Démarcation d’un territoire à travers l’implantation de centres commerciaux

تمييز إقليم من خلال إنشاء مراكز للتسوق

Demarcation of a Territory through the Establishment of Shopping Centers

Tayeb Rehaïl

p. 135-154

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مرجع ورقي

Tayeb Rehaïl, « Démarcation d’un territoire à travers l’implantation de centres commerciaux », Aleph, 11(5-2) | 2025, 135-154.

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Tayeb Rehaïl, « Démarcation d’un territoire à travers l’implantation de centres commerciaux », Aleph [على الإنترنت], 11(5-2) | 2025, نشر في الإنترنت 21 novembre 2024, تاريخ الاطلاع 22 décembre 2024. URL : https://aleph.edinum.org/13572

Cet article s’intéresse à l’attractivité des centres commerciaux de la ville nouvelle Ali Mendjeli (Constantine). Il présente les principaux éléments qui participent à stimuler l’attractivité des chalands, à travers l’implantation de « locomotives » telles que les supermarchés ou des enseignes de renom, mais aussi par la proposition d’animations et de loisirs. Il aborde également l’impact de ces nouvelles centralités sur la compétitivité et la concurrence au niveau du territoire de cette ville nouvelle.

This article examines the attractiveness of shopping centers in the new city of Ali Mendjeli (Constantine). It presents the main elements that contribute to boosting the attractiveness for shoppers, through the installation of « locomotives » such as supermarkets or prestigious well-known brands, as well as the offering of entertainment and leisure activities. It also addresses what these new centralities help to develop in terms of competitiveness and competition within the territory of this new city.

يهتم هذا المقال بجاذبية المراكز التجارية في المدينة الجديدة علي منجلي (قسنطينة). حيث يتناول العناصر الأساسية التي تساهم في زيادة جاذبية المتسوقين، سواء من خلال وضع « قاطرات » مثل محلات السوبرماركت أو العلامات التجارية المرموقة الشهيرة، أو تقديم عروض للتسلية والترفيه. كما يناقش ما تساهم به هذه المركزيات الجديدة في تعزيز التنافسية والمنافسة على مستوى إقليم هذه المدينة الجديدة.

Introduction

La ville nouvelle Ali Mendjeli est située à proximité de Constantine. Elle s’étend sur un terrain de 1 500 hectares, conçu pour accueillir plus de 50 000 logements et une population estimée à environ 350 000 habitants. Bien qu’elle soit déjà partiellement habitée, la ville est encore en construction.

Ce méga-projet de ville nouvelle, soutenu moralement et financièrement (à hauteur de plus de 20 milliards de dinars) par les plus hautes instances de l’État, a débuté dès l’année 2000 à une vitesse relativement rapide.

La construction accélérée de cette ville nouvelle, ainsi que l’affectation des habitants dans ses différents quartiers (conçus en unités de voisinage), a favorisé une certaine hétérogénéité et promiscuité parmi les populations originaires de divers quartiers de Constantine et de ses environs. Ces nouvelles cités, principalement construites selon un modèle vertical, ont créé de nombreux espaces publics communs, dont la plupart restent non aménagés (des no man’s land).

Bien que la ville nouvelle Ali Mendjeli ait souffert d’une réputation sociologique et urbanistique dévalorisée, en raison notamment de la mauvaise image de certaines unités de voisinage qui abritent aujourd’hui des habitants originaires d’anciens quartiers et bidonvilles de Constantine (déplacés dans le cadre de la politique d’éradication de l’habitat précaire), Ali Mendjeli bénéficie désormais d’infrastructures administratives, de services publics et de centres commerciaux, qui attirent aussi bien les habitants de Constantine que ceux des villes voisines.

Le cliché de ville marginalisée, qui circulait jusqu’à récemment dans les représentations sociales dominantes, commence aujourd’hui à disparaître, progressivement remplacé par une dynamique de développement visant à renforcer l’attractivité du territoire. Parmi les éléments majeurs de cette évolution, les centres commerciaux, adoptant un style futuriste et reproduisant l’atmosphère des modèles urbains des pays développés, jouent un rôle essentiel. Ces centres commerciaux sont considérés, comme nous le verrons au fil de cet article, comme des leviers de compétitivité économique locale et régionale, et contribuent à l’attractivité croissante de la ville nouvelle Ali Mendjeli.

