Histoire oubliée écho d’une identité perdue chez Leïla Sebbar

التاريخ المنسي صدى الهوية المفقودة لدى ليلى صبار

Forgotten history echo of a lost identity in Leïla Sebbar

Chahrazed Bakhouche

p. 251-264

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Chahrazed Bakhouche, « Histoire oubliée écho d’une identité perdue chez Leïla Sebbar », Aleph, 10 (1) | 2023, 251-264.

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Chahrazed Bakhouche, « Histoire oubliée écho d’une identité perdue chez Leïla Sebbar », Aleph [En ligne], 10 (1) | 2023, mis en ligne le 31 janvier 2023, consulté le 21 novembre 2024. URL : https://aleph.edinum.org/7778

Pour Leïla Sebbar, l’identité personnelle, n’est que reflet de l’Histoire coloniale. Un va-et-vient entre passé et présent, pour comprendre ce malheur d’être autre. Par des textes qui provoquent le silence. Sous le poids des années, l’amnésie imposée, par une politique aveugle, devient insupportable.
L’architecture de son texte est basée sur la négation de « soi » et la recherche d’une vérité à l’ombre des lignes. Face à l’oppression coloniale, une écriture de mémoire pour ceux privés de voix que sont les oubliés de l’Histoire officielle des deux rives de la Méditerranée. Elle rassemble ces pièces de puzzle pour une reconstitution d’une mémoire où le non-dit constitue le point de départ pour une nouvelle histoire.

بالنسبة لليلى صبار، الهوية الشخصية ليست سوى انعكاس للتاريخ الاستعماري. ذهابًا وإيابًا بين الماضي والحاضر، لفهم ألم كونك شخصًا آخر بالنصوص التي تثير الصمت. تحت وطأة السنوات، يصبح فقدان الذاكرة الذي تفرضه سياسة عمياء لا تطاق. تستند بنية نصها إلى نفي « الذات » والبحث عن الحقيقة وراء السطور. في مواجهة القمع الاستعماري، كتابة من الذاكرة لمن حرموا من صوت، منسيين في التاريخ الرسمي لكلا الجانبين من الجزائر وفرنسا. إنها تجمع قطع الألغاز هذه معًا لإعادة بناء ذاكرة بالمعنى الجمعي، وما لم يتم التحدث عنه هو مجرد نقطة البداية لقصة جديدة

For Leïla Sebbar, personal identity is only a reflection of colonial history. A back and forth between past and present, to understand this misfortune of being other. By texts that provoke silence. Under the weight of the years, the amnesia imposed by a blind policy becomes unbearable.
The architecture of his text is based on the negation of
« self » and the search for truth behind the lines. In the face of colonial oppression, a writing from memory for those deprived of a voice, those forgotten in the official history of both sides of Algeria and France. She brings together these puzzle pieces for a reconstruction of a memory in the plural sense, the unspoken is only the starting point for a new story.

Introduction

La question de l’identité algérienne en période coloniale est complexe. Un siècle et trente-deux ans d’occupation française, durant laquelle le peuple algérien a subi discrimination et dévalorisation des autorités françaises de l’époque. Des politiques radicales se succèdent fondées sur l’acculturation, en renforçant la frontière entre l’Algérien, sa culture, sa religion et sa langue. Plus tard, avec la construction des écoles de la république, la langue française a été imposée aux élèves, pour préparer selon l’idéologie de Jules Ferry l’élite de l’Algérie. La langue devient un outil de domination. Plusieurs écrivains et intellectuels algériens ont trouvé en cette langue un symbole de civilisation, mais aussi de révolution. Cette génération, instruite, a milité par cette langue, a exprimé son appartenance, sa tradition, son identité algérienne à l’exemple de Kateb Yacine, de Mohammed Dib. Mais pour l’écrivaine Leïla Sebbar, sa langue française n’est pas pour raconter son identité, c’est pour dire la rupture, la séparation. En France, après l’indépendance elle raconte une enfance algérienne, à l’époque coloniale, une enfance heureuse et séparée : pourquoi séparée ? Séparée de qui ? De quoi ? À travers notre étude, nous analyserons les écrits de la fille d’instituteurs de la République, père algérien et mère française. Son identité se révèle française par sa langue maternelle, son éducation, sa formation à l’école des filles au quartier européen.

Mais son prénom arabe « Leïla » persiste comme un signe de résistance à la culture française et soulève des interrogations sur soi et l’autre. Avoir une enfance en Algérie, pays de son père en pleine période coloniale, a marqué sa mémoire et son œuvre. Entre un père instituteur, fidèle à la langue et aux valeurs de la république, et une séparation imposée de l’autre : le peuple de son père, sa culture, sa langue arabe. Ses écrits s’alimentent de l’Histoire coloniale des deux rives l’Algérie et la France. Nous allons nous référer aux approches philosophiques, psychologiques, pour comprendre les raisons de cette rupture et ses conséquences.

