Le rôle de l’intellectuel dans la dynamique de l’édition du livre en Algérie

دور المفكر في دينامكيات طبعة الكتاب في الجزائر

The role of the intellectual in the dynamics of book publishing in Algeria

Nouara Hocine

p. 31-52

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Nouara Hocine, « Le rôle de l’intellectuel dans la dynamique de l’édition du livre en Algérie », Aleph, 8 (3) | 2021, 31-52.

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Nouara Hocine, « Le rôle de l’intellectuel dans la dynamique de l’édition du livre en Algérie », Aleph [على الإنترنت], 8 (3) | 2021, نشر في الإنترنت 22 juin 2021, تاريخ الاطلاع 21 novembre 2024. URL : https://aleph.edinum.org/4627

Alors que l’engagement littéraire est le plus souvent envisagé dans la perspective du texte et de l’auteur, l’objectif de cette recherche sera d’observer comment se traduisent les rapports du livre et de l’imprimé à l’engagement de l’intellectuel. Dans une perspective historique et sociologique, cette étude consiste à insérer le livre dans une histoire intellectuelle et culturelle, une histoire des mentalités, en répondant à cette question : « Dans quelle mesure les intellectuels participent-ils à la dynamique de la production éditoriale, non en tant qu’auteurs, mais comme agents influents sur le processus de production de sens. Le livre étant un enjeu de pouvoir, les intellectuels fidèles à leur engagement se mobilisent-ils dans les sphères de sa production ? »

إذا كان الكتاب و ميدان النشر قد استقطب الكثير من الباحثين في المجالات المختلفة و الذين قدموا دراسات عديدة حولها ؛ القليل منهم اهتم بدراسة دور المثقف في ديناميكية نشر الكتاب و مكانة هؤلاء في دور النشر ليس فقط من حيث مكانتهم كمؤلفين و لكن كقطب مستشار موجه و مشارك في عملية توجيه و تأطير النشر. فبالتالي هذه الدراسة تحاول اقتحام هذا الميدان حيث تعكف على استظهار و توضيح مكانة المثقف في ديناميكية نشر الكتاب بالجزائر و ذلك ابتداء من أحداث أكتوبر 1988 لغاية سنة 2016 .

While literary engagement is most often considered from the perspective of the text and the author, the objective of this research will be to observe how the relationships of the book and the print to the engagement of the author translate. intellectual.

From a historical and sociological perspective, this study consists of inserting the book into an intellectual and cultural history, a history of mentalities, by answering this question: « To what extent do intellectuals participate in the dynamics of editorial production, not as authors, but as influencing agents in the process of production of meaning. The book being a stake of power, do the intellectuals faithful to their commitment mobilize themselves in the spheres of its production? »

Introduction

Il existe dans toute société des personnes qui ont une sensibilité au sacré, une aptitude peu commune à réfléchir sur la nature de leur univers et sur les règles qui gouvernent leur société. Il y a dans toute société une minorité de gens qui, plus que l’ordinaire de leurs contemporains, est en état de recherche et qui désire se trouver en communion fréquente avec des symboles plus généraux que les situations concrètes immédiates de la vie quotidienne.

Souvent, cette minorité exprime le besoin d’extérioriser sa quête sous forme de discours oral et écrit, d’expression poétique ou plastique, de récits ou d’ouvrages historiques, d’accomplissements de rites et d’actes culturels. Ce besoin intérieur d’aller au-delà de l’écran de l’expérience concrète immédiate marque l’existence des intellectuels dans toute société.

La notion « intellectuel » est une notion qui recouvre plusieurs fonctions, rôles et modes d’intervention publique : philosophes, hommes de lettres, porteurs du savoir, créateurs d’idées, universitaires et autres enseignants, leur point commun à travers les siècles est leur acte et leur volonté d’intervention publique pour la défense ou la diffusion des idées.

Les définitions de l’intellectuel abondent, les références à des exemples tirés de l’antiquité à nos jours aussi, selon une argumentation qui se fonde sur des critères historiques, sociologiques, politiques, et relève de l’histoire culturelle, de l’histoire des idées, de l’histoire des concepts, de la sociologie et de la socio-histoire.

Les intellectuels sont les traducteurs de l’idée dans le chaos de ce monde. Qu’ils soient savants, philosophes, critiques ou poètes, leur métier éternel est de fixer et de mettre en ordre la vérité innombrable, par des formules, des lois et des œuvres. Ils en dégagent les lignes, les directions, ils ont le don d’appeler enfin les choses par leurs noms.

Pour eux, la vérité s’avoue, s’ordonne et s’augmente, et la pensée organisée ressort de leurs réflexions pour rectifier et diriger les croyances et les faits. Par cette utilité sublime, les intellectuels, ces « ouvriers de la pensée »1 sont toujours au commencement du drame interminable qu’est l’histoire des hommes et des idées.

La production intellectuelle est une création, une innovation culturelle qui culmine dans l’œuvre (un livre, un article de journal, un article scientifique, un tableau de peinture, une pièce de musique, une partition musicale, une sculpture, un film…). Les intellectuels sont ceux qui produisent des œuvres, qui créent, qui innovent dans le domaine culturel, esthétique ou idéologique, et Edward Shils,1 dans son analyse de l’intellectuel, prend pour point de départ les « activités intellectuelles ». Ces dernières concernent, dit-il, la production, la reproduction et la consommation des œuvres intellectuelles (intellectual works). L’activité intellectuelle par excellence renvoie essentiellement à la création d’un produit final appelé une « œuvre ». La reproduction et la consommation (ou l’appropriation) de l’œuvre sont plutôt le fait des simples consommateurs (les lecteurs, les auditeurs, les spectateurs), ou des spécialistes de la diffusion et de la médiation (enseignants, journalistes).

Et même les intellectuels créateurs, ceux qui sont les plus productifs, sont aussi des consommateurs et des reproducteurs/diffuseurs, affirme Edward Shils. Ils s’inscrivent nécessairement dans une tradition intellectuelle, c’est-à-dire dans un milieu culturel, à l’intérieur duquel peuvent apparaître les innovations.

L’association de ces deux thématiques, celle du « champ intellectuel » et celle du « champ culturel », généralement traitée par des disciplines différentes, et selon des interrogations assez étrangères l’une à l’autre, reste une problématique assez importante qui s’impose.

Les travaux de Pierre Bourdieu2 sur la première notion ont montré, dans le contexte français, comment a pu s’élaborer un champ intellectuel pourvu d’un degré d’autonomie par rapport aux logiques du monde social, politique et économique. Ainsi l’importance du développement du « marché des biens symboliques » (la presse, l’édition…) donc de nouveaux modes de diffusion des produits culturels dans la naissance et l’élargissement d’un champ intellectuel, ce qui l’amène à souligner la relation entre supports médiatiques, pratiques culturelles et modes de pensée.

