Introduction : Quelques repères théoriques
Depuis la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui confère le droit à l’éducation à chaque individu (Diallo, 2001), l’Éducation Pour Tous (EPT) semble être une priorité pour la communauté internationale. La conférence mondiale sur l’EPT, tenue à Jomtien en 1990, qui interpelle les États sur l’importance de l’éducation des filles afin de favoriser leur participation active au développement (Bih & Acka, 2003) en est la preuve. Dans cette dynamique, la Côte d’Ivoire va enregistrer d’importants progrès dans la scolarisation des enfants tant au niveau des garçons que des filles (Bah, 2015). Cependant, l’éducation des jeunes filles se heurte aujourd’hui au phénomène des grossesses en milieu scolaire qui porte préjudice à leur maintien à l’école en dépit de la lutte engagée en effet, par l’État à travers le Ministère de l’Éducation Nationale (MEN) et du soutien du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), du Fond des Nations Unies pour la Population (UNFPA), la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement (BAD) et par certaines Organisations Non Gouvernementale (ONG), le phénomène perdure. En effet, nombreuses sont les jeunes filles qui abandonnent l’école chaque année du fait d’une grossesse. En attendant de trouver la bonne formule qui mettra fin à cette situation, la nécessité de la mise en place de stratégies pour le maintien de ces dernières à l’école s’impose au risque de mettre en péril les efforts du gouvernement à se conformer au point 2 et 3 des objectifs du millénaire pour le développement (OMD). L’Éducation nationale pour sa part a joué son rôle en n’excluant pas les jeunes filles enceintes comme il était constaté auparavant. Elle a plutôt pris des mesures favorables à leur maintien à l’école pendant la grossesse et même après l’accouchement. Devant l’échec des stratégies coercitives, la priorité est portée vers les facteurs pouvant amener la jeune fille à se reconstruire et à continuer d’aller à l’école malgré la grossesse (Drapeau, Saint-Jacques, Lépine, Bégin & Bernard, 2003 ; Kayitesi, 2006 ; Dubois 2011 ; Gosselin-Gagné, 2012 &
Gagné, 2018). Depuis près d’une décennie, l’école ivoirienne est menacée par l’ampleur des grossesses. Ce phénomène n’est certes pas nouveau, mais sa recrudescence en si peu de temps inquiète les autorités du système éducatif et au-delà, toute la société (MENET, 2014) montre l’évolution des grossesses sur six ans, tant dans le primaire que dans le secondaire. Les chiffres, alarmants en 2012-2013, ont ensuite connu une baisse jusqu’en 2016, pour remonter considérablement dans le courant de l’année scolaire 2016-2017. Les 5076 cas enregistrés en 2012-2013 pourraient s’expliquer en partie par la crise Post-électorale qui a secoué la Côte d’Ivoire de 2010 à 2011. La dégradation des conditions de vie des populations ainsi que les déplacements internes des populations ont eu un impact négatif sur la vie scolaire des élèves en général et particulièrement sur les jeunes filles (Kouakou & Konan, 2018). En effet, nombre de personnes déplacées ont vécu dans des conditions d’extrême précarité avec des difficultés d’accès aux services sociaux comme la santé, l’éducation, la nourriture. La baisse enregistrée sur une période de trois ans est due à la vaste campagne de sensibilisation, dénommée « zéro grossesse à l’école », entreprise par le Ministère en charge de l’Éducation Nationale. Le relâchement dans la sensibilisation pourrait expliquer la recrudescence du phénomène. Aucune région du pays n’est épargnée par les grossesses en milieu scolaire. Cependant, certaines à l’instar du Gontougo sont particulièrement touchées. Nous remarquons une évolution en dents de scie. Les chiffres ont connu une augmentation de 2012 à 2014 contrairement à la tendance au plan national, pour ensuite diminuer en 2015. Ils remontent en 2016 pour redescendre en 2017. Selon le responsable du service des stratégies, de la planification et des statistiques (SSPS) de la DRENET-FP de Bondoukou, la légère baisse du nombre de grossesses en milieu scolaire, en 2015, est due aux actions menées par le gouvernement à travers le MEN. Cependant, l’insuffisance de moyens financiers et matériels n’a pas permis de multiplier les séances de sensibilisation et de les étendre à tous les établissements de la région, ce qui a entrainé une augmentation brusque des chiffres. Les activités et moyens mis en œuvre sont variés. À ce propos, Gogoua (2015) explique qu’un plan accéléré a été adopté en conseil des ministres, le 2 avril 2014. À ce titre, une campagne nationale « zéro grossesse à l’école » a été menée. Des clubs de lutte contre les grossesses et infections sexuellement transmissibles ont aussi été créés dans tous les établissements scolaires. De même, des services de santé sexuelle et reproductive ont été offerts et des sanctions pénales et disciplinaires ont été appliquées à l’encontre des auteurs des grossesses. Force est de constater que de nombreux cas de grossesses sont encore enregistrés dans le milieu scolaire ivoirien, avec des conséquences diverses. En effet, ce fléau nuit gravement au taux d’achèvement des cycles d’études dont les niveaux restent faibles et problématiques. Pour l’année scolaire 2014-2015, ils sont 60 % au primaire, 36 % au premier cycle et 20,1 % au second cycle (Akindes, 2016). Malheureusement, faute de statistiques fiables, on ne peut évaluer précisément le taux d’abandons dus aux grossesses en milieu scolaire (DRENET-FP Bondoukou). Lors d’une conférence prononcée le 25 octobre 2018 à la pairie de Bondoukou dans le cadre de la relance de la campagne « zéro grossesse à l’école », Monsieur Koidio Bernard, de la DMOSS Abidjan, a relevé que les grossesses des élèves occasionnent beaucoup d’abandons sans pour autant avancer les chiffres. Par ailleurs, les filles-mères ou enceintes font face à la stigmatisation et aux problèmes financiers. Elles éprouvent également des difficultés pour ce qui concerne la garde de leur enfant (Terrisse & Larose, 2001 ; Rutter, 2002 ; Vanistendael, 2002 ; Théorêt, Hrimech, Garon & Carpentier, 2003 ; Bih & Acka, 2003 ; Cyrulink, 2004 ; Berrewarerts & Noirhomme-Renard, 2006 ; Quinton, 2007 ; Rousseau, 2011 ; Vrai, 2012 : Bader & Fibbi 2012 ; UNFPA, 2013 ; Bah, 2015 et Atger, Lamas, & Vulliez-Coady, 2017).
