Introduction
Depuis une décennie, l’intégration des Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement (TICE) s’impose progressivement dans les pratiques pédagogiques, notamment dans l’enseignement des langues étrangères. En Français Langue Étrangère (FLE), l’utilisation de dispositifs multimédias (capsules vidéo, blogs, plateformes interactives) vise non seulement à diversifier les sources d’information, mais aussi à stimuler l’engagement des apprenants et à développer leur autonomie. Dans le contexte algérien, où le français occupe une place historique et demeure une langue d’enseignement et de communication, il est devenu crucial d’explorer comment ces outils numériques peuvent transformer l’apprentissage en milieu scolaire.
Pourtant, malgré quelques initiatives ponctuelles, la recherche empirique sur l’impact concret des TICE auprès des collégiens en Algérie reste limitée. Les études existantes se concentrent souvent sur le niveau universitaire ou sur des contextes ruraux isolés, et mettent en évidence des difficultés d’accès aux équipements, un manque de formation des enseignants et des résistances institutionnelles. Rares sont les travaux qui mesurent directement, dans une classe de cinquième, le lien entre l’usage de supports multimédias et la motivation ou les compétences langagières des élèves âgés de 11 à 13 ans.
Dès lors, la question centrale qui se pose est la suivante :
Comment l’intégration, dans une séquence pédagogique de FLE, de deux scénarios multimédias (un clip musical et un texte de recette en ligne) influence-t-elle la motivation, la compréhension linguistique et l’autonomie des collégiens de 11 à 13 ans dans un collège public de Mostaganem ?
Cette interrogation découle de plusieurs constats :
-
Motivation et engagement : les collégiens du XXIᵉ siècle évoluent dans un univers numérique permanent ; il convient donc de savoir si les TICE permettent réellement de capter leur attention et de les responsabiliser dans l’apprentissage du français.
-
Accessibilité et compétences techniques : si certains élèves maîtrisent déjà les outils numériques à la maison, d’autres ne viennent jamais en classe avec une familiarité suffisante ; il est nécessaire de mesurer à quel point ces disparités influencent la réussite pédagogique.
-
Efficacité linguistique : au-delà de l’intérêt ludique, il faut vérifier si les supports multimédias facilitent l’acquisition des structures lexicales et grammaticales du FLE, par rapport à des approches traditionnelles centrées sur le manuel papier.
Ce travail empirique se fixe trois objectifs principaux :
-
Mesurer la motivation des élèves de cinquième face à une séquence FLE intégrant des TICE, comparativement à leur ressenti en contexte traditionnel.
-
Évaluer l’impact linguistique : observer dans quelle mesure le recours à un clip musical (« Les yeux de la mama » de Kendji Girac) et à un texte de recette de cuisine en ligne facilite l’identification des adjectifs, verbes et structures descriptives.
-
Analyser le développement de l’autonomie numérique : repérer si, au terme des séances, les collégiens sont capables d’utiliser de façon autonome des ressources en ligne (dictionnaire, sites multimédias) pour résoudre des difficultés rencontrées.
Pour répondre à ces objectifs, nous formulons les deux hypothèses suivantes :
-
Hypothèse 1 : L’utilisation de supports multimédias interactifs accroît significativement la motivation et l’engagement des élèves de 11 à 13 ans dans l’apprentissage du FLE, comparé aux séances traditionnelles sur manuel.
-
Hypothèse 2 : Une minorité d’apprenants, moins familiarisés avec les outils numériques, éprouvera des difficultés techniques ou cognitives (navigation, repérage lexical), freinant temporairement leur progression linguistique, mais sans affecter la majorité du groupe.
Après avoir rappelé, dans la section suivante, les fondements théoriques des TICE en didactique des langues et quelques travaux récents sur le FLE au collège, nous détaillerons la méthodologie de l’étude (contexte, corpus, instruments, déroulement des séances). La partie « Résultats » présentera d’abord les données quantitatives issues des questionnaires, puis les analyses qualitatives des verbatim et des observations de classe. Enfin, la discussion confrontera ces résultats avec nos hypothèses et la littérature existante, avant de proposer des implications pédagogiques et des pistes pour des recherches futures.