Cependant, la question des intellectuels n’a jamais cessé de passionner les historiens et les sociologues. Dans le sillage de l’affaire Dreyfus,3 l’intervention d’écrivains, d’artistes et d’universitaires dans l’arène politique a démontré la capacité de mobilisation du milieu culturel devant les enjeux touchant la question des droits fondamentaux et de la liberté d’expression. Il est apparu cependant que les intellectuels exigeaient plus que d’incarner une force d’opposition politique efficace : il s’agissait pour plusieurs d’entre eux de repenser la nature de l’engagement politique, en rupture avec les politiciens traditionnels. Une telle ambition n’aurait pas été possible sans la maîtrise de techniques littéraires ou d’un savoir académique, conférant aux intellectuels une étonnante capacité de se mettre en scène efficacement, de manière à légitimer leur influence aux yeux des élites politiques et des masses populaires.

Mais, cette capacité est en déclin, et cela n’est pas tant dû au fait que les intellectuels aient perdu leur statut de représentants culturels qu’à l’évolution même de la société moderne, celle-ci a en effet rendu plus difficile la définition du statut des intellectuels au sein d’un champ culturel de plus en plus éclaté, ou spécialisé en plusieurs sous-systèmes concurrents (l’université, les médias, l’édition, les cercles littéraires, les milieux artistiques, l’industrie du spectacle, etc.), une situation qui implique simultanément une plus grande collusion avec les univers politique et économiques.

Cette histoire des intellectuels paraît relever d’une micro-histoire sociale, assez empirique, interactionniste. Cette micro-histoire sociale entend approcher les comportements d’acteurs dans le cadre effectif de leurs pratiques, les « sociabilités », et à travers leurs trajectoires propres « les itinéraires » afin de saisir les idées dans le cadre où elles ont été produites et de savoir ce qu’elles ont signifié en leur temps. Et, à l’instar des travaux inspirés par Pierre Bourdieu, cette historiographie déconstruit les entités abstraites tels le « grand créateur », la « société », le « chef-d’œuvre », le « texte », afin d’y substituer l’examen des conditions du « dire » et du « faire » intellectuels dans un contexte historique donné. Dans ce face-à-face inégal entre une histoire culturelle en plein essor et une histoire des intellectuels en grand repli, le pari est donc double.

Mais au-delà du prisme strictement politique, la question de l’engagement des intellectuels, des écrivains et des artistes récurrente en sciences sociales permet d’examiner les partis pris politiques, éthiques, moraux ou esthétiques de ces derniers à l’intersection de la sphère du politique et de la culture.

Si les grandes figures de l’engagement ont beaucoup été étudiées, l’intérêt s’étend également aux acteurs plus « ordinaires » du monde de la culture et des idées, plusieurs travaux récents s’étant penchés sur les modalités de l’engagement dans les secteurs de la musique, du cinéma, du théâtre, ou encore du journalisme et de la science contribuant à ouvrir de nouveaux chantiers de réflexion autour de cette notion. Bien que les figures de l’artiste, de l’intellectuel ou du scientifique engagé aient été, et continuent à être l’objet de multiples attentions, cela est moins le cas de celle de l’éditeur, sans doute en raison de la spécificité de sa position.

Homme (femme) de culture autant que de l’argent, personnage à la fois public et discret, l’éditeur est traditionnellement présenté comme une figure « double », un « miroir sans tain » situé entre le monde social et le monde culturel, ou encore comme un « broker international entre acteurs et projets intellectuels et politiques ».1 Sa position d’intermédiaire (entre auteurs et lecteurs, entre contraintes commerciales et exigences artistiques ou intellectuelles) donne une coloration particulière à la notion d’engagement, qui déborde de ce fait l’articulation classique entre culture et politique.

La présente étude s’est précisément penchée sur cette problématique dans l’espoir de défricher le terrain en présentant un travail basé sur une observation empirique. Il s’agit de prendre les intellectuels comme un outil de clarification de la notion de culture, de fait culturel, de création culturelle, ce qui permettrait de mieux poser certaines distinctions essentielles et de les discuter : acteurs/consommateurs, culture savante/culture populaire, opinion/élite, etc. Il s’agit de mettre la question des savoirs au cœur de l’interrogation sur le phénomène constitutif des intellectuels, ce qui permettrait de relancer un processus actuellement interrompu d’histoire et de définition de ce ressort majeur de la démocratisation moderne qu’est l’engagement dans la sphère culturelle.

Malgré certains apports fructueux de politologues et de sociologues dans ce domaine, cette tâche doit se doter d’instruments d’investigation. À cet égard, trois outils sont précieux : l’étude d’itinéraires, l’observation de structures de sociabilité et la mise en lumière de générations. Pour envisager l’intellectuel au-delà d’une catégorie socioprofessionnelle spécifique, c’est-à-dire en tant que fonction exercée au sein de la vie culturelle et de l’histoire intellectuelle. Ainsi, l’histoire des intellectuels pourrait devenir une histoire intellectuelle.

Ainsi, il ne s’agirait pas dans cette présente étude de décrire une catégorie sociale, mais plutôt un mode de fonctionnement des idées dans un cadre culturel, historique et politique, plus ou moins précis, et l’histoire des intellectuels deviendra une histoire intellectuelle. Et dans ce contexte, les livres ne peuvent être compris séparément des hommes qui les produisent, qui les lisent, qui les vendent ou qui en régulent le marché. Le cheminement que prend l’histoire du livre est alors guidé par un double souci formulé en ces termes : celui, d’abord, de voir le livre de manière globale, comme un problème d’histoire à la fois technique, mais aussi économique, financier, social, intellectuel, culturel et symbolique, le cas échéant artistique, etc. ; en amont, comme le produit d’un ensemble de structures et de réseaux qui en sont à l’origine, mais aussi, en aval, comme un objet qui servira de support à une multitude de pratiques intellectuelles et socioculturelles plus ou moins complexes.

Le rôle essentiel du livre, voire d’un livre, sur la société est considérable, le Coran, la Bible, L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, Le Capital de Karl Marx ou Le Petit livre rouge de Mao sont des exemples significatifs. Depuis qu’il est devenu codex, le livre exerce une fonction essentielle (socio-politique, économique, idéologique…) dans la société. Qu’il soit vecteur de connaissance, facteur de progrès social ou lieu d’échanges, le livre reste la principale source culturelle de la société, une sorte de modèle social du « bien commun ».

En Algérie, l’industrie du livre en tant que segment/secteur/filière des industries culturelles subit au même titre que les autres filières l’impact des mutations en cours. Cet impact est visible à travers l’émergence d’un entrepreneuriat privé, d’une législation, même si elle reste embryonnaire, de plus en plus en conformité avec les exigences et recommandations internationales, d’un soutien plus affirmé que par le passé des pouvoirs publics, mais souvent entaché de lourdeurs, de reculades et d’initiatives croissantes de la part des principaux acteurs/opérateurs. L’édition algérienne évolue (le marché du livre algérien représente 400 milliards de dinars par an), c’est indubitable ! Il n’y a aucune comparaison entre l’état du champ éditorial dans les années quatre-vingt et celui d’aujourd’hui : le nombre d’éditeurs a augmenté : la multiplication vertigineuse des maisons d’édition (entre trois cents et quatre cents actuellement), certaines minuscules et éphémères, d’autres plus solides. Parmi elles, quelques belles réussites apportent un nouveau souffle au secteur : Casbah éditions, Chihab, Barzakh, Apic, Media Plus, Enag et bien d’autres.