Au regard des difficultés énumérées, tout porterait à croire qu’il est impossible à une fille-mère ou élève enceinte, de poursuivre normalement ses études. Toutefois, au Sénégal, 15,16 % des élèves tombées enceintes parviennent à reprendre les cours (UNFPA, 2015). Mieux, il ressort de l’étude exploratoire auprès des éducateurs des lycées et collèges de la ville de Bondoukou que certaines filles reviennent après l’accouchement. Par exemple, au cours de l’année scolaire 2017-2018, ils ont enregistré le retour de 25 élèves sur 60, soit 41,7 %. Celles-ci se sont intégrées au milieu scolaire, faisant preuve de résilience. Selon Bouteyre (2004 ; In Bouteyre 2010 :3), « la résilience scolaire se reconnait au fait qu’un enfant poursuit normalement ses études alors qu’en raison des difficultés qui l’accablent, il devrait échouer ». Pour Delage (2010), on ne peut être résilient tout seul, c’est le recours à des ressources externes qui permet la mobilisation de ressources internes. Pour revenir sur les ressources individuelles, Cyrulnik & Pourtois (2007), Gagné (2008), Gosselin-Gagné (2012) ont relevé des ressources personnelles qui sont entre autres l’estime de soi, la confiance en soi, la capacité de solliciter de l’aide, la capacité à créer de nouvelles amitiés, etc. Interviennent aussi les facteurs familiaux et institutionnels dans la construction de résilience scolaire (Bouteyre, 2010 ; Cyrulnik & Pourtois, 2007 ; Anaut, 2005 et 2006). Ainsi, nous privilégierons les ressources socio-familiales dans cette étude. Les éducateurs rencontrés soutiennent que le retour des filles-mères est possible grâce au concours de la famille et de l’école. Plusieurs auteurs ont entrepris des recherches sur le sujet relatif aux grossesses en milieu scolaire (Akindes, 2016 ; Dagnogo, 2014 ; Kouakou & Konan, 2018 ; N’dri, 2010). Certains ont abordé le thème en termes de prévention. Ainsi dans l’étude d’Akindes (2016) conduite dans les zones de Yamoussoukro, Daloa, Bondoukou et Abidjan 4, l’objectif était de cerner le phénomène et de proposer des stratégies pertinentes de prévention. Les travaux de Dagnogo (2014), au lycée moderne de Tengréla, ont consisté d’une part, à déterminer le niveau de connaissance d’un échantillon d’élèves en ce qui concerne l’éducation sexuelle, les représentations et pratiques en matière de sexualité et d’autre part, à proposer une stratégie intégrée de communication pour un changement de comportement en vue de préserver l’instruction féminine. D’autres auteurs (Kouakou & Konan, 2018) se sont proposé de comprendre les facteurs déterminants des grossesses en milieu scolaire et leurs répercussions, en vue de fournir des données empiriques pouvant contribuer à réorienter la lutte contre ce phénomène. Cette étude a concerné le district de Yamoussoukro. Enfin, les travaux de N’dri (2010) réalisés à Dabou s’inscrivent dans cette perspective. Dans l’ensemble, toutes ces études visées ont permis d’identifier les causes et les conséquences de ce phénomène. Elles ont aussi proposé des solutions pour son éradication afin de maintenir les filles-mères à l’école. À ce propos, Akindes (2016) souligne qu’il serait nécessaire d’engager des négociations avec le Ministère en charge de la santé et l’ordre des médecins afin de réduire le cout des certificats médicaux. Il propose d’homologuer les tarifs sur toute l’étendue du territoire à défaut de les rendre gratuits. Ailleurs au Mali, Diallo (2001) a décrit et analysé l’influence des facteurs familiaux, scolaires et individuels sur l’abandon scolaire de l’école fondamentale, en milieu rural, plus précisément dans la région du Ségou. Ces études, bien que pertinentes, n’abordent aucunement la question relative aux facteurs de résilience chez celles qui après une maternité précoce, sont revenues dans le circuit scolaire et s’y sont maintenues. Ainsi, la présente étude se propose d’étudier les facteurs familiaux et institutionnels de résilience scolaire ayant favorisé l’intégration des filles-mères dans les établissements secondaires de
Bondoukou. Ces constats soulèvent les questions suivantes. Les questions de recherche se décomposent en question principale et en question spécifique. La question principale est la suivante : quels sont les facteurs familiaux et institutionnels qui permettent de comprendre la résilience scolaire chez des filles-mères raccrochées ? Les questions spécifiques sont les suivantes : quels sont les facteurs familiaux de la résilience scolaire chez des filles — mères raccrochées ? Quels sont les facteurs institutionnels de la résilience scolaire chez des filles-mères raccrochées ? Ces questions suggèrent les objectifs suivants : les objectifs de recherche à présenter se désagrègent en deux composantes : l’objectif général et les objectifs spécifiques. L’objectif général est de déterminer les facteurs institutionnels et familiaux de la résilience scolaire chez des filles-mères raccrochées. Les objectifs spécifiques sont les suivants : analyser les facteurs familiaux de la résilience scolaire chez des filles-mères raccrochées et examiner le rôle des facteurs institutionnels dans la résilience scolaire des filles-mères raccrochées.
