L’image de la femme dans le discours journalistique. Étude de quelques numéros du Quotidien d’Oran

صورة المرأة في الخطاب الصحفي. دراسة بعض قضايا في Le Quotidien d'Oran

The image of women in journalistic discourse. Study of a few Titles of Le Quotidien d’Oran

Aouda Mazot

p. 549-558

Aouda Mazot, « L’image de la femme dans le discours journalistique. Étude de quelques numéros du Quotidien d’Oran », Aleph, 10 (1) | 2023, 549-558.

Aouda Mazot, « L’image de la femme dans le discours journalistique. Étude de quelques numéros du Quotidien d’Oran », Aleph [], 10 (1) | 2023, 29 December 2022, 03 December 2024. URL : https://aleph.edinum.org/7820

Le présent article porte sur l’image de la femme (algérienne et étrangère) dans le discours du Quotidien d’Oran, un journal algérien d’expression française. Ces images stéréotypées constituent des schèmes ancrés dans la société algérienne. Nous étudierons leur emploi dans le discours journalistique, nous nous concentrons sur la façon dont le journaliste emploie le mot femme et les différents points de vue dont il se fait. Il en résulte un ensemble de qualifications essentialistes qui inscrivent la femme dans une certaine zone de laquelle il serait difficile pour elle d’en sortir. Nous nous appliquons à analyser quelques exemples extraits de notre corpus en nous appuyant sur les outils d’analyse de la théorie des stéréotypes.

This article focuses on the image of women (Algerian and foreign) in the speech of “Le Quotidien d’Oran”, a French-speaking Algerian newspaper. These stereotypical images constitute patterns rooted in Algerian society. We will study their use in journalistic discourse, we focus on how the journalist uses the word “women” and the different viewpoints that he make. The result is a set of essentialist qualifications which place women in a certain area from which it would be difficult for her to leave. We endeavor to analyze a few examples taken from our corpus by relying on the analysis tools of the theory of stereotypes.

يركز هذا المقال على صورة المرأة (الجزائرية والأجنبية) في خطاب Le Quotidien d’Oran، وهي صحيفة جزائرية ناطقة بالفرنسية. تشكل هذه الصور أنماطًا متجذرة في المجتمع الجزائري. سوف ندرس استخدامها في الخطاب الصحفي، ونركز على الطريقة التي يستخدم بها الصحفي كلمة « مرأة » ومختلف وجهات النظر التي يصنعها. والنتيجة هي مجموعة من الصفاتالتي تضع المرأة في منطقة معينة يصعب عليها الخروج منها. نسعى لتحليل بعض الأمثلة المأخوذة من مدونتنا بالاعتماد على أدوات تحليل نظرية الصور النمطية.

Introduction

La presse et ses discours sont souvent le reflet des discours sociaux en circulation dans une société donnée. Ils charrient sans le vouloir quelquefois sans le savoir les connotations en errance dans la pensée commune des lecteurs auxquels ils s’adressent.

Dans l’espace médiatique algérien, un quotidien de l’ouest du pays se distingue tout particulièrement en offrant un ancrage aux poncifs élus au rang de la doxa. Il y va ainsi de la lexie « femme » sur laquelle se greffent des signifiés qui figent des subjectivités que renouvellent des atavismes sociaux.

Le présent article qui propose de faire corpora des différentes occurrences de la lexie « femmes » dans le Quotidien d’Oran se donne pour objectif de répertorier, dans une perspective purement taxinomique, ses différentes acceptions dans les différents discours sociaux en circulation auxquels ce journal offre un ancrage.

Généralement occurrent dans les rubriques « sociétés, faits divers » le mot « femme » est intégré dans des prédications véhiculant des images stéréotypées révélatrices d’idéologies à l’œuvre dans la société définie par J. Zenati comme « un ensemble de discours en crise ».

Dans la mesure où le présent article présentera une typologie guidée par une vision fortement stéréotypée, il convient en son ouverture de poser ce que peut être le stéréotype dans une revue de la littérature succincte et d’observer à partir de là dans une présentation motivée par la lexicométrie la fréquence de la distribution des différentes acceptions dans le corpus.

1. Cadre théorique et méthodologique

1.1. Genre et stéréotypie

Dans sa conception ordinaire, le stéréotype désigne un préjugé, une idée reçue, un cliché ou toute image figée, négative qu’elle soit méliorative ou péjorative d’une personne ou d’un groupe social. Il se donne dans son emploi ordinaire comme terme interchangeable attitude, jugement, croyance, image, représentation, etc. Amossy (1989) voit que les stéréotypes désignent « tout ce que l’on sous-entend lorsqu’on catégorise quelqu’un… » (1989 : 30) Ils seraient donc des « images préconçues et figées, sommaires et tranchées, des choses et des êtres » (Amossy, 1989 : 30). Ces « images mentales », reçues du milieu social des locuteurs, déterminent leur façon de penser, de sentir et d’agir (Morfaux, 1980).

