Introduction
Le système cognitif plus vaste auquel appartient le langage traite tout un ensemble d’activités mentales et permet de mettre en œuvre et de gérer des processus mentaux tels que la perception, la hiérarchisation des informations, l’inférence, la mémorisation, la catégorisation ainsi que l’ensemble des connaissances sur lesquelles ces processus opèrent. Ces processus, qui permettent de construire les aptitudes cognitives, sont marqués et influencés par le langage et par les usages de la langue. De même, le langage et la langue sont à la base de toutes ces activités. Pour Bronckart, « la notion de langage est purement théorique ; c’est l’“instance‘ ou ‘faculté‘ qui est invoquée pour expliquer que tous les hommes se parlent. » (Bronckart 1997 : 7)
Ces processus sont les constituants des différentes compétences langagières qui ne peuvent donc être compris et travaillés efficacement qu’en référence à ces processus. Nous les interrogerons pour examiner leur mode de fonctionnement lorsqu’ils sont altérés.
Selon Rondal, par langage il faut entendre « la fonction complexe qui permet d’exprimer et de percevoir des états affectifs, des concepts, des idées, au moyen de signes acoustiques ou graphiques. » (Rondal 2003 : 9).
Il est présent dès la première année de la vie et accompagne pratiquement toutes les activités humaines. Son acquisition ne requiert pas d’effort spécial et, chez tout enfant vivant dans des conditions normales, une telle acquisition est attendue. Il suffit ainsi de penser à l’attente des parents qui se demandent quel sera le premier mot prononcé par l’enfant : papa ou maman ?
Ce processus s’appuie sur un ensemble de signes, régi par des règles, qui est désigné par le terme « langue ». Le langage est alors un système symbolique, particulier, organisé sur deux plans. D’une part, il est un fait physique : il a besoin du cerveau pour se construire et emprunte le truchement de l’appareil vocal pour se produire et de l’appareil auditif pour être perçu. Sous cet aspect matériel, il se prête à l’observation, à la description et à l’enregistrement. D’autre part, il constitue une structure immatérielle, une communication de signifiés, remplaçant les événements ou les expériences par leur évocation. Tel est donc le langage : une entité à double face.
On est ainsi amené à distinguer les différentes formes que peut prendre le langage : langage oral ou parole, et langage écrit si l’on se place du côté de la production du langage.
Si l’on se place du côté de la réception dans la communication, on distinguera l’écoute pour le langage oral, et la lecture pour le langage écrit. Ces deux aspects du langage s’inscrivent dans une dimension temporelle qui comporte elle-même différentes formes plus ou moins immédiates et différées.
Néanmoins, cet aspect naturel et familier du langage est mis en question dès que l’enfant tarde à parler, mais aussi devant certains accidents qui touchent le langage installé, ou encore quand, du fait d’une pathologie, la communication s’altère, chose qui attire au premier degré notre attention.
Pour que l’enfant développe le langage, il doit avoir dès la naissance des structures neuro-motrices sensorielles et mentales normales et les conserver tout au long de son développement. Des altérations transitoires existent de façon normale chez l’enfant au cours de son développement langagier. Elles sont à différencier des troubles majeurs qui doivent, eux, attirer l’attention et motiver une exploration. Les troubles de l’évolution du langage peuvent être alors isolés ou associés.
Les troubles isolés de l’évolution du langage peuvent avoir une origine fonctionnelle ; retards simples de parole et de langage ou retards d’acquisition de la lecture. Plus rarement, les troubles isolés peuvent être structurels et spécifiques, touchant le langage oral tel que la dysphasie ou le langage écrit tel que la dyslexie et la dysorthographie. Les troubles de l’évolution du langage peuvent également être associés ou secondaires à une déficience intellectuelle, une surdité, une paralysie des organes phonatoires, une atteinte cérébrale, des troubles de la communication notamment des troubles envahissants du développement, dont l’autisme. C’est sur ce genre de trouble que nous allons nous pencher particulièrement.
