Dire et écrire la violence

Souad Khelouiati Fadhila Boutouchent

Souad Khelouiati Fadhila Boutouchent, « Dire et écrire la violence », Aleph [], 7 (3) | 2020, 24 November 2020, 21 November 2024. URL : https://aleph.edinum.org/3168

"Même les yeux bandés, l'homme libre sent la lumière"

Sous forme de revue de questions, le présent numéro regroupe un ensemble d’articles écrits dans plusieurs langues, arabe, français, anglais, italien et allemand traitant de littératures de ces langues ou encore par ces langues, leurs auteurs pénètrent la logique constructrice d’œuvres littéraires d’autres territoires. Ils dénoncent tous en l’annonçant la violence comprise comme « la force déréglée qui porte atteinte à l’intégrité physique ou psychique pour mettre en cause dans un but de domination ou de destruction l’humanité de l’individu » Blandine Kriegel (2002).

C’est à la découverte de cette fragile et commune humanité confrontée dans tous les espaces à la violence fonctionnant comme un fait universel transcendant les classes sociales et les diverses cultures qu’invite le présent numéro au sein duquel figurent des articles ayant fait l’objet de communications dans des colloques internationaux et d’autres totalement originaux.

Comment mettre en forme ce qui se trame quand on ne sait plus ce qui se trame –quand tous les repères deviennent flous, que la réalité devient si improbable que même les mots font défaut pour en rendre compte ?

Comment discourir de ce qui environne notre immédiateté tandis que le monde brûle, se globalise se fragmente, et se défait tout en devenant opaque ? Si la littérature est une forme d’accès à la vérité, que peut-elle quand plus rien n’est objectivement connaissable ni transmissible ?

Ces questions agitées ici ne sont pas toutes neuves, elles fondent de Camus à Primo Lévi, de Kafka à Kateb Yacine, de Dostoievski à Mouloud Mammeri, de Carlo Levi à Maissa Bey, d’Antonio Gramsci à Habib Tengour la grande littérature moderne internationale. Le tumulte de notre époque, agitée par un terrorisme né aussi de revendications identitaires aveugles, caractérisée par une incertitude généralisée leur donne une importance renouvelée.

En plus de l’ouverture qui propose deux articles,

  • l’un en arabe centré autour l’autorité de l’homme et « l’autorité » qu’il sur la femme tenue en état de servitude dans une société patriarcale qui adopte la violence dans toutes ses expressions, discrimination « genrée », humiliation comme mode de communication et de dialogue ;

  • l’autre en italien articulé autour de la violence politique et les remous littéraires qui l’interrogent dans une Italie meurtrie par des conflits desquels le pays est sorti exsangue.

Les articles regroupés sous la rubrique recherche interrogent le corps comme un charnier de signes, comme une archive portant la trace d’une aliénation supportée et gardant dans une mémoire meurtrie le souvenir des maltraitances subies.

À l’article signé par Nadia Bentadjine et Abdelkader Bouzida dans la rubrique ouverture répondent les articles regroupés dans la rubrique méthodes. Ils montrent que le phénomène, loin d’être singulier, est une chose partagée. Dans toutes ères culturelles interrogées, les textes littéraires s’évertuent à déconstruire les parcours qui mènent à la violence pour en comprendre les ressorts d’un mal qui range les tissus sociaux et peut-être trouver les moyens de s’en prémunir et ceux qui permettront de le mettre à distance.

Les articles compris dans la rubrique chronique font écho à l’interrogation portée par les textes étudiés par Mouloud Bourennane et Souad Khelouiati. Ils autopsient à travers les textes du corpora les traumatismes endurés aussi bien en Algérie pendant la décennie noire qu’en Italie prise en tenaille par les fascistes.

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