Tamazight : officialisation et enjeu de la citoyennabilité linguistique en Algérie

ترسيم اللغة الأمازيغية ومسألة المواطنة اللغوية في الجزائر

The officialization of the Tamazight language and the issue of linguistic citizenship in Algeria

Nadira Chahboub et Ali Belaidi

p. 11-29

Citer cet article

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Nadira Chahboub et Ali Belaidi, « Tamazight : officialisation et enjeu de la citoyennabilité linguistique en Algérie », Aleph, Vol 10 (3) | 2023, 11-29.

Référence électronique

Nadira Chahboub et Ali Belaidi, « Tamazight : officialisation et enjeu de la citoyennabilité linguistique en Algérie », Aleph [En ligne], Vol 10 (3) | 2023, mis en ligne le 14 mai 2023, consulté le 23 novembre 2024. URL : https://aleph.edinum.org/8627

Cet article propose de traiter la question de la constitutionnalisation de la langue tamazight en tant que langue nationale et officielle. Officiellement, l’Algérie devient un pays bilinguiste. Dans cette perspective, l’article discute les stratégies adoptées par l’institution dans le processus de cette officialisation tout en mettant en lumière les enjeux possibles qui peuvent en ressortir. En outre, le prisme historique-politique semble de mise pour une compréhension objective de ces enjeux. Enfin, des témoignages, d’exemplarité, révèle des postures divergentes envers cette officialisation avec des connotations idéologiques.

يُعنى هذا المقال بدراسة مسألة دسترة اللغة الأمازيغية بحسبانها لغة وطنية ورسمية. وبذلك، أصبحت الجزائر، رسميا، بلدا مزدوج اللغة. وفي هذا المضمار، يناقش هذا المقال الاستراتيجيات التي تبنتها الدولة في عملية الترسيم، مسلطين الضوء على مختلف التحديات التي من شأنها التجلي للعيان. أضف إلى ذلك، العامل التاريخي-السياسي الذي له من الأهمية البالغة في الفهم الموضوعي لهذه التحديات. وأخيرا، سقنا شهادات وأمثلة من شأنها الكشف عن مواقف متباينة ذات دلالات إيديولوجية إزاء هذا الترسيم للغة.

This article aims to address the issue of the constitutionalization of the Tamazight language as a national and official language. Officially, Algeria is becoming a bilingual country. In this perspective, the article discusses the strategies adopted by the institution in the process of this officialization while highlighting the possible issues that may emerge. In addition, the historical-political prism seems to be appropriate for an objective understanding of these issues. Finally, testimonies, of exemplarity, reveal divergent postures towards this officialization with ideological connotations.

Introduction 

Parler de la citoyenneté linguistique en Algérie nous impose à relire la problématique de la pratique langagière dans la société algérienne. Ensuite, dans un cadre plutôt institutionnel, poser un regard objectif sur les deux langues nationales et officielles dans cette même société, à savoir l’arabe et tamazight. Dans un second moment, tenter de cerner le concept de citoyenneté dans le contexte algérienne et son rapport avec les deux langues officielles et nationales.

De prime abord, la réalité hybridée du bassin linguistique est directement liée au passé proche et lointain de la société algérienne, qui est aussi à l’origine d’un déséquilibre dans la pratique langagière au quotidien (cf. Belaidi 2021; Taleb-Ibrahimi 2008). Ajouté à cela, l’illettrisme, le lendemain de l’indépendance, était à 95 %. En ce moment de l’histoire, le choix d’adopter la langue arabe comme langue nationale est dû à plusieurs facteurs, politique, historique et social. Mais ce qui est certain, la mouvance du nationalisme arabe a trouvé de cette société un terrain propice. Par ailleurs, la reconduction du système colonial dans la gestion des affaires administratives a privilégié l’usage du français (Guérid 2007), ceci est aussi vrai dans le secteur économique, où le français demeure à nos jours la langue dominante. Cependant, et même si le français maintient son statut de langue de prestige social (Belaidi 2021), il semble perdre du terrain chez les nouvelles générations. Ce recul s’explique par l’enseignement de l’arabe qui se propage sur tout le territoire national. Pour certains, la victimisation et le déni du français symbolisent le passé traumatique lié au colonialisme. Conséquemment, la langue arabe occupe aujourd’hui la majorité des sphères officielles (Dahmane 2019 ; Chahboub 2013).

Par ailleurs, si l’arabe était et demeure politiquement soutenu, la langue tamazight n’a pas reçu le même traitement dans l’Algérie indépendante. Il n’est pas inutile de rappeler que la question de l’affirmation politique autour du tamazight a été posée pour la première fois au milieu du XXsiècle, dans une Algérie alors soumise à une colonisation de peuplement française réduisant ses habitants autochtones à des citoyens de seconde zone, privés de tout droit et spoliés de leurs terres (Aourane et Idir 2018). En Algérie colonisée, l’unité politique des Algériens est pour beaucoup fondée sur une commune opposition au colonialisme. Ces Algériens et Algériennes s’affirmaient non comme des héritiers de civilisations ou de cultures particulières, mais comme les membres d’une nation née du refus de l’assujettissement. La conscience nationale, bien qu’elle trouve occasion à se renforcer dans le sentiment d’une unité culturelle et religieuse, est liée avant tout à la prise de conscience de cette situation (Ibid.). Les soubassements idéologiques auxquels souscrit la conception de la nation algérienne s’appuient sur deux principales notions : arabité et islamité comme dimension exclusive de l’identité algérienne.

