurs chercheurs ont suggéré des adaptations pédagogiques pour réduire l’anxiété langagière. Il est recommandé aux enseignants de revoir leurs méthodes d’enseignement et d’adapter leur comportement en classe. Une pédagogie qui encourage la participation active des apprenants, réduit la pression et renforce leur confiance en eux peut être efficace. En outre, l’utilisation de la communication médiée par ordinateur, qui crée une distance physique entre les interlocuteurs, peut aider à atténuer l’anxiété associée aux interactions en face à face.
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Formation à l’Oratoire : Un élément clé pour surmonter l’anxiété langagière est l’apprentissage des compétences oratoires. Les apprenants doivent être formés sur la manière de préparer leurs interventions orales, de bien connaître leur auditoire, de gérer leur temps et leur espace, et de gérer leur stress. La préparation psychologique joue un rôle essentiel, notamment en réduisant les sources de stress, en visualisant positivement l’intervention, et en se mettant en condition avant de parler en public.
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Maîtrise de l’Art de parler en Public : En fin de compte, la lutte contre l’anxiété langagière réside dans la maîtrise de l’art de parler en public. L’éloquence est un art qui s’apprend, avec ses techniques et ses codes. Des aspects techniques, tels que la préparation minutieuse de l’intervention, la connaissance de l’auditoire, la gestion de l’espace et du temps, sont essentiels. Sur le plan psychologique, il est crucial de se préparer mentalement en réduisant le stress, d’adopter une attitude positive et de se mettre en condition avant de prendre la parole en public.
En conclusion, la gestion de l’anxiété langagière nécessite une approche holistique qui prend en compte les facteurs individuels, les adaptations pédagogiques, la formation à l’oratoire et le développement de compétences en communication orale. En combinant ces stratégies, les apprenants peuvent surmonter leurs peurs et améliorer leurs performances en langue étrangère.
3. Méthodologie
Dans le but de scruter de manière rigoureuse le phénomène de l’anxiété langagière parmi les étudiants en Master du département de français de l’université Blida 2, et de comprendre les raisons de sa persistance à un stade avancé du cursus, nous avons employé une méthodologie qui combine des approches quantitative et qualitative.
3.1. Techniques de Collecte de Données
Cette étude s’est appuyée sur deux instruments de recherche : un questionnaire distribué aux étudiants en Master 2 et une analyse des programmes de licence ainsi que des canevas des différentes formations de niveau Master.
3.1.1. Le Questionnaire
Pour évaluer le niveau d’anxiété langagière parmi les étudiants du département de français, nous avons élaboré un questionnaire en nous inspirant de la grille de mesure de l’anxiété langagière conçue par Horwitz et Cope dans leur ouvrage « Foreign Language Classroom Anxiety » (1986). Cette grille, validée par diverses recherches ultérieures (Gverovic, 2015; Spetz, 2018, etc.), a été adaptée pour convenir à notre public spécifique.
Notre questionnaire, anonyme, comporte deux parties distinctes. La première vise à collecter des informations diverses sur les étudiants et leur parcours scolaire et universitaire. La seconde partie a pour objectif de mesurer le degré d’anxiété langagière, d’identifier ses manifestations, et de mettre en lumière ses causes, en particulier celles liées au parcours pédagogique des répondants.
Au total, 69 participants ont répondu à ce questionnaire. Ils sont répartis dans trois spécialités en Master : Didactique des langues et des cultures, Littérature générale et comparée, et Sciences du langage.
3.1.2. Analyse des Programmes
Nous avons examiné en détail les programmes de formation en licence et en Master afin de déterminer s’ils tiennent compte des difficultés langagières associées à l’anxiété langagière et s’ils intègrent des stratégies pédagogiques visant à atténuer ce problème.
3.2. Résultats
3.2.1. Résultats du Questionnaire
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Profil des Participants :
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Les 69 participants comprennent 5 hommes (7,25 %) et 64 femmes (92,75 %).
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La majorité des répondants (88,40 %) ont entre 21 et 25 ans, tandis que 11,59 % ont entre 31 et 50 ans.
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Tous les participants (100 %) ont accumulé entre 15 et 17 ans d’apprentissage de la langue française.
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Pratiques et Difficultés langagières :
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60,86 % des participants aiment prendre la parole en public, tandis que 39,13 % ne l’apprécient pas.
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En ce qui concerne la langue dans laquelle ils se sentent le plus à l’aise en prenant la parole en public, 82,60 % préfèrent leur langue maternelle, 13,04 % optent pour le français, et 4,34 % préfèrent l’anglais.
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La majorité (71,01 %) des enquêtés déclare rarement prendre la parole en classe, tandis que 17,39 % le font souvent et 11,59 % n’osent jamais.
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Avant une présentation orale en classe, 78,26 % des étudiants se sentent nerveux et anxieux, 17,39 % sont enthousiastes, et 4,34 % n’éprouvent aucun sentiment particulier.
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Pendant leurs interventions en classe, la plupart des participants (82,60 %) se sentent mal à l’aise, ont peur de se tromper, et éprouvent une variété de symptômes physiques et psychologiques tels que la transpiration, les tremblements, la perte des mots, etc.
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Sur une échelle de 10, la majorité des participants (71,01 %) évalue leur peur de prendre la parole en classe à 5 ou moins, tandis que 28,98 % la situent entre 6 et 10.
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Appréhension de la Soutenance de Master :
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73,91 % des participants appréhendent beaucoup la soutenance de Master, 17,39 % l’appréhendent peu, et 8,69 % ne la craignent pas.
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Parmi ceux qui appréhendent la soutenance, plusieurs raisons ont été identifiées, notamment la peur de prendre la parole devant un jury (65,21 %) et la peur de prendre la parole devant un public inconnu (73,91 %).