En effet, lors de travaux ultérieurs nous avons eu à travailler sur le développement du langage et de la communication chez les enfants avec autisme. Nous avons également eu à évoquer la multiplicité des codes chez ces derniers.
L’autisme est le « symptôme » comportemental de repli sur soi lié à des Troubles Envahissants du Développement (TED) qui touchent un enfant sur 100, la prévalence de l’autisme est assez alarmante. En effet, un enfant sur 100 naît autiste. L’autisme n’est plus considéré comme une maladie neurobiologique (neuro-développementale), les parents n’y sont pour rien.
Selon le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-51, l’autisme est un trouble envahissant du développement qui entraîne un détachement pathologique de la réalité accompagné d’un repli sur soi. Les personnes avec autisme présentent des incapacités plus ou moins importantes dans les fonctions de communication, de socialisation, et d’imagination.
Pour le neurolinguiste Léo Peeters, spécialisé dans les troubles du spectre autistique, l’autisme est une anomalie psychique complexe qui n’est plus considérée comme une maladie mentale, mais comme un trouble du développement qui demande une prise en charge spécialisée. Une compréhension théorique de l’autisme et de ses conséquences est nécessaire si on veut intervenir de façon adaptée. (Peeters 2008 : 229).
L’enfant avec autisme grandit physiquement ainsi que les zones de son cerveau, mais celles-ci se branchent mal entre elles : le développement ne se met pas en marche ou mal ou incomplètement après la naissance. Cette anarchie ou insuffisance de branchements est variable d’un enfant autiste à l’autre : c’est ce qui peut expliquer la diversité des formes d’autisme et par là même le spectre autistique.
L’enfant avec autisme en grandissant garde des outils de conscience, de communication, du sensoriel, et parfois moteurs de bébé. Les autistes gardent ainsi leurs réflexes primitifs ce qui va les gêner.
Ces enfants grandissent donc en gardant l’aspect sensoriel d’un bébé qui est en hyperconnectivité depuis la naissance jusqu’à la disparition des réflexes vers l’âge d’un an, qui permet au tout petit de filtrer peu à peu les stimuli auditifs, tactiles et visuels de l’environnement. Les autistes ont alors des perceptions sensorielles inadaptées qui les font souffrir terriblement : pour survivre, ils vont développer soit des stratégies de repli ou d’isolement (bulle fermée où ils sont bien) soit des stratégies d’organisation de leur cerveau pour vivre normalement, chose qui les épuise. Leur cerveau est en surcharge sensorielle permanente, ce qui engendre repli et crises si on les en empêche ou si on modifie leur monde.
L’autisme peut prendre des formes diverses ; selon qu’il s’accompagne ou non d’autres incapacités, notamment d’une déficience intellectuelle, par conséquent les modalités de scolarisation seront différentes. Pour certains jeunes, une scolarité en milieu ordinaire serait envisageable moyennant des aménagements et surtout un accompagnement adapté à la situation.
Ce qui nous interpelle alors, c’est cette prise en charge de l’autisme et l’implication de l’école algérienne dans ce processus. À cet effet, notre problématique est la suivante : comment et dans quelles conditions l’école algérienne peut-elle faire face à ce genre de handicap ? Et quelles sont les mesures entreprises pour l’intégration scolaire des enfants avec autisme ?
Nous postulons pour l’hypothèse que les enfants en situation de handicap peuvent prétendre à l’école et qu’ils sont capables de s’intégrer et d’améliorer leur apprentissage.
Nous nous interrogeons alors sur l’intérêt que suscite cette approche de l’autisme et les moyens didactiques de la canaliser, et nous réfléchirons sur les possibilités qui permettraient éventuellement l’intégration des enfants atteints d’autisme à l’école algérienne et par là même tenter de résoudre les problèmes de communication chez ces derniers.
1. Intégration et/ou inclusion Scolaire
La socialisation et l’école sont possibles pour les enfants avec autisme dès qu’ils ont atteint le niveau de développement d’un enfant « neurotypique »2 de 2 ans et demi 3 ans. Il est donc possible que ces enfants intègrent l’école, mais au bon moment, lorsqu’ils en sont capables. Ils peuvent ainsi se socialiser et être scolarisés en fonction de leur stade de développement.