1. Cadre méthodologique

1.1. Problématique

Dans la continuité de cette conception du livre, cette étude ne s’inscrit pas à proprement parler dans l’histoire du livre. Le but de celle-ci est avant tout de faire une histoire économique et sociale des hommes et des femmes qui sont liés au livre, à sa production et à sa diffusion, étudier un milieu économique et un milieu social en construction autour du premier média du temps qu’est l’imprimé (le livre) et que l’action des « intellectuels » ne pourra se définir que par la résonance assurée par celui-ci. Entre la création et la lecture, quel chemin emprunte l’engagement ? De la production matérielle à la réception, en passant par la diffusion et la promotion, la circulation des livres est influencée par le politique et l’idéologique de la société dans laquelle naissent et vivent les textes, mais aussi par les décisions et les prises de position des individus impliqués dans la chaîne du livre.

Alors que l’engagement littéraire est le plus souvent envisagé dans la perspective du texte et de l’auteur, l’objectif de cette recherche sera d’observer comment se traduisent les rapports du livre et de l’imprimé à l’engagement de l’intellectuel. Quel rôle les intellectuels engagés jouent-ils dans le milieu du livre, et quelle influence ont-ils sur les gens du livre ? Dans une perspective historique et sociologique, cette étude consiste à insérer le livre dans une histoire intellectuelle et culturelle, une histoire des mentalités, en répondant à cette question : « Dans quelle mesure les intellectuels participent-ils à la dynamique de la production éditoriale, non en tant qu’auteurs, mais comme agents influents sur le processus de production de sens. Le livre étant un enjeu de pouvoir, les intellectuels fidèles à leur engagement se mobilisent-ils dans les sphères de sa production ? »

Ce qui a justement amené à reformuler la question de « l’intelligentsia algérienne », en s’interrogeant, en premier lieu, sur les conditions de son existence, de ses possibilités d’action, a priori, avant d’en étudier in concreto les formes empiriques de son déploiement dans l’espace réservé à la production du livre.

Consciente du peu de données concernant cette problématique, l’investigation, obéissant aux contraintes d’une approche fonctionnaliste, s’est basée sur deux axes :

  • Description et analyse historique d’un segment de faits sociaux, et ce, à partir de sources bibliographiques raisonnées, d’articles de presse, de témoignages publiés et d’études universitaires effectuées sur ce thème.

  • L’usage d’un questionnaire conçu et élaboré comme outil de prospection adressé à un échantillon segmentaire ciblé, censé représenter l’intelligentsia algérienne actuelle, pour avoir une idée sur ce qu’en pensent les intellectuels algériens d’aujourd’hui du statut, du rôle, de l’engagement et du devoir de « l’intellectuel » en général, et surtout ce qu’ils en pensent aussi des rôles et de la participation de l’intellectuel algérien dans la dynamique de l’édition du livre en Algérie.

1.1.1. Démarches méthodologiques et analytiques

Consciente du peu de données concernant cette problématique, l’investigation s’est basée sur deux axes :

  • Description et analyse historique d’un segment de faits sociaux, et ce, à partir de sources bibliographiques raisonnées, d’articles de presse, de témoignages publiés et d’études universitaires effectuées sur ce thème.

  • L’usage d’un questionnaire conçu et élaboré comme outil de prospection adressé à un échantillon segmentaire ciblé, censé représenter l’intelligentsia algérienne actuelle, pour avoir une idée sur ce qu’en pensent les intellectuels algériens d’aujourd’hui du statut, du rôle, de l’engagement et du devoir de « l’intellectuel » en général, et surtout ce qu’ils en pensent aussi des rôles et de la participation de l’intellectuel algérien dans la dynamique de l’édition du livre en Algérie.

1.1.2 Méthodes de constitution du corpus

Cette recherche n’a pas l’ambition de développer des instruments prédictifs et ne se base pas sur un corpus théorique bien structuré duquel pourrait ressortir un cadre conceptuel bien établi. Cette recherche n’a donc pas pour objectif de décrire ou de valider l’une ou l’autre des approches inférées à la sociologie de la culture ou celle des intellectuels, ni de rajouter un modèle à ceux qui existent, mais de comprendre et d’expliquer les relations qualitatives qui régissent le phénomène étudié. Celle-ci restera donc essentiellement exploratoire et sera inscrite dans une démarche inductive consistant à faire émerger la compréhension des faits en s’appuyant sur l’éclairage procuré par des aller-retour entre les éléments théoriques rassemblés et la validation empirique. L’objectif étant d’observer des tendances sans être exhaustifs et de faire ressortir des régularités à partir de ces observations. L’option outil de travail s’est portée sur un questionnaire pour bien mener l’enquête qui s’appuie principalement sur un échantillon trié d’une population ciblée et censée représenter la couche intellectuelle ainsi que la corporation éditoriale en Algérie.

1.1.2.1. Présentation de la population de recherche

La population ciblée dans cette recherche est celle susceptible de représenter l’élite intellectuelle en Algérie. Cette dernière n’a pas été définie suivant un critère précis ; mais, c’est surtout en prenant en considération « la fonction assumée » et/ou « la profession exercée » dans la société, et dont la mentalité répandue actuellement la répertorie parmi les fonctions assumées par les intellectuels dans presque la totalité des pays du monde.

Dès lors, les hommes de lettres, les universitaires, les professionnels des médias, les chercheurs scientifiques et les professionnels du secteur de l’édition du livre représentent les principaux éléments de la population étudiée, et afin de constituer un échantillon représentatif, composé de façon à contenir les mêmes caractéristiques que la population dont il est extrait, le choix a été fixé sur le procédé d’échantillonnage aléatoire simple.

Ainsi, en respectant les différentes étapes de ce genre d’échantillonnage, un échantillon composé de 260 éléments a été prélevé par un tirage au sort parmi ceux de la population de recherche. De ce fait, le corpus de l’échantillon se compose de 260 personnes résidentes à Alger, Oran, Constantine et Béjaia. Certaines exercent des professions liées à la vie intellectuelle en Algérie, voire dans ses proximités assimilées et d’autres travaillent dans le domaine du livre. De cet échantillon, il a été dégagé quatre (4) catégories, elles se présentent comme suit :

  1. La corporation des journalistes.

  2. La corporation des universitaires.

  3. La corporation des écrivains.

  4. La corporation des éditeurs.

Soixante-cinq (65) personnes ont été sélectionnées de chaque catégorie et le questionnaire leur a été soumis.

1.1.2.2. Présentation du questionnaire

Le questionnaire de cette enquête a été conçu en deux langues : française et arabe, et il est composé de deux volets :

  • Le premier est consacré à la définition de « l’intellectuel ».

  • Le deuxième est réservé au monde du livre en Algérie.

Ce questionnaire renferme au total 25 questions et ce dernier n’a été conçu d’une manière définitive qu’après réception des résultats obtenus grâce à une enquête-test. Celle-ci a porté sur un échantillon de 30 personnes aussi diverses que possible. Les remarques et critiques relevées par cette première vague d’enquêtés ont permis notamment d’améliorer la précision de chaque question grâce à une formulation plus adéquate.

