La construction d’un symbole identitaire dans La Kahéna de Salim Bachi

Faiza Idir

p. 159-177

Faiza Idir, « La construction d’un symbole identitaire dans La Kahéna de Salim Bachi », Aleph, Vol. 5 (2) | 2018, 159-177.

Faiza Idir, « La construction d’un symbole identitaire dans La Kahéna de Salim Bachi », Aleph [], Vol. 5 (2) | 2018, 25 December 2018, 19 April 2024. URL : https://aleph.edinum.org/1290

Le présent article a pour objet la façon dont Salim Bachi procède pour construire un symbole identitaire à partir de La Kahéna, qui incarne dans le roman éponyme, une maison polymorphe et ambivalente qui présente une circulation et une contamination permanente entre le toponyme et l’anthroponyme. Mais outre ces ambivalences qui sont d’ailleurs à l’image de l’identité algérienne, l’auteur recourt à la glorification et à la sacralisation de la demeure coloniale ainsi qu’à la déconstruction idéologique, un processus au bout duquel la Kahéna devient l’emblème d’une identité rhizomatique.

The object of this article is the manner in which Salim Bachi proceeds to construct an identity symbol from La Kahéna, which embodies in the eponymous novel, a polymorphic and ambivalent house that presents permanent circulation and contamination between the toponym and the anthroponym. But in addition to these ambivalences, which are moreover reflect Algerian identity, the author uses the glorification and sacralization of the colonial home as well as ideological deconstruction, a process at the end of which Kahena becomes the emblem of a rhizomatic identity.

يهدف هذا المقال إلى دراسة الطريقة التي يصل بها سليم باشي إلى بناء رمز هوية، انطلاقا من الكاهنة التي تجسد في رواية الكاتب منزل مزدوج ومتعدد الأوجه، أين الكاهنة تعبر على اسم شخصية معروفة وعلى اسم مكان في نفس الوقت. زيادة إلى هذه الخصائص التي تميز في هذا السياق الهوية الجزائرية، سليم باشي يلجأ إلى تمجيد وتقديس البيت الذي بناه مستوطن فرنسي، كما أنه يهدف غلى تفكيك الإيديولوجية لتي تسعى إلى اقتصار الهوية الوطنية على أصل واحد. هكذا تصبح كاهنة الكاتب تدريجيا رمزا ذاتيا ريزوماتيكيا.

Ayant marqué son époque et traversé les siècles, « La Kahéna1 » subsiste dans la mémoire collective comme celle qui se dressa contre la conquête arabe, devenant ainsi le symbole de résistance contre tout type d’oppression. Puissante figure historique à laquelle se rattache donc une forte symbolique, La Kahéna continue de hanter l’imaginaire d’auteurs tout aussi algériens, maghrébins que français. Elle est réanimée souvent sous les traits d’un narrateur ou d’un personnage à caractère légendaire ou mythique, mais chez Salim Bachi2 elle incarne l’âme d’une maison coloniale qui hésite tout au long du texte entre une entité spatiale et une entité humaine, opérant ainsi constamment des glissements du statut de toponyme à celui d’anthroponyme et inversement. Lieu d’ambivalence par excellence, comme nous le montrerons dans le présent travail, La villa à double facette, occidentale et mauresque, devient petit à petit le symbole de revendication identitaire. Notre problématique consiste justement à analyser, à la lumière de quelques procédés stylistiques, la façon dont La Kahéna de Salim Bachi se mue en symbole identitaire.

1. La Kahéna, une androgynie problématique

La Kahéna désigne, on l’a dit, un espace, la majestueuse villa que Louis Bergagna a construite après ses aventures dans les Tropiques. Mais ce nom propre est, dans le récit, tantôt un toponyme quand il désigne la maison elle-même et tantôt un anthroponyme quand il renvoie à la personne historique dont elle porte le nom, en l’occurrence la guerrière des Aurès. Et si l’on répertoriait les occurrences de La Kahéna en fonction de ce que le nom désigne à chaque fois dans le texte, on remarquerait que ces deux aspects, le toponyme et l’anthroponyme, sont inséparables et consubstantiels dans le texte tant ils sont régis par une relation de réciprocité où à chaque fois l’un suppose l’autre.

Dès le titre et de manière très implicite, La Kahéna exprime en effet cette ambivalence. D’une part, l’intitulé du récit fait penser à la figure historique, où « la » peut se lire comme le diminutif de « Lalla3 », titre honorifique et signe de distinction que portent, en Afrique du Nord, les femmes importantes et issues de grandes familles. D’autre part, loin de désigner une particule de noblesse, « la » est un article défini quand La Kahéna renvoie au toponyme. Ce même article peut de surcroît rabaisser ou élargir et généraliser le sens du nom propre. La Kahéna devient alors un toponyme au même titre que « Les Champs Elysées », « le Saint Laurent » ou autre. Reine vénérée ou simple toponyme, le titre implique ainsi une dualité et une ambivalence qui laissent une ambiguïté à l’œuvre.