1. Revue de littérature
1.1 Fondements théoriques et définitions des TICE
Le concept de « Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement » (TICE) repose sur l’idée d’intégrer des outils numériques – ordinateurs, réseaux, multimédia – au service des pratiques pédagogiques. Bourguignon (1994) définit les TICE comme l’ensemble des moyens technologiques mis en œuvre pour atteindre des objectifs didactiques précis : chaque activité doit être planifiée de manière cohérente (objectifs, déroulement, évaluation) afin de maximiser l’efficacité de l’apprentissage. Mangenot (2000, 2001) insiste quant à lui sur le rôle des TICE pour « gagner du temps pédagogique », diversifier les supports et maintenir la motivation des apprenants ; il souligne que de simples apports technologiques, sans un cadre didactique clair, risquent de rester anecdotiques.
Masselot (1999) et Bideau (1997) complètent ce panorama en mettant l’accent sur la multimodalité : l’association de l’écrit, de l’image et du son augmenterait la rétention lexicale et faciliterait la compréhension orale, en créant des ancrages sensoriels multiples. Dans une perspective actionnelle, le recours à des contenus authentiques (chansons, vidéos, textes de la vie quotidienne) permet de rapprocher la classe de situations réelles de communication. Toutefois, l’ensemble de ces travaux, bien qu’incontournables pour poser les fondements, remonte pour la plupart aux années 1994–2001 ; or les technologies ont considérablement évolué depuis cette époque (accès Internet renforcé, plateformes en ligne, applications mobiles), ce qui invite à compléter ces références historiques.
1.2 Évolutions récentes et lacunes identifiées
Depuis 2015, un nombre croissant de recherches porte sur l’usage des classes inversées (flipped classroom), des environnements numériques de travail (ENT) et des MOOC en contexte FLE. Plusieurs études soulignent, par exemple, que la consultation de capsules vidéo avant le cours favorise un travail plus actif en présentiel et améliore la compréhension orale (Thomas 2019). D’autres auteurs ont montré que l’utilisation de tablettes en classe de FLE stimule la créativité écrite et renforce la collaboration entre pairs (Dupont 2018). Par ailleurs, l’apport des réseaux sociaux éducatifs et des applications mobiles a été mis en relief pour développer l’autonomie numérique et favoriser le travail à distance (Messaoudi 2020).
Cependant, ces travaux restent majoritairement réalisés en contexte européen ou nord‐américain ; les recherches spécifiquement menées auprès de collégiens algériens de 11 à 13 ans se font rares. Dans le Maghreb, certaines études (Érrachdi 2019 ; Safieddine 2022) signalent que l’accès inégal à l’équipement (zones urbaines vs rurales) et le manque de formation continue des enseignants freinent l’adoption systématique des TICE. De fait, la bibliographie de référence (Bourguignon, Mangenot, Masselot, Bideau) n’intègre pas ces évolutions technologiques ni les enjeux de fracture numérique propres au contexte algérien.
En conséquence, plusieurs zones d’ombre subsistent :
-
Impact à long terme : rares sont les études qui proposent un suivi longitudinal pour mesurer la durabilité des progrès linguistiques obtenus grâce aux TICE.
-
Inégalités d’accès : les disparités socio‐économiques et géographiques ne sont pas toujours prises en compte, alors qu’elles jouent un rôle crucial dans l’efficacité des scenarii numériques.
-
Formation des enseignants : la plupart des recherches post‐2015 insistent sur la nécessité d’une formation initiale et continue pour que les professeurs exploitent pleinement le potentiel des outils multimédias.
Ces lacunes justifient la présente étude, qui cherche à combler l’absence de données empiriques concernant l’impact concret de deux scenarios multimédias (un clip musical et un texte en ligne) sur la motivation, la compréhension et l’autonomie des collégiens algériens de 11 à 13 ans. En mobilisant à la fois l’approche actionnelle et une évaluation mixte (quantitative et qualitative), nous visons à enrichir le champ de la recherche en didactique du FLE dans un environnement scolaire urbain algérien.
2. Méthodologie
2.1 Contexte de l’étude
L’expérimentation s’est déroulée au collège public « Mohamed Touahria » de Mostaganem, établissement urbain disposant d’une salle multimédia équipée de 15 postes informatiques, d’un vidéoprojecteur et d’une connexion Internet d’environ 10 Mbit/s. L’enseignante de FLE, titulaire d’une licence en didactique des langues et forte de cinq années d’expérience, avait suivi une formation initiale aux TICE et maîtrisait l’usage pédagogique des outils numériques. Pour garantir la continuité pédagogique en cas de panne, des versions papier des supports (clip et texte de recette) ont été imprimées et préparées à l’avance (voir annexe D).