Le mécanisme du stéréotypage, ou de la production des stéréotypes reposant sur un « essentialisme simplisme » (Grawitz, 1983/ Maisonneuve, 1989) qui consiste à attribuer les mêmes traits à tous les membres du groupe désigné, sans exception. Il se caractérise par sa rigidité et une certaine brutalité.

Concernant l’être-féminin, la pensée commune confond souvent le genre et le sexe. Le sexe renvoie à la distinction biologique entre mâle et femelle alors que le genre se réfère selon Newmann (2012 : 03) :

« à un modèle socioculturel dominant et définit les attentes sociales vis-à-vis de la masculinité et de la féminité. Ces attentes comprennent les modèles socioculturels de la personnalité, les attitudes et les comportements qui sont considérés comme assignés à chaque sexe. Le genre se réfère aussi à la performance sociale indicative d’une identité sexuelle interne — et vers l’extérieur, à savoir le comportement de la masculinité ou de la féminité tels qu’ils sont définis socialement ».

Les modèles socioculturels établis en fonction des genres se transforment en schèmes qui déterminent la personne (homme ou femme) et son identité.

Les discours sociaux en circulation en Algérie sont généralement façonnés par un substrat culturel fortement imprégné des cultures patriarcales arabe et berbère et des pratiques d’un islam à leur service. Il n’est pas donc étonnant de voir surgir des représentations internes ou externes actualisant des traits sémiques d’une vision archaïque et sclérosée d’une femme soumise, éternellement mineure et dont la capacité à la réflexion est réduite à un cerveau reptilien.

Le Quotidien d’Oran, reflet des pratiques discursives en cours dans l’espace langagier algérien est le miroir et le porte-voix des stéréotypes consacrés par les discours sociaux.

1.2. Présentation du corpus

Le corpus est composé de 47 numéros du Quotidien d’Oran couvrant 5 mois de publication du journal allant de janvier à mai 2021 : 10 numéros répartis sur les mois de janvier et février, 27 numéros en mars et 10 numéros répartis entre le mois d’avril et le mois de mai.

Dans un premier temps, il a été établi un regard statistique qui a permis de repérer les occurrences de la lexie « femme » et ses correspondances contextuelles dans chaque numéro. Et dans un deuxième temps, l’étude a mis l’accent sur les figures du stéréotype de la femme dans les articles du Quotidien d’Oran.

Figure n° 1 : Les occurrences du mot « Femme » dans quelques numéros du Quotidien d’Oran des mois de janvier et février 2021.

Les numéros du Quotidien d’Oran

04-01-2021

06-01-2021

13-01-2021

18-01-2021

26-01-2021

02-02-2021

06-02-2021

08-02-2021

17-02-2021

23-02-2021

Les occurrences du mot « Femme »

15

12

12

17

15

05

14

08

07

05

Figure n° 2 : Les occurrences du mot « Femme » dans les numéros du Quotidien d’Oran des mois de mars (du 1er au 16) 2021.

Les numéros du Quotidien d’Oran

01-03-2021

02- 03-2021

03-032021

04-03-2021

06-03-2021

07-03- 2021

08-03-202 1

09-03-2021

10-03-2021

11-03-2021

13-03-2021

14-03-2021

15-03-2021

16-03-2021

Les occurrences du mot « Femm »

6

8

19

13

9

47

85

45

28

60

14

21

19

32

Figure n° 3 : Les occurrences du mot « Femme » dans les numéros du Quotidien d’Oran des mois de mars (du 17 au 31) 2021.

Les numéros du Quotidien d’Oran

17-03-2021

18-03-2021

20-03-2021

21-03-2021

22-03-2021

23-03-2021

24-03-2021

25-03-2021

27-03-2021

28-03-2021

29-03-2021

30-03-2021

31-03-2021

Les occurrences du mot « Femme »

19

22

13

11

13

14

11

11

26

20

28

18

19

Figure n° 4 : Les occurrences du mot « Femme » dans quelques numéros du Quotidien d’Oran des mois d’avril et mai 2021

Les numéros du Quotidien d’Oran

10-04-2021

12-04-2021

19-04-2021

22-04-2021

29-04-2021

03-05-2021

11-05-2021

25-05-2021

27-05-2021

30-05-2021

Les occurrences du mot « Femme »

17

08

14

11

08

11

09

15

17

13

En fonction des numéros, le mot « femme » est récurrent de 5 à 17 fois dans les parutions des mois de janvier et de février. Le chiffre reste stable pendant la 1re semaine du mois de mars puis augmente à partir du 7 mars pour atteindre 85 occurrences le 8 mars. La fréquence reste plus ou moins élevée, avec des baisses et des hausses, pour atteindre 60 occurrences le 11 mars et 32 le 16 mars. Ensuite, elle commence à se restreindre à 17 occurrences durant les mois d’avril et mai.