Dans les premières années postérieures à l’indépendance, la mise en marche des mesures d’arabisation, l’interdiction de l’enseignement et de la diffusion du berbère et les arrestations des militants berbères auront pour conséquence la politisation du mouvement berbère originairement culturel et qui, dès cette époque, fera le parti d’un projet de société laïque et démocratique, pluraliste aux plans linguistique et culturel (Carratón-Matteu 2018). Dans ce contexte, certains renvoient le conflit entre les arabophones et la tamazight à la période coloniale qui use de langue pour créer la séparation (Saldi 2019). Mais, l’absence d’une réelle politique linguistique postcoloniale qui prend en charge la réalité linguistique, en imposant la langue arabe, a alimenté la grogne sociale de la population amazighe, et a favorisé la revendication pour la langue Tamazight. Dès les années 1970, le mouvement d’affirmation amazighe revendiquait son amazighité à son algérianité. Résultat : le printemps amazigh du 20 avril 1980 dont plusieurs manifestations et un grand mouvement de protestation ont dégénéré en troubles a été affronté par une forte oppression qui a fait des dizaines de morts et des milliers de blessés. Cette date devient alors symbolique pour la population amazighe. D’autres évènements ont suivi, mais les plus marquants, ceux de 2002, ensuivant dans la même année un arrêté présidentiel qui a été émis faisant de Tamazight une langue nationale pouvant être enseignée dans les établissements scolaires (Safi, 2015).

Plus tard, la reconnaissance du gouvernement algérien en février 2016 de la langue Tamazight comme langue officielle a remis le débat de la coexistence linguistique par rapport aux élites qui refusent la Tamazight ce qui accentue la crise identitaire sur le plan linguistique (Salmi 2019), et au niveau de citoyennabilité.

D’une manière générale, ces conditions postcoloniales, jusqu’au début des années 2000, n’ont pas favorisé l’apparition de la citoyenneté. L’État a sous-estimé la prise en charge de l’ensemble des droits physique, moral, individuel et collectif ; conséquemment, une distanciation du citoyen de ses obligations envers l’institution devient bel et bien manifeste. Cette citoyenneté ne peut se réaliser que dans un équilibre entre droits et obligations se déterminant à travers une reconnaissance individuelle et collective. Ce même équilibre permettra la participation citoyenne dans l’action sociale et politique. Mais, ce concept de citoyenneté peine à trouver une place dans le vocabulaire algérien. Ce même concept se pose fortement sous l’angle linguistique et s’interroge sur la réalité de la citoyenneté linguistique de la société algérienne, d’autant plus que le contexte algérien impose une coexistence linguistique. Cette coexistence, à son tour, interroge l’usage de la langue dans les institutions et les espaces publics, où la logique officielle occupe le maximum d’espace à servir l’éducation et favoriser aussi la culture nationale. Mais, cette même coexistence se conjugue dans un déséquilibre dont on retiendra ces questionnements :

Quelles sont les conséquences du déséquilibre de la pratique linguistique entre l’Arabe et Tamazight, et comment peut-on saisir la citoyennabilité ?

  • Comment est perçue la citoyennabilité au niveau linguistique dans le contexte algérien?

  • Comment éviter le désordre linguistique?

1. Démarche méthodologique

Afin de comprendre et analyser la question de tamazight dans la société algérienne, nous tenterons dans un premier moment de brosser le portrait global qui concourt à la production des débats relatifs à la question de la langue tamazight dans la société algérienne. Nous ciblerons à cet effet les principaux questionnements qui s’articulent autour de ces débats.

Dans un deuxième moment, et partant de nos entretiens compréhensifs et groupes de discussions, nous analyserons les thématiques relatives à la langue tamazight dans la réalité algérienne. L’analyse ici s’appuiera sur des témoignages relevés lors de notre recherche. Nous utiliserons donc si c’est nécessaire des extraits pour supporter nos analyses. Dans la même veine, l’analyse va se réaliser sur deux niveaux : le premier au niveau individuel pour saisir la visée phénoménologique, et le second niveau collectif pour appréhender le niveau structural chez nos participant-e-s.

Ensuite, nous attacherons de lire la dynamique du religieux dans cette communauté. La focale principale ici est tamazight et la citoyennabilité linguistique.