La problématique abordée dans cet article s’intéresse aux stratégies permettant d’améliorer les performances en matière d’attractivité territoriale. Il s’agira ainsi de mettre en lumière les principaux indices, éléments et activités susceptibles d’attirer à la fois les consommateurs et les acteurs économiques. En effet, cette attractivité territoriale, soutenue par le développement des infrastructures et des équipements, peut accroître la compétitivité des activités locales, avec des répercussions positives sur la qualité de vie et le bien-être des populations locales.

1. Valorisation et enjeux de l’attractivité des territoires

1.1. Des faits divers qui marginalisent un territoire

Le vécu des habitants constitue un indicateur pertinent de l’attractivité ou du rejet qu’un territoire peut susciter. Une observation superficielle des infrastructures présentes sur ce territoire fournit déjà quelques éléments de réponse.

L’absence d’infrastructures adéquates et d’espaces de jeux dédiés aux enfants dans ces nouveaux quartiers et l’état de dégradation de la ville nouvelle, avec ses no man’s lands, contribuent à lui conférer un aspect d’abandon et génèrent des perceptions d’inachèvement, quelle que soit l’unité de voisinage dans laquelle on se trouve.

Souvent, ces terrains vagues sont utilisés par les enfants comme espaces de jeux, en raison de leur proximité avec leurs lieux de résidence.

Il convient cependant de mentionner que, bien que quelques infrastructures aient été réalisées, leur nombre reste limité et ne répond pas aux besoins d’une population jeune importante résidant dans la ville nouvelle. De ce fait, les jeunes souffrent d’un manque d’espaces de loisirs adaptés.

D’autre part, certains faits divers, qui ont secoué la ville nouvelle entre 2013 et 2016, ont largement contribué à la dévalorisation de l’image de certains de ses quartiers.

L’assassinat, en mars 2013, de deux enfants (âgés de 9 et 10 ans) dans une unité de voisinage a généré une hystérie non seulement chez les habitants de la ville nouvelle, mais également dans toute l’Algérie. Cet événement a conduit les parents à surveiller de près leurs enfants, à les accompagner jusqu’à leurs établissements scolaires et à les attendre à la sortie des écoles.

Ce fait divers, relayé par d’autres événements similaires survenus à des dates rapprochées, comme les bagarres de gangs dans l’unité de voisinage n° 14 en 2014, a renforcé l’image stigmatisante de la ville nouvelle.

En ce qui concerne les personnes âgées, il apparaît que ce groupe a eu les plus grandes difficultés à s’adapter à ce nouvel espace de vie, restant attaché à ses anciens repères, notamment la vieille ville. Ces lieux étaient pour eux des espaces ressources, où leurs liens sociaux étaient tissés.

À la ville nouvelle, ils se retrouvent désormais dans de nouveaux lieux de rencontre : les terrains vagues, où ils se divertissent en jouant au « kharbegua ». Il est à noter que les espaces publics et jardins dans la ville nouvelle sont dans un état de dégradation avancée, ce qui en fait des lieux peu attrayants pour les habitants.

1.2. Des infrastructures pour valoriser un territoire

Au regard des infrastructures existantes dans la ville nouvelle après 20 ans d’existence, il est difficile de constater que les pouvoirs publics (l’État) aient mis en place des stratégies pour favoriser une attractivité réelle (à l’exception de celle liée au logement) en comparaison avec d’autres territoires de la wilaya de Constantine.

L’implantation des premiers centres commerciaux dans la ville nouvelle a certes contribué à dynamiser l’économie locale, mais elle a également joué un rôle important dans l’animation de la ville et son attractivité.

Cependant, il est essentiel de noter que, bien que ces centres commerciaux soient des modèles importés et expérimentés ailleurs dans le monde, certaines transformations dans la vieille ville de Constantine se rapprochaient déjà de ce modèle, comme en témoignent les bazars ou les petits centres commerciaux tels que le centre commercial « LE CAPITAL », situé rue Larbi Ben M’hidi (Trik Jdida). Ce dernier comprend une trentaine de petits locaux commerciaux répartis sur quatre étages.

