Introduction
Le mouvement contestataire algérien s’est caractérisé par une production discursive particulière où l’humour en a constitué le moteur. L’humour raisonne lorsque s’articulent plusieurs voix. La capacité de discernement et d’interprétation de ces voix, qui repose principalement sur les prédiscours et les savoirs partagés, passent par la déconstruction et la reconstitution du sens chez le producteur du discours en premier lieu et le récepteur-interprète en deuxième lieu. Cet article, s’assigne comme objectif de retracer le parcours de production et d’interprétation de l’humour et de mettre en exergue les différents types inférences auxquelles les manifestants algériens ont fait appel. À cette fin, nous adopterons l’approche ScaPoLine ascendante selon les trois étapes suivantes :
-
L’analyse linguistique à travers laquelle nous étudierons la structure polyphonique (structure-p),
-
L’analyse énonciative et textuelle où nous passerons de la structure –p des énoncés au discours : nous entendons la mise en évidence des réseaux sémantiques qui se dessinent en filigrane à travers la logique de l’inférence,
-
L’interprétation discursive qui vise à déterminer le rôle des paramètres prédiscursifs dans l’interprétation de ce discours grâce auxquels les êtres discursifs seront liés à une situation réelle ou environnement externe.
Une fois le cadre théorique posé, nous projetons d’analyser un corpus composé d’une sélection de pancartes brandi lors des manifestations durant la séquence temporelle du 22/02/2019 au 03/05/2019
1. Cadre théorique
1.1. Humour dans le discours politique ou humour politisé
L’humour reste un phénomène complexe qui ne fait pas consensus parmi les spécialistes et l’abondances de la littérature à ce sujet l’atteste. Dans un souci de concision, nous invitons notre lecteur à consulté (Charaudeau, Des catégories pour l’humour?, 2006) où l’auteur revient sur cette question, expose longuement les différents avis et propose une catégorisation de l’humour qu’il révise en 2011 dans un article intitulé : « Des catégories pour l’humour. Précisions, rectifications, compléments ». Dans son premier article, Charaudeau considère l’humour comme un fait de discours et une catégorie générique :
« Les actes humoristiques relèvent rarement d’une seule catégorie. Ici, nous nous trouvons en présence d’un fait de discours qui, peut-être plus que d’autres, joue sur la pluralité des sens, ce qui en fait son charme. Le sens d’un fait humoristique dépend de la combinaison de plusieurs catégories qui peuvent coexister […] De ce fait, on ne dira pas, à l’instar de certains écrits, que l’humour est un genre. L’acte humoristique participe des différentes stratégies discursives dont dispose un sujet parlant pour tenter, à l’intérieur d’une situation de communication particulière, de séduire l’interlocuteur ou l’auditoire en produisant des effets de connivence divers. Cependant, il peut s’ériger en genre lorsqu’il s’annonce et se donne à consommer pour tel. » (Charaudeau 2011 : ? ? ?)
Cette position ne change pas radicalement dans le second article, mais il propose une nouvelle catégorie :
« Peut-être faudrait-il prévoir une catégorie d’allusion, qui nous permettrait par la même occasion de comprendre pourquoi, au-delà de la découverte du jeu, les effets peuvent être contradictoires. » (Charaudeau, 2011 : ? ? ?).
En somme, à travers ces deux articles, Charaudeau fait de l’humour une catégorie englobante dépendante des situations de communication dans la mesure où la coexistence ou non des catégories énonciatives particulières; ironie, sarcasme, dérision, plaisanterie, allusion… crée par un jeu sémantique l’acte humoristique.
Dans la conjoncture politique génératrice de notre corpus, l’humour est saisi comme stratégie discursive libératrice, un instant qui permet de :
« s’affronter au langage, se libérer de ses contraintes, qu’il s’agisse des règles linguistiques (morphologie et syntaxe) ou des normes d’usage (emplois réglés par des conventions sociales en situation) ce qui donne lieu à des jeux de mots ou de pensée […] Dès lors, on pourrait se demander si le mécanisme qui produit de l’humour serait le même que celui qui produit de la poésie, dans son double processus de transformation des visions du monde et de partage du plaisir. Si humour et poésie partagent un principe de plaisir, la poésie, en plus, vise à révéler une vérité. » (Charaudeau, 2011 : ? ? ? ?)
