Introduction
La Médina d’Alger a connu, depuis l’installation des ottomans1, un important développement architectural et urbanistique2 essentiellement dû aux activités maritimes3 La richesse procurée de ces activités maritimes s’est concrétisée par une multitude de réalisations et d’édifications (fondouks, maisons, mosquées…) dans la Médina, mais aussi par la construction de maisons et notamment de belles et grandes maisons, appelées palais. Ces édifices intra-muros sont très jolis4 notamment ceux construits par les pachas et les deys5
Actuellement, ces palais constituent une richesse inestimable et présentent une originalité extraordinaire par leur implantation, leur architecture et leur organisation qui reflètent un long savoir-faire sur le plan environnemental, patrimonial, culturel, architectural…
Le palais Aziza est classé monument historique en 1887 sous l’appellation de Dar Bent es Soltan pour l’intérêt architectural qu’il représente, d’une part et pour être le dernier témoin de l’ensemble de la Djénina6 d’autre part. Son classement est reconduit le 20 décembre 1967, selon l’ordonnance n° 67-281 du 20 décembre 19677 pour atteindre le statut de patrimoine universel en 1992. Ce double classement dénote de la reconnaissance et de l’importance octroyées par les instances nationales et internationales à ce joyau architectural et urbain.
Ce monument qui caractérise la Médina d’Alger est un monument qui a été miraculeusement épargné des différentes démolitions qu’a connues la ville, en particulier la partie basse à l’époque française.
Le palais Aziza qui abrite actuellement le Siège de l’Office National de Gestion et d’Exploitation des Biens Culturels protégés (OGEBC), se situe à la place des Martyrs8, en face de la mosquée Ketchaoua9 et de Dar Hassan Pacha, à l’aboutissement de la rue de La Lyre et la rue de Chartre, dans la partie basse de la Médina, au cœur d’Alger. (Figure 1)
Elle est délimitée par :
-
La place Cheikh-Ben-Babis, la mosquée Ketchaoua et le palais Dar Hassan-Pacha au Nord.
-
La place des Martyrs, ex-place du Gouvernement au Sud.
-
La rue Aoua-Abdelkader, ex-rue du Divan à l’Est.
-
La rue Ben-Ferhat, ex-rue de Soudan à l’Ouest.
Son accès se fait à partir de la place Cheikh-Ben-Badis, ex-place du Cardinal-Lavigerie.
1. Considérations linguistiques et architecturales
1.1. La dénomination de la maison de Aziza : entre Dar et Palais
Dar est un mot utilisé pour désigner une habitation. Dar du mot dāra10 désigne un espace qu’entourent des murs ou des constructions. Dans l’habitation musulmane, un vide intérieur est aménagé, en tant que cour, élément essentiel dans un dar11 qui est entourée par des chambres où il est possible d’y vivre retranché du monde extérieur.
Dans ce sens, Dar est le nom qui renvoie à tous types d’habitations ayant une cour. Il peut alors être une maison modeste, une maison de bourgeois ou encore une maison de riche ou de personnalité importante qui est alors un palais.
D’après L. Golvin, Palais et Dar sont deux types de maison, à la Médina d’Alger, et chacune de ces types de maison présente des caractéristiques assez originales12 :
-
Palais est une maison riche, par contre Dar est une maison modeste.
-
Toutes les pièces s’ordonnent autour d’un patio qui, dans les maisons modestes, est considéré comme un lieu de passage qu’un lieu de séjour. Par contre, dans les palais, le patio est considéré comme un lieu où se déroule une activité intense en raison de la présence d’une importante domesticité.
-
On accède au patio par l’intermédiaire de squifa qui, dans les palais, constitue des salons de réception ou des salles d’audience. Dans la maison modeste, la squifa joue le rôle de salle d’attente pour le visiteur pour s’annoncer.
-
Toutes les maisons connues disposent d’un puits ou d’une citerne, souvent des deux. Ces caves ont servi surtout à l’entrepôt de denrées alimentaires : huile, viandes séchées, sacs de céréales, etc.
-
Au second étage se trouve généralement, dans les palais, une belle pièce (salon d’honneur) précédé d’une double galerie.
-
Les maisons sont toutes couvertes de terrasses accessibles. Généralement, dans les palais ces terrasses comprennent des pièces de repos ou de réception intime et des belvédères. Dans les maisons modestes, on n’y trouve qu’un petit réduit et des séchoirs à linge.
-
Les palais étaient dotés de Douera pour loger, généralement, les hôtes de passage, en dehors de l’intimité de la famille.
-
Les différents espaces des palais sont toujours décorés (squifas, patio, galeries, chambres, …) par du marbre, les stucs et les zelliges toujours d’importation. Par contre, les maisons modestes n’utilisent que des carreaux de céramique.
-
L’arc en accolade n’apparaît que dans les palais. Cependant, les arcs brisés outrepassés et le plein cintre ne se voient que dans les ouvertures de maisons modestes.
D’après ces différentes caractéristiques, on déduit inéluctablement que cette maison est plus un palais qu’un dar. De ce fait, l’habitation Aziza peut alors être nommée Palais Aziza.
1.2. Composition architecturale et spatiale du palais Aziza Bent es Soltan
Le palais Aziza se présente sous forme d’un carré long avec un patio situé au centre. L’entrée principale se fait du côté nord-est, à partir de la place Cheikh-Ben-Badis (ex-place du Cardinal-Lavigerie), en face de la mosquée Ketchaoua par une porte monumentale.