La répartition dans le journal de ces occurrences est d’une inégale constance. Un grand nombre d’entre elles apparait dans les faits divers et un nombre plus restreint se retrouve dans la rubrique nécrologie, celle des demandes d’emploi et la rubrique télévision au moment de la présentation des héroïnes des films et des séries télévisées sont.

2. La femme et ses univers de référence

2.1. Une thématique de prédilection

Associée à des rubriques de société et de faits divers, le mot femme est lié à une vision la retreignant. Généralement, elle est associée à

  • la violence : des accidents de voiture, des incidents (incendie, asphyxie, etc.);

  • des crimes : assassinats, drogue, vols et délinquance;

  • au viol;

  • la ségrégation contre la femme;

  • des questions de santé féminine : la fertilité, la femme enceinte et le Covid ou le vaccin, le cancer du sein, etc.; 

  • d’autres questions féminines : la minceur, le poids et le corps féminin, la beauté féminine, les produits cosmétiques, etc. 

Pour la période qui coïncide avec la journée mondiale de la femme, d’autres thèmes ont fait leur apparition :

  • la promotion de la femme rurale et de la femme au foyer et leur accompagnement pour la commercialisation de leurs produits;

  • la femme dans différents secteurs auparavant masculins : la femme d’affaires, commerçante, entrepreneur, mécanicien, agriculteur, la femme dans la protection civile;

  • l’égalité entre l’homme et la femme;

  • la protection des droits de la femme au travail.

La femme est présentée dans ce corpus sous différentes catégories dichotomiques :

  1. La femme travailleuse VS la femme au foyer : Lorsqu’on parle de la femme travailleuse, on parle souvent du harcèlement sexuel et de la ségrégation au travail. La femme travailleuse est présentée aussi comme une femme indépendante de l’homme. Le mariage, la famille et les enfants figurent au rang de projets reportés pour la trentaine ou la quarantaine. Elle souffre donc « des problèmes de fertilité ». Elle est d’une accusée façon indirecte. La femme au foyer n’a pas de grande visibilité dans ce corpus. On n’en parle qu’à l’occasion du 8 mars lorsqu’il s’agit d’une manifestation culturelle, d’une foire ou des crédits de l’Angem.

  2. La femme citadine VS la femme rurale : Lorsqu’on parle de la femme rurale, on parle souvent des activités qui ne sortent pas du cadre dans lequel elle évolue, telles que l’élevage, l’artisanat, l’agriculture, comme si la femme rurale ne pouvait exercer d’autres métiers. La femme citadine se présente souvent en association avec des actes violents dont elle est l’actrice ou la victime.

  3. La femme traditionnelle VS la femme moderne : présentée comme une femme parfaite, protectrice des valeurs, des traditions et du patrimoine, la femme traditionnelle est survalorisée. Elle est réduite à l’évocation du haïk et de quelques plats traditionnels ou liée à des objets anciens ou antiques : « La manifestation constitue une occasion pour les visiteurs surtout les jeunes pour découvrir le haïk, symbole de la beauté et une fierté de la femme algérienne », lundi 22 mars 2021.

  4. La femme algérienne VS aux autres femmes : Au sujet des élections législatives ou des droits de la femme algérienne en général, la femme algérienne est soumise à la comparaison avec des femmes d’autres nations. Bien que la femme algérienne ait bénéficié des grandes mesures pour renforcer sa présence dans les élections législatives de 2021, comme elle a renforcé sa présence dans différents secteurs, le journaliste du Quotidien d’Oran rapporte, dans plusieurs articles, ces expériences de la femme algérienne à celles des femmes iraniennes, saoudiennes et celles de certains autres pays du Golf. Il offre le spectacle d’une vision rétrograde dont le charme, au vrai a déjà le goût des cendres.

2.2. Une caractérisation sémantique modalisée

L’image de la femme présentée dans la presse écrite résulte d’un processus de stéréotypage. La presse écrite est le miroir de la société, elle reflète tout ce qui s’y passe tout en créant les conditions pour l’émergence de nouveaux discours. C’est tout à la fois le lieu où circulent des discours, mais aussi le lieu où se construisent les stratégies d’influence.