1.1. De l’identité à la citoyenneté de la langue arabe en Algérie

D’emblée, le fait sociolinguistique en Algérie est très complexe. Les politiques linguistiques menées dans le pays depuis l’indépendance n’ont pas réussi à instaurer un équilibre sociolinguistique. Conformément à la constitution, « la langue arabe est la langue nationale et officielle de l’État. » (Cons. 1963. Art. 05). Mais, l’arabe, tel que parlé à l’Est, au Sud ou à l’Ouest de l’Algérie, présente des variations très sensibles. Encore, l’imposition et la reconnaissance que l’arabe comme langue nationale et officielle n’a pas empêché d’autres langues à exister dans la pratique sociale, Tamazight notamment (Bektache 2018). De plus, en raison du passé relatif au colonialisme français, cette langue officielle, utilisée dans l’administration, les institutions d’éducation, dans le discours politique, les correspondances et différents documents, demeure en position de rivalité face à la langue française (Salmi 2019).

Par ailleurs, l’arabe se pratique sous deux formes distinctives : l’une est de l’ordre scolaire, et la seconde est de l’ordre du parler. Ce contexte particulier de son usage octroie au parler arabe un statut plutôt inférieur que celui de l’arabe scolaire. Dans une perspective foucaldienne, la reconnaissance du statut officiel de l’arabe est étroitement liée à la question du pouvoir et la reconnaissance de ce pouvoir postindépendance. De même, cette particularité du parler algérien s’explique aussi par l’effet de l’histoire de la région. D’ailleurs, l’interaction entre l’arabe et tamazight pour des siècles a fait de l’arabe de cette région un parler distinctif avec l’imbrication de vocabulaire de tamazight (Sadoudi 2019).

Il n’est pas inutile de rappeler que l’introduction de cette langue en Afrique du Nord était principalement liée aux conquêtes arabes, dites aussi les ouvertures musulmanes. Ces conquêtes ont été accompagnées par la langue arabe et l’islam, comme religion ; d’où cet aspect de sacralisation linguistique qui est observée dans l’apprentissage de la langue arabe.

Ceci est principalement lié à la socialisation religieuse censée se pratiquer en arabe. D’ailleurs, l’école algérienne enseigne l’appartenance de la nation algérienne à la « Oumma », qui est aussi un héritage historique de l’islam arabe.

Dans cette veine, l’identité algérienne, en tant que nation, découle de son héritage historique lié aux traditions de la culture algérienne. Cet héritage est profondément complexe. Théoriquement, la langue arabe détermine la culture algérienne et renforce son identité et aussi le sentiment du citoyen. Paradoxalement, la citoyenneté de la langue arabe en Algérie se pose en force ; pour l’unicité du citoyen, la visibilité de l’unité nationale « non dite », et l’identité arabo-musulmane sont fortement revendiquées. Certains appellent à la protection de la langue arabe comme une nécessité et une protection de l’identité arabo-musulmane (Saldi 2019). La pluralité est niée et le pluralisme linguistique est considéré comme une source de division menaçant l’unité nationale, basée sur l’arabe et l’islam (Zenati 2004). Toutefois, les difficultés rencontrées par l’école algérienne dans l’enseignement de la citoyenneté linguistique dissimulent le conflit idéologique présent entre les arabisants, les francophones et les Amazighes.

Par ailleurs, et dans un ordre plutôt constitutionnel, la constitution algérienne a subi plusieurs modifications. Depuis sa constitution, sept modifications constitutionnelles ont été apportées afin de s’adapter aux contextes social, politique et économique : 1963 ; 1976 ; 1989 ; 1996 ; 2002 ; 2008 ; 2016. Les trois dernières modifications constitutionnelles ont été réalisées durant uniquement quatorze années. La chronologie des constitutions s’accorde à ce que la langue arabe, en tant que langue officielle, est un élément fondamental de la République algérienne.

1963 : « La langue arabe est la langue nationale (qawmya) et officielle de l’État »

1976 : « La langue arabe est la langue nationale (wataniya) et officielle, l’État fait de sorte à généraliser l’usage de la langue nationale dans le contexte officiel. »

1989 ; 1996 ; 2002 ; 2008 ; 2016 : « La langue arabe est la langue nationale et officielle. »

L’État algérien a mis sur place le Haut Conseil de langue arabe (HCA), ayant pour rôle le développement de l’usage de langue arabe dans les différents champs notamment scientifique et technologiques (Chahboub 2013). Ce même conseil est directement lié à la présidence, et financièrement indépendant (Ben Aichouche 2019). En outre, la constitution est impliquée dans le développement et la protection de la langue arabe. D’ailleurs, il est interdit de faire une correspondance administrative avec une autre langue que l’arabe. Conséquemment, la langue arabe est le fondement de l’identité nationale et personnalité algérienne.

1.2. Les maux de l’identité citoyenne algérienne

Dans la continuité de la section précédente, et dans un registre historique, étant donné qu’avant la colonisation il n’existait pas d’« identité algérienne » explicitement affirmée en tant que telle, il fallut en « fabriquer une neuve », qui ne reflétait pas la véritable composition de la société algérienne. C’est à cette fin que le FLN imposa la nécessité de reprendre l’identité arabo-musulame d’Algérie à travers le rejet du français et des langues que la population parlait, y inclus l’arabe dialectal algérien. Limitant de cette manière les éléments constitutifs de l’identité algérienne à deux composantes, l’arabe et l’islam, on excluait la possibilité d’admettre que cette identité était plurielle (Carratón-Matteu 2018).