Il est constitué de deux niveaux (le rez-de-chaussée et l’étage supérieur), d’un entresol13, d’un sous-sol14 et d’une terrasse15 Il se caractérise par un jardin donnant sur la place des Martyrs qui est considérée comme une tentative pour retrouver l’histoire d’un lieu, celui de la Djénina qui a disparu16 Il se compose de :
-
Le patio représente le centre du palais. Il se développe sur une surface carrée avec une différence de niveau par rapport à la galerie. Les galeries, qui entourent le patio sur quatre côtés, sont constituées de deux plans verticaux, le premier est caractérisé par une face ajourée d’arcades, le second se définit par une paroi ponctuée par les grandes portes et fenêtres des pièces. c’est à partir de ces galeries que se fait l’accès aux différentes pièces à l’étage. (figure 2)
C’est autour de ce patio que s’organisent de grandes pièces oblongues sur trois ailes (l’aile nord-est, nord-ouest et sud-ouest), l’aile sud-est étant définie par des espaces de service et d’eau.
L’accès au patio se fait à partir de la squifa, qui est un hall de forme carrée qui conduit vers le patio et le reste du palais17
Tous les espaces du palais Aziza s’organisent autour du patio. Il est considéré comme l’âme de toutes les habitations de la Médina d’Alger, car c’est autour de lui que se déroule la vie quotidienne. Et c’est à partir de lui que la lumière du jour y pénètre pour enfin entrer dans les différents autres espaces.
-
Les chambres. À partir du patio (au rez-de-chaussée) ou de la galerie (à l’étage), s’ouvrent des portes à deux vantaux sur des chambres de forme rectangulaire beaucoup plus longue que large18 En face de la porte (mais pas toujours), mais pas tout à fait sur son axe de symétrie, il y a une alcôve qui permet d’élargir un peu la pièce.
Dans certaines chambres, notamment à l’étage supérieur, aux deux extrémités des chambres, il y a deux sous-espaces séparés par des arcades transversales ce qui permet aussi d’allonger la pièce. -
La pièce 4 (L’aile sud-est) « Pièce (Salon d’honneur) » représente la pièce la plus luxueuse du palais. L. Golvin19 l’appelle le Salon d’honneur, alors que la tradition la reconnaît comme la chambre de la princesse.
Elle est réputée pour son plafond de bois qui est d’une admirable décoration géométrique et pour son espace intime couvert par une magnifique coupole, décorée en plâtre, sur quatre pendentifs à quatre arcs en plein cintre. Cet espace se trouve face à la porte d’entrée, et dans le même axe. (Figure 3)
-
Les espaces de service (la cuisine, le Hammam). Ces espaces se trouvent dans l’aile sud-est du côté du patio qui est plus complexe car il regroupe plusieurs espaces avec une hauteur sous plafond très basse comparée aux autres pièces. Il est représenté par les espaces d’eau au-dessus desquels se trouvent les espaces de service constituant ainsi l’entresol.
À partir du côté gauche de cette aile, il y a deux portes jumelées qui caractérisent la galerie du patio.
-
L’une donne sur l’ex-cuisine de forme trapézoïdale et sur l’ex-buanderie.
-
L’autre porte mène à un espace de forme rectangulaire, c’est l’ex-hammam, récemment restauré, ayant un prolongement menant à ex-chambre chaude, couvert d’une coupole. (Figure 4)
Cette partie appelée Espace d’eau est due à la présence d’un puits au sous-sol, d’où la raison de l’emplacement des espaces d’eau dans cette partie du palais.
Tous les espaces caractérisant les palais de la Médina se trouvent dans le palais de dar Aziza. Ainsi, ce dernier est le prototype des palais de la Médina d’Alger.
La richesse et l’originalité des différents espaces architecturaux, constituant l’ensemble du palais Aziza, considéré comme un « … bijou d’architecture mauresque »20, ont provoqué la mobilisation des professionnels et des citoyens jaloux de leur patrimoine et de la richesse architecturale de ce quartier. Ces derniers ont procédé à son intégration dans le périmètre de classement de la Médina, érigée en 1991, comme patrimoine national et puis classé comme patrimoine universel par l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (Unesco) en 1992 et cela pour assurer sa préservation.
Cette vive protestation a provoqué le déploiement de plusieurs efforts pour sa restauration. Ainsi, le chantier de restauration fut installé dès le début de 1990 et achevé en 1993. Suite à cela, le quartier fut affecté comme siège de l’office national de gestion et d’exploitation des biens culturels protégés (OGEBC), affectation qu’il gardera jusqu’à nos jours.
2.Les conditions d’édification du palais Aziza Bent es Soltan
La structure interne de la Médina d’Alger qui a pris sa forme définitive pendant l’époque ottomane s’est constituée, comme toutes les autres villes musulmanes, de plusieurs quartiers qui s’organisaient autour de quelques axes et parcours principaux21 Pour désigner un quartier, le mot employé le plus couramment est Houma suivi d’un complément déterminatif. Il est ainsi identifié par un nom propre - celui d’un édifice religieux (mosquée ou zaouïa) ou public (bain), celui d’un élément urbain (fontaine, puits, four) - ou par une certaine particularité de la topographie du lieu22 Dans cette perspective, S. Missoum affirme que la Médina est constituée de vingt-deux zones dont chacune englobe plusieurs quartiers23 dont l’identification s’est faite de plusieurs manières.
