La gestion et l’autocorrection d’erreurs orthographiques commises par des étudiants inscrits au DEFLE

إدارة وتصحيح الأخطاء الإملائية التي يرتكبها الطلاب المسجلون في DEFLE

Management and Self-Correction of Spelling Errors Committed by Students Enrolled in DEFLE

Khadidja Ouali

p. 419-430

Citer cet article

Référence papier

Khadidja Ouali, « La gestion et l’autocorrection d’erreurs orthographiques commises par des étudiants inscrits au DEFLE », Aleph, Vol 11 (3-1) | 2024, 419-430.

Référence électronique

Khadidja Ouali, « La gestion et l’autocorrection d’erreurs orthographiques commises par des étudiants inscrits au DEFLE », Aleph [En ligne], Vol 11 (3-1) | 2024, mis en ligne le 14 mai 2024, consulté le 17 juin 2024. URL : https://aleph.edinum.org/11981

L’objectif de cette étude est d’examiner et de comprendre les auto-corrections des erreurs orthographiques effectuées par des étudiants algériens inscrits au DEFLE (Département d’Études du Français Langue Étrangère) à l’université de Toulouse 2. Cette analyse est tirée d’un mémoire intitulé « Analyse d’erreurs en production écrite, commises par des étudiants algériens, en français langue étrangère » (2009). Ce mémoire avait déjà été publié dans la Revue algérienne des lettres (RAL) en 2018, où il était question d’analyser et de répertorier les différentes erreurs orthographiques. Cette contribution s’inscrit donc dans la continuité en se concentrant sur la distinction entre les erreurs de compétence et les erreurs de performance à travers le processus auto-correctif (après révision). En d’autres termes, elle vise à examiner comment les étudiants ont géré leurs erreurs lorsqu’ils ont révisé, en se penchant non seulement sur leur copie, mais aussi sur leur brouillon.

الملخص : تهدف هذه الدراسة إلى فهم وتحليل التصحيح الذاتي لأخطاء الإملاء التي يقوم بها الطلاب الجزائريون المسجلون في قسم دراسات الفرنسية كلغة أجنبية في جامعة تولوز 2. هذا التحليل مستمد من رسالة ماجستير بعنوان « تحليل أخطاء الإملاء في الإنتاج الكتابي التي ارتكبتها الطلاب الجزائريون في اللغة الفرنسية كلغة أجنبية » (2009). تم نشر هذه الرسالة بالفعل في مجلة الأدب الجزائرية (RAL) في عام 2018، حيث تم التركيز على تحليل وتصنيف الأخطاء الإملائية المختلفة. تأتي هذه المساهمة كتكملة لذلك من خلال التركيز على التفريق بين أخطاء الكفاءة وأخطاء الأداء من خلال العملية التصحيحية الذاتية (بعد المراجعة). بمعنى آخر، تهدف هذه المقالة إلى استكشاف كيفية تعامل الطلاب مع أخطائهم عند إعادة النظر في أعمالهم، وذلك من خلال النظر ليس فقط إلى نسخهم، ولكن أيضًا إلى مسوداتهم.

This study aims to examine and understand the self-corrections of spelling errors made by Algerian students enrolled in the DEFLE (Department of French as a Foreign Language Studies) at the University of Toulouse 2. This analysis is drawn from a master’s thesis titled « Analysis of errors in written production committed by Algerian students in French as a foreign language » (2009). This thesis had already been published in the Algerian Journal of Letters (RAL) in 2018, where the focus was on analyzing and categorizing different spelling errors. This contribution thus builds on that by focusing on distinguishing between competence errors and performance errors through the self-corrective process (after revision). In other words, this article aims to explore how students managed their errors when revising, by looking not only at their final drafts but also at their drafts.