La constitution algérienne de 1963 déclarait dans son article 4 que l’islam était la religion de l’État et dans son article 5 que la langue arabe était la langue officielle de l’État, ce pour quoi, selon l’article 76, l’arabisation devait être menée à terme dans les délais les plus brefs possibles. Peu à peu, on imposa l’Arabe dans les différents cycles de l’enseignement, et, bien qu’on n’arrivât pas à évincer totalement le français qui était considéré comme la « langue du pain », on manifesta du mépris à l’école pour les langues maternelles des étudiants.

Le nationalisme arabisant étant converti en doctrine officielle du régime qui se mettait en place.

Si l’État algérien revendique un islam authentique et pur, son objectif est de faire disparaitre toute autre identité distinctive de l’islam avec pour base l’appartenance à une unique nation musulmane, la « Oumma islamiya », cimentée sur la langue arabe. Dans cette veine, l’islam de population amazighe est indéniable, toutefois c’est la nature de l’islam qui semble prendre une autre forme. En effet, l’islam durant la période coloniale se traduisait dans un islam traditionnel, où les confréries et zawiyas avaient une place considérable chez les Algériens. La revendication de l’État algérien de l’islam comme religion d’État a donné un caractère politique à cette religion, avec l’accompagnement de la langue arabe qui prenait un caractère sacralisant. Dans ces conditions, agresser dans leur identité amazighe, le mouvement amazigh, en réaction à l’offensive arabe et son vecteur le réformisme musulman, considérait l’arabe comme une pratique d’exclusion et comme un obstacle au développement de la culture et la langue tamazight, d’où on comprend la politisation de cette cause.

2. La constitutionnalisation de Tamazight comme langue officielle

À l’occasion de la révision constitutionnelle et par voie parlementaire, le 7 février 2016, la constitution annonce l’officialisation de la langue Tamazight, dite aussi langue berbère (Bektache 2018). À partir de cette date Tamazight est une langue nationale et officielle, comme le stipule clairement l’article 4 : « Tamazight est aussi une langue nationale et officielle. » À l’instar du haut conseil de la langue arabe, le conseil de la langue tamazight est créé. Ce dernier est relié à la présidence, son but principal est de concrétiser l’usage de la langue et les manières de l’appliquer dans le contexte éducationnel. Dans la même veine, le regroupement algérien de Tamazight comme aspect national (appelé groupement) rassemble les écrits de tamazight à travers le territoire national et travaille à développer la langue (Ben Aichouche 2019).

La langue tamazight soulève plusieurs questionnements. Parmi ces questionnements son écriture : à ce propos nous distinguons trois graphies : Tifinagh, arabe, latin. Avec quelle graphie donc doit-on écrire Tamazight? De même, la question d’une langue standard : Si Tamazight est une langue enseignable, il est utile de noter l’existence, au moins, de quatre variations du parler : kabyle ; shawi ; Mouzabit ; Tergui ; d’où cette nécessité de la standardiser. De plus et en matière d’enseignement, doit-on obliger l’enseignement de la langue tamazight pour les enfants?

Bien que Tamazight soit une langue officielle, en réalité elle n’est pas obligatoire comme l’Arabe dans l’école algérienne. Donc, il revient aux personnes de choisir d’apprendre cette langue pour leurs enfants (Belhada 2019). Cette situation a engendrée une réelle problématique au sein de l’école, car cela est lié à comment les parents prévoient le futur de leur enfants.

L’écriture de tamazight en alphabet latine est considérée comme un succès du courant francophone et dénie toute complémentarité entre l’arabe et tamazight.

La problématique de la graphie a permis aux deux courants arabophone et francophone de se jeter l’anathème. D’ailleurs, si l’arabe n’est pas en compétition avec tamazight, la concurrence se lit par rapport à la langue française, d’où la question avec quel alphabet doit-on écrire tamazight : Arabe ou latin. (Kerad 2019 ; Belhada 2019).

Il ne s’agit pas ici de prendre parti avec quiconque courant, mais il importe de faire un inventaire jusqu’ici sur les écrits déjà réalisés.

2.1. La réalité de l’aménagement linguistique de Tamazight

L’institutionnalisation de la langue Tamazight comme langue nationale et officielle ainsi que son introduction dans le système éducatif oblige un travail d’aménagement de cette langue. Ceci permettra d’aboutir à un processus de revalorisation réelle de cette langue voire l’extension de son usage et une nouvelle distribution des langues, plus une langue sert et plus se valorise (Sabri 2006). Car son évolution et son développement dépendent de la volonté de ses utilisateurs, et non à des prétendues qualités qui lui serait propres (Manna 2006). Toutefois, l’enseignement de tamazight est un enseignement facultatif (Belhada 2019), il manifeste un manque de matériaux pédagogique et didactique. Le matériau se présente dans des graphies différentes, ce qui met l’apprenant dans l’obligation de choisir l’une d’elles (Sabri 2006).