Outre cette subtilité exprimée dans le titre, la contamination du toponyme et de l’anthroponyme est constamment réalisée grâce à la personnification4, procédé stylistique qui permet de donner des attributs humains à la maison de Bergagna5, comme ce que fait le narrateur dans le passage suivant :

La Kahéna en pleine gloire, se déployait derrière un péristyle dont les colonnes doriques ne supportaient ni balcon ni plein cintre ; elles ouvraient sur le ciel comme les gardiennes d’un antique sanctuaire, bras levés, mains tendues ; derrière la colonnade, la façade, classique, s’étalait sur trois étages, percés chacun de quatre grandes fenêtres, puis s’achevait sur une terrasse où des étagements se succédaient en profondeur : la perspective aurait été celle d’un théâtre grec si, sur les degrés en quinconce, n’eussent été plantés, allez savoir comment6, des arbres d’essences diverses mais qui se dédoublaient, spectateurs ambivalents d’un spectacle qui se donnait autour de la colline. (p. 57).

À travers cette longue description, le narrateur donne une existence animée mais surtout humaine à la maison coloniale où les colonnes doriques représentent des mains et des bras rapprochant la structure architecturale d’un corps humain. Objet inanimé, la maison se voit ainsi attribuer des qualités et des actions d’ordinaire humaines. La demeure se prête alors à l’ostentation comme un être humain à travers le verbe « se déployer », et la caractérisation « en pleine gloire » accentue le rapprochement entre le toponyme et le personnage historique, en l’occurrence la glorieuse reine berbère. Et comme par un effet de contamination, remarquons que tous les éléments constitutifs de la structure sont personnifiés grâce à des verbes d’action comme « supporter », « ouvrir », « s’étaler », « se dédoubler », prêtés tantôt aux colonnes de La Kahéna tantôt à sa façade ou encore aux arbres qui y sont plantés.

Outre la personnification qui renforce et qui facilite le glissement du toponyme à l’anthroponyme et inversement, reprenons à présent le même extrait pour montrer un autre aspect hétérogène de La Kahéna.

Notons d’abord que ce long passage est une description constituée d’une seule phrase qui fait apparaître trois périodes oratoires en accumulation. La phrase est construite en fait de telle manière à offrir au lecteur un panorama qui semble être filmé en plans ascendants. En d’autres termes, il s’agit d’une description en gradation7 où la vue d’ensemble est structurée du proche au lointain, du premier au dernier plan, donnant au panorama et à la maison la perspective d’un théâtre grec.

Mais remarquons aussi que l’amplification à la fin de la description contribue à la mise en place d’un décor baroque. Car la perspective exclusivement grecque à laquelle on se préparait depuis le début de la phrase grâce à l’accumulation d’un vocabulaire qui fait référence au style architectural grec (péristyle, colonnes doriques, colonnade, étagements, (…) est annulée à la fin par les multiples espèces d’arbres plantés sur les degrés en quinconce. Cet étonnant brassage de cultures a d’ailleurs valu l’intrusion d’un personnage dans l’énonciation, un personnage dont on ne découvrira l’identité que quelques lignes plus loin. L’incise « allez savoir comment » (souligné dans l’extrait suscité) montre ainsi la fascination de Sophie Bergagna (la femme de Louis Bergagna), une fascination qui se confirme dans la suite du passage :

C’était ces superpositions de palmiers nains, d’hévéas et de tamaris anglais qui captivèrent le plus Sophie Bergagna : la maison, comme surmontée d’une perruque, était vivante : un visage, la façade ; une crinière touffue, le jardin suspendu qui balançait ses épis. Fusion de deux styles, l’un emprunté à la Grèce dans ses grandes lignes, mais colonial et convenu pour finir, et l’autre à l’arborescence tout africaine, venue comme un couronnement. (p. 57).

Effectivement, Sophie Bergagna est stupéfaite devant l’architecture hybride de la maison. Et c’est encore une fois le procédé de l’amplification qui contribue à installer et à sublimer le décor baroque où se mêlent deux antagonismes, le style grec et le style africain, donnant ainsi à la maison un aspect hétéroclite. La Kahéna devient ainsi le symbole d’une Afrique colonisée mais résistante puisque sa dimension africaine subsiste toujours.

Aussi, la conjonction de ces deux styles rendus antithétiques par l’Histoire violente qui oppose l’Occident à l’Afrique, ou plus précisément ici La France à l’Algérie, fait de La Kahéna le symbole du métissage culturel et identitaire, un métissage que ne cesse pourtant de renier Louis Bergagna, qui vit sa propre contradiction en attribuant aux indigènes des filiations fantasmées mais qu’il affirme, peut-être à son insu, à travers l’architecture particulière de sa demeure qui réunit deux styles antinomiques .

Mais outre cette dimension baroque, confirmons à la même occasion dans cet extrait, le glissement permanent du toponyme à l’anthroponyme (et vice versa) grâce à la personnification. La diversification de la végétation tout autour de la villa lui donne en effet une allure de femme, coiffée d’une perruque, alors que la façade lui sert de visage. C’est ainsi que La Kahéna est anthropomorphisée en assimilant d’un côté le jardin à la chevelure abondante et féminine, et de l’autre, la structure de la maison au corps humain. Et la métaphore « la maison était vivante » appuie cette ressemblance, voire cette (con) fusion déjà mise en place entre les deux entités, la maison et la femme.