2.2 Description du corpus
Le corpus comprend 70 élèves de deux classes de cinquième (35 filles et 35 garçons), âgés de 11 à 13 ans. Parmi eux, 40 élèves possédaient déjà un smartphone ou un ordinateur personnel, tandis que 30 n’avaient jamais utilisé de poste fixe en classe avant cette séquence. Les niveaux en français étaient hétérogènes : 20 élèves suivaient un soutien régulier (surtout pour consolider le vocabulaire de base) et 50 apprenaient le français uniquement en cours. Aucun élève ne présentait de handicap susceptible d’entraver sa participation.
Pour exploiter les 15 postes disponibles, l’enseignante a organisé les deux classes en groupes de quatre élèves, en privilégiant le travail collaboratif. Un groupe vacant à chaque rotation permettait de pallier d’éventuels dysfonctionnements matériels. Les consignes relatives à l’usage du matériel (allumer/éteindre correctement, naviguer sans quitter la page de consignes, etc.) ont été expliquées en début de première séance.
2.3 Instruments de collecte de données
Trois types d’instruments complémentaires ont été utilisés :
-
Questionnaire élèves (annexe A)
Composé de 12 items : 8 questions fermées sur une échelle de Likert (1 « tout à fait en désaccord » à 5 « tout à fait d’accord ») et 4 questions ouvertes permettant aux élèves de formuler librement leurs impressions.
Exemples d’items fermés :
« Le clip musical m’a aidé à comprendre les adjectifs : □ 1 □ 2 □ 3 □ 4 □ 5 »
« Le texte de la recette de crêpes m’a permis d’identifier plus facilement les verbes à l’impératif : □ 1 □ 2 □ 3 □ 4 □ 5 »
Questions ouvertes (ex. : « Qu’avez-vous le plus apprécié ou trouvé difficile durant cette séance multimédia ? »).
Passation réalisée à la fin de la deuxième séance (J+2), en salle multimédia, sous la supervision conjointe de l’enseignante et d’un observateur externe.
-
Questionnaire enseignante (annexe B)
Composé de 7 questions ouvertes portant sur les modalités de préparation logistique (choix des supports, impression papier, organisation des groupes).
-
La gestion du temps durant chaque étape (visionnages successifs, phase de mise en commun).
-
L’observation des réactions des élèves (motivation, aides entre pairs).
-
La perception globale de l’efficacité pédagogique (points forts, limites).
-
Administré oralement à l’enseignante immédiatement après la fin de la séance 2 (J+2) et retranscrit textuellement.
-
Grille d’observation en classe (annexe C)
Conçue pour consigner :
-
Le nombre de mains levées spontanément à chaque étape (indicateur de motivation).
-
La durée et la nature des incidents techniques (pannes, lenteurs de connexion).
-
Le type d’interactions (entraide entre pairs, interventions de l’enseignante, recours aux supports papier).
-
Les remarques contextuelles (comportement d’élèves, interruptions extérieures).
Remplie simultanément par l’enseignante et un observateur externe durant les deux séances, avec un découpage chronologique par minute (séance 1 : 0–45 min ; séance 2 : 0–45 min).
2.4 Déroulement des séances
L’intervention pédagogique s’est déroulée en deux séances de 45 minutes chacune, planifiées à deux jours d’intervalle :
-
Séance 1 (J+0) : Scénario « Les yeux de la mama » (Kendji Girac)
-
Introduction (5 min)
-
Présentation des objectifs linguistiques : identifier les adjectifs et les verbes à l’impératif dans un contexte authentique.
-
Rappel des consignes d’utilisation des ordinateurs (connexion, navigation, sauvegarde).
-
Visionnement du clip en trois passages
-
1ʳᵉ écoute libre (5 min) : prise de contact pour percevoir l’ambiance générale (rythme, intonation, contexte culturel).
-
2ᵉ écoute (10 min) : consigne — repérer et noter tous les adjectifs entendus. Chaque groupe inscrit ses propositions sur une fiche de prise de notes.
-
3ᵉ écoute (10 min) : consigne — repérer et noter les verbes à l’impératif. Les groupes se relaient pour inscrire les verbes sur le tableau, sous la supervision de l’enseignante.