Le processus d’aménagement prendra en charge deux aspects : le premier est celui de construire une langue standardisée, fonctionnelle qui assure l’efficacité communicative ; le second consiste dans son extension sociale voire son emploi dans tous les domaines (Sabri 2006). Concernant le premier aspect, les facteurs les plus favorables à la standardisation de tamazight est l’identité commune. En Algérie, les berbérophones ne forment pas actuellement une communauté linguistique unique, mais des communautés distinctes ayant chacune une dénomination propre de la variété dialectale qu’ils utilisent. Par conséquent, le degré de conscience identitaire au sein des communautés berbérophones actuelles se présente de façon divergente, la prise de conscience de l’appartenance à la même ethnie, le fait de partager la même histoire et surtout la même langue peuvent fournir une convergence de la conscience identitaire (Chemakh 2006).

S’il apparait logique de considérer que l’aménagement du corpus est un préalable à l’aménagement du statut d’une langue, il faut toutefois noter que la standardisation se fait également, et en grande partie, par l’enseignant. Les deux étapes de l’aménagement linguistique se retrouvent donc dans le cadre scolaire (Abouzaid 2006).

Si l’enseignement de tamazight, tel qu’il est conçu maintenant, présente la langue tamazight comme une langue standardisée, ayant une norme écrite, à l’instar de l’arabe, du français, le terrain offre une autre réalité, parfois difficile à gérer pour les enseignements, qui affrontent au quotidien les problèmes de la variation linguistique au sein même d’un même parler, ainsi que le problème de l’ortographe, le problème de la norme écrite à enseigner (Berdous 2006). En outre, l’enseignement de tamazight est passé, dans un temps records de l’enseignement purement grammatical à l’enseignement thématique, à l’enseignement de techniques discursives. Actuellement, on parle dans les programmes de tamazight de l’enseignement avec l’approche par compétence de la pédagogie de projet. Cette réalité est due à l’absence de formation auprès des enseignants qui ne prend pas en charge la situation linguistique et le statut politique de cette langue (Berdous 2006). En somme, Tamazight insuffisamment aménagée est confrontée à de nombreuses difficultés.

2.2. Incomplétude institutionnelle de l’aménagement de tamazight

L’aménagement institutionnel s’est porté essentiellement sur le statut. En fait dès 1989 et durant les années 1990, un fait notable est relevé dans la politique officielle vis-à-vis du tamazight. Un changement d’attitude s’est opéré dans le discours officiel où l’on est passé de la négation — exclusion de la réalité berbère à une timide intégration. L’institution du HCA 1995 et l’intégration d’un enseignement de tamazight par l’Éducation nationale (dès 1995) sont les premières mesures qui en découlent. Toutefois, il n’existe pas de politique officielle réelle de prise en charge effective du tamazight (Chemakh 2006).

L’enseignement du tamazight est toujours facultatif. Il n’est même pas généralisé ne serait-ce dans les régions berbérophones où il est encore limité à quelques années et à certaines divisions pédagogique uniquement (chemakh 2006).

En dehors d’un journal télévisé diffusé essentiellement en trois variétés dialectales par la chaine étatique ENTV, le tamazight n’est pas encore utilisé dans les administrations publiques exécutives et législatives (collectivités, assemblées) ni judiciaires, exception faite des panneaux de signalisations dans certaines localité de Kabylie.

La prise en charge étatique des différentes productions culturelles et artistiques (non privées) est quasi-absente (Chemakh 2006).

Dans ce sens, bien que l’université ou l’école, où les instituteurs et par la suite les écrivains ont été formés, soient des appareils idéologiques d’État au sens althussérien du mot, on ne peut parler d’intervention d’institution ou de l’État (Chemakh 2006) ; d’où cette incomplétude institutionnelle.

Cette incomplétude est accentuée par la situation sociologique de tamazight. Celle-ci est en situation de minorisation sur le marché linguistique national, mais qui, cependant, a fait l’objet d’une certaine forme de « valorisation » qui doit beaucoup à la revendication militante soutenue par les représentations positives que les loctueurs de cette langue ont su exprimer (cf. Belaidi 2021). C’est cela qui a entrainé son institutionnalisation : sa reconnaissance en tant que langue nationale et oficielle « au même titre que la langue arabe ».

Comme langue de promotion sociale, compte tenu du fait que cette langue n’est pas cotée en bourse des langues et que les jeunes algériens ne sont pas insensibles aux côtes boursières (Morsly 2006), la valeur de Tamazight est surtout associée aux dimesnions identitaire et affective, elle est ainsi très peu envisagée comme susceptible de fournir quelque bénéfice sur le marché linguistique ou dans la compétition internationale (Morsly 2006).