1.2. Questionnements

Dans cet axe de recherche, plusieurs interrogations de proximité s’imposent, des questions qui déterminent avec force détails l’orientation de la procédure analytique adoptée. Celles-ci peuvent se résumer comme suit :

  • Quelle définition peut-on donner de l’intellectuel dans le monde en général toutes aires géo-linguistiques confondues et en Algérie en particulier ?

  • La définition et la fonction de l’intellectuel changeraient-elles selon les sociétés et les civilisations, et cette différence se situe-t-elle au niveau de l’essence de l’être lui-même en tant qu’entité sociale, ou plutôt au niveau du rôle assumé et des actions commencées ?

  • Comment les intellectuels opèrent-ils pour asseoir leur « pouvoir » et conforter leur légitimité sociale ?

  • Quelle est la relation qui existe entre les intellectuels et le monde du livre ?

  • Quel rôle peuvent assumer les intellectuels dans la dynamique de l’édition du livre ?

  • Existe-t-il réellement une crise du livre en Algérie ?

Par ailleurs, la problématique de cette étude se traitera à travers deux volets, le premier sera consacré à la définition du concept « intellectuel » dans le monde en général et en Algérie en particulier. Alors qu’à travers le deuxième volet, il sera question de formuler des éléments d’idées et des appréciations d’approches sur ce qu’en pensent les intellectuels algériens ainsi que les responsables et acteurs travaillant dans le domaine du livre de l’engagement et de la position de l’intellectuel en tant qu’agent influent et conseiller avisé dans la dynamique de l’édition du livre en Algérie. Il s’agit d’abord de savoir si, de « l’intellectuel » peut se dégager une approche définitionnelle, ou encore, d’éprouver, voire de confronter des critères paramétriques épistémologiques qui ont pu transformer ou « ingérer » ce concept (intellectuel) et lui octroyer, dans l’espace langagier de la société une place singulière.

Cependant, l’étude sociologique des « intellectuels » s’est souvent constitué son champ d’analyse à partir de deux axes : le premier a recouvert « la dichotomie » devenue classique entre les intellectuels traditionnels et les intellectuels modernes, alors que le second a traité du rapport des uns et des autres au pouvoir, et dans les deux cas, il s’agissait surtout d’esquisser une sorte de topologie configurative du champ socio-culturel ou/et politico-culturel. Aucune étude universitaire en Algérie ou ailleurs ne s’est penchée réflexivement sur les rapports pouvant exister entre l’entité que sont les intellectuels et la sphère de la production du sens que représente le champ éditorial. Chacun de ces deux segments (intellectuels/champ éditorial) a été étudié séparément.

1.3. Hypothèses

En tenant compte des diverses informations, approches et conclusions lecturielles, à partir des différentes observations se référant à d’autres ouvrages publiés, surtout dans le volet historique, une série d’hypothèses peuvent être formulées et dégagées et seront examinées tout au long de cette analyse afin d’être affirmées ou infirmées. Ces hypothèses s’articulent autour des points suivants :

  • Les positionnements et engagements binaires populisme versus étatisme qui ont eu cours jusque-là dans la société algérienne ont fait que les intellectuels soient fragmentés, fragilisés et ne produisant aucun sens. Ils apparaissent toujours décalés par rapport aux mouvements de fond qui travaillent leur société, y compris la création de ses symboles culturels.

  • En l’absence d’une stratégie cohérente et/ou d’une politique d’édition, la maison d’édition se réduit, dans bon nombre de cas, à un petit commerce ou la fonction socio-culturelle est souvent marginalisée. Ainsi, les circuits socio-économiques de production et de diffusion à l’échelle nationale ne sont appréhendés que par le discours général des professionnels, alimenté, certes, par leur expérience et leur vécu quotidien, ce qui cause ainsi l’absence d’une rationalisation économique du secteur de l’édition loin de la sphère intellectuelle.

  • En l’absence de politiques de soutien de la part des pouvoirs publics, abandonné aux seules lois du marché local et de la concurrence internationale, soumis aux aléas des évolutions politiques et économiques dans la région, le livre se confond de plus en plus avec la notion de produit et se réduit peu à peu à sa stricte valeur marchande. Par conséquent, le processus de production des livres en Algérie se gère loin des sphères intellectuelles ou rationnelles.

  • Professionnels du livre et chercheurs ne participent que rarement à une réflexion commune pour l’élaboration des lois et textes législatifs qui régissent le secteur du livre.

  • La politique du livre, orchestrée par le ministère de la Culture qui s’est étalée de 2007 à 2011, en soutenant d’une manière conséquente les éditeurs a eu un effet pervers, elle a encouragé des comportements mercenaires : n’importe qui s’est mis à faire de l’édition, avec pour seul but de profiter de la manne publique.

  • L’édition algérienne présente l’image d’une profession à la recherche d’une assise solide sans pour autant mobiliser les moyens adéquats pour sa valorisation. Cette méprise est logiquement justifiée par son histoire, son évolution, ses crises et les stratégies qui s’opèrent autour des enjeux identitaires, culturels, politiques et idéologiques qui se tissent autour d’elle.

  • Éditer, imprimer et diffuser le livre en Algérie est une entreprise qui puise essentiellement dans la pratique commerciale et l’expérience personnelle de ses gestionnaires, loin des intellectuels et des milieux où évoluent ces derniers. Par ailleurs, les carrières du livre échappent, dans leur majorité, à une stratégie spécifique et programmée.

1.4. Délimitation spatio-temporelle de la recherche

La zone géographique de cette étude se limite principalement à l’espace algérien pour ce qui est de l’étude pratique, mais nous avons estimé utile selon l’avancement de la recherche d’étudier quelques cas au niveau international, où les concepts « intellectuel » et « édition » prennent une place cruciale dans la priorité des institutions et des chercheurs. Le développement de ces concepts est en effet en corrélation étroite avec le concept de la mondialisation qui touche depuis quelques années tous les domaines de l’activité humaine.

Pour ce qui est du questionnaire, sa distribution a été limitée à quatre régions : Alger, Oran, Constantine et Béjaia, et ce, pour une double raison, premièrement, dans ces régions, il existe de grands centres universitaires et deuxièmement, plusieurs maisons d’édition se sont implantées dernièrement.

Enfin, en ce qui concerne la délimitation temporelle. Cette présente recherche concerne la période s’étendant de 1988 à 2016. Ainsi, la raison principale de ce choix repose essentiellement sur une tentative de présenter une analyse réaliste et avoir une perspective d’ensemble sur le sujet d’étude à la lumière des transformations sociale, politique et économique survenues après octobre 1988 et dont la plus importante est la libération du marché du livre. Par ailleurs, le choix de clôturer l’étude à l’année 2016 est motivé par le fait que cette date est marquée par la libéralisation de l’édition scolaire, point qui ouvre une nouvelle ère pour le marché du livre en Algérie.

À noter également que dans bien des circonstances, il est important de se référer à des éléments historiques ainsi qu’à des périodes antérieures, et ce, pour avoir une vue plus précise sur les changements intervenus, évaluer la portée d’événements clés survenus pendant ces dernières décennies et mettre en relief le développement du secteur du livre en Algérie, en regard de facteurs contextuels et structurels.