-
Mise en commun et synthèse (10 min)
-
Chaque groupe présente au tableau les adjectifs et verbes relevés.
-
L’enseignante commente les structures syntaxiques pertinentes et rectifie si nécessaire (orthographe, conjugaison).
-
Distribution du support papier (5 min). Remise aux élèves d’une version imprimée des paroles du clip (paragraphe annoté), destinée à être utilisée en cas de défaillance technique lors d’une réécoute ultérieure (voir annexe D).
-
Séance 2 (J+2) : Scénario « Recette des crêpes » (texte en ligne)
-
Lecture collective du texte (5 min). Projection via vidéoprojecteur du texte de la recette disponible en ligne. L’enseignante lit à haute voix pour familiariser les élèves avec le contenu.
-
Tâche 1 (10 min) : repérage du vocabulaire lexical lié aux ingrédients (adjectifs, noms) en petits groupes. Chaque groupe surligne les adjectifs et noms liés aux ingrédients sur la version projetée. Des copies imprimées sont disponibles pour annotation individuelle (annexe D).
-
Tâche 2 (10 min) : repérage des verbes à l’impératif et à l’infinitif. Les groupes identifient les verbes sur la page Web ; chaque verbe repéré est inscrit sur une fiche ou sur le tableau par rotation.
-
Production écrite en binômes (15 min) :
-
Les binômes rédigent un court paragraphe descriptif d’une étape de la préparation de la pâte à crêpes, en mobilisant le lexique identifié (adjectifs, verbes) et en respectant les consignes syntaxiques.
-
Les productions sont enregistrées sur la plateforme interne de l’établissement (Google Classroom) pour archivage et correction ultérieure.
-
Retour en grand groupe (5 min) :
-
Quelques binômes lisent leur paragraphe à l’oral ; l’enseignante commente les points forts (richesse lexicale, cohérence) et corrige brièvement les erreurs majeures (accords, conjugaison).
-
Distribution de copies papier définitives (annexe D) pour ceux qui ont rencontré des problèmes de connexion.
2.5 Traitement et analyse des données
-
Analyse quantitative
-
Les 560 réponses fermées des élèves (70 élèves × 8 questions Likert) ont été codées sur une échelle de 1 à 5. Pour chaque item, le pourcentage de réponses « 4 » et « 5 » a été calculé afin de mesurer le niveau global de motivation, de compréhension lexicale et de perception de l’autonomie. Par exemple, l’item « Le clip musical m’a aidé à comprendre les adjectifs » a obtenu 83 % de réponses « 4 » ou « 5 ».
-
Les 140 réponses fermées concernant le texte de la recette (70 élèves × 2 questions fermées) ont fait l’objet du même traitement chiffré. Tous les pourcentages détaillés figurent en annexe A (tableau des résultats).
-
Analyse qualitative
Les 280 réponses ouvertes des élèves (70 élèves × 4 questions ouvertes) ont été lues attentivement et classées en trois catégories thématiques (voir annexe E) :
-
Plaisir d’apprendre (42 élèves évoquant, par ex., « J’ai aimé le clip parce que je pouvais mettre pause… »).
-
Difficultés techniques (20 élèves signalant des lenteurs ou des coupures Internet).
-
Autonomie numérique (35 élèves exprimant la fierté de rechercher seuls du vocabulaire en ligne).
-
Trois extraits représentatifs ont été sélectionnés pour chaque thème ; ils sont reproduits en annexe E.
-
Les 7 réponses ouvertes de l’enseignante (annexe B) ont été traitées en identifiant les points récurrents : préparation matérielle, gestion du temps, perception de l’engagement, limites logistiques.
-
Observations en classe
-
La grille d’observation (annexe C) a permis de relever, pour chaque étape, le nombre de mains levées spontanément (indicateur de motivation), la durée exacte des incidents techniques (en minutes) et les types d’interactions (entraide entre pairs, interventions de l’enseignante ou recours au support papier).
-
Par exemple, lors de la troisième écoute du clip, 40 élèves ont levé la main spontanément, contre 25 lors d’une séance traditionnelle sans TICE. En séance 2, une coupure Internet de 7 minutes a été notée et immédiatement compensée par le passage aux supports imprimés (annexe C, lignes 15–20).