Introduction

Il est généralement admis que l’orthographe française est difficile et pose problème même aux locuteurs francophones natifs. Elle l’est donc encore plus aux locuteurs algériens pour qui le français n’est pas la langue maternelle. Si l’on se réfère aux travaux de Catach (1980), l’orthographe du français est une écriture alphabétique qui est à plus de 80 % phonographique et dont la correspondance entre les phonèmes et les graphèmes est loin d’être régulière. En d’autres termes, cela signifie qu’il existe en français une pluralité de transcriptions d’un même phonème et une pluralité de valeurs pour une même graphie (selon le contexte d’apparition). Ajoutons à cela une morphologie du pluriel et du genre silencieuse dans la majorité des cas, c’est-à-dire marquée à l’écrit, mais pas à l’oral. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes posés la question suivante : est-ce que ces étudiants révisent et corrigent systématiquement leurs erreurs d’orthographe lorsqu’ils rédigent un texte ? Nous partons du principe que la production écrite est une activité complexe et coûteuse (recherche des idées, formulation, écriture, gestion de l’orthographe lexicale et grammaticale). Selon Fayol et Largy (1992), cette simultanéité provoque une surcharge cognitive qui augmente la probabilité de produire des erreurs. Nous émettons donc l’hypothèse que si certaines erreurs seront corrigées, d’autres ne le seront pas, car certaines règles ne seraient pas connues (erreurs de compétence) et d’autres règles sont connues, mais ne seraient pas assez automatisées (erreurs de performance). En somme, même si certains étudiants ne sont pas ignorants des règles et savent les appliquer, à un moment donné leur vigilance leur fera défaut et leurs erreurs seraient imputables non seulement à un manque de pratique de l’écrit, mais aussi, et surtout à la complexité du système orthographique français, comme nous allons le voir.

1. Petit rappel sur l’orthographe et le système graphique du français

L’écriture du français est phonétique, c’est-à-dire qu’elle s’attache à reproduire une suite de sons. Les écritures phonétiques peuvent être syllabiques (comme c’est le cas de l’arabe) ou alphabétiques (c’est le cas pour le français). Le système alphabétique établit un rapport entre les phonèmes (plus petite unité distinctive de la chaîne parlée) et les graphèmes (plus petite unité distinctive de la chaîne écrite).

Autrement dit, les lettres sont destinées à transcrire les sons ; chaque lettre ou groupe de lettres correspond à un son. Inversement, si chaque phonème correspond à un graphème unique, cela aboutirait à un système orthographique idéal, comme le précise Fayol (2005). Néanmoins, cela n’est pas toujours le cas. En effet, dans certaines langues, et surtout dans la langue française (qui compte 26 lettres pour 36 phonèmes), un phonème peut correspondre à plusieurs lettres. Par exemple, le son/o/peut s’écrire avec un « o » comme dans « pot », ou avec « au » comme dans « saut », ou avec « eau » comme dans « beau », ou encore avec « ô » comme dans « drôle ».

L’inverse est aussi vrai, puisqu’un graphème peut correspondre à plusieurs sons. Par exemple, la lettre « g » peut donner le son/g/dans « grotte » ou le son /Ʒ/dans « gilet », ou correspondre à aucun son comme dans « bourg ».

Enfin, il est également possible qu’un groupe de 2 ou 3 lettres correspondent à un seul son, par exemple : « an », « on », « ph », « ch », « gu » comme dans : « blanc », « bon », « pharmacie », « chat », « guitare », et dans ce cas on parlera de digramme, ou bien « ain » comme dans « pain » ou « eau » comme dans « ruisseau » et on parlera de trigramme.

« Ces exemples démontrent parfaitement que les lettres de l’alphabet en français ne servent pas toujours à indiquer des phonèmes, et que l’on est loin d’une correspondance terme à terme surtout en français ». (Ouali, 2009 : 35)

C’est la raison pour laquelle l’orthographe française est considérée comme étant « opaque » ou « profonde », car la relation entre les graphèmes et les phonèmes est très irrégulière. Inversement, si cette relation est très régulière, et que l’on se rapproche d’une correspondance terme à terme, on parlera dans ce cas d’une orthographe dite « de surface » ou « transparente », comme l’italien ou l’espagnol, tels que le précisent Jaffré et Fayol (1997 : 49).

2. Corpus et méthode

2.1. Méthodologie retenue pour l’analyse

Pour mener à bien notre étude et procéder à notre analyse, nous avons retenu la grille typologique des erreurs orthographiques de Nina Catach (1996). Cette grille présente l’avantage d’être assez exhaustive, puisqu’elle distingue 6 catégories d’erreurs selon leur nature : les erreurs à dominante phonogrammique, les erreurs à dominante morphogrammique, les erreurs à dominante logogrammique, les erreurs concernant les idéogrammes, les erreurs non fonctionnelles et les erreurs phonétiques. Nous relèverons et classerons uniquement les erreurs phonogrammiques, morphogrammiques et phonétiques, pour des raisons de faisabilité liées à la rédaction d’un article. Par la suite, nous tenterons d’expliquer l’origine de ces erreurs grâce aux travaux de Jaffré (1995), qui traite des différences entre l’oral et l’écrit, mais aussi grâce aux recherches de Fayol et Largy (1992), qui ont démontré ce qui impacte sur la performance orthographique.