L’enfant avec autisme a un retard de développement à combler d’abord, c’est en effet, un enfant qui grandit avec des outils de bébé. L’école et les lieux collectifs sont alors inadaptés pour les enfants autistes non traités sensoriellement. Ils les mettent en souffrance : « trop de monde, trop de bruit ». Leurs perceptions sensorielles sont en « hyper ou hypo-connectivité ».
Alors la cour de récréation devient un enfer pour eux, les bruits leur envoient comme « des coups de marteau » dans la tête, trop de visages vides qui leur font peur. L’enfant en souffrance sensorielle se replie sur lui-même et se coupe du monde. Ainsi, en restant absent à l’autre ou stéréotypant dans son coin ou en devenant agressif avec les autres, il exprime sa souffrance.
Il est donc nécessaire que l’enfant soit préparé et traité avant de prétendre à l’école, il faut qu’il réponde à des conditions qui lui permettraient d’optimiser ses chances d’être intégré et par là même d’être accepté à l’école. Les six conditions qui permettraient à l’enfant avec autisme d’accéder à l’école sont les suivantes :
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Un langage acquis : l’enfant doit savoir répondre à une question ; poser une question et dire pourquoi. Il doit également savoir demander ce dont il a besoin.
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La compréhension des consignes : l’enfant doit comprendre et répondre par conséquent aux consignes.
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L’écoute et la concentration : l’enfant doit tenir assis pendant une heure et écouter une histoire par exemple.
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L’imitation : l’enfant doit être capable d’imiter l’autre et émettre le désir d’apprendre par lui-même.
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Les activités collectives : l’enfant doit être capable d’activités collectives et d’entrer en contact avec les autres enfants et de jouer avec eux.
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La capacité de tenir un crayon : l’enfant doit être capable de tenir un crayon et de l’utiliser correctement.
La scolarisation est un droit et une obligation pour tout enfant ayant atteint l’âge de 5 ans, sans distinction aucune. Pourtant, plusieurs enfants ayant dépassé l’âge de la scolarisation sont toujours à la maison pris en charge par leurs parents uniquement. En effet, des milliers de familles algériennes qui comportent en leur sein un enfant avec autisme sont incapables d’inclure leur enfant dans le système scolaire algérien sous ses deux facettes publique et privée, à l’exception de quelques rares établissements privés nécessitant des moyens financiers hors normes aux parents, puisque ceux-ci sont souvent contraints à payer eux-mêmes, en plus de l’école, un salaire à l’Auxiliaire de Vie Scolaire (AVS) de l’enfant. Plusieurs familles ont été ainsi victimes de manipulation des responsables des établissements scolaires et de la procrastination des services concernés par l’éducation en Algérie.
Les textes de lois consacrant l’insertion scolaire des handicapés existent en Algérie, mais ne sont pas suivis d’application. Il existe une législation algérienne garantissant ce droit, citant la loi de 20083, laquelle comporte, entre autres dispositions, l’intégration des handicapés dans le système éducatif national.
Cela dit, l’école n’est pas adaptée aux enfants différents, les systèmes d’enseignement actuels ne répondent donc pas aux besoins particuliers de tous les élèves. On prône alors l’inclusion dans un système qui n’est pas inclusif.
Parler donc d’inclusion, et non d’intégration. C’est un point sur lequel insiste Christine Philip4, spécialiste de la scolarisation des élèves autistes en France. Selon elle, une différence cruciale existe dans ces deux termes, qui, à elle seule, résume le problème des écoles aujourd’hui.
L’intégration consiste à rejoindre la norme. Ainsi, la personne doit faire l’effort de s’adapter aux autres, mais le milieu en lui-même ne bouge pas. Tandis que l’inclusion est le processus inverse. Ce n’est pas à la personne de s’adapter, mais au milieu qui l’accueille d’être capable de répondre à ses besoins particuliers. Pour Christine Philip, les écoles publiques françaises ne sont encore qu’au stade de l’intégration, et non de l’inclusion.