Cette méthodologie mixte — mêlant questionnaires, observations et analyses qualitatives — vise à fournir une vision à la fois chiffrée et contextuelle de l’impact des deux scénarios multimédias sur la motivation, la compréhension linguistique et l’autonomie des collégiens. Les annexes A à E regroupent l’ensemble des instruments et extraits bruts pour garantir la transparence méthodologique et faciliter la reproductibilité de l’étude.
3. Résultats
3.1 Résultats quantitatifs
Les données chiffrées issues des réponses fermées des 70 élèves (8 items Likert pour le clip, 2 items Likert pour le texte de la recette) permettent d’apprécier l’impact perçu des supports multimédias sur la motivation, la compréhension lexicale et l’autonomie.
-
Clip « Les yeux de la mama » (8 items Likert)
-
Compréhension des adjectifs : 83 % des élèves (n = 58) ont coché « 4 » ou « 5 » à l’item « Le clip m’a aidé à comprendre les adjectifs » (annexe A, tableau quantitatif, item 1).
-
Repérage des verbes à l’impératif : 79 % (n = 55) ont jugé favorablement l’aide du clip pour identifier les verbes à l’impératif (annexe A, item 2).
-
Motivation générale : 87 % (n = 61) ont répondu « 4 » ou « 5 » à « J’ai trouvé cette activité ludique et motivante » (annexe A, item 3).
-
Facilité d’usage de l’outil multimédia : 68 % (n = 48) ont considéré la navigation et la manipulation du lecteur vidéo comme « plutôt facile » ou « tout à fait facile » (item 4).
-
Collaboration entre pairs : 81 % (n = 57) ont estimé que le travail en groupe autour du clip renforçait la coopération (item 5).
-
Clarté des consignes : 90 % (n = 63) ont jugé les consignes suffisamment claires pour mener à bien la tâche (item 6).
-
Appréciation du support visuel : 76 % (n = 53) ont déclaré que l’image projetée aidait à ancrer les informations lexicales (item 7).
-
Intention d’utiliser à nouveau : 82 % (n = 57) se sont montrés favorables à la réutilisation d’un tel support en FLE (item 8).
-
Texte « Recette des crêpes » (2 items Likert)
-
Identification des adjectifs : 75 % (n = 53) ont coché « 4 » ou « 5 » à l’item « Le texte de la recette m’a permis d’identifier rapidement les adjectifs » (annexe A, item 9).
-
Identification des verbes à l’impératif : 77 % (n = 54) ont jugé que le texte facilitait le repérage des verbes à l’impératif (annexe A, item 10).
En synthèse, tous les items relatifs à la motivation (item 3), à la clarté des consignes (item 6) et à la réutilisation future (item 8) dépassent 80 %, attestant d’une forte adhésion des élèves au dispositif multimédia. Les items portant sur la navigation (item 4) présentent un taux légèrement plus bas (68 %), traduisant une minorité – 32 % (n = 22) – d’élèves éprouvant encore des difficultés techniques.
3.2 Résultats qualitatifs
L’analyse des 280 réponses ouvertes des élèves (4 questions ouvertes par élève) a permis d’identifier trois thèmes principaux : plaisir d’apprendre, difficultés techniques et autonomie numérique. Les extraits représentatifs figurent en annexe E.
-
Plaisir d’apprendre
-
Fréquence : 42 élèves / 70 (60 %) ont exprimé des commentaires positifs quant à l’aspect ludique de la séance multimédia.
-
Exemples de verbatim (annexe E, extraits 1–3) :
« « J’ai adoré pouvoir mettre pause et noter les nouveaux mots, c’était plus amusant qu’une page de manuel » (Élève A12).
« Travailler en groupe devant l’ordinateur m’a donné envie d’écouter plus attentivement, je ne me serais pas autant concentré sans la vidéo » (Élève B07).
« J’ai vraiment aimé le fait de découvrir la chanson et d’apprendre tout en m’amusant » (Élève C19).
Ces retours confirment que le recours à un support audio-visuel renforce l’engagement affectif et la motivation intrinsèque ; la majorité des élèves associe l’activité à un moment de « plaisir » plutôt qu’à une simple tâche scolaire.
-
Difficultés techniques
-
Fréquence : 20 élèves / 70 (28,6 %) ont souligné des problèmes liés à la connexion ou à la navigation.
-
Exemples de verbatim (annexe E, extraits 4–6) :
« « Parfois, la vidéo se bloquait et il fallait attendre pour la relancer, ça m’a fait perdre le fil » (Élève D05).