2.2.Précisions sur le public et les modalités de recueil du corpus

La population interrogée est composée de cinq étudiants algériens (quatre garçons et une fille) inscrits au département du DEFLE à l’université de Toulouse 2 durant l’année universitaire 2005/2006. Ils ont tous approximativement le même parcours en FLE (c’est-à-dire le français enseigné à partir de la 4e année primaire). Après avoir passé un test linguistique organisé par le CIEP (Centre International d’Études Pédagogiques) afin d’évaluer leur niveau, ils ont été positionnés comme suit : deux étudiants inscrits en troisième année du DEFLE et trois étudiants inscrits en quatrième année du DEFLE. Ils ont donc, conformément au cadre de référence pour les langues, un niveau équivalent au B2.

En ce qui concerne la collecte des données, elle s’est effectuée de la manière suivante. Nous avons fait venir ces étudiants en dehors des heures de cours et nous leur avons proposé de rédiger une courte rédaction dont la consigne était : « Quels avantages aurait la maison du futur que vous imaginez ? ». Ce choix n’est pas fortuit, puisqu’il est motivé par le fait que, d’une part, la rédaction permet à l’étudiant d’avoir une certaine liberté pour s’exprimer et donc son attention ne sera pas focalisée sur l’orthographe (comme ce serait le cas pour une dictée). D’autre part, la description est un moyen pertinent pour caractériser et qualifier les objets, donc les accords devraient être nombreux, et les erreurs aussi. Pour leur production, ils ont une durée de 45 minutes et ont à leur disposition une feuille de réponse et un brouillon.

3. Analyse du corpus

3.1. Erreurs à dominante morphogrammique

Nous rappelons que les morphogrammes sont des unités chargées de transcrire les morphèmes. Les morphogrammes sont donc des graphèmes qui apportent une information autre que phonique (grammaticale ou lexicale). Nous observons deux types de morphogrammes : les morphogrammes lexicaux et les morphogrammes grammaticaux. Les morphogrammes lexicaux sont des unités ajoutées aux mots qui portent une signification lexicale ; ils donnent des informations sur la « famille » du mot, par exemple : le « t » de « port » donnera « portuaire ». Ainsi, les marques, le plus souvent finales, relient un mot (radical) à ses dérivés. Quant aux morphogrammes grammaticaux, ce sont des unités porteuses de signification d’ordre morphosyntaxique ; ils donnent des indications sur le nombre, le genre, la personne et le temps verbal. Par exemple : « un cheval/des chevaux », le graphème « aux » donne une indication sur le pluriel, ou encore « une petite maison », le graphème « e » ajouté à l’adjectif indique le genre féminin. Un dernier exemple avec « je marchais », la désinence « ai » indique le temps de l’imparfait et le « s » se rapporte à la première personne du singulier.

Remarque : les mots en gras indiquent les erreurs et les soulignements indiquent les corrections effectuées.

3.1.1. La flexion du genre

Étudiants

Brouillons

Copies

Fouad

– Ma future maison sera large et très spacieuse

– Ma future maison sera… large et très spacieuse
– elle sera charpenté

Mourad

Des maisons plus grandes, plus spacieuses…
La conception de nos futur maisons sera affecter…

Des maisons plus grandes, plus spacieuses…
La conception de nos futur maisons sera affecter

Abdelkader

Je pense que les maison de demain seront independante

Je pense que la maison de demain serai indépendante

Dalila

La maison du futur est une grande maison

La maison du futur est une grande maison belle et chaleureuse

Dans cette représentation synoptique figurant la progression du brouillon à la copie, il est aisé de remarquer que l’accord en genre est effectué aussi bien sur les brouillons que sur les copies correspondantes. Cela est le cas aussi bien lorsque l’accord de l’adjectif se fait par l’ajout d’un suffixe « spacieux/spacieuse » que lorsque l’accord en genre se forme par l’ajout du morphogramme grammatical « e » à la fin du mot et qui s’entend à l’oral « grand/grande ». Ainsi, la flexion en genre est réalisée lorsque l’opposition masculin/féminin est perçue aussi bien à l’écrit qu’à l’oral, comme l’indique Jaffré (1995).