2. Principaux éléments de définition

Pour ce qui est des concepts utilisés dans cette recherche, il ressort plusieurs d’entre eux, considérés comme étant nos concepts clés :

« Un concept étant une représentation abstraite, commencer à le convertir, c’est le décomposer en différentes dimensions. Il s’agit dès lors d’en examiner la signification profonde et de prendre conscience qu’il renvoie à des aspects de la réalité qui peuvent être extrêmement divers. Ces aspects forment les dimensions ou composantes d’un concept (…). »1

Dès lors, pour dégager les dimensions des concepts clés de cette étude, il était plus approprié de présenter des définitions opérationnelles précises et adéquates à l’ensemble du travail. Ainsi, il a été choisi de définir opérationnellement les concepts suivants : « intellectuel », « livre » et « édition ».

2.1. L’intellectuel

Le mot est apparu en France, au cours de l’affaire Dreyfus. Le 23 janvier 1898, dans le magazine L’Aurore, Georges Clemenceau1 appela « intellectuels » (c’est lui-même qui soulignait le mot, preuve du néologisme) les hommes de science, de lettres, de pensée, les artistes et les membres des professions libérales qui étaient en train de signer la pétition en faveur du capitaine Dreyfus, dont le procès de 1894 se révélait entaché d’illégalité.

En se référant à cet épisode fondateur, on définira l’intellectuel comme celui qui ayant acquis une réputation ou une compétence reconnue dans le domaine cognitif ou créatif, scientifique, littéraire ou artistique use de son statut pour intervenir dans l’espace public sur des questions qui ne concernent pas sa spécialité, mais l’ensemble de la communauté à laquelle il appartient.

L’intellectuel est avant tout l’homme de l’intellect et non pas celui de l’intelligence. L’intelligence, c’est en effet l’intérêt pragmatique pour le monde extérieur, pour la nature, c’est à la capacité technique de modifier le monde, elle se manifeste à travers l’habilité spécialisée, l’adresse, la capacité professionnelle, la compétence et le pouvoir d’expertise. Tandis que l’intellect renvoie à une forme de détachement par rapport à l’expérience immédiate, à une forme de distance à l’égard du monde « profane », il s’exprime par une forme « d’engagement » envers les valeurs transcendantes, par un intérêt puissant pour les idées en tant que telles. D’ailleurs dans ce contexte, Seymour Martin Lipst définit les intellectuels comme « (…) ceux qui créent et mettent en pratique la culture, c’est-à-dire le monde symbolique propre à l’humanité, lequel comprend l’art, la science et la religion. »1 Lewis Coser, quant à lui, définit les intellectuels comme les individus « (…) qui sont concernés par les valeurs centrales de la société, ou ceux qui s’intéressent au monde symbolique constitué par la culture. »2

Et c’est justement cette dernière définition qui sera retenue dans cette étude, le concept « intellectuel » sera utilisé dans cette étude en référence aux gens de la culture (écrivains, éditorialistes, journalistes, universitaires et éditeurs).

2.2. Le livre

Le livre a pris une telle place dans l’expression de la pensée et la conservation de toute connaissance qu’il mérite une attention particulière. Le livre apparaît d’abord, comme un objet à trois dimensions : produit fabriqué, denrée commerciale et objet d’art. Produit fabriqué, il participe à l’histoire des techniques, des caractères et des procédés de l’imprimerie et dans ce domaine, on prend toujours en considération, ses supports, son écriture ainsi que les méthodes de sa fabrication.

Quant à l’étude du livre, en tant que denrée commerciale, cela ouvre des perspectives économiques et sociologiques, elle englobe le domaine de l’édition, de la préparation et de la diffusion des ouvrages, entrant ainsi, dans un monde où s’entremêlent tant de facteurs, ceux qui favorisent ou ceux qui entravent cette diffusion, ceux qui structurent ou ceux qui déstabilisent l’organisation des métiers du livre.

Objet d’art ou de collection, le livre peut valoir par la beauté de sa présentation, son illustration, sa reliure. Tout ceci ne reflète pourtant, que l’aspect extérieur du livre. Or, le livre est avant tout, un texte, une idée, un contenu ! C’est sa raison d’être. Il a été longtemps, le principal, voire l’unique moyen de diffusion et de conservation des connaissances, aussi participe-t-il profondément à l’histoire de la civilisation et de la culture. Parce qu’avant tout, il faut admettre que la branche d’activité axiale, noyau énergétique de tout corpus culturel : c’est le livre !

Le livre est également un support de l’écriture et un musée de l’histoire humaine, ainsi les tablettes d’argile sumériennes, les papyrus égyptiens, les rouleaux de la Rome antique, les manuscrits médiévaux, les imprimés modernes sont des conservatoires de l’histoire, celui de toute l’humanité.

Et vu cette dimension multifonctionnelle, définir le livre devient chose malaisée. La seule définition à peu près complète donnée à ce jour est tellement vague qu’elle en est inutilisable : « Un support d’une certaine matière et dimension, éventuellement d’un certain pliage ou enroulement, sur lequel sont portés des signes représentatifs de certaines données intellectuelles. »1

En réalité, il n’existe pas une définition du livre. Chaque pays, chaque administration possède la sienne ou les siennes. En France, par exemple, le seul ministère des Finances en a deux, une pour la douane et une autre pour le fisc !2 L’Assemblée générale de l’UNESCO de 1964 a recommandé l’adoption d’une définition statistique universelle : « (…) publication non périodique contenant 49 pages ou plus (…) ». Les législations canadienne, finlandaise, norvégienne acceptent les 49 pages. Il en faut une de plus au Liban, en Égypte et en Afrique du Sud. Le Danemark exige 60 pages, la Hongrie 64, l’Irlande, l’Italie et Monaco 100 pages.

À l’inverse, la Belgique se contente de 40 pages, la Tchécoslovaquie de 32, l’Islande de 17. Quant à l’Inde, elle inclut la moindre brochure dans la catégorie des livres. La définition du Royaume-Uni est longtemps restée financière : « (…) était réputée livre toute publication dont le prix était d’au moins 6 pence. » Et pour ce qui est de l’Algérie, aucune mention précise n’a été évoquée sur ce point dans la dernière loi sur livre : « (…) est livre, toute œuvre de l’esprit d’un ou de plusieurs auteurs, réalisée en plusieurs exemplaires, par des moyens graphiques, numériques, audio ou par procédé d’écriture en Braille, comportant des signes ou des illustrations, constituée de pages formant un ensemble qui est destiné à la diffusion de la pensée, de la culture, de l’enseignement, des sciences, du savoir et de la connaissance. »1 Et c’est justement cette dernière définition qui sera retenue comme définition référent dans cette étude.

2.3. L’édition

L’idée du livre est aussi associée à celle d’édition, c’est-à-dire à la volonté de diffusion d’un texte et au désir de sa conservation par le biais de sa « publication ». Quand il s’agit d’exprimer l’idée d’édition, les langues hésitent entre deux racines qui sont représentées en français respectivement par le verbe « publier » et le verbe « éditer ». L’un vient du latin « publicare », qui signifie « mettre à la disposition d’un public anonyme », l’autre du latin « edere », qui signifie « mettre au monde ». Le français parle « d’éditeur », et l’anglais de « publisher », réservant « editor » au rédacteur en chef des journaux. L’allemand emploie « ausgabe » pour l’édition d’un livre, mais « verlag » pour l’entreprise d’édition que le russe désigne par « izdatelstva », du verbe « izdat », calque « d’edere » (éditer).