1. Méthodologie
1.1. Site et participants à l’étude
Située au Nord-est de la Côte d’Ivoire, avec une superficie de 10 000 km², Bondoukou est le chef-lieu de la région du Gontougo. Sa population est estimée à environ 88 783 habitants (Recensement Général de la Population et de l’Habitat, 2014). Elle renferme plusieurs établissements scolaires (publics et privés). L’on dénombre 36 écoles primaires, dont 10 privées et 26 publiques. L’effectif des filles, au primaire, s’élève à 6 080 pour l’année scolaire 2018-2019. Les établissements secondaires sont au nombre de 13, dont trois (3) publics et dix (10) privés. Pour l’année scolaire 2018-2019, ces établissements totalisent 7 452 filles (DRENET-FP Bondoukou). L’étude prend en compte 10 établissements secondaires (03 publics et 07 privés), car c’est en leur sein que nous avons pu recenser les filles — mères. La population d’étude concerne
-
les 81 filles-mères inscrites dans les établissements secondaires (publics et privés) de Bondoukou1 ;
-
Les éducateurs de ces établissements dont l’effectif est 50 ;
-
L’assistant social du Lycée Moderne II de Bondoukou.
La population de l’étude est donc estimée à 132 personnes. C’est au sein de cette population que l’échantillon a été constitué. La technique d’échantillonnage choisie dans le cadre de cette étude est l’échantillonnage non probabiliste à choix raisonné étant donné que l’on veut étudier un groupe précis, à savoir les filles réintégrées après une maternité précoce. Les critères de choix sont les suivants :
-
être une fille-mère ;
-
être inscrite dans un établissement secondaire à Bondoukou ;
-
avoir repris les cours après l’accouchement ;
-
être présente le jour de la collecte des données ;
-
Accepter de participer à l’étude.
L’échantillon de la présente étude est constitué de 77 individus, répartis comme suit : 68 filles-mères qui répondaient aux critères déterminés ; 8 éducateurs à raison d’un éducateur par établissement et l’assistant social basé au Lycée (personne-ressource des Lycées I et II).
1.2. Techniques de collecte des données
Les techniques de recherche sont les moyens dont dispose le chercheur en vue de collecter les informations utiles à son étude. Cette recherche s’est appuyée sur la recherche documentaire et l’entretien clinique. La recherche documentaire constitue une composante essentielle et importante des procédés d’investigation utilisée dans le cadre d’une recherche. Ainsi, nous avons eu recours à la documentation écrite. Elle a consisté à parcourir, notamment, les procès-verbaux de fin de semestre, de fin d’année afin d’accéder aux informations relatives aux différents taux de décrochage. En outre, la recherche documentaire s’est intéressée à l’état des connaissances sur notre objet d’étude. À ce niveau, une fiche de lecture a été élaborée pour chaque article et ouvrage scientifique lus. Les mentions essentielles sur la fiche sont : le nom de l’auteur, le titre de l’article ou de l’œuvre, le nombre de pages, l’approche méthodologique et les résultats obtenus. Le guide d’entretien a favorisé des échanges directs avec les personnes-ressources. Nous avons eu le privilège de recadrer les interventions en fonction des informations recherchées. Néanmoins, cet instrument d’enquête favorise beaucoup de digression de la part des enquêtés alors que leurs interventions sont enregistrées. Il se heurte aussi à l’indisponibilité des sujets. Le guide d’entretien a été adressé aux éducateurs des établissements retenus pour l’étude ainsi qu’à l’assistant social du Lycée Moderne. Il est composé de 11 questions structurées autour de trois points qui sont : État des lieux des grossesses dans l’établissement ; conséquences des grossesses ; facteurs ayant favorisé le retour des filles à l’école. Il nous a permis, par le biais des questions ouvertes, de récolter des informations importantes qui d’une part, justifient la pertinence de notre sujet de recherche et d’autre part, serviront de complément aux informations recueillies à l’aide du questionnaire. Le questionnaire a pour avantage de permettre au sujet de disposer d’assez de temps de réflexion afin de répondre aux questions. De même, il met le sujet hors de l’influence de l’enquêteur. Bien vrai que la taille de l’échantillon soit importante (68 individus), le questionnaire nous a permis de les interroger en un temps relativement court. Cependant, il ne laisse pas la possibilité à la personne enquêtée de s’exprimer amplement. Par conséquent, il ne peut révéler des informations auxquelles nous n’avons pas pensé. Le questionnaire adressé aux filles-mères est composé de 48 questions, dont 7 ouvertes, 7 questions à choix multiples et 34 questions semi-fermées. L’ensemble de ces questions se rapporte : aux caractéristiques sociodémographiques des filles-mères ; aux facteurs familiaux de résilience scolaire ; aux facteurs institutionnels de résilience scolaire ; à l’intégration scolaire.