Dans le même ordre d’idée, Nelly Quemener revient sur les analyses faites du discours humoristique et explique que :
« […] dans la plupart des cas analysés, l’énoncé humoristique n’est pas uniquement constitué de procédés langagiers à destination d’une cible, mais consiste en une mise en récit et en scène d’un personnage ou d’une vision du monde dont les thématiques fictives ou d’actualité sont les ressources, et dont la tonalité (ironie, moquerie, autodérision) produit et résulte de la position du sujet énonciateur. » (Quemener, 2009 : ? ? ? ?)
Ces conceptions de l’humour, et du rire en général, expliquent le choix de la ScaPoLine comme cadre théorique.
1.2. La ScaPoLine
Dans une démarche qui rappelle celle entreprise par Rastier en sémantique textuelle, un de ses principe fondateur de La ScaPoLine ou théorie scandinave de la polyphonie est la relation forme – sens :
« […] même si la ScaPoLine est une théorie strictement linguistique dans la mesure où son objet d’étude est la langue, son but ultime est de prévoir et d’expliquer les interprétations auxquelles donnent lieu les énoncés et les textes. » (Nølke H. F. 2004 : ? ? ?)
et expliquent nettement que cette relation constitue le pivot de leur démarche qui consiste en la précision des « instructions qu’apporte la forme linguistique pour l’interprétation du texte ». L’année suivante, en 2005 dans le cadre d’une ScaPoLine étendue, les théoriciens de la ScaPoLine Rappellent que :
« La ScaPoLine, telle que cette théorie est élaborée […], traite en principe uniquement de la structure polyphonique (structure-p), qui est un fait de langue; la structure-p se compose d’instructions, posant des contraintes sur l’interprétation. Pour interpréter une phrase avec sa structure-p, nous passons tout d’abord à son énoncé, plus précisément au niveau de la configuration polyphonique, qui est un fait de parole […]. La configuration joue un rôle primordial dans notre approche méthodologique élaborée pour l’analyse de différentes unités allant des mots isolés au texte ou à l’œuvre, En prenant notre point de départ dans la structure-p, nous passons d’abord à la configuration, qui sert de pont aux analyses textuelles, pour ensuite passer aux analyses proprement discursives, tenant compte du contexte dans lequel l’œuvre en question est pr oduite. Il s’agit ici d’une notion de contexte large, comprenant les facteurs pertinents pour l’interprétation de l’œuvre, notamment le genre, la thématique et les personnages. » (Nølke H. F., 2005 : ? ? ?).
1.3. Logique d’inférences dans la ScaPoLine
Un nombre important d’études ont interrogé la notion d’inférence. Il n’est pas question, ici de les reprendre toutes, mais de passer en revue les principales approches en relation avec la thématique abordée dans cet article afin de souligner l’apport de La ScaPoLine. Pour Michel Fayol le processus inférentiel concerne « les informations nécessaires à l’activité de compréhension, mais qui ne sont pas explicitement évoquées dans le texte lu ou entendu » (Fayol 2003 : ? ? ?). Ces informations nécessaires à l’activité de compréhension et d’interprétation dans un second temps, dépendent des connaissances encyclopédiques relatives à un contexte. Selon la théorie de la pertinence élaborée par Sperber et Wilson les processus inférentiels de nature déductive sont
« rendus possibles par le fait que le locuteur et l’interlocuteur se prêtent mutuellement des croyances, des désirs et des intentions. Interpréter un énoncé revient, en termes de communication onstensive-inférentielle, à formuler des hypothèses visant à attribuer à son locuteur une intention informative et une intention communicative ». (Bracops, 2006 : ? ? ?)
Ces hypothèses sont particulièrement intéressantes et caractéristiques de l’énoncé ironique, objet de cet article, dans la mesure où l’ironie et la métaphore sont les manifestations du discours figuratif. Par définition, le discours figuratif exprime « une proposition inexacte, mais offre suffisamment d’implications contextuelles communes avec la pensée représentée. » (Bracops, 2006 : ? ? ?)