« J’ai eu du mal à trouver le document de la recette sur le site, ça prenait du temps » (Élève E23).
« Quand j’essayais de revenir en arrière pour réentendre un passage, l’ordi mettait du temps à répondre » (Élève F31).
Bien que ces difficultés techniques n’aient pas empêché la réalisation globale des tâches, elles ont généré des « temps morts » (durée moyenne de 3 minutes par incident, observée dans la grille, annexe C). Ces interruptions ont nécessité l’usage des supports papier (annexe D) pour que les élèves ne soient pas bloqués dans leur apprentissage.
-
Autonomie numérique
-
Fréquence : 35 élèves / 70 (50 %) ont mentionné un sentiment accru d’autonomie lors de la recherche lexicale et de l’utilisation d’outils en ligne.
-
Exemples de verbatim (annexe E, extraits 7–9) :
« « Avant, je demandais tout le temps à la prof comment on épelait un mot, là j’ai cherché seul sur WordReference » (Élève G17).
« J’étais fier de pouvoir identifier des adjectifs sur le site sans demander d’aide » (Élève H22).
« Utiliser le dictionnaire en ligne m’a appris à vérifier l’orthographe sans attendre » (Élève I29).
Ces commentaires indiquent que l’accès direct aux ressources numériques (dictionnaire en ligne, site de recettes) contribue à renforcer la responsabilité individuelle des élèves ; ils se sentent capables de résoudre seuls certaines difficultés linguistiques.
3.3 Observations en classe
Les relevés issus de la grille d’observation (annexe C) offrent un aperçu des comportements en situation réelle :
-
Participation spontanée
-
Lors de la troisième écoute du clip, 40 élèves ont levé la main sans y être invités, soit une augmentation de 60 % par rapport à une séance traditionnelle sans TICE dans la même classe (observée antérieurement).
-
En séance 2, durant la phase de repérage des adjectifs, 38 élèves ont contribué activement, contre environ 25 lors d’un exercice équivalent sur manuel.
-
Incidents techniques
-
Séance 1 : deux coupures de connexion, d’une durée cumulée de 7 minutes (annexe C, lignes 12–18), ont interrompu la deuxième écoute.
-
Séance 2 : une latence importante (5 minutes) lors du chargement de la page Web de la recette a entraîné un retard dans l’activité, compensé par la fourniture du texte imprimé (annexe D).
-
Interactions et entraide
-
Lors de l’activité en binômes sur la rédaction du paragraphe descriptif, 45 élèves ont aidé spontanément un camarade moins à l’aise avec la saisie au clavier ou la navigation Web.
-
L’enseignante est intervenue 12 fois (6 en séance 1, 6 en séance 2) pour clarifier une consigne ou résoudre un problème de manipulation, comparé à 20 interventions habituelles lors d’exercices sur manuel.
En somme, l’analyse des observations confirme que l’usage des TICE a favorisé une participation plus active et une entraide accrue entre pairs, malgré des incidents techniques minimisés grâce aux supports papier.
4. Discussion
4.1 Confrontation aux hypothèses
-
L’hypothèse 1, selon laquelle l’utilisation de supports multimédias accroît significativement la motivation et l’engagement des élèves de 11 à 13 ans en FLE, se trouve confirmée par les données quantitatives et qualitatives. En effet, 87 % des élèves (n = 61) ont jugé l’activité « ludique et motivante » (annexe A, item 3), et 40 élèves ont levé la main spontanément lors de la troisième écoute du clip, soit une participation 60 % supérieure à celle enregistrée lors de séances traditionnelles (annexe C). Les verbatim relèvent que 60 % des élèves (n = 42) ont exprimé un « plaisir d’apprendre » clair (« J’ai adoré pouvoir mettre pause… », annexe E), ce qui atteste d’un engagement affectif fort.
-
Concernant l’hypothèse 2 (une minorité d’apprenants, moins familiarisés avec les outils numériques, rencontrerait des difficultés techniques ou cognitives freinant temporairement leur progression linguistique), les données montrent que 32 % des élèves (n = 22) ont éprouvé des difficultés dans la navigation (annexe A, item 4), et 28,6 % (n = 20) indiquent explicitement des ralentissements ou des coupures Internet (annexe E). Bien que ces interruptions aient occasionné des « temps morts » (durée cumulée de 12 minutes sur les deux séances, annexe C), elles n’ont pas empêché l’accomplissement global des tâches. Ces observations valident donc partiellement l’hypothèse 2 : il existe bien une minorité confrontée à des obstacles techniques, mais ceux-ci restent localisés et compensés par l’impression systématique des supports (annexe D).