3. Tamazight et la question idéologique de la graphie

Durant des siècles, le berbère a cessé ou presque toute production ou innovation lexicale même pour faire face aux besoins imposés par les nombreuses réalités nouvelles que devait connaitre la société, en optant pour la solution de facilité en se contentant d’emprunter, en plus des objets, les lexèmes qui les désignent. Ce phénomène de rejet du néologisme par emprunt serait, peut être, le résultat d’un complexe, d’une honte de soi et de son passé, de l’appréhension de faire apparaitre les faiblesses d’un peuple ou d’une langue qui se sont laissés dominés à une étape donnée de leur histoire. Ceux-ci produisent cette réaction de rejet envers l’arabe, et parfois même de l’islam, par frustration étant donné que les deux proviennent de la civilisation et de la culture des arabes qui ont occupé, à une époque donnée, l’Afrique du Nord. Cette réaction est plutôt idéologique puisque la colonisation française a réservé le même sort aux berbères et à leur langue (Imarazene 2006).

Conséquemment, le choix de la graphie n’est jamais innocent, il répond à l’idéologie. L’utilisation du latin correspond le plus souvent à une vision occidentaliste de la société, celui de l’arabe rattache au monde arabo-islamique et le tifinagh symbolise l’authenticité. On comprend que le débat autour de ces questions suscite des passions et donne lieu à des positions souvent inconciliables (Lounaouci 2006).

Ce courant plus universaliste revendique la modernité. Il a la prétention de participer et contribuer à l’enrichissement de la culture universelle. Les travaux de modernisation du lexique avec des néologismes scientifiques sont à ce titre explicites. (Lounaouci 2006).

L’écriture en tant que produit culturel, mais aussi support du savoir va systématiser la pensée et agir ainsi, sur elle. Elle « cesse d’être la servante de la parole » (Derrida 1967). L’écriture a sa propre dynamique et fonctionne selon une logique interne autonome par rapport à l’oral. C’est par elle que se transmet la connaissane qui devient sujette au jugement. Elle permet la remise en cause d’une vérité toujours à trouver. L’écriture est une structure structurante, en ce sens, que c’est un système qui met de l’ordre dans la pensée, mais aussi dans la syntaxe.

L’alphabet arabe garde de nombreux adèpetes en tant que support graphique de la langue du Coran. Sacraclisée, les pays musulmans n’arrivent pas à s’en détacher. La graphie arabe s’est fétichisée pour reprende Abdellah Laroui (Lounaouci 2006).

Le choix des caractères latins pourrait s’avérer plus controversé, plus contexté et surtout plus difficile à mettre en œuvre dans le cas où l’on opte pour une seule tamazight standard dans la mesure où, en dehors de la kabylie, l’utilisation de ces caractères risque de poser un problème chez les populations moins familiarisées avec cette graphie alors qu’elles sont habituées à la graphie arabe.

L’option de choisir la graphie la mieux implantée dans chaque région amazighophone ; c’est-à-dire, là où le latin est déjà couramment utilisé, il serait la graphie à choisir alors que là où soit l’arabe soit le tifinagh est la graphie la mieux implantée, on le choisirait de préférence. Cette propostion a le mérite de respecter les réalités socioculturelles dans leur diversité et de chercher à éviter des divisions profondes autour de cette question par l’astuce d’une formule pluraliste qui pourrait satisfaire tout le monde. par contre elle a l’inconvénient de consacrer la fragmentation de la popualtion amazighophone algérienne. L’application de cette formule risque de faire en sorte que le latin soit la graphie choisie en Kabylie et au Chenoua, l’Arabe au M’zab Gourara et la partie Chaoui, le tifinagh à Djanet et Tamanrasset (Maougal 2006).

L’aspect pluraliste de cette formule est double, d’une part, la distinction entre l’action de l’état et l’action de la société civile, d’autre part, la possibilité de variation dans les choix de cette dernière selon les régions (Maougal 2006).

4. La citoyennabilité de la langue Tamazight

Tout conflit révèle l’absence de reconnaissance de l’autre ; l’officialisation de Tamazight, après une longue marginalisation en silence, est une réelle expression de reconnaissance et de reconsidération du statut de cette langue dans la société algérienne. Ainsi, Tamazight est une partie de la formule linguistique présentée d’une manière particulière dans les régions algériennes, en compagnie avec l’Arabe et les langues étrangères. D’où son importance sociale et politique.

Par ailleurs, les gens ont donné des interprétations idéologiques à la diversité linguistique et la manière de sa gestion. Cette idéologie a donné naissance, à son tour, à un dénigrement d’une langue par rapport à une autre favorisant ainsi une tendance séparatiste de tamazight.

4.1. L’école et l’urgence d’une politique bilinguiste

Si la langue est une sécurité sociale et éducative, la diversité linguistique doit se saisir dans la trame sociale et ses interactions au quotidien pour une équité linguistique (Bousalah 2019). D’ailleurs, malgré les efforts de l’État, un réel déséquilibre dans les sphères de l’éducation.

Le système d’éducation peine à réaliser un apprentissage de qualité dans les langues, et la politique linguistique peine à trancher sur la question de la langue (Dahmane 2019).

L’officialisation de tamazight accompagnée d’une tentative de généralisation de son enseignement et la coexistence dans le système éducatif semble freinée, sans pour autant savoir les réelles causes de ce freinage. En effet, la diversité linguistique peut devenir un réel obstacle, dans le système éducatif, si celle-ci n’est pas rationnellement accompagnée le long de son enseignement avec des programmes bien travaillés. C’est dans cette perspective que la diversité linguistique peut devenir un élément ou facteur de la citoyenabilité.