La conception de Brocops rejoint, mutatis mutandis, la notion d’inférence que propose la version 2008 de La ScaPoLine, en effet la logique d’inférences est définie comme :
« L’ensemble des topoï appliqués dans un discours particulier constitue une logique d’inférences associée à un être discursif. Cet ê-d est appelé le raisonneur. Le locuteur de l’énoncé est raisonneur par défaut, car les relations logiques se fondent le plus souvent sur la logique du locuteur qui présente son raisonnement hic et nunc. Il peut cependant s’agir de n’importe quel autre ê-d construit par LOC. Cela arrive souvent dans le discours représenté (ou rapporté) où il est souvent difficile de voir qui est raisonneur. » (Nølke H. F. 2008 : ? ? ?)
Il s’agit, ici, d’un procédé polyphonique que nous aurons l’occasion de détailler et d’exemplifier lors de l’analyse de notre corpus.
2. Analyse du corpus
Comme nous l’avons souligné en introduction, notre analyse s’appuie sur l’approche ascendante que propose la ScaPoLine. L’analyse ascendante est subdivisée en trois étapes où chacune constitue le point de départ de la suivante comme suit
2.1.Analyse de la structure polyphonique (structure-p)
Il est question de déterminer la structure-p et de repérer des différents êtres discursifs. La ScaPoLine distingue deux principaux types de point de vue (Pdv) :
-
Les Pdv « Indépendants des autres pdv du même énoncé, c’est-à dire que leur contenu sémantique se laisse décrire isolément de manière « atomique ». (P34)
-
Les Pdv complexes : “Les points de vue complexes mettent en jeu plusieurs pdv, dans la mesure où ils expriment le rapport entre plusieurs pdv pour cerner leur sémantique (Nølke & Olsen 2000b: 51-52). Ils prennent la forme d’instructions dont au moins un des termes est saturé par un autre pdv.”
Rappelons-le, notre corpus est composé de discours humoristique qui « Comme tout acte de langage, l’acte humoristique est la résultante du jeu qui s’établit entre les partenaires de la situation de communication et les protagonistes de la situation d’énonciation » (Charaudeau & Maingeneau, Dominique, Dictionnaire d’analyse du discours, 2002).
Dans la ScaPoLine les être discursifs sont définis par « leur capacité à saturer les sources des pdv. » (Nølke H. F. 2009 : ? ? ?).
Parmi les trois êtres discursifs distingués par la ScaPoLine, la première personne/le locuteur qui « construit toujours au moins un pdv dont le locuteur être discursif assume la responsabilité. » (Nølke H. F 2009 : ? ? ?) Toutefois, cette règle n’est pas vérifiée dans le cas de l’ironie où le locuteur prend de la distance par rapport à son point de vue. Le locuteur est à son tour repartie en trois êtres discursifs : le locuteur textuel, le locuteur de l’énoncé et le locuteur d’énoncé.
Le deuxième type d’être discursif est l’allocutaire, à ce niveau est également distingué l’allocutaire textuel de l’allocutaire d’énoncé.
Enfin et en troisième catégorie la ScaPoLine propose les tiers qui peuvent être représentés par les pronoms de la troisième personne, par les noms propres ou par les syntagmes nominaux. Au même titre que les deux premières catégories, la ScaPoLine distingue les tiers textuels des tiers d’énoncé subdivisés à leur tour en tiers individuels et des tiers collectifs.