« Étrange » et « énigmatique »8 donc, La Kahéna de Salim Bachi est ambivalente à plus d’un titre. Elle réalise une sorte d’osmose, un va-et-vient constant entre l’espace et la figure historique à tel point que le toponyme et l’anthroponyme sont deux aspects qui se recoupent, s’enchevêtrent et se contaminent mutuellement pour se condenser en une unité synthétique. C’est dans ce sens que l’incessante circulation entre l’espace et la figure historique s’avère être une métaphore éminemment productive quant à l’analyse de ce texte. Une caractéristique à laquelle s’ajoute, comme on vient de le montrer, une architecture baroque qui conjugue deux aspects antagonistes rapprochant la maison non pas seulement d’un être humain ou d’une femme ordinaires, mais d’un androgyne, un être qui est à la fois féminin et masculin.

L’androgynie est justement une qualification qui renvoie particulièrement à la personnalité de La Kahéna, femme guerrière et femme « virile »9, telle qu’elle a été transmise par l’Histoire et la mémoire collective. Combinant ainsi qualités féminines et maternelles, bravoure et finesse politique, La Kahéna, figure historique, était donc d’une manière ou d’une autre, androgyne dans son comportement. Et c’est de la même manière que Salim Bachi confronte deux perspectives architecturales et culturelles oxymoriques au sein d’une même structure transformant la maison, un topo-matronyme, en image et symbole de père10.

À la fois androgyne et « lieu de syncrétisme »11, puisqu’à mi-chemin entre le toponyme et l’anthroponyme, entre le patriarcat et le matriarcat ou encore entre le style architectural occidental et africain, la maison de Louis Bergagna représente donc une identité matricielle complexe, une sorte de transidentité synthétique qui abolit tout fantasme de l’unité originelle.

C’est ainsi que Salim Bachi parvient à construire un symbole tout aussi ambivalent que l’identité algérienne, une identité plurielle et multiple, qui s’oppose à toute conception monolithique mortifère. Une identité qu’on peut qualifier, en dernière instance, de rhizomatique12 puisqu’elle n’implique pas une origine, mais paraît au contraire a-centrée, dépouillée de toute suprématie de l’origine unique.

Par ailleurs et en plus de cette dimension ambivalente, Salim Bachi recourt à un processus de glorification et de sacralisation pour construire son symbole identitaire.

2. Le processus de glorification et de sacralisation

Analysons en premier lieu l’exemple suivant : « La villa au nom de guerrière antique » (p. 15). L’adjectif « antique » propulse La Kahéna dans le passé le plus lointain, le passé antique, antérieur à l’arrivée des Arabes, plaçant ainsi la reine berbère dans un espace-temps immémorial comme si elle avait existé depuis toujours. Or celle-ci n’a vécu qu’entre le VIIe et le VIIIe siècle et l’expansion islamique en Afrique du Nord n’a eu lieu que vers le milieu du VIIsiècle.

Renvoyer ainsi la reine berbère dans un passé immémorial nous renseigne, d’une part, sur l’intention d’agrandir, de magnifier et de glorifier outre mesure l’héroïne, et d’autre part, sur le désir d’intégrer sa résistance et sa bravoure dans l’identité berbère faisant de ces deux aspects des caractéristiques inhérentes à l’identité algérienne. La réhabilitation de La Kahéna en tant que guerrière « antique » revient aussi et surtout à dire que l’Histoire algérienne ne remonte pas seulement à la conquête Arabe et à l’arabo-islamique, mais commence bien avant et que, par conséquent, l’identité berbère mérite d’être revalorisée et réhabilitée. Voilà donc comment un simple adjectif permet à l’auteur de déconstruire toute l’idéologie de « l’arabisme excessif ».

Plus qu’une simple mythification, l’héroïne berbère est élevée au statut de sainte dès les premières lignes d’ailleurs où on peut lire dans l’incipit : « La façade recouverte de lierre, La Kahéna surplombait la ville et ses ruelles inextricables. La vision de ce sanctuaire, juché sur un enfer, ramenait toujours Hamid Kaïm à son enfance » (p. 9) (nous soulignons). Outre ce rapprochement entre la maison et le « sanctuaire », le verbe « surplomber » ainsi que l’adjectif « juché » place la villa sur un point culminant d’où elle domine toute la ville, accentuant ainsi la sanctification du lieu en lui procurant hauteur et éminence, grandeur et noblesse. Quant à cette position qui place La Kahéna au-dessus de l’enfer « juché sur un enfer », renvoie au paradigme qui oppose l’enfer et le paradis, la bassesse et la grandeur, attribuant à la demeure un caractère sacré en la purifiant de tout avilissement et de toute abjection.