1.3. Méthodes d’analyse des données
La méthode d’analyse est l’analyse de contenu en tant que méthode d’analyse systématique des messages. Plus précisément, l’analyse est catégorielle avec un accent sur la récurrence des thèmes dans les verbatims des décrocheurs identifiés (Laurence Bardin, 1980, p. 150). Le contrôle de fidélité et d’homogénéité des catégories identifiées a été fait par deux chercheurs, qui ont procédé séparément à une nouvelle catégorisation du corpus transcrit. Ainsi, un score de plus de 90 de concordance a été obtenu. Ce score est supérieur à 70 qui rend compte d’une consistance interne satisfaisante (Gérard Poussin, 2005, p. 151). Pour le questionnaire, nous avons procédé à un traitement statistique des données. Ainsi, la saisie et le traitement des données ont été effectués à l’aide du logiciel Statistical Package for Social Sciences (SSP) version 18. Les variables qualitatives ont été exprimées en termes d’effectif et pourcentage. Quant aux informations recueillies lors des entretiens, elles ont été retranscrites sous la forme d’un compte rendu.
2. Résultats
Différents facteurs ayant contribué à la résilience scolaire des filles ont été identifiés. Il s’agit du soutien matériel et financier des parents, de l’accès à un répétiteur. À ces facteurs familiaux s’ajoutent les facteurs institutionnels.
2.1. Facteurs familiaux
2.1.1 Soutien matériel et financier
Le tableau suivant est une catégorisation des filles selon qu’elles bénéficient ou non du soutien matériel et financier des parents.
Tableau 1 : Répartition des filles-mères selon le soutien matériel et financier des parents
Soutien matériel et financier des parents |
Effectif |
( %) |
|
|
Parents |
48 |
70,6 |
Tuteur |
0 |
0 |
|
Père de l’enfant |
17 |
25,0 |
|
Autres |
9 |
4,4 |
|
Total |
68 |
100 |
|
|
Parents |
38 |
55,9 |
Tuteur |
1 |
1,5 |
|
Père de l’enfant |
23 |
33,8 |
|
Autres |
6 |
8,8 |
|
Total |
68 |
100 |
|
|
Mère |
46 |
67,6 |
Sœur |
4 |
5,9 |
|
Servante |
10 |
14,7 |
|
Autres |
8 |
11,8 |
|
Total |
68 |
100 |
Source : Agossou K.M & Aka A.V, enquête durant l’année scolaire 2018-2019
La plupart des filles-mères (70,6 %) affirment que ce sont les parents qui payent leur scolarité. 25 % reconnaissent que c’est le père de leur enfant et 4,4 % avouent que leur scolarité est payée par d’autres personnes. Pour ce qui est de l’argent de poche, la majorité des filles-mères (76,6 %) le reçoivent de leurs parents, 33,8 % du père de l’enfant, 1,5 % du tuteur et 8,8 % d’autres personnes. Il ressort du tableau 8 que pour 67,6 % des répondantes, ce sont les mères qui assurent la garde de l’enfant, pour 14,7 % ce sont les servantes. Pour 5,9 %, ce sont les sœurs et pour 11,8 % ce sont d’autres personnes. L’on note une forte implication des parents à tous les niveaux. Ils payent la scolarité (70,6 %) ; donnent l’argent de poche (55,9 %) et assurent la garde de l’enfant (67,6 %). L’aide financière de l’auteur de la grossesse est non négligeable concernant l’argent de poche (33,8 %).
2.1.2. Soutien parental pour améliorer le rendement scolaire
Le soutien des parents ne se limite pas à la satisfaction des besoins matériels et financiers des filles. Le tableau ci-dessous révèle que certains parents louent les services d’un répétiteur pour renforcer les capacités de leur fille.
Tableau 2 : Répartition des filles-mères selon l’accès à un répétiteur
Filles-mères selon l’accès à un répétiteur |
Effectif (n) |
( %) |
|
Oui |
4 |
5,9 |
|
Oui |
64 |
94,1 |
|
Total |
68 |
100 |
|
Oui |
51 |
79,7 |
|
Oui |
13 |
20,3 |
|
Total |
64 |
100 |
Source : Agossou K.M & Aka A.V, enquête durant l’année scolaire 2018-2019
La lecture du tableau 5 a révélé que presque toutes les filles-mères (94,1 %) n’ont pas de répétiteur. Seulement (5,9 %) en disposent. À la question de savoir si elles en ont besoin, 79,7 % répondent par l’affirmative contre 20,3 % qui n’en veulent pas. À l’analyse des chiffres de ce tableau, la quasi-totalité des répondantes n’a pas de répétiteur alors qu’elles en ont besoin. Cette situation pourrait s’expliquer par l’insuffisance de moyens financiers des parents, d’autant plus que la fille-mère et son enfant constituent une charge pour eux. Elles comblent cela par la sollicitation des camarades de classe. Qu’en est-il des facteurs institutionnels ?