Ainsi ce qui permet de distinguer l’intégration de l’inclusion c’est que dans la première c’est la personne handicapée ou différente qui doit faire l’effort, avec aide, de s’adapter au milieu qui l’accueille en se « normalisant », tandis que dans la seconde, c’est le milieu d’accueil qui fait cet effort d’adaptation pour répondre aux besoins particuliers de la personne. Il s’agit assurément d’une révolution culturelle en milieu éducatif. Il est question d’avancer tout doucement dans cette voie qui certes pourrait conduire à un changement assez radical de tout système éducatif, car jusqu’à présent les besoins particuliers de tous les élèves étaient assez peu pris en compte dans le système scolaire. Ainsi, c’est en faisant l’effort d’accueillir des élèves différents que les enseignants prendront l’habitude d’ajuster leur pratique à la diversité des élèves et à différencier leur pédagogie. Cela signifie que l’accueil en milieu scolaire ordinaire d’élèves différents devrait conduire à un changement de notre système éducatif. Comme le fait encore remarquer Charles Gardou, « une société inclusive n’est pas de l’ordre d’une nécessité liée au seul handicap. Ce qui prime est l’action sur le contexte pour le rendre propice à tous. » (Gardou 2012 : 38.)
Concernant l’école publique algérienne, on peut à peine parler d’intégration. Le gouvernement, doit d’abord améliorer le dépistage, le suivi et la prise en charge des personnes autistes.
L’appréhension que certains enseignants peuvent ressentir à l’idée d’accueillir un élève autiste dans leur classe est justifiée, ils ne seraient pas suffisamment formés et ne disposeraient pas des outils nécessaires. Lorsque l’on est enseignant, accueillir un enfant singulier dans sa classe n’est pas toujours évident. Quand on apprend qu’il s’agit d’autisme, cela peut même générer un facteur de stress et cela se comprend.
Vivre ensemble n’est pas donc chose facile et la différence fait souvent peur.
Perçu par certains comme une douleur trop grande pour pouvoir être accompagnée, le handicap est pour d’autres une source perpétuelle de compassion.
Pourtant, ni l’une ni l’autre de ces attitudes ne répond à la demande de ceux qui souffrent et en particulier, à celle des enfants. Mais parce qu’il est une différence visible, le handicap pose la question fondamentale de son environnement : faut-il proposer aux enfants handicapés un espace spécifique ou favoriser leur scolarisation avec les enfants ordinaires ?
Pourtant, la réponse ne fait aucun doute. Dans la très grande majorité des cas, la scolarisation en milieu ordinaire est la voie qui doit être privilégiée et de nombreuses expériences montrent que les écoles ayant choisi cette solution se félicitent de l’évolution de leurs élèves et de leur enrichissement réciproque.
Ce choix génère plus qu’un « mieux vivre ensemble » : il permettra in fine aux adultes de demain de porter un regard nouveau et différent sur le handicap.
2. Présentation de cas d’intégration scolaire
Nos motivations sont aussi bien personnelles que professionnelles, nous sommes affectivement rattachés à ce problème parce que nous le vivons au quotidien. En effet, nous sommes régulièrement en contact avec des enfants souffrant d’autisme, c’est la raison pour laquelle nous nous sommes très vite retrouvés confrontés au problème du langage et de la communication, de la prise en charge et de la scolarisation éventuelle. Par ailleurs, c’est notre travail de chercheur qui nous permet de prendre de la distance par rapport au sujet pour tenter d’en analyser les mécanismes et d’y apporter éventuellement des réponses ainsi que des perspectives de remédiation. Nous militons aussi dans une association pour les enfants atteints d’autisme, l’Association Autisme Tlemcen (AAT) ce qui nous donne la possibilité, en dehors du seul cadre familial qui est le nôtre, de mieux observer cette pathologie dans ses diverses expressions.