Nous avons relevé une autre occurrence du mot « sanctuaire » dans un passage cité précédemment : « La Kahéna en pleine gloire, se déployait derrière un péristyle dont les colonnes doriques ne supportaient ni balcon ni plein cintre ; elles ouvraient sur le ciel comme les gardiennes d’un antique sanctuaire13, bras levés, mains tendues (…) » 14 (p. 57) (nous soulignons).

À travers cette comparaison qui rapproche les colonnes doriques des gardiennes d’un antique sanctuaire, le narrateur suggère donc que la maison elle-même est un sanctuaire. Encore plus que l’élévation, « l’ouverture sur le ciel » a une connotation religieuse renforcée par cette position de prière ou d’invocation que peut évoquer, à notre sens, « bras levé, mains tendues ». En tout cas, cette « ouverture sur le ciel » rapproche La Kahéna de Dieu (ou des dieux), le ciel étant l’univers de Dieu par opposition à la terre, habitacle de l’homme.

Le processus de sacralisation aboutit d’ailleurs, à un certain moment, à faire de La Kahéna un lieu de pèlerinage :

Il (Hamid Kaïm) parcourut un couloir, une autre pièce, et se retrouva dans le patio éclaboussé de rayons. La lumière tombait d’un bloc. On eût dit qu’elle avait surgi à cet endroit précis pour traverser la terre de part en part, comme si la cour de La Kahéna eût été le puits unique, placé au centre du monde, par où elle pouvait s’engouffrer. Le cœur de La Kahéna sous le soleil, Hamid Kaïm ne percevait plus les détails de la fontaine. (…) ; seul Hamid Kaïm (…) inventait les gestes lents de la toilette des croyants. (p. 263).

La lumière qui semble jaillir dans ce patio pour illuminer le monde entier donne un caractère extraordinaire à La Kahéna qui acquiert ainsi une dimension surnaturelle attribuée communément à tous les lieux de pèlerinages. Ici c’est la comparaison (à l’aide de « comme si ») qui assure la sacralisation en rapprochant la villa d’un puits capable d’illuminer la terre entière. Placée au milieu de la cour et illuminée de mille feux, la fontaine devient une sorte de relique magique, un lieu de recueillement, de purification et une source de sérénité pour Hamid Kaïm transporté par la beauté de cet endroit. Une sérénité qui peut se lire et s’entendre – dans la suite du passage ‒ à travers une description très poétique contribuant à l’exhaussement de La Kahéna :

[Hamid Kaïm se trompait en imaginant ici des pèlerins se rafraîchissant sur la margelle de marbre rose, dont l’éclat purpurin se confondait avec celui de la bougainvillée qui pendait des balustrades, retombant entre les jasmins et la glycine (la nuit c’était un concert des sens, quand la lune, oblongue comme un pain de sucre, éclairait le patio de la villa Bergagna, délivrant des parfums de ces fleurs dont les pétales flottaient à la surface de l’eau, entre les murmures du vent et le chant des criquets)15]16 ; en vérité, rien n’indiquait ici une station sur la route des processions ; seul Hamid Kaïm, que la lumière aveuglait, entendant sourdre l’eau, jaillissement perpétuel transformé en notes musicales, inventait les gestes lents de la toilette des croyants. (p. 263).

L’allitération des consonnes liquides « r » (26 occurrences) et « l » (25 occurrences), qui suggèrent d’ailleurs l’écoulement de l’eau de la fontaine décrite ici, expriment en effet la douceur du paysage et la quiétude que ressent Hamid Kaïm. L’allitération sifflante (17 occurrences du son « s ») contribue à son tour à installer une ambiance de calme et d’apaisement. L’allitération en « l » (son fluide, doux et onirique), outre la sérénité, elle recrée l’atmosphère de rêverie où, Hamid Kaïm, inspiré par le lieu, imagine des pèlerins au bord de la fontaine, une rêverie pure et simple comme le montrent le début et la fin du passage : « Hamid Kaïm se trompait en imaginant ici des pèlerins » et « seul Hamid Kaïm (…) inventait les gestes lents de la toilette des croyants ».

Toute cette musicalité qui, donnent aux couleurs, aux sons et aux parfums une existence physique et réelle, transporte le lecteur à son tour dans le rêve euphorique de Hamid Kaïm et suscite chez lui la même sérénité, une sérénité qui se confirme dans la suite du passage :

Une étrange quiétude l’envahit, lui qui cherchait à percer du regard le patio inventé par Louis Bergagna, dont le dessin se rapprochait sans doute de celui de ces vieilles maisons mauresques qu’il avait détruites en construisant Cyrtha. (p. 264)

C’est donc cette tranquillité intérieure retrouvée par Hamid Kaïm dans cet endroit qui inspire l’assimilation de la maison à un lieu de pèlerinage dont la motivation première est la recherche, par le pèlerin, d’un certain repos qu’il soit spirituel, religieux ou mystique. C’est ainsi que la demeure coloniale devient une puissance sacrée d’où émane un pouvoir merveilleux et surnaturel destiné à soigner les angoisses et les frustrations du héros qui semble recouvrer vers la fin du récit, après son séjour dans La Kahéna, l’unité de son être.