Ces centres commerciaux sont généralement conçus par des acteurs privés ou des sociétés immobilières ayant pour objectif de rassembler consommateurs et enseignes commerciales dans un même espace, afin de générer des revenus locatifs. (Brailly & Coulondre, 2016 : 162)

1.3. L’attractivité : atouts et contraintes des territoires

Concernant la ville nouvelle, il est évident que le choix du site pour la construction de centres commerciaux de grande envergure (qui n’ont rien à voir avec les petits centres commerciaux de la vieille ville) a été motivé, en premier lieu, par le coût de l’immobilier, bien plus abordable en périphérie qu’en centre-ville. De plus, en choisissant la ville nouvelle, les promoteurs pouvaient bénéficier de terrains plus vastes pour aménager des espaces de stationnement.

Ces espaces de stationnement sont aujourd’hui considérés comme un atout majeur pour attirer les clients, car ils permettent d’assurer un accueil optimal des clients véhiculés.

En comparaison avec la vieille ville, il est évident que de nombreux efforts restent à fournir pour que la ville nouvelle puisse réellement concurrencer le centre urbain, dont l’attractivité repose sur des éléments sociaux, culturels, historiques et événementiels. Ces derniers, bien que souvent invisibles, renforcent la compétitivité du centre traditionnel.

Malgré l’image peu reluisante que l’on a dressée de la ville nouvelle, un aspect pourrait être considéré comme un atout par rapport à la vieille ville : il s’agit des horaires d’ouverture des commerces. Alors que dans la vieille ville, la majorité des commerces ferment à 16 heures (heure de la prière du ‘Asr), à la ville nouvelle, les commerçants bénéficient de créneaux horaires plus étendus, permettant ainsi une activité commerciale nocturne et mieux adaptée aux horaires de la population active.

Il est indéniable que la ville nouvelle présente des atouts en termes d’infrastructures et de développement économique. Cependant, un certain nombre de défis restent à relever, notamment en ce qui concerne l’amélioration des conditions de vie des habitants, l’accessibilité aux espaces publics et la gestion de la sécurité. L’analyse de ces éléments dans le cadre de l’attractivité territoriale permet d’ouvrir des pistes pour des interventions ciblées visant à améliorer la qualité de vie des habitants tout en renforçant la compétitivité de ce territoire dans son ensemble.

2. Que proposent les territoires pour devenir attractifs

Dans cet article, il ne s’agira pas de présenter des résultats quantitatifs, nécessitant l’utilisation d’un arsenal de comptages statistiques. Il s’agira plutôt d’identifier et de décrire un modèle d’infrastructure commerciale qui participe pleinement à la création d’attractivité sur un territoire jusque-là quelque peu stigmatisé. Ce dernier est notamment marqué par un « relogement social » et quelques incidents rapidement classés parmi les faits divers (comme l’assassinat de deux enfants et les bagarres de gangs). Ces événements ont profondément marqué la conscience locale, régionale, voire nationale, et ont, pour certains, contribué à forger une image péjorative du territoire.

Il va sans dire qu’à un certain moment, le territoire de la ville nouvelle, ou plutôt certaines unités de voisinage étaient stigmatisées et associées à diverses connotations négatives.

Revenons au concept d’attractivité. Selon la définition de Houllier-Guilbert (2019),

« l’attraction est la part mesurable de l’attractivité, basée sur des données chiffrées, quantifiables, accordant une primauté à l’idée de croissance. Cet indicateur peut être mis en place à l’échelle de la région (Hatem, 2004), mais plus difficilement à l’échelle urbaine. Les villes sont alors incitées à orienter leurs objectifs d’attractivité vers l’autre pan, celui de l’attrait. L’attrait est la part qualitative de l’attractivité, qui repose sur des enjeux d’image qui ne sont pas mesurables » (HOULLIER-GUILBERT, 2019 : 165).

C’est cet aspect qualitatif que notre article s’efforce de mettre en lumière.