1. Évanescence de soi

Dans deux des romans de Leïla Sebbar intitulés successivement : Je ne parle pas la langue de mon père et l’arabe comme un chant secret, la langue devient une identité personnelle. La langue maternelle est racontée comme dominant celle du père. Un trouble identitaire que crée une relation amoureuse, du père algérien et de la mère française. Entre dominant et dominé son « je » ne se manifeste que pour se demander à quel clan appartient-il ? Pour cause, une neutralité laïque, et une société coloniale hiérarchisée composée de : Français, colons, juifs et au dernier rang, les Algériens appelés alors « indigènes », « Musulmans » ou « Arabes ». La supériorité de la mère est ainsi confirmée par une stratification sociale qui la légitime. Le père, lui, fut épris des lumières d’une République miroitant les reflets d’une promotion sociale rêvée et espérée et une reconnaissance attendue. Jean Louis Calvet pose que

« La façon dont on analyse l’ensemble des langues et les rapports qu’elles entretiennent est profondément déterminée par l’organisation sociale au sein de laquelle on écrit et par les conflits qui opposent la communauté́ de l’écrivain à d’autres communautés ». (Calvet, 1979 : 240)

Leïla Sebbar s’identifie par une négation, une perte de « soi » « Je ne parle pas la langue de mon père » (Sebbar, 2003 : 11). En ignorant la langue du père dont elle porte le nom, elle est confrontée à une identité non aboutie, avortée en quelque sorte comme si la langue, en territoire culturel arabe, était inhérente à l’affirmation d’une identité :

« Comme si dans cette perspective c’était la langue qui avait créé l’homme arabe, sur un plan de l’innéité ; dans la Jahiliyyah ; sur le plan de la révélation dans la prophétie ; sur le plan de la raison dans l’Islam. Comme si la langue dans la conscience intellectuelle et culturelle arabe était la science de l’être plutôt que la science du langage » (Adonis, 1985 : 106).

D’ailleurs à cette époque, l’assimilation était parfaite et les caractérisants « arabe » et « algérien » sont interchangeables

« Je n’étais pas vraiment musulmane, on disait “les musulmans” pour ne pas dire “les Arabes”, comme on a dit plus tard “les évènements” au lieu de “la guerre d’Algérie”, ou plutôt comme j’entendais dire à l’extérieur de chez moi. J’écoutais, je parlais peu. Je n’étais pas française puisque j’avais un nom arabe ». (Sebbar, 2010 : 14, 15)

Dans L’arabe comme un chant secret, des textes rassemblés et parus déjà dans des ouvrages collectifs ou des revues. Théoriquement parlant selon Philippe Lejeune l’écriture autobiographique, c’est l’écriture où l’auteur assume son « je », suivant un ordre chronologique d’évènements de l’enfance ou encore à l’âge adulte, ce qu’il appelle Le pacte autobiographique. Le « je » de Leïla est inexistant elle ne se raconte pas de façon traditionnelle. L’écrivaine, échoue dans l’épreuve de l’écriture autobiographique, elle avoue :

« Je ne m’imagine pas en sujet autobiographique. Je ne m’intéresse pas. Je ne pense pas (comme je l’ai si souvent entendu dire par d’autres) que ma vie est un roman. Qu’aurais-je à écrire qui peut être lu ? Rien. J’ignore que, si j’écrivais ce que je ne dis pas (cette part clandestine dont je ne parlerais jamais), le récit serait lu. Si j’écrivais, ce n’est pas ce que j’écrirais. Donc je n’écris pas. ». (Sebbar, 2010 : 74)

Selon Jacques Derrida, il s’agit bien de l’impossible autobiographie dans la mesure où le sujet qui n’est pas pensé comme narrant ne correspond pas à l’identité du sujet parlant :

« Et si l’indication, par exemple l’écriture au sens courant, doit nécessairement “s’ajouter” à l’identité pensée de l’objet, c’est que la “présence” du sens et de la parole avait déjà commencé à se manquer à elle-même. ». (Derrida, 1967 : 97)

La première de couverture porte la mention « récit » sans autre précision. L’ordre chronologique des textes retrace le désir de donner une idée aux lecteurs, par des récits possibles sur « soi ». Une personne amnésique que guide la lettre qu’il suit. Son « je » se perd dans des phrases inachevées, qu’expriment les titres des deux premiers textes en relation avec la langue, racontant le malheur d’être autre : « Si je parle la langue de ma mère », « Si je ne parle pas la langue de mon père ». La cause de cette affirmation est dans le texte, c’est une réalité qui a son origine, son ère, et son lieu. Une enfance perturbée par l’absence de l’autre entité inconnue de l’identité personnelle, celle du père. Il s’agit d’une introversion, un sujet dépossédé de lui-même, un corps imprononçable :