Il faut souligner également que la description caractérisée par l’abondance de détails contenue dans le passage poétique et qu’on peut qualifier donc de description baroque est à l’image de la maison baroque de Louis Bergagna. Comme si la conjonction des deux styles, mauresque et occidental, était à la source de la fascination du personnage, mais aussi et surtout de la sacralisation de la maison, une sacralisation qui va parfois jusqu’à la déification de La Kahéna :

Morte, La Kahéna rejoignit les constellations, non pas le système étoilé qui s’agite sur les écrans des salles obscures, mais, plus sérieusement, cet étrange sépulcre, lointain, inaccessible, où les dieux, redoutables, se maintenaient à une distance raisonnable des hommes. (p. 219).

En l’inscrivant ainsi dans les constellations auprès des dieux, loin des hommes, La Kahéna revêt une dimension divine et atteint le sommet de l’exhaussement dans ce passage.

C’est donc grâce au processus de sublimation que La Kahéna se transforme ou plus précisément se métamorphose – c’est-à-dire passe à une forme supérieure – en symbole identitaire. En fait, après avoir exalté et rangé la maison aux côtés des dieux, le narrateur souligne littéralement quelques lignes plus loin cette métamorphose :

Et La Kahéna accomplissait sous ses yeux, qui ne voyaient plus, éblouis par la lumière se déversant dans la cour, la grande métamorphose17 qui n’avait pas eu lieu pendant la colonisation : les temps se superposaient comme les différentes strates d’un sol, puis, au fil des ères, se contaminaient, s’épousaient pour ne plus former qu’un seul corps, unique et multiple, sujet aux variations, mais en équilibre perpétuel. (p. 264).

L’amplification s’élève ici jusqu’à la sublimation de La Kahéna qui réalise la « grande métamorphose ». L’oxymore « unique et multiple » renforce cette métamorphose en transfigurant la maison en symbole, symbole d’une identité hybride, irréductible à une seule entité ou appartenance originaire absolue ‒ en un mot : rhizomatique.

Mais parallèlement à ce processus d’exhaussement et de sacralisation, Salim Bachi entreprend toute une déconstruction idéologique à travers La Kahéna qui deviendra en fin de compte un symbole, mais aussi un instrument de revendication identitaire.

3. De la déconstruction idéologique au symbole identitaire :

La construction d’un symbole identitaire est étroitement liée à la déconstruction d’une certaine idéologie, comme on peut le constater dans l’extrait suivant :

Elle avait réuni ses hommes, leur avait parlé, avait évoqué l’unicité de Dieu qui n’avait que faire d’une redite, d’un nouveau message, d’une nouvelle donne, et elle s’était lancée dans la bataille avec la rage de celle qui ne parviendrait pas à vaincre, non jamais, mais cela n’importait plus, elle poursuivrait sa quête jusque dans la tombe, elle serait la Kahéna, la Traîtresse et la Juive, les deux seuls qualificatifs qu’ils lui donneraient, redoutant pendant les siècles à venir le réveil de la première femme qui leur résista. (p. 16).

Cette phrase amplifiée où s’imbriquent des énoncés au rythme ternaire fonctionne comme une série d’arguments justifiant la grandeur de la reine tout en reproduisant concrètement, à notre sens, par la juxtaposition à chaque fois de trois déterminations, l’héroïsme, la bravoure, mais surtout l’acharnement de la guerrière à combattre son ennemi. Crainte et redoutée à cause de son courage et de sa vaillance, La Kahéna est alors traitée, comme le montre le dernier ensemble ternaire de « Kahéna, de Traîtresse et de Juive ». Même si le narrateur note qu’il y a ici deux qualificatifs « les deux seuls qualificatifs qu’ils lui donneraient », il y en a, en vérité, trois, puisque « Kahéna » est d’abord un qualificatif donné à la reine avant de devenir son nom. Les majuscules de renforcement sur les caractérisations, en plus d’attirer l’attention, mettent l’accent essentiellement sur la traîtrise et surtout sur la confession juive18 de la reine.

La traîtrise est en effet la pire accusation dont peut faire l’objet un guerrier et en ce qui concerne les Arabes musulmans, être d’une confession autre que l’Islam, et en particulier juive19, relève presque d’une hérésie. Au terme de cette phrase où le processus de sublimation est à son apogée, le narrateur déconstruit donc l’idéologie arabiste qui attribue les pires spécifications à la reine dans le but de la rabaisser, de la déprécier et de l’empêcher de passer à la postérité.

Cette trinarité de qualificatifs qui peut se lire aussi comme une gradation ascendante sur l’échelle des valeurs considérées comme péjoratives, « elle serait la Kahéna, la Traîtresse et la Juive », explique à quel point les adversaires de La Kahéna ont œuvré à rabaisser la notoriété de la guerrière et à dévaloriser son acte le plus noble, celui de défendre sa liberté et sa terre.