Pour sensibiliser la société sur les particularités des enfants autistes, mais aussi améliorer leur prise en charge, une association dénommée Association Autisme Tlemcen (AAT) a été créée au niveau de la wilaya de Tlemcen. Elle regroupe à l’heure actuelle une quarantaine de membres, dont des parents d’enfants autistes, de praticiens de la santé, de psychologues et de chercheurs universitaires.
Née à la faveur d’une rencontre scientifique organisée au sein de l’université de Tlemcen sur l’autisme, cette association s’est fixé plusieurs objectifs dont la formation qualifiante de spécialiste en autisme, l’accompagnement de psychologues dans l’ouverture de petits centres de prise en charge au sein de la wilaya de Tlemcen et l’insertion scolaire de ces enfants en dysfonctionnement. En plus de ces objectifs, elle permet d’ouvrir un espace de débat entre parents pour partager leurs expériences et leurs vécus.
L’AAT met en exergue l’urgente nécessité de multiplier les actions de formations qualifiantes et/ou diplômantes pour justement pouvoir équiper ces petits centres en spécialistes capables d’appliquer les méthodes modernes de prise en charge.
L’Association Autisme Tlemcen s’est dotée en ce sens d’un centre le centre « Autisme Tlemcen » pour la prise en charge des enfants autistes de la wilaya de Tlemcen, le premier du genre à travers la région.
Ce centre, inauguré le mois de février 2013, est basé au sein du siège de la fondation caritative « Benkalfat » de Mansourah. Il prend en charge, dans un premier temps, 40 enfants seulement en attendant le renforcement des moyens humains et matériels pour accueillir un nombre plus important d’enfants atteints par ce trouble.
Cette initiative, au niveau de l’Association Autisme Tlemcen, a été rendue possible grâce à la collaboration de l’université Abou Bakr Belkaid, jumelée avec l’université Paul-Valéry Montpelier 3, a permis la formation des psychologues encadrant ces enfants.
L’Association Autisme Tlemcen compte redoubler d’efforts durant les années à venir afin d’ouvrir d’autres centres de proximité similaires et participer activement à l’organisation de journées de sensibilisation et d’information au profit des parents d’enfants autistes et des professionnels de la santé.
Ce trouble nécessite des thérapies éducatives et comportementales particulières et un dépistage précoce pour mieux assurer l’intégration scolaire des enfants autistes. Grâce à la détermination, la mobilisation et la participation de l’Association Autisme Tlemcen, des classes d’intégration scolaire (CLIS) des enfants avec autisme ont vu le jour dans la wilaya de Tlemcen.
En 2016, il y a eu la création de la première classe d’intégration scolaire des enfants avec autisme à l’école Ibn Badis, la seule école à cette époque à avoir accepté d’ouvrir ses portes à ces enfants différents. La classe comporte six enfants et deux psychologues qui endossent également le rôle de l’enseignant. Il y a aussi des enfants, qui sont inclus au sein de la même école dans des classes ordinaires, accompagnés d’un Auxiliaire de Vie Scolaire (AVS), embauché et rémunéré en majorité par les parents. Il y a un enfant en deuxième année, un autre en quatrième année et deux autres en cinquième année. Ces enfants arrivent à suivre le programme et ont de bons résultats scolaires. Mais avant cela, ces enfants en situation de handicap devaient répondre à des critères leur permettant ainsi de prétendre à l’inclusion scolaire. Ce sont des enfants qui n’ont pas de troubles du comportement, ils ont un niveau moyen de communication et peuvent suivre en groupe et comprennent également les règles de la classe.
En 2018, il y a eu la création de la seconde classe au sein de la même école, mais aussi la création d’une classe dans une autre école, l’école Khalil Abdeslam qui a accepté à son tour d’intégrer des enfants avec autisme.