Ainsi, plutôt que de mesurer l’attractivité à travers des indicateurs quantitatifs, il s’agira ici d’identifier ce que les territoires proposent et fabriquent pour devenir attractifs (Houllier-Guilbert, 2019 : 164).

Le premier élément essentiel pour assurer la pérennité de l’attractivité des centres commerciaux est leur rattachement à un réseau de transport efficace. En effet, l’existence d’infrastructures routières, bien qu’importante, n’est pas suffisante à garantir un flux élevé de chalands. Il est donc indispensable que ces structures soient situées à proximité des transports en commun, afin de renforcer leur attractivité. En complément des infrastructures routières, nous observons également le développement de mobilités douces, comme le tramway, dont les rails relient directement le centre commercial Ritaj Mall au centre-ville de Constantine, en passant par plusieurs stations, dont celles des quatre universités de la ville. Ce tramway dessert également les unités de voisinage 06 et 07, où sont implantés les trois autres centres commerciaux majeurs : Ritaj, Sans Visa et La Coupole.

3. Compétitivité commerciale et attractivité territoriale

3.1. Image et attractivité

Dans une étude classique menée en 1977, Gentry et Burns ont exploré les motifs de fréquentation des centres commerciaux et constaté que la proximité par rapport au domicile ne constituait que le 14e critère de décision de fréquentation. Ce critère était relégué derrière des variables liées à l’image, telles que la capacité de parking, les horaires d’ouverture, le type de clients, le rapport qualité-prix, la publicité, la variété des produits, la réputation des magasins, la propreté, la qualité et la diversité des magasins, ainsi que l’aménagement du complexe. Cette hiérarchisation des critères souligne l’importance de l’image dans le processus décisionnel des consommateurs.

La revue de littérature a également mis en lumière une étude plus récente sur les facteurs influençant l’attractivité du centre-ville, menée par Valérie Barbey et Thierry Gaillard (Barbey, Gaillard et al., 2015 : 78). Ces chercheurs ont proposé un schéma des facteurs influençant l’attractivité du centre-ville. Nous avons tenté d’appliquer et de superposer ce modèle aux centres commerciaux situés sur le territoire de la ville nouvelle d’Ali Mendjeli.

L’attractivité commerciale ne repose pas uniquement sur des facteurs économiques, mais également sur des éléments extra-économiques. À travers leur étude, Barbey et Gaillard (2015) ont identifié quatre facteurs qui jouent un rôle crucial dans l’attractivité commerciale d’un quartier : l’offre culturelle, l’offre en restauration, l’aménagement du quartier, ainsi que l’ambiance et la convivialité

Figure n° 1. Les facteurs d’influence de l’attractivité commerciale du centre-ville : le point de vue des usagers

Figure n° 1. Les facteurs d’influence de l’attractivité commerciale du centre-ville : le point de vue des usagers

Source : (Valérie Barbey, Thierry Gaillard et autres, 2015, p. 78).

« Sur le plan quantitatif, l’attractivité d’un territoire est calculée à partir des pertes ou gains de population, en distinguant le solde naturel du solde migratoire, ainsi que du nombre d’entreprises présentes et de leur taille. » (Houllier-Guibert 2019 : 164)

Dans ce contexte, bien que nous ne nous intéressions pas à l’aspect quantitatif, nous prendrons néanmoins en compte, non pas la taille, mais plutôt le renom des enseignes attirées et convaincues de s’installer dans un centre commercial de la ville nouvelle. Car il est évident que la présence de certaines enseignes de renommée mondiale ne peut que participer positivement à la création et au développement de l’attractivité du site commercial du Ritaj Mall.

3.2. Institutions commerciales et attractivité des territoires

En réalité, lorsque les promoteurs s’investissent pour créer cette « désirabilité » envers le centre commercial, ils accomplissent deux actions : une compétitivité concernant l’entreprise et une attractivité concernant le territoire (Houllier-Guibert 2019).

Effectivement, dans un premier temps, la compétitivité concerne l’entreprise (en tant qu’institution commerciale) par rapport aux offres et services proposés par d’autres centres commerciaux (institutions commerciales), à commencer par ceux implantés sur le territoire de la ville nouvelle, qui se partagent la clientèle et le chiffre d’affaires qu’elle génère, et allant même plus loin, pouvant atteindre un niveau régional. Ces centres commerciaux s’inscrivent dans un jeu de concurrence (économique).