L’héroïne est alors étiquetée de Juive, le pire qualificatif pour susciter l’aversion des générations futures devenues musulmanes après la défaite de La Kahéna, réduisant ainsi son acte de bravoure à son opposition à la religion musulmane. Le qualificatif « traîtresse » a, dans le même sens, pour objectif de restreindre la résistance de la guerrière à sa politique de la terre brûlée, une pratique que la reine a utilisée en pensant pouvoir repousser ainsi la progression des troupes arabes provoquant, contrairement à ce qu’elle espérait, la famine de son peuple qui s’est rallié par conséquent à l’adversaire. Elle a aussi été traitée de Kahéna et donc « de prophétesse », « de devineresse », « de magicienne », « de sorcière » en raison de son don de visionnaire et de son pouvoir de prophétie. Car « Kahéna » aurait pour racine sémitique K H N, dont l’Arabe et l’Hébreu « kohn » et « kohen », qui veut dire « prêtre » ou « prêtresse ». On a ainsi surnommé l’héroïne « Kahéna » comme « les Anglais avaient appelé Jeanne d’Arc “la sorcière” »20.

Ce qui peut paraître extraordinaire justement dans le cas de la guerrière berbère c’est le retournement onomastique dont elle a fait l’objet. Alors qu’on lui a donné le nom de La Kahéna comme stigmate de calomnie et d’avilissement, le sobriquet, grâce à un exceptionnel procédé de nominalisation, perd son sens initial (sorcière) et devient un nom propre, un prénom valorisant et valorisé, considéré comme un symbole de résistance face à l’arabisme importé d’Orient après l’indépendance.

C’est en retournant comme on retourne un gant que la qualité péjorative contenue dans « La Kahéna » est détournée au profit de ceux qui réclament, surtout après le printemps berbère de 1980, la réintégration de la dimension berbère dans la définition de l’identité algérienne, et ce, en se réappropriant le nom. En supprimant l’article de l’expression commune arabe « El » dans « El Kahina », le surnom est transformé, voire transmué, en nom propre berbère « Kahina », lequel efface quasiment le nom berbère originel Dihya. Pour preuve, le prénom ou le nom propre de Kahina n’existe nulle part dans les pays arabes où il demeure dans son acception première de sorcière et de magicienne avec le masculin « ﺍﻠﻜﺍﻫﻦ » « kahen ».

Dans un contexte antithétique donc à l’acception première de « Kahéna », le nom est aujourd’hui réinvesti positivement dans toute l’Afrique du Nord et utilisé comme emblème de résistance et de lutte contre l’aberration de ce qu’on appelle « le Maghreb arabe », sans aucune valorisation berbère. Le nom contribue ainsi à l’affirmation de l’identité propre du berbère musulman maghrébin différente évidemment de celle du musulman d’Orient. Une différence fondamentale relevée d’ailleurs par les historiens qui les distinguent anthropologiquement et géographiquement par les dénominations d’Orient musulman et Occident musulman. Ce dernier se caractérise essentiellement par l’intégration de la civilisation berbère grâce au contenu universaliste et égalitariste de l’Islam qui a permis à la culture berbère dans des domaines différents comme l’art, la poésie, la philosophie, la mystique ou encore l’architecture et la musique, d’être au fondement de la civilisation maghrébo-andalouse (et non pas arabo-andalouse, le mot « arabe » ayant une connotation simplement linguistique non ethnique).

En définitive, on peut dire qu’au bout d’un long processus scripturaire, La Kahéna de notre auteur devient un symbole identitaire d’une grande originalité. Exprimant une androgynie problématique grâce à sa structure et à la constante contamination du toponyme et de l’anthroponyme, la villa de Louis Bergagna représente ainsi un symbole tout aussi ambivalent que l’identité algérienne, un symbole qui conduit donc cette dernière du despotisme de la racine unique vers la libre pluralité rhizomatique. Glorifiée et sacralisée, La Kahéna est alors érigée en emblème de la permanence de l’identité algérienne qui déconstruit toute idéologie réductrice21, y compris celle de l’arabisme abusif qui se réfère exclusivement au passé arabo-musulman dans sa définition de la nation algérienne.

Il faut souligner par ailleurs que toutes les ambivalences qui travaillent ce symbole sont emblématiques de l’insaisissabilité et de l’instabilité de cette identité. Ces ambivalences prouvent ainsi que l’auteur fait face à une véritable impasse lorsqu’il s’agit de cerner ou de définir l’identité algérienne. C’est ainsi que l’écriture remet en cause, en le dépassant, le présupposé idéologique selon lequel l’identité pourrait s’incarner et être fixée dans un symbole immuable, à savoir la figure de La Kahéna.