« Dire “je”, l’écrire, ça s’apprend. Et si personne n’a été là pour qu’il prenne vie, pour qu’il vive et prospère, ce “je” inconnu, né de père et de mère inconnus ? Orpheline du “je” maternel et du “je” paternel. Comment d’une double absence, produire la présence, produire d’un “je” privé de l’un et de l’autre ? Il n’existe pas, dans la langue française, un mot pour dire l’état d’une mère, ou d’un père, qui a perdu son enfant. Comment nommer celle qui a perdu le “je”, le sien, qui existe, forcément ? Mais ne sachant pas s’il est mort, il faut en faire le deuil le pire des deuils. Il aurait disparu, on l’aurait fait disparaître, il fait si peur, il est si démoniaque. ». (Sebbar, 2010 : 72)

Pour Leïla Sebbar, son prénom arabe, est loin de sa vraie identité française, de son éducation de sa langue maternelle. Elle n’est pas arabe, elle ne ressemble pas aux femmes du peuple de son père. Roland Barthes pense que le nom propre est riche de signification : « Sur le plan sociologique, le nom propre condense des sèmes qui renvoient à des codes socioculturels spécifiques à la culture de celui qui la porte » (Barthes, 1972 : 125). Et selon Abdelkébir Khatibi, le nom propre est la référence identitaire, il devient parfois une : « “institution socioreligieuse” qui renferme celui qui la porte dans l’illusion de l’inaltérité, une “déchirure nominale” » (Ahnouch, 2015 : 230). La structure de l’intrigue est confuse, elle est soumise aux résultats d’un effacement jugé incompréhensible par l’écrivaine. Elle résolut que personne ne viendrait la secourir, elle préfère se taire :

« Je me suis perdue à moi. Pour ne pas répondre. Ne pas dire ce qu’elles auraient désapprouvé. Taire aussi ce qu’elles attendaient que je dise. Qui pouvait me reconnaître ? Mon père. Ma mère. Où je risquais d’être reconnue ? À l’intérieur du grillage de la cour, dans la maison protégée, avec mon frère, mes sœurs, dans la cour, dans la maison protégée, avec mon frère, mes sœurs, dans la cour, le préau, le jardin, sur la terrasse, la véranda ». (Sebbar, 2010 : 14)

L’arabe fut éclipsé par la langue maternelle. Ce linguicide affecte sa détermination en rejetant « soi » pour l’autre, une supériorité aveuglante par le langage, comme l’explique Calvet :

« Essayons au moins pour conclure de réfléchir à l’opinion généreuse que l’occident sut offrir aux cultures qu’il rencontra : l’assimilation qui, notre belle âme le déplora souvent, intervint presque toujours trop tard, lorsque les Indiens, les Noirs ou les Arabes eurent pris conscience de leur existence séparée ou furent morts. Par sa connotation biologique, le mot lui-même renvoie à une anthropologie réussie. L’idéologie des lumières est cannibale dans la mesure où elle nie l’autre dans sa différence pour n’en retenir que ce qu’elle peut faire soi-même. Il s’agit bien sûr, pour nous, d’une partie seulement de ce festin, de glottophagie : les langues des autres (mais derrière les langues, on vise les cultures, les communautés) n’existent que comme preuves de la supériorité des nôtres, elles ne vivent que négativement, fossiles d’un stade révolu de notre propre évolution ». (Calvet, 1979 : 31)

Leïla Sebbar fut élève à l’école des filles dans le quartier européen à Hennaya à Telemcen. Elle ne fréquente pas l’école indigène de son père, à l’instar d’Assia Djebbar. Ce paradoxe va créer chez elle un refus de tout ce qui provient de son père jugé incompatible avec son éducation française. Du monde du père se détachent la grand-mère, les tantes, les voisins avec lesquels sa famille n’aura pas de contact (la maison et l’école étaient dans le quartier arabe). Les bonnes Fatima et Aïcha, les filles qu’elle voyait jouer devant la porte de la maison de l’école, comme Safia la fille sauvage. Mais aussi une violence de la langue qu’elle ressent par les injures des garçons tout au long du chemin de l’école, puisqu’elle et ses sœurs sont filles de la « roumiya ». Un univers inconnu loin des murs de l’école : « Mon père, avec lui, nous séparait de sa terre. Pourtant tout autour de l’école c’était l’arabe. Les murs n’étaient si épais… ». (Sebbar, 2003 : 42)

La comparaison à l’autre, cet autre arabe, ignorant, soumis à des lois injustes et privé de la vie moderne métropolitaine. Il est dominé par une tradition et obéit à une autorité tribale et religieuse. Une société dite musulmane renfermée sur elle-même, qui rejette à son tour l’autre français et infidèle. Cet étranger qui a pris la terre des ancêtres forge des lois d’assimilation, une sorte de palimpseste.