Tableau 1 : Analyse de la structure -p de notre corpus
Énoncé humoristique du corpus |
Énoncé d’origine |
Type de point de vue |
|
P1 Vous êtes Mal barré. |
PDV.I |
||
P2 Votre système nuit gravement à notre santé. |
PDV. I |
||
P1 : Bouteflika Mayday, Mayday, Mayday |
Mayda, Mayday, Mayday |
PDV.I |
|
P2 Code 7700 |
/ |
PDV. I |
|
P3 Tour de contrôle Négatif… le peuple s’est réveillé, ton crash est imminent |
|
PDV. I |
|
PDV. I |
|||
E3 |
P1 Imaginé en Algérie. |
PDV.C |
|
PDV.C |
|||
P2 Pétro peuple. |
PDV.C |
||
P3 Lotion anti poux-voir. |
PDV.C |
||
P4 Démêlent toutes les situations. |
PDV.C |
||
P5 Naturellement Sylmiya. |
PDV.C |
||
P6 By Algeria. |
PDV.I |
Énoncé humoristique du corpus |
Énoncé d’origine |
Type de point de vue |
|
P1 On veut un président fils unique |
|
PDV.C |
|
P2 La foule |
PDV.C |
||
PDV.C |
|||
P1 Nouveau |
PDV.C |
||
PDV.I |
|||
P3 Boutelsika |
PDV.I |
||
P4 La colle qui dure 20 ans |
PDV.C |
||
P1 Expo |
PDV. I |
||
P2 Toutaflika Le trésor du pharaon |
PDV.I |
||
PDV.I |
|||
P4 expo depuis 20 ans |
PDV.I |
||
P5, mais personne ne l’a vue |
PDV.C |
Énoncé humoristique du corpus |
Énoncé d’origine |
Type de point de vue |
|
/ |
PDV.I |
||
P2 Partez, laissez-nous faire le parterre. |
|
PDV.I |
|
P3 La personne qui a brandi la pancarte (un homme âgé). |
PDV.I |
||
|
PDV.I |
||
PDV.C |
|||
|
PDV.I |
||
PDV.C |
|||
P1 Wanted |
PDV.C |
||
P2 19 th anniversary edition |
PDV.C |
||
PDV.C |
|||
P5 Le con |
PDV. I |
||
PDV.C |
|||
P5 L’abruti |
PDV.I |
||
PDV.C |
|||
P7 Et le truand |
PDV.I |
Énoncé humoristique du corpus |
Énoncé d’origine |
Type de point de vue |
|
P1 Bouteflop |
Boutef+ flop |
PDV.C |
|
/ |
PDV.I |
||
P3 Système |
/ |
PDV.C |
|
P4 Fraudeur |
/ |
PDV.C |
|
P5 Lâches |
/ |
PDV.C |
|
P6 Narcos |
/ |
PDV.C |
|
Enoncé humoristique du corpus |
Enoncé d’origine |
Type de point de vue |
|
P1 Vous êtes Mal barré. |
PDV.I |
||
P2 Votre système nuit gravement à notre santé. |
PDV. I |
||
P1 : Bouteflika Mayday, Mayday, Mayday |
Mayda, Mayday, Mayday |
PDV.I |
|
P2 Code 7700 |
/ |
PDV. I |
|
P3 Tour de contrôle Négatif …le peuple s’est réveillé, ton crash est imminent |
|
PDV. I |
|
PDV. I |
Énoncé humoristique du corpus |
Énoncé d’origine |
Type de point de vue |
|
E3 |
P1 Imaginé en Algérie. |
PDV.C |
|
PDV.C |
|||
P2 Pétro peuple. |
PDV.C |
||
P3 Lotion anti poux-voir. |
PDV.C |
||
P4 Démêlent toutes les situations. |
PDV.C |
||
P5 Naturellement Sylmiya. |
PDV.C |
||
P6 By Algeria. |
PDV.I |
||
P1 On veut un président fils unique |
|
PDV.C |
|
P2 La foule |
PDV.C |
||
PDV.C |
|||
P1 Nouveau |
PDV.C |
||
PDV.I |
|||
P3 Boutelsika |
PDV.I |
||
P4 La colle qui dure 20 ans |
PDV.C |
Énoncé humoristique du corpus |
Énoncé d’origine |
Type de point de vue |
|
P1 Expo |
PDV. I |
||
P2 Toutaflika |
PDV.I |
||
PDV.I |
|||
P4 expo depuis 20 ans |
PDV.I |
||
P5, mais personne ne la vue |
PDV.C |
||
/ |
PDV.I |
||
P2 Partez, laissez-nous faire le parterre. |
|
PDV.I |
|
P3 La personne qui a brandi la pancarte (un homme âgé). |
PDV.I |
||
|
PDV.I |
||
PDV.C |
|||
|
PDV.I |
||
PDV.C |
|||
P1 Wanted |
PDV.C |
||
P2 19 th anniversary edition |
PDV.C |
||
PDV.C |
|||
P5 Le con |
PDV. I |
||
PDV.C |
|||
P5 L’abruti |
PDV.I |
||
PDV.C |
|||
P7 Et le truand |
PDV.I |
||
P1 Bouteflop |
Boutef+ flop |
PDV.C |
|
/ |
PDV.I |
||
P3 Système |
/ |
PDV.C |
|
P4 Fraudeur |
/ |
PDV.C |
|
P5 Lâches |
/ |
PDV.C |
|
P6 Narcos |
/ |
PDV.C |
PDV. I : point de vue indépendant. PDV. C : point de vue complexe.