1 La Kahéna ou « El Kāhina » en arabe, désigne la reine guerrière berbère des Aurès qui a combattu vers la fin du VIIème siècle les troupes arabes

2 BACHI, Salim. La Kahéna, Paris, éditions Gallimard, coll. « nrf », 2003.

3 Le titre de « Lalla » peut être considéré comme l’équivalent de « Sidi » (=seigneur), titre de noblesse masculin. Ces deux titres sont attribués

4 La personnification est définie par Fontanier comme étant un procédé qui « consiste à faire d’un être inanimé, insensible, ou d’un être abstrait et

5 Notons que le procédé de personnification s’étend parfois sur plusieurs lignes ou plusieurs pages, comme on peut retrouver le même procédé dans

6 C’est nous qui soulignons.

7 Une gradation renforcée d’ailleurs au niveau lexical lorsque la maison donne à voir, dans un ordre de valeur croissant : trois étages, quatre

8 « Etrange demeure », « cette maison (…) énigmatique », dit en effet le narrateur respectivement aux pages 57 et 236.

9 Puisque la guerre relève principalement et surtout dans une société patriarcale, du domaine presque exclusif de l’homme.

10 Puisque la maison est bâtie par Louis Bergagna qui représente l’image du patriarche et c’est aussi dans ce lieu que les pères se réconcilient avec

11 Nous empruntons cette expression à I. Abdoun qui écrit à propos de Nedjma laquelle est d’ailleurs une figure à rapprocher de La Kahéna de Salim

12 Rhizomatique en référence au rhizome qui, à l’origine, désigne une plante qui donne naissance à des racines adventives et à des tiges aériennes. C’

13 C’est nous qui soulignons.

14 Comme nous pouvons citer dans le même sens une autre phrase à la page 129 qu’on peut considérer comme une redondance de celle-ci : « les colonnes

15 Les parenthèses dans ce texte permettent de différencier ici la description du paysage le jour de la description du même paysage la nuit où l’on

16 Nous délimitons par des crochets le passage poétique analysé ici.

17 C’est nous qui soulignons.

18 Or on sait aujourd’hui que la guerrière des Aurès était chrétienne plutôt que juive ou païenne, comme l’affirme Gabriel Camps : « cette femme qui

19 La méfiance et l’aversion réciproques entre juifs et musulmans remontent, au-delà de la fin de la deuxième guerre mondiale où les Nations Unies

20 DEJEUX, Jean. Femmes d’Algérie : Légendes, Traditions, Histoire, Littérature, Paris, éd., Boîte à Document, 1987, p. 77.

21 C’est dans le même sens que Salim Bachi déclare dans un entretien accordé à Ahmed Cheniki : « Non l'Algérie n'est pas seulement arabe, elle n'est

Corpus

BACHI, Salim. La Kahéna, Paris, éditions Gallimard, coll. « nrf », 2003.

Ouvrages critiques

Abdoun, M. I. (2006). Lecture(s) de Kateb Yacine (Casbah). Alger.

Dejeux, J. (1987). Femmes d’Algérie : Légendes, Traditions, Histoire, Littérature (Boîte à documents). Paris.

Dictionnaire des noms communs et des noms propres. (2010) (Hachette). Paris.

Fontanier, P. (1968fontanier). Les figures du discours (Flammarion). Paris.

Sasso, R., & Villani, A. (2003). Le vocabulaire de Gilles Deleuze (sous la direction de Robert Sasso et Arnaud Villani. Les Cahiers de Noesis, (3). Consulté à l’adresse https://frama.link/8SwVm_rE

toponyme. (s. d.). Consulté 11 janvier 2019, à l’adresse https://fr.wiktionary.org/wiki/toponyme

1 La Kahéna ou « El Kāhina » en arabe, désigne la reine guerrière berbère des Aurès qui a combattu vers la fin du VIIème siècle les troupes arabes lors des Foutouhat El Islāmia – l’expansion islamique – en Afrique du Nord. Son vrai nom est Dihya mais dans la majorité des travaux de recherche menés sur cette figure historique, c’est surtout son nom de guerre La Kahéna qui a été retenu.

2 BACHI, Salim. La Kahéna, Paris, éditions Gallimard, coll. « nrf », 2003.

3 Le titre de « Lalla » peut être considéré comme l’équivalent de « Sidi » (=seigneur), titre de noblesse masculin. Ces deux titres sont attribués, par exemple, autrefois en Kabylie aux « Marabouts » (Imrabḍen) qui forment une tranche populaire très respectée, voire même dans certains cas, vénérée en raison des mythes généalogiques colportés à leur sujet allant jusqu’à soutenir qu’ils sont de lignée mohammadienne.

4 La personnification est définie par Fontanier comme étant un procédé qui « consiste à faire d’un être inanimé, insensible, ou d’un être abstrait et purement idéal, une espèce d’être réel et physique, doué de sentiment et de vie, enfin ce qu’on appelle une personne ; et cela, par simple façon de parler, ou par une fiction toute verbale, s’il faut le dire. Elle a lieu par métonymie, par synecdoque, ou par métaphore ». FONTANIER. Les figures du discours, Paris, Flammarion, 1968, p. 111.

5 Notons que le procédé de personnification s’étend parfois sur plusieurs lignes ou plusieurs pages, comme on peut retrouver le même procédé dans différents endroits du texte. Il s’agit donc dans La Kahéna d’une sorte de personnification filée, comme la désignerait Patrick Bacry. In BACRY, Patrick. Les figures de style et autres procédés stylistiques, Paris, éd., Belin, coll. « Sujets », 1992.