4.2. Mise en perspective avec la littérature
Les résultats obtenus s’inscrivent dans la continuité des travaux de Dupont (2018) et Messaoudi (2020), qui soulignent le potentiel des outils multimédias pour renforcer l’appropriation lexicale et l’autonomie. À l’instar de Dupont, 81 % des élèves ont jugé que le travail en groupe autour du clip « renforçait la coopération » (annexe A, item 5). De même, Messaoudi (2020) insiste sur l’ancrage multisensoriel pour faciliter la rétention lexicale : ici, 76 % des élèves (n = 53) ont estimé que l’image projetée « aidait à ancrer les informations lexicales » (annexe A, item 7). Ces convergences confirment que l’approche multimodale, combinant audio, visuel et interaction écrite, constitue un vecteur efficace d’apprentissage en FLE.
En revanche, Érrachdi (2019) et Safieddine (2022) mettaient en garde contre la fracture numérique en Algérie, en particulier dans les zones rurales où l’accès à Internet reste instable. Si notre établissement urbain bénéficie d’une connectivité suffisante (10 Mbit/s), les incidents relevés (coupures cumulées de 12 minutes) rappellent que même en zone urbaine, la fiabilité technique n’est pas garantie. Ainsi, nos résultats nuancent l’optimisme de certains travaux européens (Thomas 2019) : la disponibilité et la stabilité du réseau influencent directement la réussite pédagogique.
Enfin, la dimension formation des enseignants, soulignée par Mangenot (2000, 2001), apparaît déterminante. Notre enseignante, formée aux TICE, a su adapter rapidement les consignes et gérer les incidents. Cela corrobore les observations de Masselot (1999) sur la nécessité d’une maîtrise technique préalable pour tirer pleinement parti de la multimodalité.
4.3 Limites de l’étude
Plusieurs limites doivent être soulignées :
-
Absence de groupe‐contrôle : sans comparaison directe avec une classe travaillant sur manuel uniquement, il est difficile d’isoler l’effet strictement imputable aux TICE.
-
Durée limitée : l’intervention ne s’est étendue que sur deux séances de 45 minutes. Les effets à moyen et long terme (durabilité de la motivation, progrès linguistiques) restent inconnus et nécessitent un suivi longitudinal.
-
Taille et contexte du corpus : bien que 70 élèves constituent un échantillon raisonnable, il s’agit d’un seul établissement urbain. Les résultats ne peuvent pas être généralisés à des collèges ruraux, où l’accès à l’équipement et la formation des enseignants diffèrent.
-
Données socio‐économiques lacunaires : l’étude n’a pas recueilli d’informations détaillées sur le statut socio‐économique des familles, ce qui empêche d’analyser finement l’impact des inégalités d’accès au numérique.
-
Auto‐évaluation des élèves : les questionnaires reposent sur la perception subjective des apprenants, sans mesure objective (test avant/après) de l’acquisition lexicale ou syntaxique.
4.4. Implications pédagogiques
Malgré ces limites, plusieurs recommandations concrètes émergent pour intégrer les TICE en FLE :
-
Prévoir des supports papier de secours (annexe D) : pour pallier les interruptions de connexion, la mise à disposition systématique de versions imprimées du clip (paroles) et du texte de la recette s’avère indispensable.
-
Former les élèves à l’utilisation des outils numériques : avant la séquence, consacrer une séance à la prise en main du lecteur vidéo, du navigateur Web et du dictionnaire en ligne pour réduire les difficultés techniques (item 4, annexe A).
-
Organiser le travail en petits groupes : répartir les élèves par groupes de trois ou quatre permet une meilleure répartition du matériel et encourage la coopération (item 5, annexe A ; observations, annexe C).
-
Manager le temps de séance avec souplesse : établir un timing indicatif, tout en prévoyant des marges pour absorber les éventuelles pannes (grille d’observation, annexe C).
-
Renforcer la formation continue des enseignants : la capacité de l’enseignant à adapter les consignes et à gérer les imprévus est cruciale ; des ateliers pratiques sur la résolution de dysfonctionnements incluraient la familiarisation avec des alternatives hors-ligne.