La langue maternelle en français accepte deux sens comme l’explique Jacques Derrida, jusqu’à dire qu’elle a une force mythique :

« La force mythique de la notion de “langue maternelle” peut très bien provenir du fait que la langue elle-même est vécue comme maternelle et maternelle, comme si l’irremplaçable unicité de l’idiome à travers lequel le sujet est “amené à l’identité” s’est rappelée — ou, pour ainsi dire, “remplacé” — l’unicité irremplaçable de la mère. En effet, la locution langue maternelle en français, peut-être même plus que son équivalent anglais, est une expression ambiguë, car elle peut signifier soit la langue de la mère, soit la langue elle-même en tant que mère » (Berger, 2002 : 14).

Leïla Sebbar empreinte l’image d’un enfant dans le ventre de sa mère, pour donner l’idée fidèle à son image personnelle. Cet enfant est toujours dépendant de sa mère, elle est source de vie de nourriture, mais aussi de protection et de sécurité. Les verbes conjugués au présent expriment la continuité, la dominance. Sa mère la Française et sa langue maternelle représentent la même chose. L’écrivaine ne peut s’identifier qu’à travers cette langue qui n’est que son univers, son appartenance :

« Enserrée dans la langue de ma mère, je n’entendais que ce qui venait d’elle, ce qui était véhiculé par elle, imposé, reçu, digéré, appris, recraché… la langue de ma mère me cernait, me cerne encore. Ma mère m’a enfermé dans sa langue, comme encore dans son ventre. Je me suis enfermée moi-même dans les livres — à l’école, en pension, pendant mes études de lettres en France — et dans la langue maternelle. Je n’ai pas appris d’autres langues, langues latines uniquement ». (Sebbar, 2010 : 17)

L’écrivaine a choisi de ne pas apprendre l’arabe, la langue de son père. Elle justifie cette décision, par rapport au père qui a choisi de la tenir loin de lui de sa tribu, de sa langue : « Répondant au désir de mon père, je n’ai pas appris sa langue et je dis, j’écris que je ne l’apprendrai pas ». (Sebbar, 2010 : 85)

Elle préfère la garder prisonnière du silence, pour pouvoir affranchir toutes les portes mystérieuses, interdites :

« Si mon père m’avait transmis sa langue en héritage, l’arabe, j’aurais écrit en arabe, mais je n’aurais pas écrit mon père dans sa langue. J’affirme cela, une telle certitude. Ce que j’écris de mon père en langue française, la langue étrangère à ses sœurs et à sa mère qui leur interdit ce récit où elles sont vivantes dans la cour au jasmin au vieux Ténès, je ne l’aurais pas écrit en arabe parce que mon père n’aurait pas été, alors, cet inconnu de mes livres : l’arabe imaginaire ». (Sebbar, 2010 : 109)

Kafka a éprouvé ce sentiment d’éloignement que provoque la langue maternelle, en faisant la liaison avec l’identité opprimée sous le colonialisme allemand :

Hier, il m’est apparu que je n’aimais pas toujours ma mère comme elle le méritait et comme je le pouvais, uniquement parce que la langue allemande l’empêchait. La mère juive n’est pas un « murmure », l’appeler « marmonnement » la rend un peu ridicule (« Mutter » n’est pas ridicule en soi, puisque nous sommes en Allemagne). Nous donnons à une femme juive le nom d’une mère allemande, mais oublions la contradiction qui s’enfonce d’autant plus dans les émotions, « Mutter » est particulièrement allemand pour le juif, il contient inconsciemment, avec la splendeur chrétienne la froideur chrétienne aussi, la femme juive qui s’appelle « Mutter » devient donc non seulement ridicule, mais étrange. Maman serait un meilleur nom si seulement on n’imaginait pas « mutter » derrière ça (Kafka, 1948 : 230).

La motivation du père dans le choix de la langue trouve sa source dans la loi gouvernant l’école de la République telle qu’édictée par Jules Ferry en Algérie. L’enseignement des enfants en Algérie, à l’ère coloniale, n’était rendu obligatoire qu’après la Seconde Guerre mondiale. Le père de l’écrivaine, Mohammed Sebbar, était parmi les premiers ressortissants de l’École Normale de Bouzaréah, on les appelle les hussards noirs. Ils seront les porteurs des valeurs de la République. Les cours sont donnés en langue française uniquement, la langue arabe n’est même pas enseignée comme langue secondaire. La politique française prônée par Jules Ferry a mis au monde des orphelins de la langue ancestrale, mise à l’écart et marginalisée. Ce qui a fait naître le sentiment d’infériorité constant par rapport à l’autre français civilisé et instruit. Cet algérien, intellectuel, n’avait pas de choix réellement. La perte de sa propre identité commence par ce choix : ce qu’offre la République à ses enfants est un modèle idéalisé, imposé par une politique d’assimilation, et une laïcité prometteuse d’égalité. En se cachant derrière le désir de civiliser la population autochtone, une idéologie destructive bien théorisée se lance pour choisir celui qui répond aux critères voulus, par conséquent il aura la nationalité et arrivera à exercer ses fonctions, à acquérir ses droits comme citoyen ; être naturalisé.