Cependant, le palais Dar Aziza fait partie de la seizième zone qui contient la Zone de Souk al-Jadid, Dar al-Dabbagh et Dar al-Sultan. Il fait partie précisément du quartier Dar al-Soltan qui doit son nom à la présence de Dar al Soltan appelé Al Djénina. (figure 5)
La date exacte de la fondation du palais Aziza bent Dey est très imprécise, mais elle est située éventuellement entre 1666 et 167224 Dar Aziza a été édifiée par le Bey Redjeb « Ce palais nommé, selon une tradition orale, DAR AZIZA, fille du Dey (lequel ?) qui en aurait fait don à l’une de ses filles nommée Aziza, laquelle avait épousé un Bey de Constantine. Ces faits se seraient situés vers la fin du XVIIIe siècle ou au début du XIXe siècle »25
Le mariage a eu lieu à Alger où il a fait sa résidence habituelle et construit, pour son épouse (Aziza), un palais dit Dar Aziza, et ceci après avoir choisi un terrain très stratégique dans la partie basse de la ville, tout près du palais des Deys et aux croisements de plusieurs axes importants constituants la Médina d’Alger.
La proximité de cette demeure résidentielle à la Djénina a incité son annexion à cette dernière (à la Djénina) par le souverain de la Médina d’Alger pour le service de résidence temporaire aux beys de Constantine, lorsqu’ils se rendaient à Alger pour verser l’impôt, car le Bey Redjeb, qui a pris le commandement de la province de l’Est, a amené avec lui son épouse.
Ainsi, pendant tout le temps où Dar Aziza hébergeait les beys qui venaient apporter l’impôt triennal vers la fin du XVIe siècle et au début XVIIe siècle, elle porta alors le nom de Dar Diaf26 Au début du XVIIIe siècle, elle a recueilli les missionnaires chrétiens qui venaient en Algérie pour le rachat des esclaves. Elle a servi également comme résidence aux chargés de missions des puissances étrangères en rapport avec les Djénina27 et comme hôtel pour les ambassadeurs et les religieux28 Au début de XIXe siècle (1817), elle a servi, durant quelque temps, comme magasin d’objet du Beylik29
Les plans établis au début de la période française montrent que le palais Dar Aziza, se trouvant derrière le palais du Dey, est annexé à la Djénina par deux rues qui la longent sur les deux façades nord-est et sud-ouest qui sont la rue du Divan et la rue du Soudan qui se prolongeaient sous le palais du Dey par deux passages voûtés qui le traversaient pour aboutir à la place du Gouvernement30 (Figure 6)
Selon toujours ce texte, le palais Aziza est constitué de trois niveaux, un rez-de-chaussée et deux autres étages supérieurs et une terrasse. Avant le terrible tremblement de terre de 1716 ayant secoué Alger, elle en avait ainsi trois niveaux au-dessus du rez-de-chaussée, « c’est l’un des plus beaux hôtels avant le tremblement de terre de 1716… il avait avant cette époque 3 étages, depuis, il ne lui en reste plus que deux »31 S’agit-il d’un niveau supérieur ou d’un sous-sol ? Rien ne démontre qu’il s’agissait de l’un ou l’autre.
Les plans du palais Aziza, établis au début de la période française, en particulier les plans établis par l’architecte A. Ravoisié32, montrent les anciens plans du palais tels qu’ils étaient à l’époque ottomane. Ils montrent clairement qu’à cette époque, le palais Aziza, qui se présente sous forme d’un L, est constitué de trois bâtiments distincts : (Figure 11)
-
Le Palais. Le bâtiment le plus important est la bâtisse du palais dont l’entrée principale, qui se faisait à partir de la rue du Soudan, donne sur un vestibule (Squifa). Il s’organise autour d’une cour centrale (patio) de dimensions importantes33
-
La Douera. Le deuxième bâtiment est la bâtisse qui est l’annexe du palais appelée Douera puisqu’elle a sa propre Squifa et son propre accès. Cette annexe (Douera) se compose d’une cour centrale réduite (patio) bordée de deux côtés de galeries. Elle possède trois pièces qui s’ouvrent de part et d’autre sur ce patio. Deux pièces sont de dimensions moyennes, alors que la troisième pièce, d’après ses dimensions très réduites, est une réserve alimentaire.
La plupart des demeures importantes, écrit A. Raverau34, avaient pour annexe une maison (douera), et quelquefois, elles en disposent de plusieurs. Cette petite maison est fidèlement organisée comme une importante demeure, mais avec des dimensions bien plus réduites et avec des matériaux différents et moins chers, des portes plus basses, des chambres réduites ainsi que l’escalier étroit, « une seule grande maison pouvait être entourée d’une ou plusieurs Douïras, habitation attenante beaucoup plus petite qui abritait soit un couple de serviteurs, soit le fils aîné ou une concubine. Une maison ne disposant pas de ce logement annexe pouvait permettre aux serviteurs d’occuper au moins une des pièces du patio »35 -
L’Ensemble central. Entre la Douera et le palais, il y a un autre corps de bâtiment que nous appelons Ensemble central. C’est un espace reliant ces deux derniers bâtiments, à savoir le palais et la Douera.