Cette citoyenabilité peut se concrétiser dans un contrat moral, culturel et linguistique entre l’État, le citoyen, la base fondement de citoyenneté linguistique avec le renforcement de la culture citoyenne. De ce fait, l’intérêt pour l’héritage Amazigh et de mise, car c’est une composante symbolique et centrale du soi et de la conscience algérienne.

4.2. La divergence des témoignages

Dans les lignes qui suivent, nous exposons certains témoignages de nos participants pour élucider les orientations diversifiées qui peuvent exister. En outre, notre échantillon a ciblé uniquement des parents de niveau universitaire, ceci est surtout dû à l’accessibilité et sensibilité de ces personnes à cette question, mais aussi lié au manque de moyen pour réaliser notre recherche.

Participant 1 : « Je m’identifie en tant qu’algérien kabyle. Je parle arabe, mais ça ne fait pas de moi un arabe. (…) Pour mes enfants, j’essaie de ne pas reproduire les erreurs des anciens. Je suis réaliste, on est à l’ère de la mondialisation, je ne vais transmettre ma crise identitaire à mes enfants. Donc ça ne sert à rien de leur apprendre le tamazight. C’est juste un encombrement de mon point de vue. Maintenant place à l’anglais, même le français est dépassé alors n’en parlant pas de l’arabe. »

Participant 2 : « Je suis Kabyle, mais je ne parle pas le kabyle et je fais de mon mieux pour que mes enfants apprennent le tamazight que moi je n’ai pas la chance d’apprendre. Mais, il est toujours important de rappeler que nous sommes des musulmans et l’arabe est la langue du coran. Donc, il n’y a rien à négocier sur ce volet […] »

Participants 3 : « […] Oui, je suis pour l’apprentissage de tamazight, mais bien entendu avec le latin, en arabe c’est comme qu’on a rien fait. L’arabe n’avance à rien. Mais chacun son point de vue. De plus, sur le plan scientifique, le tamazight est très en retard, donc son apprentissage c’est juste pour une question culturelle et identitaire et n’a rien à voir avec le scientifique […] »

Participants 4 : « C’est toujours bien d’apprendre le tamazight aux enfants. Moi personnellement, je ne pense pas que je pourrai y parvenir. Les enfants sont frais est plus d’énergie dans l’apprentissage de la langue de nos ancêtres. […] Aussi, plus ils apprennent la langue plus ils s’ouvrent au monde. Et même sur le plan identitaire. ils vont sentir les racines. Pour moi, j’ai toujours eu ce manque que j’étais convaincu depuis mon enfance que l’arabe n’est pas ma langue, de plus je ne me sentais pas vraiment algérien, c’est un sentiment qui a grandi avec moi pour plusieurs raisons. Mais, pour mes enfants c’est différent, je les éduque à revendiquer leur citoyenneté et leur identité […] »

Nous avons exposé les témoignages ci-dessus afin de donner un support réel à notre lecture théorique. En outre, si la crise identitaire est tout le temps présente, cette même crise a une influence sur la perception de la citoyenneté chez nos participants. Toutefois, si pour certains il est de mise de transmettre ce sentiment identitaire lié à langue tamazight, elle semble, pour d’autres de moindre importance. Nous rappelons ici, qu’on est loin de la généralisation, notre recherche propose dans une logique d’exemplarité. Au-delà de ces cas particuliers, un travail de terrain, s’il est institutionnellement soutenu, pourrait aboutir à des résultats généralisable, mais surtout à trouver des issues à nos questionnements relatifs à la diversité linguistique en Algérie et l’importance de la citoyenabilité.

Conclusion

En Algérie, il est nécessaire d’articuler le projet national éducatif avec le projet socioculturel linguistique et politique. Surtout que maintenant tous les États sont en plein mondialisation qu’impose les lois de marché (Dourari 2004). Le conflit linguistique présent en Algérie est strictement lié à la politique linguistique adoptée par l’État. La revendication de la langue exclue signifie en valeur de reconnaissance identitaire et citoyenne (Larbi et Ayouche 2019). Si les courants divergent avec quel alphabet écrire Tamazight ; et tout en considérant les travaux réalisés jusqu’ici dans le champ de la langue tamazight, il nous semble qu’il est plus prudent d’adopter les deux alphabets. Ceci permettra de trouver un terrain d’entente entre les deux courants à savoir l’arabisant avec sa référence au religieux et le deuxième courant francophone. Cette option engendrera plus de richesse en relation et de production scientifique en rapport avec la langue tamazight, en latin et tamazight en arabe.

En effet, Tamazight est rendu visible dans un paysage plurilingue qui compte, l’arabe scolaire et l’arabe algérien. L’Algérie dispose, aujourd’hui d’une expérience appréciable d’enseignement-apprentissage qui autorise une évaluation objective dans le but d’asseoir cet enseignement sur des bases scientifiques. L’enseignement de Tamazight nous convie à la normalisation-standardisation en tant que langue pédagogique, mais aussi liée à la citoyenneté qui est l’amazighité de la société algérienne et son ancrage civilisationnel, culturel et identitaire, pour l’avènement d’une société citoyenne, apaisée et de plus en plus intégrée.