Dans ces classes, il n’y a pas d’enseignant, ce sont les psychologues qui font ce travail, l’école se contente de leur octroyer une classe uniquement, tout le reste est à la charge de l’association (travaux, matériel, brosse, craie…). Les psychologues recrutés et rémunérés par l’AAT en grande partie (certains ont un contrat avec la Direction des Affaires Sanitaires et Sociales DASS et d’autres avec l’Agence Nationale de l’Emploi l’ANEM) doivent se former seuls et rapidement et sont souvent amenés à improviser en fonction de la situation dans laquelle ils se retrouvent. Les psychologues se rapprochent alors des enseignants de l’école afin de se familiariser avec le programme scolaire en question d’une part, et l’adapter aux besoins spécifiques des enfants avec autisme d’une autre part, en se référant aux méthodes internationales de la prise en charge de ces enfants telles que le TEACCH5 et l’ABA6
Pour cela, il faut tout un matériel spécifique qui nécessite beaucoup d’efforts et de temps, un psychologue s’occupe du programme et l’autre du matériel. Une organisation, et une préparation rigoureuse tel est le quotidien de ces personnes formidables.
Pour s’octroyer une classe, il fallait au préalable trouver des écoles qui acceptent d’accueillir des enfants en situation de handicap ce qui n’était pas chose aisée. Il fallait donc d’abord et avant tout que le directeur de l’école accepte d’intégrer ces enfants au sein de son école. Ensuite, l’association devait formuler une demande à l’académie. L’académie à son tour exige tout un dossier de l’enfant constitué d’un avis favorable à l’intégration scolaire de la part du psychologue et un rapport positif de l’hygiène scolaire. Les parents d’enfants avec autisme, qui sont souvent confrontés à un parcours du combattant pour obtenir un accompagnement adapté, ont également un grand rôle à jouer dans ce combat. Ils doivent, en effet, lutter constamment pour que leurs enfants soient acceptés dans l’école et par là même dans la société, ils doivent également prendre en charge leurs enfants et renforcer leurs apprentissages une fois à la maison.
Les effectifs dans les classes ordinaires posent un réel problème : lorsque l’on accueille des élèves avec autisme dans des classes de 30 élèves, ce n’est simple ni pour l’élève, ni pour l’enseignant, ni même pour l’accompagnant lorsqu’il est présent. Parfois, ces élèves n’ont pas d’accompagnant, ou cet accompagnant est à temps partiel, alors que la présence d’un Auxiliaire de Vie Scolaire (AVS) s’impose quand un élève avec autisme est scolarisé en milieu ordinaire. Et les accompagnants et enseignants intervenant auprès de ces élèves ne sont pas assez bien formés.
En matière de solution, il est d’abord question de changer les mentalités, ce qui n’est pas chose aisée. Changer les mentalités : voilà l’enjeu, l’impérieuse nécessité. Il faut également sensibiliser l’opinion publique en organisant des journées de sensibilisation et par là même impliquer les responsables et les enseignants. Les professionnels de l’éducation doivent alors être au premier rang, il est donc nécessaire de former des enseignants capables de faire face à ce handicap et ainsi pouvoir l’appréhender.
Il faudrait miser sur une didactique inclusive. C’est-à-dire sur un système qui propose aux élèves des outils adaptés à chacun. Les supports, comme les manuels et le matériel sont adaptés en fonction des singularités de chaque élève. Un élève autiste a un manuel adapté aux caractéristiques de son trouble, il a par exemple le choix entre un puzzle, un texte à trous ou l’occasion de dessiner au lieu d’écrire pour comprendre une leçon.
Cet enseignement inclusif permet aux élèves d’apprendre en même temps, quel que soit leur rythme. Ce système permet de ne plus se focaliser sur les difficultés, mais plutôt sur les compétences et les réussites.
Pour améliorer cette situation et rendre l’école plus inclusive, il est certes très important de reconnaître la fonction des Auxiliaires de Vie Scolaire comme un véritable métier, mais cela ne saurait suffire à améliorer la situation. Pour véritablement développer l’inclusion scolaire, il faut aussi impliquer fortement les enseignants qui sont d’ailleurs les responsables des situations pédagogiques. Par ailleurs, la formation de ceux-ci, comme des autres personnels (dont les AVS), doit être assurée par des spécialistes de l’inclusion scolaire et de la pédagogie adaptée.