Ces hésitations traduisent la nature ambiguë de l’acte d’édition : l’éditeur est-il accoucheur ou marchand d’esclaves ? L’un et l’autre vraisemblablement. Est-il paré de la dignité professionnelle ou marqué de l’infamie mercantile ? Il est difficile pour la plupart des éditeurs d’assumer l’une et l’autre et cela pour deux raisons : d’abord parce que leur fonction est apparue récemment dans l’histoire, ensuite parce qu’elle ne cesse de se modifier.

Ainsi, la polysémie du mot « éditeur » traduit la réalité d’une profession qui, dès l’origine, est partagée entre deux rôles distincts : la fonction éditoriale et la fonction entrepreneuriale. La fonction éditoriale est propre à celui ou celle qui découvre, qui consacre et qui dirige la publication d’ouvrages et, plus largement, qui acquiert par le fait même un statut professionnel et une valeur symbolique spécifique dans le champ culturel.

Elle comprend le travail de développement du manuscrit et d’accompagnement de l’auteur : « (…) la mise au point du texte et le choix des documents éventuels qui l’accompagnent, la conception d’une maquette et le choix des éléments strictement techniques (format, papier, couverture, mode d’impression). »2 La fonction entrepreneuriale est définie par des rôles et des responsabilités de gestionnaire et d’administrateur propres aux conditions de production et de diffusion des ouvrages.

Un commerçant ou un homme d’affaires ne devient éditeur qu’à partir du moment où il prend sur lui la double responsabilité matérielle et morale d’une œuvre. C’est là son rôle, sa fonction. C’est cette « contre-signature » à la fois financière (économique) et idéologique qui, dans une certaine mesure, fait d’un manuscrit un livre et d’un écrivain un auteur.

En d’autres mots, les éditeurs sont ceux qui parviennent à concilier l’homme de culture et l’entrepreneur, le « serviteur de la pensée », pour reprendre ici une expression de l’éditeur Bernard Grasset.1 Et comme le fait remarquer également Pierre Bourdieu :

« Ces personnages doubles, par qui la logique de l’économie pénètre jusqu’au cœur du sous-champ de la production pour producteurs, doivent réunir des dispositions tout à fait contradictoires : des dispositions économiques qui, dans certains secteurs du champ, sont totalement étrangères aux producteurs, et des dispositions intellectuelles proches de celles des producteurs dont ils ne peuvent exploiter le travail que pour autant qu’ils savent l’apprécier ou le faire valoir. »2

Cette double dimension, économique et symbolique de l’éditeur — celui qui a bâti sa légitimité culturelle en découvrant et en consacrant des auteurs — est intimement liée à sa personnalité, en plus de nécessiter des compétences particulières. Être éditeur signifie tout simplement être un « professionnel de la chose éditoriale, celui qui possède un savoir et des compétences spécifiques, le savoir édite. »3

En ce sens, le terme « éditeur » renvoie à des rôles et à des fonctions qui contribuent à la dimension symbolique de la fonction éditoriale. C’est donc dire que, dans le cas de maisons d’édition de moyenne ou de grande envergure, ces rôles et ces fonctions peuvent être attribués ou répartis entre divers intervenants.

En apposant son nom ou celui de sa maison d’édition au bas d’un livre, un éditeur s’engage de facto dans l’espace public : il participe activement à un acte de communication qui déborde largement la fabrication du livre. Non seulement l’éditeur doit se faire le médiateur de l’œuvre auprès des libraires et du public, titre dont il aura travaillé à la mise en forme et au devenir final, mais il participe, grâce à la diffusion du livre, à la promotion de valeurs littéraires, à la légitimation d’une vision esthétique, d’un mouvement artistique ou d’un courant de pensée. C’est dire, somme toute, qu’il remplit par là un rôle social en assurant le développement et la pérennité de la vie intellectuelle, littéraire ou, plus largement, culturelle de la société. Et justement, c’est cette dimension du rôle de l’éditeur que cette étude a prise en considération.

3. L’intellectuel et son engagement dans la sphère culturelle

Il ressort au terme de cette étude que l’intellectuel est le moteur dynamique d’une mutation exceptionnelle, apparue en Europe à partir de la Renaissance, et qui a produit et transcendé tous ses effets révolutionnaires à l’époque des Lumières, celle qui a vu l’effondrement de la Chrétienté, la mise en cause de la prédominance des idées religieuses, la naissance des sciences de la nature et des savoirs positifs. En un mot, la naissance des intellectuels est corrélée avec la sécularisation de la société, de la politique et de la culture sur le continent européen. Les intellectuels sont, dès lors, liés à la modernité, c’est-à-dire au sécularisme, au pluralisme religieux, à la naissance des libertés de pensée et de publication codifiées à la fin du XVIIIe siècle, par les acquis historiques de la Révolution française, sous l’expression « Droits de l’homme ».

Par conséquent, l’intellectuel est l’écrivain, le scientifique, l’artiste ou l’universitaire qui à un moment ou à un autre de sa vie « s’est mêlé de ce qui ne le regarde pas »1 selon le mot de Sartre, et qui est intervenu sur la scène publique pour faire connaître telle ou telle position à caractère politique. Un intellectuel exerce par conséquent une activité de l’esprit, à travers laquelle « il entend proposer à la société tout entière une analyse, une direction, une morale que ses travaux antérieurs le qualifient pour élaborer. »2

Autrement dit, un intellectuel est donc par essence un critique social, un individu dont le souci est d’identifier, d’analyser et par ce moyen, de contribuer à surmonter les obstacles qui empêchent d’atteindre un ordre social meilleur, plus humain et plus rationnel. Un intellectuel serait en quelque sorte un « homo-séismographe » à l’écoute des « tectoniques » sociales dans le champ de son temps et dans les ondes de la perception de ses connaissances.

Dès lors, ce qui caractérise, en premier lieu, l’intellectuel actif, dans sa conscience et dans la connaissance qu’il vise à donner de lui-même, c’est qu’il prend « parti », et qu’au moment où il s’engage et prend des risques, il refuse de n’être d’aucun « parti » au sens plus strictement politique du terme.

Ainsi, l’action de l’intellectuel est de démystifier, il s’agit, pour lui, d’évaluer, de mettre en évidence le décalage existant entre les valeurs reconnues pour décisives par la « société universelle », c’est-à-dire par l’ordre dominant et leur réalisation juridique, administrative et sociale. Il s’agit de développer par la parole, par l’écrit et par la réaction réflexive une critique de la réalité existante, et tout cela au nom de la « liberté » et de la « justice ».

Dès lors, le métier d’enseignant, de chercheur, d’artiste, de journaliste, d’écrivain… devient pour l’intellectuel un simple point d’appui. Ce n’est point de sa compétence spécifique qu’il tire sa vertu, celle-ci lui fournit seulement « l’assiette sociale » dont il a besoin pour faire entendre, résonner et raisonner sa parole.