6 C’est nous qui soulignons.

7 Une gradation renforcée d’ailleurs au niveau lexical lorsque la maison donne à voir, dans un ordre de valeur croissant : trois étages, quatre fenêtres, des degrés en quinconce (du latin quincunx), disposés en groupes de cinq.

8 « Etrange demeure », « cette maison (…) énigmatique », dit en effet le narrateur respectivement aux pages 57 et 236.

9 Puisque la guerre relève principalement et surtout dans une société patriarcale, du domaine presque exclusif de l’homme.

10 Puisque la maison est bâtie par Louis Bergagna qui représente l’image du patriarche et c’est aussi dans ce lieu que les pères se réconcilient avec leurs fils : « Ici (dans la maison), les pères et les fils se rencontraient grâce à de vieux papiers abandonnés, éparpillés comme les existences qu’ils relataient » (p. 193). C’est le cas en effet de Hamid Kaïm qui renoue avec son patriarche grâce aux carnets de son père qu’il n’a pas eu l’opportunité de connaître. La maison de Bergagna est aussi « le cadeau ultime » que fit le père d’Ali Khan à son fils, le sauvant sûrement du morcellement de l’être en le réenracinant dans la généalogie patriarcale.

11 Nous empruntons cette expression à I. Abdoun qui écrit à propos de Nedjma laquelle est d’ailleurs une figure à rapprocher de La Kahéna de Salim Bachi : « A la fois Salammbô, Sultane, Vestale, Cendrillon, ogresse […] elle est le lieu d’un syncrétisme culturel et idéologique » (c’est I. Abdoun qui souligne) In ABDOUN, Ismaïl. Lecture(s) de Kateb Yacine, Alger, Casbah éditions, 2006, p. 33.

12 Rhizomatique en référence au rhizome qui, à l’origine, désigne une plante qui donne naissance à des racines adventives et à des tiges aériennes. C’est Gilles Deleuze et Félix Guatarri qui ont eu le mérite d’introduire le rhizome dans la philosophie en lui donnant un sens métaphorique. C’est donc un concept qui représente un modèle descriptif et épistémologique dont les éléments ne suivent pas une organisation hiérarchique selon un schéma arborescent. Il peut être donc défini comme « un système ouvert de « multiplicité » sans racines, reliées entre elles de manière non arborescente, dans un plan horizontal qui ne présuppose ni centre ni transcendance ». In SASSO, Robert & VILLANI, Arnaud. Le vocabulaire de Gilles Deleuze. Les cahiers de Noesis n°3, CRHI, Paris, 2003, p. 359.

13 C’est nous qui soulignons.

14 Comme nous pouvons citer dans le même sens une autre phrase à la page 129 qu’on peut considérer comme une redondance de celle-ci : « les colonnes doriques se dressaient contre la nuit, immatérielles, gardiennes ambivalentes de La Kahéna. (p. 129) (Nous soulignons).

15 Les parenthèses dans ce texte permettent de différencier ici la description du paysage le jour de la description du même paysage la nuit où l’on remarque d’ailleurs une différence de prédominance des couleurs, des parfums et des sons, selon que le narrateur est en plein jour ou en pleine nuit.

16 Nous délimitons par des crochets le passage poétique analysé ici.

17 C’est nous qui soulignons.

18 Or on sait aujourd’hui que la guerrière des Aurès était chrétienne plutôt que juive ou païenne, comme l’affirme Gabriel Camps : « cette femme qui se nommait Dihia et que nous savons maintenant avoir été chrétienne, (…) ». In CAMPS, Gabriel. Les berbères. Mémoire et identité, Alger, éditions Barzakh, 2011, p. 136.

19 La méfiance et l’aversion réciproques entre juifs et musulmans remontent, au-delà de la fin de la deuxième guerre mondiale où les Nations Unies attribuèrent des terres palestiniennes au peuple juif, aux récits bibliques et coraniques où dans les uns, le fils promis qui devait hériter des promesses de Dieu à Abraham c’est Isaac, et dans les autres c’est Ismaël. Mais notons également que malgré cette antagonisme millénaire, Arabes et Juifs ont vécu plusieurs siècles en relative paix, voire en parfaite harmonie à l’âge d’or de l’Andalousie par exemple.

20 DEJEUX, Jean. Femmes d’Algérie : Légendes, Traditions, Histoire, Littérature, Paris, éd., Boîte à Document, 1987, p. 77.

21 C’est dans le même sens que Salim Bachi déclare dans un entretien accordé à Ahmed Cheniki : « Non l'Algérie n'est pas seulement arabe, elle n'est pas seulement berbère, elle n'est pas seulement française ou romaine. Si l'on veut exalter une seule de ces virtualités historiques, l'on se trompe et l'on commet un crime mémoriel. Voilà ce que veulent dire certains de mes livres. » Entretien disponible sur : http://cultures-algerie.wifeo.com/entretien2-cheniki.php Consulté le 25/02/2017.

Faiza Idir

Université d’Alger 2

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