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Apprentissage de l’Assurance pour parler en Public : La grande majorité des participants (84,05 %) n’ont pas reçu d’enseignement explicite sur la manière d’acquérir de l’assurance pour parler en public. Seuls 2,89 % déclarent avoir reçu une telle formation, tandis que 13,04 % ne se souviennent pas.
Ces résultats préliminaires suggèrent la présence significative de l’anxiété langagière parmi les étudiants de Master en français, ainsi que la nécessité d’examiner en profondeur les causes et les stratégies potentielles pour y remédier.
3.2.2. Résultats de l’Analyse des Programmes
Lors de l’analyse des programmes de licence en français et des trois spécialités de master, visant à détecter toute référence ou activité traitant des difficultés liées à l’anxiété langagière, nous avons identifié quelques occurrences en relation directe ou indirecte avec ce sujet. Ces références incluent :
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L’Exposé oral : Nous avons identifié ce cours dans les programmes de première et deuxième année de licence, en particulier dans le cadre du cours « Techniques du Travail Universitaire 1 (TTU 1) » ainsi que dans les cours de « Compréhension et Expression Orale 1 et 2 (CO/EO 1/2) ». De plus, l’exposé oral est également prévu au programme de la première année de la spécialité « Sciences du Langage ».
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La Prise de Parole en Public : Ce cours est intégré au programme de la matière intitulée « Techniques du Travail Universitaire 1 (TTU 1) ».
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Préparation de la Soutenance : Ce cours est inclus dans le programme de la matière nommée « Soutenance et Diffusion des Résultats de la Recherche », enseignée en deuxième année des spécialités « Didactique des Langues et des Cultures » et « Sciences du Langage ».
Toutefois, il est essentiel de noter que ces programmes ne spécifient pas clairement les objectifs de chaque cours, ne proposent pas d’activités pédagogiques concrètes, et ne détaillent pas de progression spécifique pour le développement des compétences langagières. De plus, l’absence de cohérence et de liens logiques entre les différents cours et séquences de cours a été constatée lors de l’analyse des programmes. Les programmes n’établissent pas d’objectifs clairs, de séquences cohérentes, ou de progression pédagogique pour les étudiants.
En somme, bien que certains cours relatifs à la prise de parole en public soient présents dans les programmes, l’absence de structure et de cohérence, ainsi que l’absence d’objectifs et d’activités pédagogiques spécifiques, rendent difficile le développement de compétences orales chez les étudiants.
3.3. Discussion
Les résultats de cette enquête révèlent que l’anxiété langagière affecte clairement les étudiants en Master du département de français de l’université Blida 2, quel que soit leur domaine d’études. Près de 75 % des étudiants sont touchés, ce qui a un impact négatif sur leurs performances en classe. Cette anxiété langagière ne doit pas être confondue avec la glossophobie, car elle ne se manifeste que lorsqu’ils s’expriment en français, langue étrangère pour la plupart d’entre eux. En revanche, en langue maternelle, 60,86 % des étudiants ne ressentent aucune anxiété en prenant la parole en public.
La soutenance publique de leur mémoire de Master en français représente une épreuve redoutée pour la majorité des étudiants, source d’angoisse et d’appréhension. Les résultats montrent que cette appréhension est exacerbée lorsqu’il s’agit de défendre leur travail ou de répondre spontanément aux questions posées.
Cette situation est préoccupante et requiert une attention immédiate. Les étudiants concernés achèvent leur parcours académique et se préparent à intégrer la vie professionnelle. La plupart d’entre eux envisagent de devenir enseignants, un métier qui exige une maîtrise exemplaire de la prise de parole en public. Par conséquent, nous avons examiné de près le cursus universitaire de ces étudiants, notamment les programmes de formation, afin de repérer d’éventuelles lacunes.
En ce qui concerne les programmes de licence et de master, bien que certains cours liés à la prise de parole en public soient présents, notre analyse détaillée a révélé un manque de cohérence et d’objectifs clairs. Les programmes ne prévoient pas de progression logique pour le développement des compétences langagières, ni d’activités pédagogiques pour aider les étudiants à surmonter les défis liés à leur formation spécifique.
Par conséquent, malgré la présence de certains cours sur la prise de parole en public, l’absence de structure cohérente, d’objectifs précis et d’activités pédagogiques appropriées empêche les étudiants de progresser efficacement dans ce domaine.
Conclusion
En conclusion, l’anxiété langagière est un trouble spécifique à l’apprentissage des langues étrangères. Lorsqu’elle touche des étudiants universitaires, elle entrave leurs performances et compromet leur réussite académique. Cette étude visait à mesurer la prévalence de l’anxiété langagière parmi les étudiants en Master 2 du département de français de l’université Blida 2 et à en identifier les causes. Pour cela, nous avons utilisé deux méthodes de recherche : un questionnaire et une recherche documentaire.
Les résultats indiquent que plus de 75 % des étudiants souffrent de l’anxiété langagière, un constat alarmant étant donné leur stade avancé d’études. Nous attribuons cette situation à l’absence de prise en charge pédagogique de l’anxiété langagière, comme l’a révélé notre analyse des programmes de formation.
Pour résoudre ce problème, nous préconisons une révision des programmes, la création d’un environnement favorable à l’apprentissage de la production orale, ainsi que le soutien psychologique des étudiants dès leur première année. Ces mesures contribueraient à réduire l’anxiété langagière parmi les étudiants en français de l’université Blida 2.
Enfin, il convient de mentionner que certaines pistes de recherche auraient mérité une exploration plus approfondie, notamment l’examen du parcours des enquêtés depuis leurs premières années d’apprentissage, voire dès l’école primaire.