Il faut donc faire de cette différence un atout et non un handicap et ne plus se focaliser sur les difficultés, mais plutôt sur les compétences et les réussites, l’intérêt que peut retirer d’une scolarisation en milieu ordinaire un enfant avec autisme, quelle que soit la gravité de son handicap, est de vivre et d’apprendre parmi les autres, d’être entouré d’enfants qui communiquent bien, susceptibles de constituer pour lui des exemples à suivre. L’enseignement que peuvent nous renvoyer alors ces enfants sera encore plus important. En effet, ces enfants autistes, qui opposent tant de résistance au changement, dont les moyens d’expression sont si altérés, nous forcent, malgré nos conceptions les uns avec les autres à voir les choses autrement. En d’autres termes, eux qui ont tout le mal à s’intégrer, ne nous apprennent-ils pas justement à modifier notre vision des choses et à accepter la différence ?
Cet accueil des élèves autistes en milieu ordinaire présente aussi un intérêt pour les autres élèves, en leur donnant la possibilité, « la chance » même, de rencontrer ce que Marcel Nuss nomme « un élève autrement capable », et donc de côtoyer le handicap dès leur plus jeune âge. Pour lui, « la capacité d’être autonome dépend du parcours scolaire de chacun d’entre nous. En ce qui concerne les élèves autrement capables, de la réussite de ce parcours découlera la réussite d’une existence citoyenne et responsable. » (Nuss 2007 : 72.)
C’est par l’école que les mentalités pourront évoluer. En effet, lorsque tous les enfants, dès leur plus jeune âge, prendront l’habitude de côtoyer d’autres enfants en situation de handicap dans leurs classes, une fois arrivés à l’âge adulte ils auront une autre représentation du handicap et seront davantage prêts à accueillir ces personnes dans le monde social et professionnel. Cela nous permettrait éventuellement de faire l’hypothèse que la société serait alors peut-être un peu plus « inclusive ».
Conclusion
En dépit de leur dysfonctionnement, les personnes autistes ont le droit à une éducation cognitive, affective, sociale et spirituelle pour atténuer leur compréhension réduite de notre langage et de notre monde. Ainsi, les enfants souffrant d’autisme pourraient être des enfants qui progressent et qui évoluent, l’activité intellectuelle et les interactions avec le monde qui les entoure étant les moteurs d’un développement harmonieux. Certains de leurs comportements qui peuvent paraître déconcertants, du fait de l’impossibilité de se faire comprendre des interlocuteurs et de l’incompréhension qui s’installe, seraient de ce fait mieux régulés. La différence qui marginalise cette population pourrait dans ce cas se transformer, pour peu que nous en ayons la volonté, en source d’enrichissement et ce pour multiples raisons nous avons mis l’accent sur le fait que la qualité de l’accueil des enfants avec autisme repose sur la volonté de chaque être à bien vivre ces moments communs, à se respecter, à accepter les différences, les silences, les erreurs, soit à participer pleinement à l’activité. Sans l’unité du groupe, la réflexion sur soi et les autres, le climat des enfants ne peut pas être propice à des apprentissages.
Pour finir, nous dirons que l’autisme est devenu un sujet d’intérêt majeur tant sur le plan scientifique que sur le plan médico-social. Devant la complexité de ses manifestations, les cliniciens sont confrontés à la difficulté du diagnostic des formes frontières et à la nécessaire prise en compte des pathologies associées. Toutes ces questions interpellent à la fois les chercheurs, les cliniciens, les professionnels de l’éducation et les familles, chacun contribuant ainsi à apporter des éléments de réponse et ainsi de nouvelles pièces au puzzle, car l’autisme recèle encore bien des mystères.
Vaincre le handicap est certes impossible à l’heure actuelle sur le plan médical. Néanmoins, les enfants en situation de handicap progressent un tant soit peu, si un sourire éclaire leur visage parce qu’ils ont la satisfaction d’avoir accompli quelque chose, s’ils sont regardés pour leurs réalisations et pour ce qu’ils peuvent apporter à chacun d’entre nous, leur handicap se transformera alors en une différence enrichissante.