Les conséquences de cette rupture ne sont que l’écho d’un déséquilibre ressenti comme un manque et une impuissance de se créer sa propre mémoire, sa propre identité. De ce monolinguisme s’est produit un effacement de toute authenticité personnelle :

« La tentative implacable de reproduire et d’être à l’écoute des cadences, des rythmes et des intonations de la langue a laissé à certains de ces auteurs un sens aussi intransigeant, et peut-être pathologique, de la pureté de la langue lorsqu’ils se soumettent à la loi de l’autre. Que le résultat est une mémoire handicapée de tout ce qui dépasse le monolinguisme. Bien que cela soit certainement un symptôme de la nature répressive de l’application politique du français, cela a conduit à un changement radical du statut de la langue » (Berger, 2002 : 133).

Leïla Sebbar suit les pas de son père. Elle raconte comment il a été enlevé à sa mère à sa patrie vers une utopie républicaine, laïque et idéale, à laquelle il donnera ses enfants : « mon père m’a placée volontairement du côté de ma mère, du côté du vainqueur, du dominant, du côté de la France en Algérie, de l’Algérie française dans sa langue et dans ses livres, obstinément. » (Sebbar, 2010 : 85)

Pas de tribu, pas d’ancêtre et pas de religion. Ce vide qu’ont créé les valeurs de la République est irremplaçable : « combien de vies, de livres, de mots pour croire qu’ils sont mes ancêtres ? » (Sebbar, 2010 : 43) La laïcité a détruit l’univers culturel des parents instituteurs : « Silence sur la tradition maternelle catholique, silence sur la tradition paternelle musulmane, algérienne. La république laïque, avec ses règles, est le lieu principal, privilégié, idéal, absolu de tout acte, de toute parole. » (Sebbar, 2010 : 44)

Pour se reconstruire, se comprendre, elle revient vers cette enfance coloniale. Le non-dit de l’Histoire collective et personnelle donnera une certaine légitimité à son existence : « L’histoire privée est oblitérée en même temps que l’histoire publique. C’est la guerre de libération algérienne, qui, pour moi, fera histoire. Je sors du néant avec la guerre. » (Sebbar, 2010 : 78) Elle considère qu’elle est le produit de cette époque, de cette politique : « Je suis citoyenne d’une génération spontanée, je ne suis pas seule. J’ai une tribu politique, une utopie… Je deviendrai comme d’autres orphelines de la Révolution. » (Sebbar, 2010 : 78)

2. L’Histoire et l’émergence de Soi

Leïla Sebbar trouve dans l’Histoire coloniale, une source d’inspiration et de détermination. Face au silence consenti, c’est le droit de savoir, cette envie de découvrir tous ces secrets est traduite par une curiosité sans fin :

« Le silence de sa langue, son silence dans sa langue ont provoqué après une longue amnésie la profusion des mots dans l’autre langue, obsessionnelle jusqu’à la folie, un désir patient de savoir, la curiosité de l’enfant à qui l’on cache obstinément un secret et qui cherche la clé du cabinet noir avec ses surprises, le vide ou le sang » (Sebbar, 2010 : 109).

Parler d’un trauma collectif nécessite un travail profond, et un retour aux blancs de l’Histoire des deux rives l’Algérie et la France. Loin de l’Histoire officielle, qui ne fait qu’effacer par le facteur temps et par une terminologie trompeuse : Dire par exemple « évènements d’Algérie » au lieu de guerre, parler des soldats morts pour la France. Cette opacité du discours officiel ne fait en réalité que submerger une autre voix occultée, celle du peuple.

Polyphonie pour lutter contre l’oubli, une piste primordiale pour découvrir « soi », tout en frappant aux portes de l’interdit :

« L’oubli n’est pas effacé, mais seulement refoulé ; ses traces mnésiques existent dans toute leur fraîcheur, mais sont isolées (…) elles ne peuvent pas entrer en relation (…), elles sont inconscientes, inaccessibles à la conscience. Il se peut aussi que certaines parties du refoulé se soient soustraites au processus, qu’elles restent accessibles au souvenir, qu’elles surgissent à l’occasion dans la conscience, mais même alors elles sont isolées, comme des corps étrangers, sans lien avec le reste » (Freud, 2000 : 123).