Dans un second temps, le promoteur participe également à développer l’attractivité du territoire sur lequel son institution est implantée, en contribuant à l’attractivité du quartier, de la ville et même de la région à un niveau plus large (mais toujours en relation avec le territoire).

En ce qui concerne le schéma des facteurs d’influence de l’attractivité commerciale, ayant déjà cité quelques éléments de réponse relatifs à notre terrain d’étude, et qui ne figurent pas sur le schéma (figure n° 1), nous continuerons en tentant de superposer les résultats du schéma avec les réalités que nous avons rencontrées sur notre terrain.

Nous avons déjà abordé la question de l’accessibilité. Nous n’évoquerons ni les données personnelles des usagers, car elles constituent un panel très varié ni l’offre hôtelière, qui n’est pas pertinente dans le cadre de cette étude, car nous nous intéressons ici à une attractivité régionale concernant les wilayas limitrophes.

Certes, nos observations de terrain ont relevé la fréquentation de touristes tunisiens sur le site du Ritaj Mall, mais nous concentrerons notre attention sur les visiteurs locaux en provenance des wilayas proches. En effet, à partir des plaques minéralogiques des véhicules, notamment les week-ends et jours fériés, nous constatons que de nombreux visiteurs du Ritaj Mall proviennent des wilayas avoisinantes. Nous avons abordé, dans ce contexte, la question de l’accessibilité en amont, notamment en ce qui concerne la disponibilité des places de parking et les transports en commun.

Concernant l’aménagement du quartier où se situe le centre commercial, nous soulignerons d’abord l’existence d’un parking gardé (payant) mis à la disposition de la clientèle véhiculée. De plus, juste en face, se trouve la gare routière de la ville nouvelle, qui dessert la majorité des quartiers de Constantine, et qui dessert également des villes d’autres wilayas du pays.

L’offre en restauration est présente dans le quartier, mais le centre commercial lui consacre le dernier étage de son bâtiment. En effet, le dernier étage du Ritaj Mall est dédié à la restauration et aux fast-foods modernes, afin de permettre à la clientèle de se restaurer sur place tout en effectuant ses achats, optimisant ainsi son temps de sortie au centre commercial.

L’attractivité du lieu se construit également autour de l’ambiance et de la convivialité qui caractérisent cet espace commercial. La construction de l’infrastructure, ses aspects futuristes, ses espaces luxueux, ses larges vitrines lumineuses, qui reflètent un goût raffiné, offrent une structure moderne à l’image des enseignes que l’on retrouve dans les pays européens.

4. Attractivité territoriale et institutions commerciales

4.1. Le centre commercial : commerce et socialisation

« Quelles que soient la taille et l’envergure du site commercial cherchant à accroître son attractivité, les seules actions de communication et d’infrastructures ne suffisent pas. Le lieu semble devoir être hautement attractif par son ambiance, son style et sa capacité à provoquer émerveillement et dépaysement (Badot et Lemoine, 2014). Graillot (2004, 2005) dirait : par sa dimension « hyper-réelle ». (Badot & Lemoine 2015 : 194)

L’espace créé par le centre commercial n’est pas seulement un lieu d’échange commercial, mais aussi un lieu d’animation et d’échanges culturels. Les promoteurs du centre commercial, qui œuvrent dans ce sens, organisent des manifestations culturelles diverses.

Pour commémorer diverses fêtes nationales, anniversaires ou fêtes religieuses, telles que le Maoulid enabaoui, l’Aïd ou Achoura, des tombolas, des expositions ou encore des groupes de musiciens, chanteurs ou clowns sont invités pour animer le hall du centre commercial, tout en distribuant souvent des cadeaux pour fidéliser les clients.

C’est pour cette raison que nous considérons les centres commerciaux comme bien plus que de simples structures institutionnelles spécialisées dans la vente de produits et services. Ce sont également des espaces de loisir et de socialisation, offrant des propositions culturelles.