Dans cette veine, la bonne action de l’institution est indéniable, quand celle-ci initie un déplacement constitutionnel, en reconnaissant Tamazight en tant que langue nationale et officielle.

En revanche, l’aménagement de cette langue suppose le traitement de la question relatif au passage à l’écrit, et donc son usage dans des domaines formels auxquels tamazight n’est pas habitué. Dans le même ordre, les enjeux soulevés de type symbolique relatifs à la présentation des uns et des autres des dimensions de l’identité nationale, des constructions identitaires en cours et des désirs d’identité. Ainsi, si l’écriture tamazight est un acte symbolique, le simple fait d’envisager l’étude de la possibilité d’écrire en caractères arabes peut être assimilé à une arabisation de tamazight, et pour certain c’est un acte de trahison. Le tifinagh censé être la graphie authentique de cette langue par ailleurs.

Par conséquent, le combat pour tamazight s’est entremêlé, dans l’histoire récente de l’Algérie indépendante, avec le combat contre la politique linguistique volontariste d’arabisation totale et immédiate prônée par l’État nationaliste enjeu vital. Sous l’empire des traumatismes culturels et politiques causés par cette politique linguistique, qui visait rien moins que l’implantation et la consolidation du conservatisme religieux prôné par les fils spirituels des Ulémas dont l’idéologie a dominé la politique éducative de l’Algérie indépendante (Dourari 2001).

La question de la graphie est essentiellement idéologique. Si écrire en caractère arabe signifie l’arabisation de tamazight, écrire en caractère latins (ou français) peut aussi signifier latinisation ou francisation de tamazight. Mais écrire en caractères arabes ne rendrait pas les Algériens plus arabes, plus conservateurs et inversement écrire en caractères latins ne les rendrait pas français ou plus occidentalisés.

Il est vrai que certains arabisants algériens, pleinement sous l’emprise de l’idéologie arabiste, ont systématiquement négligé de s’occuper de tamazight considérée et stigmatisées par beaucoup d’entre eux comme un dialecte perturbateur de l’unité arabe rêvée. En outre, la graphie, en dépit de son importance symbolique, n’est pas linguistiquement structuralement) déterminante pour une langue. Aussi, le Discours idéologique arabe contemporain démontre la déréalisation du discours arabiste et islamiste, son caractère autistique. La notion d’Unité arabe comme une mythologie et une véritable fumisterie qui emprisonne la pensée rationnelle et la représentation de soi dans une auto-odi-destructrice (Dourari 1993).

Mais dans une perspective plus réalise, cette question de graphocentrisme1 masque une idéologique. La non normalisation de tamazight alors que celle-ci est enseignée depuis 1995, d’un côté, et les non-dits idéologiques et politiques sous-tendus par toutes opération de planification linguistique dans une société plurilingue et plurielle a l’habitus démocratique superficiel. Ce graphocentrisme masque, autant qu’il révèle d’ailleurs, des stratégies politico-idéologique dont il est nécessaire d’énoncer le contenu pour permettre un débat qui fait avancer la réflexion : une volonté de marginalisation de la langue tamazight pour les autant qu’une volonté de son exogénisation du corps social et culturel pour les autres ; mais ces deux attitudes, apparemment contradictoire agissent en réalité dans le même sens.

La mise en place d’un processus de normalisation extensif non passionnel et citoyen de la langue tamazight s’inscrit dans le tissu social et culturel algérien pluriel, ainsi que la construction d’une didactique et d’une pédagogie cohérentes qui tiennent compte de la réalité de la langue et de son milieu sociétal réel et non pas celui postulé partant d’une vision mythologique de la berbérité et de caractéristiques culturelle et politique fantasmées. La fonctionnalité de ces langues est distribuée sur les domaines linguistiques formel et intime ; mais rien ne prédispose aucune de ces langues à occuper ad vitam aetemam la même position (Dourari 2006).

Sauvegarder tamazight, donc, est un acte citoyen et démocratique, humain même. Mais la rendre fonctionnelle à grande échelle en est une question non de moindre importance. C’est là où réside toute la différence quant aux choix des stratégies de normalisation.

L’enseignement de tamazight a été introduit dans le système éducatif algérien en caractère latins à ces débuts, avec ses heurs et malheurs ; des sections de tamazight ont été désertés à Tizi-Ouzou, et Béjaia ; les Mosabitophones ne sont pas intéressés par ces cours, les chaouiophones et les Targuiophones sont plutôt sceptiques, les radios et émissions télévisés en tamazight peinent toujours à trouver un langage ou même une terminologie commune.

1 Concept qu’on doit à Jacques Derrida

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1 Concept qu’on doit à Jacques Derrida

Nadira Chahboub

Alger 2 الجزائر

Ali Belaidi

École Nationale Supérieure de Management

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