La première observation qui ressort de l’analyse de notre corpus, est l’importance de la plurisémioticité du discours dans la production de la structure-p P2 (E10), P 3, P4 et P6 (E9), P1et P3 (E8), P1et P3 (E7), P2 (E5), P2 (E3), P2 et P3 (E4), P4 (E2)). En effet, nous avons montré que la structure-p n’est pas exclusivement de nature linguistique.
La deuxième observation concerne l’analyse de la structure -p des énoncés constitutifs de notre corpus et qui montre que le recours à des pvd complexes sont liés aux structures-p de nature non linguistiques. Tandis que les pdv indépendants et complexes ont été observés indifféremment lorsqu’il s’agit de structure-p de nature linguistique.
2.2. Rendre compte des relations transphrastiques
Dans notre cas, il s’agit de mettre en évidence des réseaux sémantiques inférentiels en liant les ê-d à une situation réelle (ou fictive). Cette mise en relation nécessite le passage polyphonique (pp) :
“Le PP constitue une sorte d’univers clos tout en constituant un pont réunissant les énoncés individuels au texte entier : il représente le point final (quoique provisoire) de la restructuration énonciative qui transforme de petits fragments énonciatifs en plus grandes unités” (Nølke H.F. 1994 : ? ? ?)
Tableau 2 : Relations transphrastique
Enoncé/Structure-p |
Signification |
Interprétation possible à l’intérieur du texte |
|
|
Vous êtes mal barré |
Vous êtes dans de gros ennuis |
- Vous devez vous inquiéter. |
Votre système nuit gravement à notre santé |
Votre système est aussi nocif que la nicotine. |
||
|
Bouteflika : Mayday, Mayday, Mayday |
Dans le domaine de l’aviation, l’expression est utilisée quand la vie est en danger. |
- Le signal de détresse lancé par Bouteflika a reçu une réponse négative. |
Code 7700 |
Signal de détresse. |
||
Tour de contrôle : Négatif… le peuple s’est réveillé, ton crash est imminent |
Réponse négative |
||
L’environnement du discours. |
Enoncé/Structure-p |
Signification |
Interprétation possible à l’intérieur du texte |
|
|
P1 Imaginé en Algérie. |
Rêver, supposer …en Algérie |
-L’environnement socio-politique de l’énoncé. |
Les couleurs du drapeau algérien. |
-L’environnement géographique et culturel de l’énoncé. |
||
P3 Pétro peuple. |
Pétro abréviation pétrole. |
-La résolution de la crise politique en Algérie ne peut pas se faire sans le peuple. C’est le peuple qui décide. |
|
|
Lotion Un liquide à usage thérapeutique ou de soin. |
-Les membres du pouvoir sont assimilés à des poux. |
|
P5 Démêlent toutes les situations. |
Remettre en ordre ce qui est emmêlé. |
-Remettre en ordre le désordre qui prévaut au niveau du système politique en place. |
|
P6 Naturellement Sylmiya. |
Naturellement pacifique. |
-Le mode de changement doit être pacifique. |
|
P7 By Algeria. |
|
-Le changement s’opère grâce à l’action du peuple algérien. |
|
Usage de l’anglais. |
Alternance codique. |
Enoncé/Structure-p |
Signification |
Interprétation possible à l’intérieur du texte |
|
|
P1 On veut un président fils unique. |
|
-Allusion faite au frère et conseiller spécial de Bouteflika aux prérogatives d’un chef d’état. |
P2 La foule |
L’ensemble des manifestants qui représentent le peuple. |
Unanimité du peule sur la question du refus des pratiques de la fratrie Bouteflika. |
|
Visage avec larmes de joie. |
La revendication des manifestants est « si drôle que l’on en rit aux larmes. » (Signification Smileys) |
||
E5 |
P1 Nouveau |
Adjectif qui signifie vient de paraître. |