La politique coloniale semait dans l’esprit des deux communautés « indigènes » l’égalité et la paix, choses qui n’existent pas réellement. La frontière est là, elle est claire comme pour l’au-delà de la maison de Sebbar. Le modèle parfait n’existe pas, une comparaison basée sur une phrase utilisée par l’écrivaine « La maison de l’école » modèle d’une petite République fondée par son père, et de l’autre côté ce sont les quartiers des « Fils de pauvre ».

Ce que subit Leïla Sebbar comme discrimination à cause de son prénom, à l’école avec les filles des colons, la fait plonger dans un conflit intérieur. Il ne s’agit plus d’un prénom arabe, mais d’une discrimination entre les communautés vivantes en Algérie à cette époque. Une stigmatisation de l’autre, de son identité. Cette société se base sur des pratiques politiques auxquelles personne ne peut échapper un racisme qui n’a que le silence comme réponse :

Nous ne posons pas de questions, ce n’est jamais le moment de poser des questions. Et moi protégée contre les mots des fils du peuple de mon père dans la forteresse des livres et du savoir, ce que les jeunes filles de la colonie me disent dans la langue de ma mère, dénaturée, je le tais. Les questions insidieuses dont je ne saisis pas tout de suite la perfidie (j’ai déjà écrit dans un autre texte les mots quotidiens de l’inquisition de l’Algérie française), elle les répète, variant le thème. Mon nom même, prénom et patronyme, annonce que je suis la fille de mon père, un arabe un ennemi de la France, un assassin de bons, de vrais Français, propriétaires industrieux de ce pays sauvé de la friche et de l’ignorance, en rupture salutaire de langue inculte, de religion obscurantiste, de coutumes obsolètes. (Sebbar, 2010 : 67)

La découverte du pays de son père n’était pas facile. Face au silence de la parole, elle fréquente le bruit des mots, des livres qui deviendront le moyen de révolte contre les non-dits. Dans Je ne parle pas la langue de mon père un dialogue s’établit entre le père et sa fille. Des communications téléphoniques durant lesquelles elle essaye vainement de le faire parler. La recherche de la vraie histoire de la bouche de son père. Ce dernier lui répète qu’ils ne peuvent développer de tels sujets au téléphone et l’invite à venir avec ses enfants pour en parler plus. Sebbar sait très bien que son père fidèle à ses principes ne lui racontera rien. Elle n’arrête de faire des enquêtes, de recueillir des témoignages d’Algériens en terre d’exil commençant par la revue ELLE qui s’intéresse aux immigrés qui ont quitté l’Algérie à la veille de l’Indépendance.

La nuit du dix-sept octobre 1961, plusieurs Algériens sont jetés dans La Seine. Elle écrit en leur mémoire le roman « La Seine était rouge ». L’État français n’a pas reconnu ces évènements. Au lendemain du drame, on ne raconte rien dans les journaux. Ce n’est que le 17 octobre 2001 que le maire de Paris Bertrand Delanoë a apposé une plaque commémorative à la mémoire des Algériens tués lors de cette répression sanglante. Les protagonistes Amel et Louis (une Beur et un Français) cherchent à réaliser un film sur ce drame. Le texte se faufile sous forme d’un scénario. L’histoire commence par le refus de la mère d’Amel de parler, son désir d’oublier ne fait qu’allumer la curiosité de sa fille. Omar, un journaliste algérien qui vient de l’Algérie, fait part d’évènements sanglants qui frappent le pays, la décennie noire. Les trois jeunes trouvent des difficultés à avoir assez d’informations sur cette nuit du sang puisque ceux qui l’ont vécu refusent d’en parler. Ils n’arrivent pas à s’exprimer, ils préfèrent se taire. D’où la nécessité de passer à l’action, faire des enquêtes auprès de ceux qui ont vécu cette scène. Cette quête devient une source de vitalité même par anonymat : l’acte de dévoiler et oser dire devient une priorité de ces jeunes. Omar et Amel écrivaient sur les murs des lieux interdits :

« Omar se lève. Amel dit : « on va où ?  » Omar : « tu verras. ».
Quelques jours plus tard, Louis filme sur le quai Saint-Michel, les lettres rouges : ICI, DES ALGÉRIENS SONT TOMBÉS POUR L’INDÉPENDANCE DE L’ALGÉRIE LE 17 OCTOBRE 1961 ». (Sebbar, 2003 : 90)

Ils racontent ce matin du 17 octobre 1961, dans des lieux différents : maisons, cafés. Avant le drame que cache la nuit, des innocents marchaient en familles et ignoraient que ça serait pour beaucoup d’entre eux le dernier voyage. Un titre qui résume tout, il révèle les massacres et réveille le souvenir douloureux, pour ceux qui ont vécu ce drame. Ils éprouvent des difficultés à parler, à revenir sur les lieux. Ils préfèrent se taire, plier une autre page d’un passé sanglant.