Cet ensemble comprend un vestibule qui desserve trois pièces de dimensions réduites et une cage d’escalier à trois volées qui conduit à la terrasse. Cet ensemble est en communication avec le palais à travers une pièce qui assure un accès à l’espace intermédiaire. Par conséquent, ceci laisse présumer que cet ensemble est réservé aux domestiques du palais.
L’analyse du plan de l’étage permet de constater que la Douera n’a aucune relation ni avec l’ensemble central, ni avec le palais, mais il est possible qu’à un certain moment, il y avait une relation entre ces trois bâtisses et cela à travers un passage existant entre deux espaces, appartenant à la Douera et au palais, mais qui a été condamné à une certaine époque pour isoler la Douera et protéger alors le palais de tout étranger.
Ainsi, à partir d’une certaine époque de leur histoire, le palais et la Douera étaient deux bâtisses distinctes avec chacune ses propres espaces (patio et pièces).
La différence de niveaux de ces trois bâtiments (la demeure principale (le Palais) en R +3, la Douera en R +2 et l’Ensemble central en R +3.) permet aussi de conclure que le palais qui a le même nombre d’étages que l’Ensemble central laisse déduire qu’effectivement celui-ci est l’annexe du palais qui est inéluctablement réservé aux domestiques, d’ailleurs, il existe une relation directe à travers la pièce (i) et l’espace intermédiaire (H). Par contre, pour la Douera, plusieurs interrogations restent sans réponse : était-elle alors réservée (à partir d’une certaine période) pour les hôtes, les domestiques du palais ou pour les étrangers ? Rien ne peut nous orienter du fait qu’elle a sa propre entrée et qu’elle est séparée du palais à tous les niveaux.
Le palais Aziza se situe, ainsi, dans un quartier central de la Médina d’Alger, où se concentraient toutes ces activités. La structuration de ce quartier est déterminée par la multiplicité des caractères.
Ainsi, il a le caractère d’un quartier économique vu qu’il est constitué des principaux marchés de la Médina d’Alger, en particulier la rue Bab el-Oued 36connue sous le nom de rue souk el Kébir et aussi la rue Bab el-souk, par la présence des principaux marchés de la ville tels souk el-Diwan (marché Diwan) et souk al-sabbaghin (marché des teinturiers), et notamment par la présence de Dar al-Sikka (hôtel de la Monnaie) considéré comme l’administration des finances, ce qui procure ainsi à ce quartier le caractère d’un quartier de centre financier.
Ce quartier se spécifie aussi par le caractère religieux et culturel, vu la présence de plusieurs édifices religieux Djama̕ Essida (la mosquée es-Saïda), Djama̕ el-Pacha Kkeïr-Eddin (la mosquée Kkeïr-Eddin), Masdjed ed-Diacin (Mosquée Diacin), Zaouïa Ch Chorafa, Mesdjid Cheikh-Daoud (Mosquée Cheikh-Daoud), Djama̕ Ketchawa) la mosquée Ketchaoua), Masdjed Ech Chammaïn (mosquée des Marchands de bougies)37 et édifices culturels M’cid Ali-Pacha (école Ali-Pacha) et M’cid ed Diwan ou (école ed Diwan).
La Djénina où les deys résidaient et tenaient le Diwan en présence des Chaouchs, ou officiers de police de l’armée confère à ce quartier une importance primordiale et en fait un lieu de pouvoir. Il forme de fait une sorte de forteresse dans laquelle les deys se sentaient en sûreté contre un coup de main de milice. Ainsi, il est considéré comme le centre de l’administration politique et gouvernement de la Médina. Ce qui accentue ce caractère, c’est la présence aussi de l’Entrepôt de grain d’Achour et des magasins des grains de dîme qui sont à la charge de manutention de la Médina. Les deys ont ainsi la main mise sur tous les édifices importants qui assurent la survie de la ville.
Ce quartier se caractérise aussi par le caractère résidentiel, puisqu’il y a plusieurs habitations palatiales (palais du dey, palais Aziza, palais Dar Ahmed, palais Dar Hassan-Pacha,…).
La présence de plusieurs Aïn : Ain Ech Chorafa (fontaine Ech Chorafa), Aïn Ja’far Pacha (Fontaine Jaâfar-Pacha), Aïn Bab al-Souk (fontaine Ain Bab al-Souk) et de Hammam (Hammam Hassan-Pacha) ou (Hammam Sidna) (bain de Hassan Pacha) et Hammam Al Djénina offre à ce quartier une richesse hydraulique. Ce qui prouve la présence de sources souterraines d’eau. Ceci nous permet de conclure que l’implantation de la Djénina est peut-être due à ce critère (la présence de l’eau).
Le palais Aziza se présente ainsi comme une partie constituante de ce quartier qui, à son tour, est une partie constituante de la Médina d’Alger, ce qui lui confère ainsi cette originalité et cette dimension.
3. Le palais Aziza Bent es Soltan face aux grandes transformations à l’époque française
3.1. L’appropriation des lieux
Malgré le traité de capitulation du 5 juillet 183038, les conséquences de la colonisation française n’ont pas tardé à se manifester, notamment dans le domaine du patrimoine immobilier de la Médina d’Alger où presque la totalité ainsi que beaucoup d’autres édifices sont cédés ou vendus39 à des privés.