Avec « gratuit » le mot « nouveau », constituent les deux mots les plus accrocheurs dans le monde du marketing selon le site du marketeur français. (Night, 2019) |
Tube de colle de la marque Boutelsika contact. |
-On vient de mettre en vente une nouvelle colle super puissant. |
||
P3 Boutelsika |
Boute = partie du nom Bouteflika. |
-Pot de colle. |
Enoncé/Structure-p |
Signification |
Interprétation possible à l’intérieur du texte |
|
P4 La colle qui dure 20 ans |
Matière gluante adhésive qui dure 20 ans. |
20 ans c’est la durée que Bouteflika a passée en qualité de chef de l’état algérien. |
|
|
P1 Expo |
Abréviation d’exposition qui signifie : Présenter une œuvre au public. |
Bouteflika est au-devant de la scène politique. |
P2 Toutaflika |
Toutaflika |
-Bouteflika est un pharaon. |
|
Le chiffre 5 renvoie au 5ème mandat qu’ambitionnait de briguer Bouteflika. |
-Le chiffre 5 remplace les attributs pharaoniques; le flagellum Nekhekh et le spectre Héqa. |
||
P 4 Expo depuis 20 ans. |
Exposé au public depuis 20 ans. |
Bouteflika à la tête de l’état durant vingt ans soit deux fois plus que Toutânkhamon. |
Enoncé/Structure-p |
Signification |
Interprétation possible à l’intérieur du texte |
|
P5, mais personne ne la vue. |
Mais personne ne s’est rendu compte. |
-Cette œuvre exposée est médiocre au point de n’intéresser personne depuis 20. |
|
|
Balai ustensile ménager qui sert à se débarrasser de la poussière et des ordures. |
Les politiciens appartenant au système sont comparés à des ordures, des bactéries, des champignons et des virus dont il faut absolument s’en libérer afin de vivre dans un environnement plus sain. |
|
P2 Partez, laissez-nous faire le parterre. |
Usage du mode impératif |
-Le départ du système est une exigence populaire. |
|
P3 La personne qui a brandi la pancarte (un homme âgé). |
Toutes les catégories et les tranches d’âges sont impliqués dans le mouvement de contestation. |
La répugnance à l’égard du système politique en place est générale. |
Enoncé/Structure-p |
Signification |
Interprétation possible à l’intérieur du texte |
|
|
Représentation d’une batterie pratiquement pleine. |
-Le peuple a suffisamment d’énergie pour atteindre ses objectifs. - Usage de l’arabe et du français pour une large diffusion du message. |
|
Le peule ici est défini par rapport à une culture et une religion afin d’inclure notre communauté à l’étranger. |
|||
Représentation d’une batterie pratiquement à plat. |
|||
L’autorité. |
|||
|
P1 Wanted |
Recherché |
Sidi Saïd, Ali Hadad et Saïd Bouteflika sont recherchés. Le peuple ne va pas les lâcher. |
P2 19 th anniversary edition |
|
||
Sidi Saïd endosse le rôle du con |
|||
P4 Le con |
Stupide, imbécile, idiot. |
||
Ali Haddad joue le rôle de l’abruti |
|||
P6 L’abruti |
Personne dénuée d’intelligence. |
||
|
|||
P8 et le truand |
Malfaiteur, hors-la-loi se distinguant par ses délits et ses crimes. |
Enoncé/Structure-p |
Signification |
Interprétation possible à l’intérieur du texte |
|
|
P1 Bouteflop |
Boutef = dimunitif de Bouteflika |
- Le système politique dirigé par Bouteflika a échoué. |
Les couleurs et le croissant et l’étoile symbole de l’Algérie |
|||
P3 Système |
Le régime. |
||
P4 Fraudeurs |
Celui qui se livre à la contrebande. |
||
P5 Lâches |
Abject, inavouable, ignoble, immonde, bas, méprisable |
||
P6 Narcos |
Trafiquants de drogue |
L’analyse des relations transphrastiques de notre corpus, s’organise en deux principales thématiques de protestation générant deux réseaux sémantiques :
-
Le premier réseau sémantique noué autour de la nécessité du départ du président et/ou du système.