Amel, Omar et Louis sont à la recherche d’une vérité sur la seine devenue rouge, le rouge du sang est provocateur. Des phrases mises à l’ombre des lignes, pour dire la vraie histoire, par des mains de jeunes qui veulent tout savoir sur un passé qui dépasse l’Histoire officielle. Pour se réveiller de l’amnésie, ils sont en lutte contre l’oubli volontaire, d’une tragédie sociale, nationale et historique. De l’autre côté, les autorités françaises, par tous les moyens veulent garder la belle image de la France civilisatrice, loin du sang, des crimes qu’on ne reconnaît pas.

Leïla Sebbar, éveille aussi le souvenir des soldats algériens mobilisés pour la Seconde Guerre mondiale, dans son roman Soldats. Ceux qui sont morts pour la France, elle ouvre son roman par ce prologue :

« Un homme grand, encore jeune, marche entre les tombes au bord du gazon. On voit des croix et des stèles alignées, au pied de chacune, des rosiers rouges. L’homme s’arrête devant une inscription qu’il semble déchiffrer. Il reste longtemps de bout. Il lit, d’une stèle à l’autre :
Do Binh Lo mort pour la France.
Samba N’Diaye Mort pour la France.
Mimouni Jacob Mort pour la France, 1919.
Ammar Ben Ahmed Ben Mabrouk Mort pour la France, 1917. » (Sebbar, 1999 : 8)

Ces jeunes appelés, qu’on ignore leurs familles, et même leurs familles ignorent leurs sorts en terre d’exil. Au cimetière, en France, un carré musulman pour leur rendre hommage. Elle fait la description des stèles faites en direction de la Mecque selon la religion musulmane. Ces soldats oubliés par les deux rives, elle imagine pour chacun d’eux une histoire, une vie, une voix, une famille et des enfants. Des enfants auxquels on a enlevé les pères, des femmes qui ont subi la double séparation, puisque les fils suivent leurs pères. L’écrivaine peint cette douleur des mères qui sont à la recherche de la trace des enfants morts loin de la maison, loin de la terre des ancêtres :

« Allez-y, allez là-bas, vous avez raison, si j’avais su, j’y serais allée, avant… Mon fils serait vivant, comme d’autres soldats, prisonniers des rebelles, des insurgés moins féroces que les officiers de nos armées, ils ont rendu des fils à leurs mères ». (Sebbar, 1999 : 77)

Ces conditions jettent le lecteur dans une réflexion sur la guerre. Un compte politique social et familial. La fin de l’histoire est un épilogue : elle rend hommage à ces soldats venus de partout pour mourir en guerre en terre étrangère. Soldats de différentes religions et de différentes langues sont tous rassemblés aux cimetières et au pied desquels des palmiers nains étaient plantés.

Elle fait le voyage dur, des soldats morts hors du pays natal en terre d’exil : Africains, Algériens. Mobiliser un sang mélangé! C’est de cette façon qu’on revoit la même image dans son carnet de voyage Mes Algéries en France. Des slogans que l’armée française à l’époque diffusait entre les soldats, écrits en arabe et en français : « Rien ne nous séparera لا شئ يفرقنا, notre sang s’est mélangé دمنا تخلط ». (Sebbar, 2004 : 211)

Dans ses œuvres, on constate une dualité entre le passé et le présent. L’Algérie est toujours présente pour dire le pays de son père et ce qu’il est devenu. Un autre évènement frappe une nation qui vient de se libérer, un terrorisme aveugle. L’image du sang revient, mais cette fois sous une autre forme : le frère tue le frère.

Une mémoire brisée par la décennie noire, où tous les repères sont perdus. Son œuvre fidèle au fragment entreprend le délire comme style d’écriture. Le discours fanatique s’inspire des lois faites au nom du Dieu et contre Dieu, une intrigue confuse. La force de la parole, la violence du mot ne semblent pas suffire à décrire le malheur qui a frappé le pays de son père une seconde fois. Elle décrit cette période comme une seconde insurrection : « au premier jour de l’insurrection, novembre 1954, on tue des instituteurs, comme cinquante ans plus tard lorsque le frère tue le frère. » (Sebbar, 2010 : 66)

« Le frère tue le frère », le sang, la religion, le mythe, et l’Histoire coloniale pour comprendre ce drame qui a frappé l’Algérie. Dans Je ne parle pas la langue de mon père, elle imagine que le fils de Fatma leur bonne d’antan, devient terroriste. Ami du terroriste, Khaled Kelkal, auteur de plusieurs attentats en France :

« Il a parlé de Kelkal, l’enfant des cités, recruté sur ordre, formé au pays, jeune homme studieux, un fou de Dieu, fou d’Allah, courageux, il serait devenu émir de la zone lyonnaise, la police française l’a abattu à une station de bus, sa photo en poster dans la France entière, quelqu’un l’avait dénoncé, il venait de quitter son maquis, la forêt où il vivait en Indien comme dans les bandes dessinées qu’il lisait, accroupi dans un coin de la bibliothèque, dans sa cité natale, la cité des 4000, à Courneuve » (Sebbar, 2003 : 51).