Plus précisément, la haute qualification de l’intellectuel agissant lui confère une place de choix dans la société, qui, selon les critères habituellement reconnus, lui permet de juger. Mais, ce n’est point de ce lieu qu’il juge, il se veut bien au-delà de cette spécification. Ainsi, l’intellectuel n’est ni philosophe, ni savant, ni artiste, il est à l’œuvre dans toutes les activités de découvertes et d’inventions, mais il les transcende, c’est au nom de ce pouvoir qui est en même temps un devoir et privilège que « juge » l’intellectuel dépositaire du coup, d’une responsabilité supérieure.

Tout cela permet de dire que l’intellectuel est « un produit », qu’il n’y a pas de couche ou de groupe intellectuel, il y a des situations critiques, singulièrement prérévolutionnaires, au sein desquels des individus ou des formations d’individus qui sont « surdéterminés » par ces situations mêmes interviennent et « s’insèrent » activement dans le champ des opinions et dans la bataille des idées. On ne saurait universaliser l’effet de ces interventions, elles dépendent, foncièrement de la conjoncture configurative des phénomènes socio-culturels.

Dès lors que la chronologie du phénomène n’est pas regardée comme nécessairement dépendante de celle du lexique et du concept, l’émergence du modèle de l’intellectuel moderne apparaît également comme liée au développement de la révolution gutenbergienne, parce que celle-ci lui offre les moyens d’exercer son magistère auprès d’un public considérablement élargi et de plus en plus souvent anonyme. Il n’est sans doute pas nécessaire de remonter aux premiers ateliers d’imprimerie de Gutenberg pour saisir tous les enjeux et les défis auxquels fait face aujourd’hui le milieu de l’édition, mais il n’est pas inutile, en revanche, de rappeler que de Gutenberg à Diderot, puis de la Révolution française à la révolution industrielle, l’histoire de l’édition est peut-être avant tout celle, riche et tumultueuse, des idées et de la pensée, mais aussi celle de leur diffusion.

Aujourd’hui confrontée aux défis et aux promesses de la révolution numérique, on comprendra sans doute aisément que l’édition ou, plus précisément, que l’histoire de l’édition est moins celle de son évolution que des nombreuses « révolutions » — politiques et techniques — qui en ont profondément marqué le développement depuis ses origines. On ne s’étonnera pas, par exemple, que la fameuse Lettre sur le commerce de la librairie (1763) de Diderot, lettre dans laquelle il défendait une conception moderne de l’édition paraisse dans le tumulte politique précédant les révolutions américaine et française.

Étroitement liée à l’histoire des idées, l’évolution de l’édition, voire le métier même de l’éditeur, a historiquement accompagné un certain idéal démocratique qui est encore aujourd’hui le sien, mais dont la préservation s’annonce pourtant comme l’un des enjeux les plus importants pour les années à venir.

Au moment où, pour certains grands groupes éditoriaux, s’avère pratiquement impossible la publication d’un livre qui n’irait pas dans le sens immédiat du profit, il faut en effet s’inquiéter de ce qui relève de plus en plus d’une forme de « contrôle de la diffusion de la pensée dans les sociétés démocratiques (…). Le débat public, la discussion ouverte, qui font partie intégrante de l’idéal démocratique, entrent en conflit avec la nécessité impérieuse et croissante de profit »1 comme le soulignait déjà l’éditeur André Schiffrin il y a quelques années.

Ambassadeur culturel et intellectuel, intermédiaire essentiel entre l’auteur et le lecteur, l’éditeur a donc tout lieu, aujourd’hui plus que jamais, d’être vigilant, au risque de céder la place à une « édition sans éditeurs ». Le spectacle inquiétant qu’offre aujourd’hui le monde de l’édition, dont la surproduction n’est hélas qu’un des tableaux, rappelle à tout le moins que le capital financier investi par un individu ou un groupe de communication ne saurait à lui seul suffire de légitimation et de caution à un texte, à un manuscrit ou à une réflexion.

Conclusion

Historiser la fonction éditoriale, ce n’est pas, dans une telle optique, enregistrer un fait de naissance pour se résigner à un fait de finitude dans un avenir plus ou moins proche. Comme l’État démocratique ou la notion de « bien commun » et de « service public », l’autonomie des champs culturels doit être comptée, rappelait Pierre Bourdieu, parmi les plus hautes réalisations de l’espèce humaine : à ce titre, elle mérite d’être défendue contre les forces qui tendent à la réduire pour mettre ces champs au service d’intérêts cyniquement économiques. Ce que l’histoire a fait, l’histoire peut le défaire ; ce dont certaines conditions morphologiques ont permis la formation, d’autres conditions peuvent le détruire. Un tel constat prédictif doit inciter à la résistance plutôt qu’au fatalisme, consentement qui en l’occurrence serait fait, non au cours du monde comme il va, mais à l’ordre des choses tel qu’on l’impose.

En Algérie, l’industrie du livre en tant que segment/secteur/filière des industries culturelles subit au même titre que les autres filières l’impact des mutations en cours. Cet impact est visible à travers l’émergence d’un entrepreneuriat privé, d’une législation de plus en plus en conformité avec les exigences et recommandations internationales même si elle reste embryonnaire, d’un soutien plus affirmé que par le passé des pouvoirs publics, mais souvent entaché de lourdeurs, de reculades et d’initiatives croissantes de la part des principaux acteurs/opérateurs.

À travers cet ensemble d’éléments de constat, l’édition algérienne présente l’image d’une profession à la recherche d’une assise solide sans pour autant mobiliser les moyens adéquats pour sa valorisation. Cette méprise est logiquement justifiée par son histoire, son évolution, ses crises et les stratégies qui s’opèrent autour des enjeux identitaires, culturels, politiques et idéologiques qui se tissent autour d’elle, mais surtout le peu d’implication des intellectuels algériens dans ce secteur.

À l’examen des circonstances et conjonctures politico-économico-sociales et culturelles historiquement conditionnant l’évolution des milieux culturels algériens, il semblerait que ce qui avait fait défaut aux penseurs, intellectuels, hommes d’art et de culture algériens, c’était surtout le manque de communication entre eux, leurs œuvres attestées et leurs lieux ou centres de réflexions et d’enseignement totalement isolés et refoulés aussi bien par les féodalités et systèmes oppressifs autochtones que par les gouvernances coloniales successives aliénantes et qui ont favorisé, d’une manière générale le « ratage » du coche de la prise de conscience en tant qu’agent actif dans la société.

En conclusion, peut-on souligner qu’éditer, imprimer et diffuser le livre en Algérie est une entreprise qui puise essentiellement dans la pratique commerciale et l’expérience personnelle de ses gestionnaires, loin des intellectuels et des milieux où évoluent ces derniers. Par ailleurs, les carrières du livre échappent, dans leur majorité, à une stratégie spécifique et programmée.

1 - Barbusse Henri. 1921, Le couteau entre les dents. Aux intellectuels. Paris. Éditions Clarté. p.190.

1 - Spécialiste des travaux de Max Weber, Edward Shils traduisit également les travaux du sociologue Karl Mannheim en anglais. Professeur distingué au

2 - Théoriquement, l’œuvre de Pierre Bourdieu, ancrée dans des enquêtes empiriques peut être décrite comme une économie des biens symboliques (le

3 - L’affaire Dreyfus, qui a duré près de douze années (1894 -1906), occupe une place centrale dans l’histoire contemporaine de la France. Et son

1 - Dédame Roger. 2004. Une histoire du livre, de Gutenberg au multimédia. Paris. Le temps des Cerises. p.115

1 - Lazarsfeld Paul. 1965. Les concepts aux indices empiriques dans le vocabulaire des sciences sociales. Paris. Mouton. p. 27.