Dans ce cadre, comment la lexie femme est intégrée aux schémas prédicatifs des différents discours la mettant en scène dans le corpus construit pour l’étude? Force est de constater que l’image qui en ressort perpétue et ancre les stéréotypes fondés sur le genre dans une culture où triomphe le patriarcat.

La femme ne parle pas. Elle est souvent présentée ou citée après l’homme :

- « Des milliers de soldats sont mobilisés pour réprimer sans distinction la population algérienne : hommes, femmes, enfants », dimanche 30 mai 2021, p. 06.
– « Il s’agit de 2 hommes, 6 femmes et 3 enfants », dimanche 30 mai 2021, p. 9.

Elle est d’autres fois présentée comme intégrante dans un ensemble qui renvoie à l’homme :

- « La liste “Echabab wal Kafa’a” comprend 11 candidats, dont quatre femmes », mardi 1 juin 202, p. 11.
– « Au total, 308 personnes, dont huit femmes et cinq enfants, étaient présentes sur ces embarcations », dimanche 30 mai 2021, p. 23.
— « Les éléments de l’unité principale de la protection civile sont intervenus hier vers 9 h 30 pour secourir les onze victimes, âgées de 01 et 70 ans dont neuf (9) femmes », mercredi 6 janvier 2021, p. 14.

2.2.1. La femme est victime 

Il s’ajoute à ce qui vient d’être posé un processus de victimisation de la femme, notamment dans les faits divers. Dans le corpus, la femme est victime : 

  • de violence conjugale, familiale ou sexuelle;

  • d’agression, de kidnapping, de vol et de viol;

  • des accidents de voiture et des incidents (incendie, asphyxie, électrocute, effondrement, etc.).

  • Du harcèlement et violence sexuels dans la rue ou dans le travail;

  • de ségrégation au travail;

  • de ségrégation à l’étranger à cause du voile;

  • de pauvreté et de précarité économique;

  • de la guerre, de l’insécurité et du terrorisme;

  • des maladies;

  • de l’injustice sociale;

  • de divorce ou d’absence de tuteur.

Il est rare de présenter la femme en Algérie comme responsable d’un crime sauf dans le cas de possession et de trafic de drogue. Dans le corpus de l’étude, il figure un cas d’escroquerie (lié à la sorcellerie) sur les 47 numéros pendant que des femmes étrangères sont associées à des crimes comme l’assassinat et l’infanticide.

2.2.2. La femme est douce et sensible 

La femme est présentée comme un être sensible qui peut être affecté par tout, par les maladies comme le cancer ou la thyroïde, par les pandémies comme Covid-19, par les détresses psychologiques, etc. La femme est douce. Il serait donc difficile pour elle de surmonter tout ça.

Mineure et considérée comme fragile, la femme doit être aidée et protégée. L’argument de minorité paradoxalement est en usage pour défendre la femme contre les exactions qu’elle subit.

  1. Mineure et considérée comme fragile, la femme doit être aidée et protégée. L’argument de minorité paradoxalement est en usage pour défendre la femme contre les exactions qu’elle subit. Le discours recourt.

  • À l’emploi de références religieuses pour légitimer la place de la femme : l’héritage, le paradis est sous les pieds de la mère, etc.

  • À l’emploi de références historiques en évoquant le rôle de la femme dans la guerre de libération à côté de l’homme (épouse ou mère de moudjahids ou martyrs).

  • À l’emploi de quelques récits de vie en présentant le rôle de quelques femmes dans la réussite de leurs maris ou leurs fils (écrivains, hommes politiques, combattants, etc.);

  • À d’autres poncifs socialement admis : la femme est une école, la femme est la moitié de la société, etc.

  1. Elle doit être promue : « La promotion de la femme, de la femme rurale, de la femme au foyer » sont des expressions très récurrentes dans le corpus, au moment de la célébration la journée mondiale de la femme. Même pour cette occasion, la promotion de la femme est liée à des expositions des produits de la femme au foyer ou la femme rurale ou à des visites de quelques ministres à différentes manifestations culturelles organisées pour ou par des femmes. Même à cette occasion, le journal n’a pas laissé de place à des articles d’opinion ou de débat qui traiteraient cette question.