2.2. Facteurs institutionnels de la résilience scolaire
2.2.1. Soutien psychosocial
Les études sur les échecs scolaires pointent du doigt le plus souvent la variable climat scolaire (Koné, 2017). Ainsi, l’enquête permet d’apprécier le rôle du climat scolaire (climat d’appartenance et de relation) dans la réintégration scolaire des filles-mères.
Tableau 3 : Répartition des filles-mères selon l’attitude des autres pendant la grossesse et après l’accouchement
Être moquée ou rejetée par des gens à l’école |
Effectif (n) |
( %) |
|
Pendant la grossesse |
Oui |
8 |
11,8 |
Non |
60 |
88,2 |
|
Total |
68 |
100 |
|
Après l’accouchement |
Oui |
5 |
7,4 |
Non |
63 |
92,6 |
|
Total |
68 |
100 |
Source : Agossou K.M & Aka A.V, enquête durant l’année scolaire 2018-2019
La majorité des répondantes (88,2 %) affirment qu’elles n’ont été ni moquées ni rejetées pendant la grossesse contrairement à 11,8 % des répondantes. La même observation est faite après l’accouchement. (92,6 %) des enquêtées soutiennent qu’elles n’ont pas été moquées ni rejetées. Seulement 7,4 % avouent être rejetées et moquées. Au regard des chiffres de ce tableau, la majorité des enquêtées n’a pas fait l’objet de moquerie et de rejet. Cela pourrait être le résultat des sensibilisations menées à cet effet.
2.2.2. Source d’aide à l’école
Tableau 4 : Répartition des filles-mères selon les mesures Prises pour favoriser leur retour à l’école
Mesures prises pour favoriser leur retour à l’école |
Effectif (n) |
( %) |
||
Mesures exceptionnelles liées à la situation de fille — mère |
Oui |
49 |
72,1 |
|
Non |
29 |
27,9 |
||
Total |
68 |
100 |
||
|
Calcul exceptionnel de notes |
3 |
6,12 |
|
Exemption de trimestre |
6 |
12,24 |
||
Droit au certificat de grossesse |
40 |
81,63 |
||
Total |
49 |
100 |
Source : Agossou K.M & Aka A.V, enquête durant l’année scolaire 2018-2019
La majorité des enquêtées (72,1 %) reconnaissent avoir bénéficié de mesures exceptionnelles liées à leur situation de fille-mère. Par contre, 27,9 % affirment le contraire. Pour ce qui est des mesures prises, la plupart des élèves-mères (81,63 %) ont bénéficié d’un certificat de grossesse, 12,24 % ont bénéficié d’exemption de trimestre tandis que 6,2 % ont bénéficié d’un calcul exceptionnel de notes. À l’analyse des chiffres de ce tableau, le recours au certificat de grossesse pour justifier les absences a été avantageux pour la plupart des filles-mères.
Tableau 5 : Répartition des filles-mères selon les aidants et le type d’aide
Les aidants et le type d’aide |
Effectif (n) |
Pourcentage ( %) |
|
Adulte sur qui compter en cas de difficultés |
Oui |
40 |
58,8 |
Non |
28 |
41,2 |
|
Total |
68 |
100 |
|
Qualité des aidants |
Enseignants |
19 |
33,85 |
Assistant social |
3 |
5,66 |
|
Encadreurs |
31 |
58,49 |
|
Total |
53 |
100 |
|
|
Conseils |
37 |
51,39 |
Encouragement |
28 |
38,90 |
|
Aides financières |
5 |
6,94 |
|
Autres |
2 |
2,77 |
|
Total |
72 |
100 |
|
Amis sur qui compter en cas de besoins |
Oui |
40 |
58,8 |
Non |
28 |
41,2 |
|
Total |
68 |
100 |
|
Type d’aide |
Réviser |
40 |
67,8 |
Aide financière |
13 |
22,03 |
|
Réseau de soutien |
6 |
10,17 |
|
Total |
59 |
100 |
Source : Agossou K.M & Aka A.V, enquête durant l’année scolaire 2018-2019
Il ressort du tableau 8 que 58,8 % des répondantes peuvent compter sur des adultes en cas de difficultés. Il s’agit d’enseignants (35,85 %), d’assistance sociale (5,66 %), et d’éducateurs (58,49 %). Leur aide se situe essentiellement au niveau des conseils (51,39 %), des encouragements (38,90 %), de moyens financiers (6,94 %). Dans une proportion minimale, ils apportent un appui financier (6,94 %). Plus de la moitié des enquêtées (58,8 %) ont des amis sur qui compter en cas de besoins contre 41,2 % qui n’en ont pas. L’aide reçue varie entre la révision des cours (67,8 %), le soutien financier (22,03 %), le réseau de soutien (10,17 %). Au vu des résultats de ce tableau, plus de la moitié des filles-mères reçoit différents types d’aide, de plusieurs personnes en milieu scolaire.