La confession d’un fou, paru en 2011 aux éditions, bleu autour, tisse une histoire d’un crime, au discours fragmenté. Un récit coupé en courts chapitres numérotés, variés. Entre phrases et paragraphes, se raconte l’histoire d’une vengeance d’un fils à la suite de la mort de son père. Pas d’ordre chronologique, comme si le temps s’est arrêté au moment du décès du père. Pas de date ni heure, pour l’espace c’est la maison, la forêt et la grotte. Les personnages sont : la mère, le fils et le père, pas de prénoms. Le récit est raconté à la première personne du singulier un « je » qui renvoie au fils, et à la troisième personne du pluriel, ainsi que le pronom indéfini « on ». On ne peut identifier de qui il parle. L’histoire commence par la mort du père qui n’était qu’un assassin. Le fils part à la recherche des tueurs de son père, mais ce dernier à son tour refait l’acte de son père « tuer », il est légitime, il représente la justice :

« Ils disent que je suis un Juste.
Un tueur peut-il être juste ?
44
C’est le chaos.
45
Tuer les artisans du chaos. Mais les tuer tous ». (Sebbar, 2011 : 38)

Le mythe religieux d’Abraham, ainsi que le mythe oriental des mille et une nuits, est un symbole du sacrifice, du sang :

« Ma mère me raconte une vieille histoire. Elle dit que c’est une très vieille histoire du début du monde, la date exacte personne ne la connaît, même les savants. Lentement, elle répète : « Abraham prit le couteau pour égorger son fils. ». (Sebbar, 2011 : 26, 27)

La mère devient folle à la suite de la mort de son mari et au départ de son fils. Le malheur va frapper toute la descendance. On se perd dans un labyrinthe d’un non-sens, la relation entre les faits et personnages est complexe. L’acte d’écrire et celui de tuer ne sont que la même chose et le souvenir ne fait qu’accentuer la douleur.

Conclusion

Revenir à l’Histoire coloniale oubliée, c’est raconter les souvenirs d’une enfance en pays colonisé, mais c’est aussi dressé le modèle caché d’un effacement théorisé. Une politique d’oppression à laquelle rien n’échappe même la constituante la plus chère à un être humain son identité. L’acte d’écriture pour elle, est un acte de survie, et son inspiration c’est l’indicible et la langue étrangère aux signes inconnus, l’arabe. Sous l’œil de la femme conteuse : « Nous sommes Assia et moi, les filles des pères, diseuses de mémoires » (Sebbar, 2004 : 32), Leïla Sebbar ne veut tourner la page. De cette trajectoire inaudible, elle veut renouer avec ces fragments de mémoires personnelle et collective afin d’avoir l’image de cette lignée interrompue.

Bibliographie

Adonis, 1985, Introduction à la poétique arabe, Sindbad. Paris.

Ageron, Charles-Robert, 2004, Histoire de l’Algérie contemporaine, Presse universitaire de France

Ahnouch, Fatima, 2015, Abdelkébir Khatibi la langue, la mémoire et le corps. L’Harmaton.

Barthes, R. (1972). Le degré zéro de l’écriture. Le Seuil.

Berger, Anne-Emmanuelle, 2002, Algeria in others’ languages. Cornell University press Ithaca and London.

Calvet, Louis-Jean, 1979, Linguistique et colonialisme, petit traité de glottophagie, Paris, Petite Bibliothèque Payot.

Derrida, Jacques, 1967, La voix et le phénomène, éd PUF.

Fanon, Frantz, 2015, L’an V de la révolution algérienne, Talantikit, Béjaïa.

Kafka, Franz, 1948, The Diaries of Franz Kafka. Max Brod : Schocken Books.

Sebbar, Leïla, 2003, Je ne parle pas la langue de mon père, Julliard.

Sebbar, Leïla, 2010, L’arabe comme un chant secret, Bleu autour.

Sebbar, Leïla, 2011, La confession d’un fou, Bleu autour.

Sebbar, Leïla, 2003, La seine était rouge, Thierry Magnier.

Sebbar, Leïla, 2004, Mes Algéries en France, Bleu autour.

Sebbar, Leïla, 1999, Soldats, Seuil.

Sigmund, Freud, 2000, L’homme moise et la religion monothéiste, Folio Gallimard.

Chahrazed Bakhouche

Laarbi Ben Mhidi - Université Oum El Bouaghui

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