Lorsque nous abordons l’attractivité générée par un centre commercial tel que le Ritaj Mall, en raison du standing qu’il offre, mettant à disposition des enseignes « locomotives » pour attirer les chalands, il est essentiel de souligner que les bénéfices et le chiffre d’affaires générés par ces enseignes profitent également aux autres magasins situés au sein du centre, qui bénéficient de l’attractivité créée par ces enseignes phares à proximité. Il ne faut pas oublier que l’action menée par le centre commercial profite aussi aux magasins situés à proximité, à l’extérieur du centre commercial.

Nous avons, par exemple, observé au cours de nos enquêtes de terrain, réalisées lors des premières semaines d’ouverture du Ritaj Mall, qu’un magasin (spécialisé dans la boulangerie-pâtisserie), situé à proximité du centre commercial, voyant l’afflux de clients attirés par le centre commercial les vendredis et jours fériés, a profité de cette dynamique en modifiant son jour de repos. Auparavant, ce jour de repos était fixé au vendredi (jour férié, habituellement jour de fermeture pour ce commerçant), mais il a été décalé vers un jour de semaine, en l’occurrence le lundi.

Les recherches ont montré que les centres commerciaux ne sont

« pas uniquement des non-lieux (Augé) dédiés à la consommation et au commerce, où règnent des rapports marchands et impersonnels (Baudrillard, Paquot). Les pratiques sociales observées, bien qu’elles demeurent minoritaires, invitent à considérer le centre commercial comme un lieu de vie et de rencontres » (Besozzi 2015).

4.2. Le centre commercial : commerce et socialisation

L’attractivité d’un nouveau territoire ne peut se développer isolément, sans faire intervenir deux notions fondamentales : la compétitivité et la concurrence.

La prise en compte de ces enjeux nécessite l’utilisation de supports publicitaires divers, tels que les panneaux publicitaires érigés à l’entrée principale de la ville nouvelle, qui présentent le centre commercial comme un espace de loisirs, offrant ainsi une nouvelle image plus attrayante de cette infrastructure, principalement dédiée au commerce.

En plus du fait qu’ils offrent une multitude de services dans un même espace (au sein d’une même structure), les centres commerciaux sont également très intéressants, car ce sont des espaces sous surveillance (Capron 1998 : 61), qui procurent des sentiments de sécurité grâce à la présence de vigiles et de caméras de surveillance.

En raison de la prédominance de ses enseignes de prestige et des offres commerciales onéreuses qu’elles exposent (et proposent), il est évident que la clientèle visée par ces centres commerciaux est constituée de catégories sociales à fort pouvoir d’achat, capables de s’offrir les produits de luxe qui y sont en vente. Dans cette stratégie de ciblage, les catégories à faible pouvoir d’achat ne sont pas systématiquement exclues. Toutefois, leur poids doit rester minoritaire afin de préserver l’image de prestige prônée par les promoteurs commerciaux.

Sous un autre angle, nous pourrions même aller plus loin en prenant en considération la théorie de la gestion des impressions, proposée par Erving Goffman en 1959 dans son ouvrage La Mise en scène de la vie quotidienne. À travers cette théorie, les acteurs pourraient, par exemple, utiliser leur visite au point de vente pour construire une identité qu’ils chercheraient à valoriser dans leur environnement social (Filser & Plichon 2004 : 35).

Tout en ayant réussi à attirer des enseignes de renom et de prestige telles que Jennyfer, Célio, Décathlon, Beppi, LC Waikiki, Skechers,... l’institution commerciale tente également de capter le marché de consommation des nouvelles classes moyennes. N’oublions pas qu’elle est implantée sur le territoire de la ville nouvelle, majoritairement peuplé de classes populaires relogées dans le cadre de programmes de relogement social.

Conclusion

« Les projets de centres commerciaux deviennent ainsi des occasions de marquer un territoire, de faire de la ville un lieu de destination où l’on consomme, mais aussi un lieu que l’on consomme en tant que tel. » (Coulondre 2016 : 223)

Nous constaterons ici que la ville nouvelle a fait beaucoup de progrès depuis son inauguration, et depuis le temps où elle souffrait d’un déficit d’image, ce qui se répercutait sur la fréquentation de ce territoire.