Le même sort fut réservé aux édifices sacrés. De 1830 à 1832, cinq mosquées principales furent démolies parce qu’elles se trouvaient sur des terrains prévus pour les nouveaux aménagements de la ville et 32 autres furent destinées à divers services d’utilité publique. D’autres encore furent transformées en églises. Ce fut le cas de la mosquée Ketchaoua, qui devient, par force, depuis 1832, la principale cathédrale catholique d’Alger.
Après la prise de possession de la plupart des bâtiments, les premières interventions urbaines seront effectuées dans le but d’adapter le tissu urbain à l’image des nouveaux occupants, car l’aspect introverti de l’espace urbain de la ville musulmane demeure insignifiant et incompréhensible pour des gens ayant une culture qui évaluent un espace urbain par ses aires publiques et vastes.
De ce fait, les premières interventions des Français ont été effectuées en vue de réorganiser l’espace urbain en créant des places et en élargissant les rues40.
La première intervention41 dans la ville fut d’ailleurs la création de la Place du Gouvernement, l’actuelle Place des Martyrs, située dans une place stratégique, proche de l’ancien palais du Dey, de la Djénina et au croisement des trois axes principaux qui conduisaient respectivement à la porte nord (Bab el Oued), la porte sud (Bab Azzoun) et au port (Bab el-Djazira).
La réalisation de cette place a nécessité la démolition d’importants édifices qui s’élevaient à l’intérieur du périmètre prévu, dont la mosquée es Saïda et la Djénina. Pour cela, on a arrêté un projet d’alignement pour les principales artères : la rue Bab el Oued, la rue Bab Azzoun et la rue de la marine qui étaient élargies suivant les anciennes rues existantes42.
Le premier projet d’ensemble date de 184643 dans lequel on a prévu des voies accessibles aux voitures. De là, la commission des alignements a projeté le percement de deux voies : la rue de La Lyre, prolongée par la rue Bruce, et la rue du Centre. Mais le projet ne fut approuvé qu’en 1855 pour cause d’insuffisance de ressources financières.
Après cette date, d’autres rues ont été ouvertes dans le tissu urbain de la Médina telles que la rue de La Lyre, qui allait se heurter aux escaliers de la mosquée Ketchaoua. Elle a abouti sur la place du Cardinal-Lavigerie aménagée en face du palais aziza avec l’élargissement des deux rues transversales (la rue du Divan et la rue du Soudan) qui mènent vers l’axe Bab el Oued-Bab Azzoun. C’est durant ces années que cette partie où se situe le palais Aziza a pris sa forme définitive. (Figure 12)
Le palais Aziza était convoité, comme tout autre palais de la Médina, par les colons français. En 1830, il a été déjà affecté provisoirement comme résidence d’un officier supérieur, le commandant de la Place44, qui s’occupera à peindre les colonnes des galeries par des couches tricolores de peinture45.
En 1832, le palais commence à connaître les premières vraies transformations avec les travaux d’aménagement qu’a connus la ville, particulièrement l’aménagement de la place du Soudan (place de l’Évêché connue aussi sous le nom de place du Cardinal-Lavigerie) qui a provoqué plusieurs démolitions dans le Palais telles que l’enterrement de l’aile nord-est lors de l’aménagement de la rue du Divan. Ceci a causé la transformation du rez-de-chaussée en sous-sol et par conséquent le changement de l’emplacement de l’accès, de la rue du Soudan à la place du Cardinal-Lavigerie.
La proximité du palais Aziza avec la mosquée Ketchaoua (transformée, en 1832, en cathédrale catholique) a incité les autorités françaises à la transformer en résidence de l’évêché pour devenir officiellement le siège de l’évêché d’Alger en 183846, « Les évêques sont unanimes dans leur souhait d’être logés à proximité de leur cathédrale. Or, si les anciens palais épiscopaux jouxtent l’édifice de culte, les nouvelles constructions et les édifices de substitution en sont souvent fort éloignés. Pourtant à chaque fois qu’il est possible, on essaie de concentrer en un même lieu les services ecclésiastiques, sur le modèle de l’ancienne cité épiscopale »47.
Le choix du palais Aziza comme siège de l’archevêque n’est pas dû au hasard, mais particulièrement à son emplacement à proximité de la cathédrale. Cette proximité recherchée est spécialement le souhait des évêques, celui d’être logés aux environs immédiats de leur cathédrale, car cela leur permettra de suivre les cérémonies à partir des fenêtres. Et le palais Aziza leur permettait parfaitement cela. D’ailleurs, du patio du palais Aziza, on peut apercevoir les clochers de la cathédrale. (Figure 9)
Cette nouvelle affectation n’a pas préservé le palais Aziza contre les transformations brusques qu’elle subira encore, en particulier lors de l’incendie de la Djénina en 184448, suivi de sa démolition en 1856, laissant ainsi le palais dénudé, « la maison épiscopale se trouva ainsi déchaussée et l’on dut faire des travaux de soutènement, l’entrepreneur Sarlin voulut s’y opposer sous le prétexte que l’évêché était, lui aussi, destiné à la destruction, mais il n’eut pas gain de cause et fut obligé de faire à ses frais les opérations nécessaires »49.