2.2.3. Intégration scolaire
Tableau 6 : Répartition des filles-mères selon l’assiduité
Filles-mères selon l’assiduité |
Effectif (n) |
( %) |
|
Absences aux cours |
Oui |
35 |
51,5 |
Non |
33 |
48,5 |
|
Total |
68 |
100 |
|
|
Enfant malade |
32 |
91,4 |
Personne pour s’occuper de l’enfant |
2 |
5,7 |
|
Pour éviter les moqueries |
1 |
2,9 |
|
Total |
35 |
100 |
Source : Agossou K.M & Aka A.V, enquête durant l’année scolaire 2018-2019
Les résultats du tableau 8 nous montrent qu’il y a presque autant de filles-mères (51,5) qui s’absentent par moment au cours que de filles-mères (48,5 %) qui ne le sont pas. Quant aux raisons évoquées, la majorité de celles qui s’absentent impute cela à la maladie de l’enfant (91,4 %). 5,7 % évoquent le fait qu’il n’y a personne pour s’occuper de l’enfant tandis que 2,9 % avouent que c’est pour éviter les moqueries. Au vu des résultats de ce tableau, les absences aux cours sont liées à la maladie de l’enfant aux difficultés rencontrées pour sa garde.
Tableau 7 : Répartition des filles-mères selon le sentiment d’appartenance à l’école
Sentiment d’appartenance à l’école |
Effectif (n) |
Pourcentage ( %) |
Oui |
59 |
86,8 |
Non |
9 |
13,2 |
Total |
68 |
100 |
Source : Agossou K.M & Aka A.V, enquête durant l’année scolaire 2018-2019
86,8 % des filles-mères ont le sentiment d’appartenir à l’école contrairement à 13,2 %. À l’analyse des résultats du tableau 16, presque toutes les répondantes se sentent bien à l’école. Cela s’explique par l’absence de stigmatisation au sein de leur établissement.
2.3. Analyse des interférences statistiques
Les filles-mères qui bénéficient du soutien psychoaffectif des membres de leur famille ont un bon rendement scolaire ; l’aide financière des parents est une source de motivation à étudier pour les filles-mères raccrochées ; Les cours de renforcement améliorent le rendement scolaire des filles-mères raccrochées ; l’acceptation des filles-mères après l’accouchement par les pairs permet le développement du sentiment d’appartenance au groupe-classe. Dans le cadre du mémoire, nous avons fait une étude exploratoire dans certains lycées et collèges en vue d’avoir une idée sur la réalité des grossesses en milieu scolaire et surtout s’assurer de la disponibilité de notre public cible (les filles-mères). Pour ce faire, des éducateurs et un assistant social ont été interrogés. Le présent compte-rendu s’articule autour de quatre points (l’état des lieux, le profil des filles-mères, les conséquences des grossesses, les facteurs de résilience). Il ressort de ces rencontres que les grossesses en milieu scolaire sont encore récurrentes. Environ 60 cas de grossesses ont été enregistrés au cours de l’année scolaire 2017-2018 dans les établissements secondaires publics et privés de la ville. Ces chiffres ne sont pas exhaustifs, car certaines filles arrivent à dissimuler leur grossesse échappant ainsi à la vigilance des encadreurs. Les personnes-ressources soutiennent que sur les 60 filles concernées par les grossesses, 25 avaient repris les cours au moment de notre passage. Ils reconnaissent que la plupart de celles qui déposent un certificat de grossesse reviennent après un moment d’interruption des cours qui peut s’étendre sur deux ans pour certaines. S’agissant de leur profil, les encadreurs reconnaissent que ces filles ont une meilleure conduite envers les enseignants et les éducateurs. Elles entretiennent de bonnes relations avec leurs camarades de classe. Elles sont surtout consciencieuses parce qu’elles sont devenues mères. Les personnes-ressources ont révélé quelques conséquences de ces grossesses qui se situent à plusieurs niveaux : Sur le travail scolaire, tous ont reconnu que le fait d’avoir un enfant en étant sur les bancs impact négativement le rendement scolaire de certaines élèves qui accusent au moins une année de retard dans leur cursus scolaire. Il y a aussi les absences répétées. Sur les relations familiales, la survenue de la grossesse chez une élève est souvent mal perçue par les parents. Leur première réaction a toujours été la colère. Mais avec le temps, certains reviennent de leur colère et apportent un soutien à leur fille pour la reprise des cours après l’accouchement. Cependant, d’autres les rejettent. En ce qui concerne, les facteurs de résilience, Ils sont tous unanimes que le retour à l’école de ces élèves-mères dépend essentiellement du soutien apporté conjointement par les parents et l’école. Pour eux, les parents assurent la garde de l’enfant et apportent de l’aide matérielle et financière quand l’auteur de la grossesse est incapable d’assumer ses responsabilités. Ils apportent aussi un soutien moral. Même si la nouvelle de la grossesse de leur fille a suscité leur colère, ils finissent par la comprendre et par l’accepter. Dans le cadre scolaire, les éducateurs veillent à ce que les élèves enceintes fournissent un certificat de grossesse afin de reprendre les cours après l’accouchement. Ils sensibilisent les autres élèves à ne pas se moquer d’elles. Les filles mères reçoivent aussi des conseils et des encouragements de leur part. Ils reconnaissent cependant que certains parents rendent la vie difficile à leurs filles en refusant de les accepter et en les expulsant de la maison. C’est aussi le cas pour certains auteurs de la grossesse qui refusent d’assumer leur responsabilité.