Grâce à ses nouvelles institutions commerciales, la ville nouvelle réussit même à être perçue aujourd’hui comme un centre (ou une centralité), grâce à l’image qu’elle a su se forger, bien que, par rapport à la ville de Constantine, elle demeure l’une de ses périphéries.

Mais il serait intéressant de conclure cet article par une réflexion autour des éléments répulsifs (Poupard 2005) que ces centres commerciaux pourraient générer, par rapport aux territoires sur lesquels ils sont installés.

« La liaison entre image et fidélité au magasin pose néanmoins deux questions. D’abord, est-ce l’image favorable du magasin qui attire, ou bien l’image défavorable des magasins concurrents qui repousse ? Lessig (dans une étude réalisée en 1973) opte pour une fidélité dominée par l’évitement des autres magasins plutôt que par l’attraction pour un magasin précis ; ceci devrait, selon lui, inciter les managers à s’intéresser davantage à l’image des magasins concurrents qu’à celle de leur propre lieu de vente. » (Bezes 2013 : 87)

Enfin, la question que nous poserons pour conclure cet article, dans lequel nous nous sommes intéressés aux centres commerciaux en tant que structures attractives, sera dirigée vers le territoire en tant que structure plus large et plus complexe que celle que nous avons choisie pour sujet d’étude. Il s’agira donc de savoir quels éléments doivent être pris en considération pour réaliser au mieux une attractivité optimale des territoires ?

Badot, O., & Lemoine, J.-F. (2015). Élargissement des principes de l’attractivité commerciale à ceux de l’attractivité touristique : le cas de La Vallée Village à Marne-la-Vallée. Management & Avenir, (77), 187-203.

Barbey, V., Gaillard, T., et al. (2015). Les facteurs d’influence de l’attractivité commerciale du centre-ville : le point de vue des usagers. SEES / revue économique et sociale, (3), 77-82.

Benlakhlef, B., & Bergel, P. (2019). Construire trois millions de logements en Algérie (1999-2018). Une politique audacieuse qui oublie les citadins ? Métropolitiques. [en ligne : www.metropolitiques.eu/Construire-troismillions-de-logements-en-Algerie-1999-2018.html]. Consulté le 9 mars 2022.

Bezes, C. (2013). L’image du magasin : définition, effets, mesure et perspectives de recherche. Management & Avenir, (60), 74-101.

Besozzi, T. (2015). Se faire une place dans un centre commercial : Déprise sociale, emprise spatiale et prises identitaires (Thèse de doctorat, Université de Caen Normandie, France).

Brailly, J., & Coulondre, A. (2016). Le travail de construction d’une place de marché : centres commerciaux et salons de professionnels. Revue Française de Socio-Économie, (16), 161-181.

Capron, G. (1998). Les centres commerciaux à Buenos Aires, les nouveaux espaces publics de la ville de la fin du XXème siècle. Les Annales de la Recherche Urbaine, (78), 55-63.

Coulondre, A. (2016). Le centre commercial comme levier des politiques urbaines d’attractivité. Espaces et sociétés, (164-165), 211-225.

Filser, M., & Plichon, V. (2004). La valeur du comportement de magasinage. Statut théorique et apports au positionnement de l’enseigne. Revue Française de Gestion, (158), 29-43.

Goffman, E. (1973). La mise en scène de la vie quotidienne (trad. fr. 1973, rééd. Minuit, coll. « Le Sens commun »). Paris : Minuit. (Original work published 1959).

Houllier-Guibert, C.-E. (2019). L’attractivité comme objectif stratégique des collectivités locales. Revue d’Économie Régionale & Urbaine, 153-175.

Poupard, J.-M. (2005). Les centres commerciaux : de nouveaux lieux de sociabilité dans le paysage urbain. Paris : L’Harmattan.

Figure n° 1. Les facteurs d’influence de l’attractivité commerciale du centre-ville : le point de vue des usagers

Figure n° 1. Les facteurs d’influence de l’attractivité commerciale du centre-ville : le point de vue des usagers

Source : (Valérie Barbey, Thierry Gaillard et autres, 2015, p. 78).

Tayeb Rehaïl

Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle CRASC - Oran

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