Des travaux furent effectués pour masquer cette façade par la construction d’une bâtisse de R +1. Cette dernière a été édifiée pour masquer sa façade qui a résulté de la destruction de la Djénina, car elle était considérée comme médiocre et qu’il fallait cacher notamment qu’elle donnait sur une place importante, la place du Gouvernement.
Les plans d’Alger de 1930 montrent l’existence d’une bâtisse de R +150 qui donne sur la place du Gouvernement, mais elle ne tardera pas à disparaître puisqu’on ne la retrouvera plus dans les plans d’après. (Les Figures 10)
Source 3 : Philippe Bourgois. L’Algérie autrefois, [en ligne]. http://www.alger-roi.fr/Alger/place_gouv/pages_liees/52_place_gouv_destruction_26_11_1932_afrique.htm
Outre ces circonstances et particulièrement avec les travaux d’élargissement et d’alignement, la conservation ou plutôt l’épargne du palais Aziza fut impossible bien qu’elle fût la résidence épiscopale. Situation qui poussa l’évêché A. dupuch à soulever hâtivement cette question auprès de l’empereur Napoléon III51. Comme argument, il insista sur les valeurs artistiques du palais dont la perte serait irréparable, de plus que le palais Aziza est un très bel édifice qu’on ne pourrait sacrifier ainsi. L’empereur décida, quant à lui, non seulement de conserver le palais Aziza, mais, encore, de lui annexer l’emplacement de l’ancienne Djénina, « un square dont l’emplacement sera celui de l’ancienne Djénina l’avoisinera bientôt, espère-t-on, du côté de l’est »52.
Lui reconnaissant ainsi plusieurs valeurs et voulant la préserver contre toute nouvelle tentative de destruction, elle fut classée en 188753 comme monument historique.
Cette période est marquée par les plus importantes modifications qu’a subies la Médina, particulièrement lors de l’aménagement de la place du gouvernement, de la place du Cardinal-Lavigerie et des rues qui structurent la ville (rue du Divan, rue du Soudan, rue de La Lyre). C’est lors de ces aménagements que le palais aziza et son environnement immédiat ont pris leurs formes définitives, tels qu’ils sont actuellement et où il (le palais Aziza) reste isolé.
Dès les premières années du XIXe siècle, le palais Aziza a été retiré à l’évêque et affecté comme musée pour faire profiter le public de ses richesses (décors de faïences, bois, marbres…), car à cette époque, il y a eu séparation de la religion et de l’État, où la propriété de plusieurs biens immobiliers religieux a été alors revue54.
Mais, on s’est vite rendu compte que cette affectation a détruit petit à petit ses richesses, « … la semelle européenne, chaque jour, en foule les motifs délicats. Déjà en maint endroit, les dessins s’effacent, dont il sera, certes, très malaisé de raccorder les lignes. Alger ne possédant plus d’échantillons de ce genre »55. Depuis, il a été décidé de le réaffecter encore comme archevêché, peut-être à cause toujours de la proximité de la cathédrale ou peut-être que cette destination est considérée comme la moins dangereuse et la moins destructive pour le monument.
Monseigneur A. Pons ajoute que « ce bijou d’architecture mauresque qu’avaient habité tous les évêques d’Alger, depuis l’infortune Dupuch jusqu’à la démission de Mgr Oury, avait abrité la séparation [séparation de l’Église et l’État, le 1er janvier 1906] les œuvres laïques les plus disparates »56.
En effet, en 1922, « le Jour de Pâques », l’archevêché reprend son ancien siège et se réinstalla au palais Aziza jusqu’à l’Indépendance de l’Algérie57.
Durant cette époque, le palais Aziza a connu plusieurs affectations allant d’une maison du général à la résidence épiscopale (de l’évêque), à l’archevêché, au musée pour enfin être affectée une seconde fois comme archevêché jusqu’à l’Indépendance. Ces changements d’affectation qu’a subis le palais Aziza ont provoqué plusieurs transformations tant intérieures qu’extérieures.
3.2. Les différentes transformations du palais Aziza
Le palais Aziza a connu plusieurs modifications et transformations :
-
La transformation la plus importante et la plus brusque fut le déplacement de l’entrée principale du monument à la façade nord-ouest, de la rue de l’État-major à la place du Cardinal-Lavigerie, en face de la cathédrale catholique.
-
Les travaux d’aménagement qu’a connus la ville et notamment l’aménagement de la place du Soudan,
« ex-place du Cardinal-Lavigerie » et de la rue du Divan ont provoqué la destruction de la Douera. -
Du côté sud-est, il y a eu des agrandissements des espaces de manière à assurer et à respecter l’alignement sur la rue du Divan. Et du côté de la rue de l’État-major, il y a eu agrandissement du Palais sur un ancien passage voûté.
-
Le sous-sol a été le niveau qui a le plus souffert puisqu’il y a eu l’enterrement de toute l’aile nord-est du Palais. Ceci a provoqué la transformation du rez-de-chaussée en sous-sol. À cet effet, des escaliers ont été ajoutés pour rattraper la différence de niveau par rapport à l’extérieur qui a résulté des différents aménagements.
-
La restructuration du côté sud-est du palais Aziza et précisément dans l’ancien hammam, car la nouvelle destination du Palais (archevêché) voyait en le hammam une hérésie58.
-
La subdivision des pièces oblongues en trois sous-espaces par des cloisons en maçonnerie, notamment celles du rez-de-chaussée.