Discussion et conclusion
L’objectif de cette étude est de déterminer les facteurs de résilience des filles-mères raccrochées. De façon spécifique, il s’agit d’analyser les facteurs familiaux de la résilience des filles-mères raccrochées et d’identifier les facteurs institutionnels de la résilience des filles-mères raccrochées. Les résultats révèlent que les filles-mères (72,1 %) sont majoritairement des adolescentes. Cette tendance est observée par plusieurs chercheurs (Akindes, 2016 ; Dagnogo, 2014 ; N’Dri, 2010). Ces auteurs attribuent cela à la précocité des rapports sexuels chez les jeunes et au manque d’informations suffisantes pour permettre aux adolescentes de comprendre la sexualité. Aussi, les résultats ont montré que les niveaux d’instruction des parents sont bas. La majorité des pères (50 %) et des mères (60,8 %) est analphabète. De même, leur statut social est peu élevé. Autant de pères (69,1 %) et de mères (69,1 %) sont paysans, comme l’indique l’étude. Cependant, cette situation n’a pas empêché les parents de jouer leur rôle auprès des enfants. Ces résultats contrarient l’idée de Cyrulnik et Pourtois (2007) ainsi que Terrissee et Larose (2001) qui soutiennent que le statut social des parents ainsi que leur niveau d’étude influencent la résilience scolaire des enfants. Pour eux, plus le statut social des parents est élevé, plus ils ont un bon niveau d’étude, leur projet de vie est centré sur l’éducation et la formation de l’enfant. Malgré la survenue de la grossesse, les parents continuent de croire en leurs enfants. Ils voient en elles les personnes qui pourraient les sortir, plus tard, de leur précarité. À la lumière de l’analyse des données recueillies dans le cadre de cette recherche, nous avons remarqué plusieurs facteurs relevant de l’environnement familial, et qui semblent avoir constitué des éléments clés dans la réussite de l’intégration scolaire des filles-mères. Les parents n’ont pas de véritables problèmes de communication avec les filles. À l’analyse des résultats, 34,8 % des réponses montrent que les filles-mères ont été acceptées par leurs parents lorsque la grossesse est survenue. Vanistendael (2002) reconnait que l’acceptation de l’autre favorise la résilience. Au Burundi, certaines élèves-mères ont témoigné que lorsque les parents les acceptent, la situation se stabilise et elles redeviennent enfants comme les autres. (UNFPA, 2013) Toutefois, il ressort de cela que les parents réagissent d’abord par la colère avant de se ressaisir. Cela est exprimé par Kouakou et Konan (2018) ainsi que les éducateurs soutiennent que la scolarisation d’un enfant constitue un investissement pour les parents. Ainsi cette conception précoce, synonyme de déshonneur, provoque la colère de ceux-ci. En effet, ils conçoivent cela comme la fin des rêves de réussite. Par ailleurs, les données de l’enquête montrent que 79,4 % des élèves-mères ont été informés par leurs parents sur la conduite à tenir pour le bon déroulement de leur grossesse. Ces résultats cadrent avec les écrits de Bader et Fibbi (2012) qui évoquent le soutien informationnel pouvant se manifester sous forme de conseils et d’informations visant à aider la personne à tendre vers la résolution du problème vécu. En plus, les parents des filles-mères entretiennent un discours positif à propos de l’école en général. Presque toutes les répondantes (95,6 %) reconnaissent que leurs parents leur parlent régulièrement de l’importance d’aller à l’école. Ces résultats rejoignent ceux de Gosselin-Gagné (2012) et de Koura (2001), qui soulignent l’importance d’un discours positif quant à l’éducation (montrer l’importance de l’école), dans la construction de la résilience scolaire. De même, nous avons pu noter la présence de discussions ouvertes entre parents et filles-mères. Les encouragements et les félicitations des parents produisent des effets positifs sur la motivation au travail et même sur l’estime de soi. Or l’estime de soi est classée parmi les facteurs personnels pouvant favoriser la résilience des individus (Gagné, 2018, Gosselin-Gagné 2012, Cyrulnik et Pourtois, 2007). Par ailleurs, le soutien matériel des parents a été d’une importance capitale en matière d’intégration des élèves-mères dans les établissements secondaires. Au regard des résultats, pour ce qui concerne l’argent de poche, l’on note que plus de la moitié (55,9 %) d’entre elles le reçoivent de leurs parents. De même, les parents (mères, sœurs) assurent la garde de l’enfant (73,5 %). Ces résultats cadrent bien avec ce que Bader et Fibbi (2012) appellent le soutien instrumental qui, selon elles, renvoie aux services et à l’aide matérielle apportés dans le but de modifier la source de détresse. Ils rejoignent aussi ceux de Kayitesi (2006) qui stipulent que le fait, pour les parents, d’engager un professeur en vue d’aider les enfants, en dehors des cours reçus en classe a favorisé leur résilience.