-
Le deuxième réseau sémantique s’est constitué autour de la corruption du système.
2.3. Interprétation discursive des êtres discursifs
Dans cette dernière étape de l’analyse, les êtres discursifs seront liés à une situation réelle ou environnement externe :
« […] étape où l’on cherchera, entre autres à identifier les divers ê-d et à les lier à des êtres réels (ou fictifs dans une œuvre littéraire) afin de pouvoir proposer un sens global du texte. C’est ici que nous aurons recours au contexte dans lequel le texte est produit (contexte incorporant le genre, la thématique, les personnages). » (Henning Nølke, 2004)
Notre corpus présente deux types d’être discursifs; des êtres discursifs de nature linguistique et des êtres discursifs de nature plurisémiotique. En ce qui concerne les êtres discursifs nous avons pu constater, en plus des formes décrites par la ScaPoLine, des locuteurs qui existe dans leur discours non seulement à travers leurs points de vue, mais à travers leurs photos. ex. l’énoncé 4, 6 et 7. (Il y a lieu de noter que nous n’avons pas publié les images des personnes pour des raisons d’autorisation.).
L’interprétation discursive de ces êtres discursifs nécessite un ancrage dans l’environnement socio -politico-culturel de leur production et le recours à des connaissances encyclopédiques et des savoirs partagées autrement dit, aux prédiscours. A cet égard, l’énoncé 10 de notre corpus est caractéristique. L’interprétation de cet énoncé est tributaire des informations que peut avoir l’allocutaire – interprète du scandale qu’a suscité l’affaire Kamel Chiki (El Bouchi) et l’implication d’hommes politiques influents.
Les énoncé 6, et 9 présentent, également, des exemples intéressants quant au recours aux connaissances encyclopédiques et par la même à des inférences créatives afin de les interpréter.
La structure P4 du deuxième énoncé permet l’ancrage de l’énoncé dans son contexte de production sans le recours au linguistique.
Conclusion
Au terme de notre analyse, nous avons enregistré chez les manifestants le recours quasi-systématique à l’inférence. Le recours à l’inférence pragmatique était prédominant. Dans le cas de notre corpus, nous sommes en mesure de dire que l’interprétation est un processus de désambigüisation du discours aux niveaux lexical, syntaxique, pragmatique, énonciatif et numérique. En effet, il est important de souligner le rôle des traits technodiscursifs de notre corpus dans l’interprétation de la logique d’inférence.
Nous avons également, pu observer deux plans d’analyse; un plan linguistique caractérisé par à des procédés de création langagière tels que : l’alternance codique (ex. : by Algeria, naturellement Sylmiya…), la troncation, l’apocope, l’amalgame (ex. : Bouteflop, Boutelsika…) et un plan énonciatif et discursif où nous avons relevé le recours aux savoirs partagés et aux inférences pragmatiques (ex. : Nous voulons un président fils unique…)
L’interprétation de la logique d’inférence du discours contestataire des manifestants algériens, représenté par notre corpus, laisse transparaître une polyphonie prédiscursive. Nous entendons l’ensemble d’opérations linguistiques et non linguistique basée sur des connaissances culturelles et encyclopédiques nécessaires à la construction du sens. Toutefois, La ScaPoLine ne prend pas en charge la nature plurisémiotique du discours qui devient incontournable à l’ère numérique.