-
La réalisation de nouvelles ouvertures (portes et fenêtres) notamment vers l’extérieur59.
-
La transformation de forme du bassin du patio.
-
L’aménagement de la chapelle à l’étage avec un traitement caractérisant au fond du mur.
3.3. La restitution de l’aspect original du palais Aziza Bent es Soltan
3.3.1. La récupération du palais et ses premières affectations
Après l’indépendance, le palais aziza dépendait du ministère du Tourisme. Selon A. Raverau, architecte des monuments historiques, dans un compte rendu d’inspection en 196460, rapporte l’état des lieux du bâtiment en indiquant que le palais aziza est en bon état avec une légère humidité à la base des murs du rez-de-chaussée. Il déplore les adjonctions de cloison qui morcelaient le dessin de ses plafonds et la perte presque totale des soubassements en faïences.
En 1969, il fut affecté comme siège de l’agence du Tourisme Algerien (ATA). Durant cette période, le président du Comité du vieil Alger, M. Philibert, a adressé une lettre à la Commission nationale de sauvegarde des monuments historiques, déplorant l’état des pièces de l’étage, notamment celui du salon d’honneur qui fut divisé par des cloisons en maçonnerie61 et cela a provoqué un effet dévastateur en coupant les perspectives et en empêchant la vue d’ensemble sur le plafond et sur les panneaux de stuc.
Durant cette même période, une proposition fut commandée par l’Agence du tourisme à l’architecte des monuments historiques, S. Abdulhak, afin de réaménager le jardin adjacent au palais, en bordure de la place des Martyrs. Mais ce projet n’a pas été réalisé, peut-être par ignorance du vrai sens et message véhiculé par ce jardin62.
L’affectation du palais Aziza comme siège de l’agence du Tourisme algÉrien ne durera pas longtemps, car elle sera réaffectée, en 1980, comme siège de la revue at thaquafa63 pour être encore de nouveau affectée comme siège de l’Agence Nationale de l’Archéologie. Affectation qui dure jusqu’à nos jours.
Les seules modifications importantes sont dues à la marginalisation et au laisser-aller, car ces fonctions étaient temporaires, le temps en attendant de trouver un autre local. C’est pour cela que le palais Aziza a été éventuellement occupé sans subir des modifications.
Vu le rôle de l’Agence Nationale de l’Archéologie dans la conservation et la préservation des monuments historiques, son siège le mieux adapté serait un monument historique, à savoir le palais Aziza. C’est pour cela que ce dernier est considéré comme une affectation la plus appropriée. D’ailleurs, les différents bureaux de l’agence sont installés de manière à n’effectuer aucune modification sur le monument. Pour minimiser toute atteinte au monument, il a été question, pour séparer les bureaux, de réaliser des cloisons amovibles réalisées en bois sans être fixées aux murs afin de ne pas endommager les murs, car l’installation de l’Agence dans le monument n’est que provisoire en attendant d’être réinstallée ailleurs64.
3.3.2. Les travaux de restauration de 1999
Depuis l’Indépendance, aucune action de conservation importante n’a été effectuée dans le palais. Les opérations de badigeonnage des murs du palais Aziza représentaient les seuls travaux effectués durant les premières années de l’Indépendance.
Ce n’est qu’en 1999 que l’Agence Nationale d’Archéologie a entrepris des travaux d’aménagement de ses bureaux, de même que des travaux de restauration du hammam au niveau du rez-de-chaussée, à l’aile sud-est du palais.
Lors de la restauration, il était question de retrouver l’aspect originel du palais tel qu’il a existé à l’époque ottomane. Pour cela, plusieurs travaux ont été effectués au niveau de :
-
L’entrée. Les fouilles effectuées dans l’entrée principale du palais Aziza ont révélé l’existence de trois marches qui mènent vers un espace plus bas. Ceci confirme que le hall d’entrée a été refait durant la période française.
-
Plus bas que l’espace de l’entrée principale, il a été découvert un petit espace (A) où fut décelé un arc en plein cintre qui a été laissé apparent. D’après les suppositions, cet espace a appartenu à la Douera détruite65 du palais.
-
Le patio. Toutes les façades qui donnent sur cet espace organisateur ont subi des modifications lors des travaux de restauration. Son parterre et la fontaine ont été eux aussi restaurés.
-
Les pièces. Dans les pièces, il y a eu :
-
Condamnation de plusieurs fenêtres réalisées pendant la période française dans les pièces et leurs transformations en placards.
-
Démolition des cloisons réalisées à l’intérieur des pièces. Mais cela n’a pas été réalisé dans toutes les pièces.
-
Découverte de plusieurs ouvertures et niches qui remontent à l’époque ottomane qui ont été mises en valeur?
-
Le hammam a été l’objet d’attention particulière lors des travaux de restauration de l’Agence en 1999, car il est considéré comme l’espace le plus endommagé du palais Aziza à l’époque coloniale. Lors de la restauration du hammam, une étude archéologique approfondie avait pour objectif de retrouver la structure spatiale de cette partie telle qu’elle a existé à l’époque ottomane.
Conclusion
Par cet article, nous sommes arrivés à conclure qu’il ne suffit pas de classer des édifices comme patrimoine national ou international, mais qu’il faudrait mettre d’autres moyens pour les préserver, les entretenir… Or, en Algérie, des monuments d’un grand intérêt se sont dégradés, au jour le jour, dans l’indifférence des uns et des autres.