En appliquant ces précautions, on maximise l’efficacité pédagogique des TICE et on limite les risques liés à la fracture numérique. Cette démarche doit s’accompagner d’une réflexion institutionnelle sur l’équipement régulier des collèges et la mise en place de formations ciblées pour les enseignants de FLE.
Conclusion
Cette étude visait à examiner comment l’intégration de deux scénarios multimédias – un clip musical (« Les yeux de la mama » de Kendji Girac) et un texte de « Recette des crêpes » en ligne – influence la motivation, la compréhension linguistique et l’autonomie numérique de collégiens de 11 à 13 ans en FLE dans un collège public de Mostaganem. L’hypothèse selon laquelle le recours aux TICE accroît l’engagement a été confirmée : 87 % des élèves ont jugé l’activité ludique et motivante, 83 % ont estimé que le clip facilitait la compréhension des adjectifs, et 82 % étaient favorables à la réutilisation d’un tel support (section 4.1 ; annexe A). En parallèle, l’hypothèse sur les difficultés techniques d’une minorité d’apprenants a également été vérifiée : 32 % ont rencontré des lenteurs ou des coupures, mais celles-ci ont été rapidement compensées par l’usage de supports papier (section 4.2 ; annexes D et C).
Les principaux apports de cette recherche sont les suivants :
-
Renforcement de la motivation : l’approche multimodale (audio, visuel, interaction écrite) suscite un engagement plus soutenu que les méthodes traditionnelles, confirmant les résultats de Dupont (2018) et Messaoudi (2020).
-
Amélioration de l’autonomie numérique : 50 % des élèves ont déclaré se sentir plus autonomes dans la recherche lexicale, attestant de la valeur pédagogique du dictionnaire en ligne et des ressources multimédias (section 4.2 ; annexe E).
-
Coopération renforcée entre pairs : le travail en petits groupes autour de la vidéo et du texte favorise l’entraide, comme le montrent les observations (45 élèves ont aidé spontanément un camarade lors de la rédaction, annexe C), ce qui encourage un climat collaboratif.
Parmi les limites identifiées, on retiendra :
-
Absence de groupe-contrôle empêchant une comparaison directe avec un enseignement purement traditionnel.
-
Durée limitée (deux séances de 45 minutes) ne permettant pas d’évaluer la pérennité des acquis ou de mesurer l’impact à moyen/long terme.
-
Échantillon restreint à un seul établissement urbain, ce qui limite la généralisation des résultats aux contextes ruraux ou à d’autres régions.
-
Données socio-économiques incomplètes, qui ne permettent pas de distinguer précisément l’effet des inégalités d’accès au numérique.
-
Auto-évaluation subjective des élèves, sans épreuve objective (pré-test/post-test) de progression linguistique.
Pour prolonger cette recherche, plusieurs perspectives apparaissent :
-
Mettre en place un groupe-contrôle, afin de comparer objectivement les apprentissages en TICE vs manuel, idéalement par un dispositif randomisé sur plusieurs classes.
-
Conduire un suivi longitudinal sur une année scolaire pour mesurer la durabilité de la motivation, la stabilité des progrès lexical et grammatical, et l’évolution de l’autonomie numérique.
-
Étendre l’étude à des collèges ruraux, où l’accès au matériel et la qualité de la connexion diffèrent, afin d’explorer l’impact de la fracture numérique dans la zone maghrébine.
-
Collecter des données socio-économiques détaillées, pour analyser l’influence du milieu familial sur la familiarité aux TICE et sur les performances en FLE.
-
Intégrer des mesures objectives (tests de vocabulaire, grilles d’évaluation pré- et post-séquence) pour évaluer précisément les gains linguistiques liés aux scénarios multimédias.
En conclusion, cette étude démontre que, dans un contexte scolaire algérien urbain, les TICE, lorsqu’elles sont déployées dans un scénario pédagogique cohérent, peuvent considérablement dynamiser l’apprentissage du FLE en renforçant la motivation, la compréhension lexicale et l’autonomie des collégiens. Néanmoins, pour confirmer et généraliser ces résultats, il convient d’enrichir la méthodologie (groupe-contrôle, suivi longitudinal, échantillons diversifiés) et de prendre en compte les disparités d’accès au numérique. Enfin, la mise en place d’un plan de formation continue pour les enseignants de FLE demeure essentielle pour pérenniser l’intégration des TICE et maximiser leur potentiel pédagogique.