1 - Lipst Seymour Martin. 1969. American intellectuals: their politics and status. London. Daedalus. p. 142.

2 - Coser Lewis. 1965. Men of ideas. A sociologist’s view. London. The free press. p. 62.

1 - Barbier Frédéric. 2006. Histoire du livre. Paris. Fayard. p. 89.

2 - Dahl Svend. 1987. Histoire du livre de l’Antiquité à nos jours. Paris. Lamarre-Poinat. p.152.

1 - Loi n ° 15-13 du 28 Ramadhan 1436 correspondant au 15 juillet 2015 relative aux activités et au marché du livre.

2 - Legendre Bertrand. 2008, L’édition. Paris. Le cavalier Bleu éditions. p. 5.

1 - Bessard-Banquy Olivier. 2012. L’industrie des lettres. Paris. Pocket. p. 126.

2 - Bourdieu Pierre. 1991. « Le champ littéraire ». Actes de la Recherche en Sciences Sociales. Vol. 89. n° 1. p. 5.

3 - Bessard-Banquy Olivier. 2012. L’industrie des lettres. Paris. Pocket. p. 126.

1 - Sartre Jean-Paul. 1972. Plaidoyer pour les intellectuels. Paris. Gallimard. p. 94.

2 - Traverso Enzo. 2013. Où sont passés les intellectuels ? Paris. Les éditions Textue. p. 78.

1 - Schiffrin André. 2005. Le contrôle de la parole. Paris. La Fabrique éditions. p.121.

Barbier Frédéric. 2006. Histoire du livre. Paris. Fayard.

Barbusse Henri. 1921. Le couteau entre les dents. Aux intellectuels. Paris. Éditions Clarté.

Bessard-Banquy Olivier. 2012. L’industrie des lettres. Paris. Pocket.

Bourdieu Pierre. 1984. Homo academicus. Paris. Les Éditions de Minuit.

Bourdieu Pierre. 1991. « Le champ littéraire ». Actes de la Recherche en Sciences Sociales. vol. 89. n° 1.

Coser Lewis. 1965. Men of ideas. A sociologist’s view. London. The free press.

Dahl Svend. 1987. Histoire du livre de l’Antiquité à nos jours. Paris. Lamarre-Poinat.

Dédame Roger. 2004. Une histoire du livre, de Gutenberg au multimédia. Paris. Le temps des Cerises.

Lazarsfeld Paul. 1965. Les concepts aux indices empiriques dans le vocabulaire des Sciences Sociales. Paris. Mouton.

Legendre Bertrand. 2008. L’édition. Paris. Le cavalier Bleu éditions.

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Schiffrin André. 2005. Le contrôle de la parole. Paris, La Fabrique éditions.

Traverso Enzo. 2013. Où sont passés les intellectuels ? Paris. Les éditions Textue.

Loi n ° 15-13 du 28 Ramadhan 1436 correspondant au 15 juillet 2015 relative aux activités et au marché du livre

1 - Barbusse Henri. 1921, Le couteau entre les dents. Aux intellectuels. Paris. Éditions Clarté. p.190.

1 - Spécialiste des travaux de Max Weber, Edward Shils traduisit également les travaux du sociologue Karl Mannheim en anglais. Professeur distingué au Comité de la pensée sociale et en sociologie de l’Université de Chicago et sociologue influent, il était connu pour ses recherches sur le rôle des intellectuels et leurs relations avec le pouvoir et les politiques publiques.

2 - Théoriquement, l’œuvre de Pierre Bourdieu, ancrée dans des enquêtes empiriques peut être décrite comme une économie des biens symboliques (le concept de « capital » est étendu du « capital économique » au « capital culturel », au « capital social » et au « capital symbolique », puis aux capitaux spécifiques associés aux différents champs de l’espace social), et comme une théorie de la reproduction probable de l’inégale distribution des capitaux. Mais elle peut aussi s’analyser comme une théorie des conflits (entre détenteurs et prétendants), des révolutions symboliques, des résistances, des refus, des révoltes possibles (déracinements sociaux ou nationaux, déclassements ascendants ou descendants, etc.), et comme une théorie de la pratique (conçue comme le produit de la rencontre entre un habitus et un champ), enfin comme une théorie de la violence symbolique et des rapports de domination dans l’espace social (domination coloniale, domination de classe, domination masculine) et dans chacun de ces microcosmes dont il avait ébauché la théorie. Bourdieu Pierre. 1984. Homo academicus. Paris. Les Éditions de Minuit, p. 213.

3 - L’affaire Dreyfus, qui a duré près de douze années (1894 -1906), occupe une place centrale dans l’histoire contemporaine de la France. Et son impact intellectuel et moral comme ses représentations sociales et culturelles en font un évènement à échelle mondiale, un véritable passé/présent régulièrement réactivé dans les mémoires individuelles ou collectives et dans les discours politiques, populaires ou savants. L’affaire Dreyfus est considérée comme un évènement historique majeur, à la fois dans son intensité factuelle et dans sa signification politique profonde, à savoir l’affrontement de la souveraineté du citoyen et du principe de justice opposés au dogme de la nation et à la raison d’État.

1 - Dédame Roger. 2004. Une histoire du livre, de Gutenberg au multimédia. Paris. Le temps des Cerises. p.115

1 - Lazarsfeld Paul. 1965. Les concepts aux indices empiriques dans le vocabulaire des sciences sociales. Paris. Mouton. p. 27.

1 - Lipst Seymour Martin. 1969. American intellectuals: their politics and status. London. Daedalus. p. 142.

2 - Coser Lewis. 1965. Men of ideas. A sociologist’s view. London. The free press. p. 62.

1 - Barbier Frédéric. 2006. Histoire du livre. Paris. Fayard. p. 89.

2 - Dahl Svend. 1987. Histoire du livre de l’Antiquité à nos jours. Paris. Lamarre-Poinat. p.152.

1 - Loi n ° 15-13 du 28 Ramadhan 1436 correspondant au 15 juillet 2015 relative aux activités et au marché du livre.

2 - Legendre Bertrand. 2008, L’édition. Paris. Le cavalier Bleu éditions. p. 5.

1 - Bessard-Banquy Olivier. 2012. L’industrie des lettres. Paris. Pocket. p. 126.

2 - Bourdieu Pierre. 1991. « Le champ littéraire ». Actes de la Recherche en Sciences Sociales. Vol. 89. n° 1. p. 5.

3 - Bessard-Banquy Olivier. 2012. L’industrie des lettres. Paris. Pocket. p. 126.

1 - Sartre Jean-Paul. 1972. Plaidoyer pour les intellectuels. Paris. Gallimard. p. 94.

2 - Traverso Enzo. 2013. Où sont passés les intellectuels ? Paris. Les éditions Textue. p. 78.

1 - Schiffrin André. 2005. Le contrôle de la parole. Paris. La Fabrique éditions. p.121.

Nouara Hocine

Université Alger 3

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