Cependant, ils ne corroborent pas à ceux de l’UNFPA (2013) qui révèlent que les filles laissées pour compte par leurs parents qui ne les considèrent plus comme enfants du moment où elles sont devenues mères. Dans notre étude, les parents n’engagent pas de répétiteur pour les filles-mères, par manque de moyens financiers. En effet, ils sont majoritairement paysans et comme le souligne l’UNFPA (2013), les élèves-mères deviennent une charge pour leur famille, puisqu’on doit s’occuper d’elles et de leurs enfants. Néanmoins, elles étudient avec leurs amis pour combler ce manque de répétiteur. De plus, les éducateurs soutiennent qu’elles sont plus consciencieuses et cela s’aperçoit au travers de leur comportement. La théorie de la motivation trouve sa place dans la présente étude. En effet, l’analyse des résultats révèle la présence de motivation dans les réponses des filles-mères. La plupart d’entre elles soutiennent que le retour à l’école a été possible grâce aux encouragements des personnes de leur entourage. Il s’agit notamment des parents, de l’auteur de la grossesse et des encadreurs. Elles évoquent leur motivation personnelle. Or, des recherches expliquent que la motivation de l’individu le conduit à s’engager dans une activité et à aller jusqu’au bout. Celle-ci peut être intrinsèque ou extrinsèque. Quelle que soit sa nature, elle favorise l’atteinte des objectifs que l’on se fixe (Deci et Ryan, 2016). Ainsi, le désir de reprendre les cours, associé aux encouragements a permis de surmonter les difficultés (enfants malades, moqueries, difficultés financières…) et de progresser dans les études. À l’instar de l’environnement familial, le milieu scolaire regorge de facteurs susceptibles de favoriser l’intégration scolaire des filles-mères. Cyrulnik et Pourtois (2007) ont insisté sur l’importance de créer un climat scolaire favorable à la résilience des enfants. L’on retient que la plupart des enquêtées (88,2 %) n’ont pas été moquées ou rejetées pendant la grossesse, encore moins après l’accouchement (92,6 %). De même, elles ont le sentiment d’appartenir à l’école. Nous pouvons donc dire que ces dernières évoluent dans un climat scolaire qui est favorable à leur résilience. Selon les éducateurs, cela est la conséquence de la sensibilisation menée en faveur de celle-ci au sein des établissements. Les résultats montrent la présence de liens positifs au sein de l’institution scolaire. En effet, les élèves-mères reçoivent de l’aide des camarades et des adultes à l’école. L’aide reçu s’étend aussi aux mesures prises pour favoriser le retour des filles ou à leur maintien à l’école. Ces résultats rejoignent ceux de Gagné (2018) qui relève que les rapports harmonieux, amicaux avec les autres élèves, les enseignants et l’ensemble des membres du personnel, ainsi que l’aide apportée par ceux-ci, offrent un climat social favorable à la résilience des élèves. Cependant, ils sont en déphasage avec l’étude de l’UNFPA (2013) qui stipule qu’à l’école les filles-mères sont stigmatisées par leurs camarades de classe. Ces derniers les excluent de leur groupe et se moquent parfois d’elles. C’est aussi le cas de certains professeurs qui les maltraitent et les appellent filles-mères en classe. Selon cette institution, la société burundaise conçoit mal les rapports sexuels avant mariage. Par conséquent, les grossesses survenues avant le mariage sont sévèrement punies. C’est cette représentation des filles-mères qui, sans doute, justifie le traitement qui leur est réservé en milieu scolaire. La différence de traitement observée pourrait s’expliquer par les divergences culturelles. À l’analyse des résultats, la collaboration école-famille est pratiquement inexistante. Cela est exprimé par 79,4 % des enquêtes. Néanmoins, ces élèves-mères sont résilientes parce que chacun de son côté joue son rôle. Les résultats ne rejoignent pas les écrits de certains auteurs (Cynulnik et Pourtois, 2007 ; Gosselin-Gagné, 2012 ; Koura, 2001) qui soutiennent que la collaboration école-famille favorise la résilience scolaire des enfants. L’on pourrait attribuer cette absence de collaboration à l’éloignement de certains parents et à leur niveau d’instruction qui reste bas. La théorie de l’attachement stipule que les liens positifs tissés avec des personnes de l’entourage permettent aux individus de surmonter les difficultés de la vie (Anaut, 2006, Vanistendael, 2002).
À la lumière des résultats de l’enquête, les filles-mères évoquent la présence de personnes dans le milieu scolaire dont l’aide a été indéniable dans la construction de leur résilience. Il s’agit des camarades de classe et des adultes tels que les enseignants, les éducateurs, les assistants sociaux. Les limites de la présente étude sont de plusieurs ordres : d’abord, nous ne pouvons prétendre à la généralisation de nos résultats compte tenu du fait que la présente étude ne s’est limitée qu’aux établissements secondaires de la ville de Bondoukou. Ensuite, à défaut de statistique précise sur les filles-mères dans les différents établissements, nous nous sommes contentés de celles qui se sont déclarées volontaires pour participer à l’étude. De plus étant donné que l’étude prend en compte les facteurs familiaux, il aurait été intéressant d’interroger les parents des élèves-mères. Cela nous aurait permis de confirmer les dires des filles. Cela a été impossible compte tenu de l’éloignement de certains d’entre eux et de la taille de l’échantillon. La présente étude ne s’est pas intéressée aux facteurs personnels de résilience scolaire même si elle a identifié dans les réponses des enquêtées, la présence de leur motivation personnelle.