L’Algérie regorge d’un riche patrimoine, allant des maisons les plus modestes aux palais ottomans les plus somptueux, mais qui n’a malheureusement pas bénéficié d’une grande attention de la part des pouvoirs publics? Ce patrimoine est précieux, mais n’a pas échappé à la dégradation qui est due, en grande partie, au manque de préservation et d’entretien. Le palais Aziza en fait partie.
Par ailleurs, le classement ou l’inscription sur l’inventaire supplémentaire est considéré comme la finalité de l’action de préservation d’un monument. Une fois un monument classé, cela n’est pas évident qu’il est bien préservé de tous les risques de dégradation et de marginalisation, car le classement ou l’inscription sur l’inventaire supplémentaire ne se préoccupe jamais de son devenir.
En répondant à cette préoccupation, nous constatons que beaucoup restent à faire, car il ne suffit pas de classer un monument pour le préserver, mais, en revanche, il faut aller au-delà en pensant à sa restauration. Ceci nous ramène à conclure que l’opération de restauration du monument historique est une action indispensable et inévitable pour la préservation du patrimoine.
Plusieurs monuments historiques ont connu, ces dernières années, des travaux de restauration. le palais Aziza a été l’un de ces monuments historiques qui ont fait l’objet de ces travaux de restauration. Ces derniers ont permis la préservation de l’un des palais de la Médina d’Alger qui témoigne de la particularité et de la spécificité de ce type d’architecture et qui représente un témoignage des résidences édifiées dans la Médina à l’époque ottomane et témoigne de ce que furent jadis les résidences palatiales. Ces travaux n’ont pas seulement permis la préservation du palais Aziza de la dégradation et de la disparition, mais aussi la restitution d’un des plus importants palais de la Médina d’alger qui témoigne de l’ensemble de la Djénina. L’originalité de cet ensemble, où se situe ce palais, réside dans la coexistence de plusieurs caractères d’architecture ancienne de la médina d’Alger, à savoir le caractère économique, le caractère financier, le caractère religieux et culturel, le caractère résidentiel et le caractère de centre de pouvoir considéré comme le caractère le plus important.
Ces travaux de restauration ont aussi permis la restitution de l’organisation harmonieuse des différents espaces qui caractérisent le palais et notamment de ses espaces domestiques qui ont pu survivre, à savoir la cuisine, la buanderie et en particulier le hammam, considéré comme une des particularités de l’organisation des palais à l’époque ottomane.
Dans cette perspective, le palais Aziza n’est pas seulement remarquable et original parce qu’il date de l’ancienne époque ottomane, mais parce qu’il représente le dernier témoin de la Djénina d’Alger. C’est un palais qui a servi, au début de son édification, comme résidence pour la fille du Dey. Il a servi ensuite comme résidence afin d’héberger les beys qui venaient, entre le XVIe et le XVIIe siècle, remettre l’impôt triennal, et ensuite comme hôtel pour les ambassadeurs et les religieux qui venaient à Alger pour l’achat des esclaves et enfin comme résidence pour les chargés de mission des puissances étrangères en rapport avec la Djénina et même comme magasin d’objets appartenant au Beylik au début du XIXe siècle.
En conséquence, le palais a servi, après le départ de Aziza Bey, comme une annexe au palais royal, mais sans avoir aucune relation directe avec lui, car il fallait protéger la Djénina de toutes intrusions étrangères.
Ainsi, la séparation entre le palais et la Douera, censée être une annexe du palais, est considérée comme la transformation la plus importante qui date de cette époque. Cela suppose qu’elle a une relation avec le palais au temps où ce dernier était occupé par Aziza Bey, mais qui fut annulée (la relation) quand il a été affecté comme résidence pour les hôtes de la Djénina après le départ de Aziza Bey, notamment pour assurer plus de sécurité.
L’originalité de ces travaux de restauration ne réside pas seulement dans les résultats obtenus, mais aussi dans l’équipe de restauration qui est constituée seulement de spécialistes algériens de tous les domaines (architectes, restaurateurs, archéologues, artisans …) qui ont permis la redécouverte de ce palais avec le souci de lui redonner la glorieuse présence d’antan. Cela ne peut traduire que leur souci d’affirmer l’identité culturelle algérienne et son histoire. C’est cette histoire de la ville d’alger qui se raconte à travers ces palais ayant plusieurs siècles d’âge.
Cette prise de conscience pour la nécessité de ces travaux est venue juste à temps, car elle a permis la sauvegarde de l’un des plus importants palais de Médina d’Alger dont la préservation est considérée comme une urgence et comme une priorité. le palais Aziza, à l’instar des autres palais de Médina d’Alger, présente ainsi un riche patrimoine dont la restauration peut révéler d’importantes informations qui aident à comprendre pas seulement le palais Aziza, mais tous les palais de la Médina.
Cependant, une recherche approfondie sur le reste des palais s’avère indispensable, car ces palais, qui sont en déperdition, recèlent aussi une grande partie de l’histoire et la culture d’une époque ancienne pas seulement d’alger, mais de toute l’algérie et représentent, de ce fait, une richesse patrimoniale, architecturale, mémorielle et culturelle, indispensable à préserver.