2.2.3. La Femme ne peut pas témoigner

Les femmes sont rarement sollicitées en tant qu’auteures d’articles ou comme sources de l’information. Puisque la femme est sensible, elle ne serait concernée que par des sujets comme la mode, l’esthétique, la beauté, les soldes, la minceur, etc. Le journal figure même des témoignages de femmes parlant de surpoids ou de perte de poids et de l’image qu’elles dégagent ou qu’elles perçoivent en étant confrontées à ce type de situation. C’est donc la question de l’image stéréotypée qui relie la valeur de la femme à son corps ou plus particulièrement à des mesures standards du corps.

Il est donc laissé le soin à la femme de se préoccuper de son corps au point où, un article publié le 6 janvier 2021 dans lequel le journaliste passe en revue l’effondrement du pouvoir d’achat des Algériens, la femme n’intervient qu’à la fin pour s’exclamer sur la flambée des prix des produits cosmétiques. Dans les faits divers, c’est rare de lui donner la parole même si elle est la victime.

Pour les chroniques de politique ou d’économie, il est rare de trouver un article signé par une femme ou qui fait intervenir une femme comme témoin ou source. À l’exception de quelques suppléments qui font intervenir quelques rares femmes qui occupent des postes de responsabilités.

2.2.4. La femme exceptionnelle

La femme exceptionnelle est une femme hors catégorie, renvoyée de l’échelle de la norme. Lorsqu’il s’agit d’une femme qui exerce un métier ou une activité réservée à l’homme, le journaliste la présente dans un cadre hyperbolique comme dans les titres suivants :

  1. Wahiba, Seloua et Manel, des « chevalières » face aux flammes.

  2. Allou Rahou : une passionnée de l’agriculture.

  3. Hadda Djeghidal, la première femme mécanicien-auto.

Chaque fois qu’il présente ces femmes, le journaliste insiste sur le fait qu’elles exercent des métiers réservés à l’homme ou typiquement masculins. Ce qui met en scène quelques stéréotypes comme « la femme est trop douce pour exercer quelques métiers »; « le métier d’un homme vaut plus que celui d’une femme ». Donc, ces femmes sont présentées dans un cadre distinctif pour les classer dans la zone des exceptions. Les titres, les mots utilisés, les expressions choisies réduisent l’intégration de la femme au monde professionnel dit masculin et sa réussite à une exception et l’inscrivent dans la zone de l’insolite, un fait souvent incroyable ou contre la norme.

2.2.5. La femme à la limite de l’invisibilité

Dans un article publié le 9 mars 2021, dans la rubrique Événement, le journal relate une marche organisée par les femmes à Alger, capitale du pays. Présenté à la marge sous forme de trois colonnes de petite longueur, ce texte écrit pourtant par une journaliste fait parler un homme, témoin d’un événement dont les femmes sont actrices. Là encore, le discours campe le cadre d’un récit où la femme semble être un motif du décor.

Et même, le 8 mars, quand le journal donne la parole à quelques femmes travailleuses, c’est pour mettre l’accent sur leur capacité à trouver un équilibre entre leur travail et leurs obligations familiales. Pire encore, cela a été l’occasion de considérer les efforts accomplis par les hommes pour créer des conditions favorables au travail des femmes.

Conclusion

Loin de l’idée reçue qui porte le journaliste francophone au sommet de la modernité et le considère comme un être éclairé guidé par les Lumières, les discours relevés sont le reflet de discours sociaux rétrogrades. Ils les consolident par endroits quand ils ne renforcent pas le trait.

Constituée majoritairement d’hommes, l’équipe éditoriale du journal a offert un lieu à la circulation des idées reçues qu’elle a consolidées en les élevant au rang de norme.

Évoluant dans un environnement qui a façonné ses modes de pensées, les journalistes auteurs des articles considérés n’ont pris ni la hauteur ni la distance nécessaire à une écriture objective. Ils ont laissé place à « une intrusion de leur subjectivité ».

Références bibliographiques

Amossy, R. (1989). La notion de stéréotype dans la réflexion contemporaine. In: Littérature, n° 73, Mutations d’images. pp. 29-46.

Amossy, R. & Herschberg-Pierrot, H. (1997). Stéréotypes et clichés : Langue, discours, société. Paris : Nathan.

Grawitz, M. (1983). Lexique des Sciences Sociales, 2e éd., Paris : Dalloz.

Maisonneuve, J. (1989). Introduction à la psychosociologie. Paris : PUF.

Morfaux, L.-M. (1980). Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines. Paris : Colin.

Newman, L. (2012). Children with atypical gender development. Dans A. Gérardin (dir.), IACAPAP e-Textbook of Child and Adolescent Mental Health (p. 1–13). Genève, Suisse : International Association for Child and Adolescent Psychiatry and Allied Professions.

Aouda Mazot

Université Mustapha Stambouli - Mascara.

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