En ce qui concerne les accords non effectués, on constate également deux choses. La première représente les erreurs avec une finale vocalique en/e/orthographiée « é » au lieu de « ée » comme c’est le cas pour « charpenté ». En effet, les participes passés employés comme adjectifs ayant une finale en « é » font leur féminin en « ée » par l’ajout du morphogramme grammatical « e » qui est seulement présent graphiquement, mais qui n’est pas prononcé à l’oral, d’où son oubli. La seconde représente également les erreurs portant sur les participes passés employés comme adjectifs orthographiés « er » au lieu de « ée » comme c’est le cas pour « affecter ». On constate ici une confusion dans la transcription du son/e/qui va être orthographié tantôt avec une flexion en « é » ou en « er ». De ce fait, l’étudiant a appliqué ici une règle de la langue qui n’est pas appropriée à savoir « quand deux verbes se suivent, le deuxième se met à l’infinitif », c’est ce qu’on appelle un procédé de surgénéralisation.

3.1.2. La flexion du nombre

3.1.2.1. Dans le groupe nominal

Étudiants

Brouillons

Copies

Mourad

Les bruits sonore

Des moment agréable

Nos futur maisons

Des miracles dans tous les domaines

Les bruits sonores

Des moments agréables

Nos futur maisons

Des miracles dans tous les domaines

Abdelkader

Pas mal de chose

Les tache de la vie

Les grosse facture et les coupure

Pas mal de chose

Les taches de la vie

Les grosse facture et les coupures

Fouad

Des fleurs et des arbres, fruitiers, des palmier

Des fleur et des arbres, palmier, fruitie

D’après le tableau ci-dessus, il est aisé de constater que, globalement, les accords en nombre ne sont pas systématiquement effectués. Ce qu’il en ressort, c’est que, d’une part, nous avons des cas où l’accord n’est pas effectué par l’apprenant, ni sur le brouillon, ni sur la copie malgré le fait d’avoir réécrit son texte (où il est censé appliquer le processus de révision afin d’améliorer sa production). Les accords non effectués peuvent porter aussi bien entre le déterminant et le nom qu’entre le nom et l’adjectif (ou le participe passé employé comme adjectif).

D’autre part, nous avons des accords effectués par l’apprenant uniquement sur sa copie et non sur son brouillon, ce qui démontre qu’il y a eu une révision et donc une amélioration des performances.

Ainsi, on peut dire que, dans le groupe nominal, l’accord en nombre de manière générale reste encore très irrégulier. Cela peut s’expliquer par le fait que la flexion du pluriel réalisée par l’ajout du morphogramme grammatical « s » (marque silencieuse) essentiellement graphique rend la tâche difficile d’écrire ce que l’on n’entend pas. Ces exemples illustrent parfaitement l’un des phénomènes qui contribuent à l’opacité du système orthographique français, comme l’atteste Fayol (2005).

3.1.2.2. Dans le groupe verbal

Étudiants

Brouillons

Copies

Dalila

Plusieurs pièces qui s’ouvrent et s’alument automatiquement

Les pièces de la maison s’ouvrent, se ferment et s’alument automatiquement

Fouad

Une cave qui sera lié a un garage

Un garage et une cave qui seron lié

Mourad

Les bruits qui viennent de l’extérieur

Les couleurs de l’intérieur se change

Les bruits sonores qui viennent de l’extérieur

Les couleurs interieurs se changent

Abdelkader

On y trouvent

Pas mal de chose qui nous facilite

Je pense que les maison de demain seront.

On y trouve

Pas mal de chose qui nous facilite

Je pense que la maison de demain serai

Dans le tableau ci-dessus, on remarque que les accords entre le sujet et le verbe sont généralement respectés, mais il y a des erreurs fréquentes dans les accords en nombre dans le groupe nominal. Les exemples montrent des cas d’autocorrections réussies, où les accords erronés des verbes avec leur sujet sur les brouillons ont été rectifiés sur les copies. Les apprenants semblent connaître les règles d’accord verbal, mais ils ont parfois du mal à les appliquer de manière automatisée, comme le montre l’exemple « qui nous facilite », qui reste incorrect. Cette difficulté peut être expliquée par le fait que la flexion du pluriel avec les verbes du premier groupe est silencieuse, ce qui rend l’application de la règle plus complexe.

La morphologie verbale du français présente une difficulté supplémentaire avec des finales homophones hétérographes, en particulier avec les verbes du premier groupe. En effet, pour un grand nombre de formes verbales qui se prononcent de la même façon, l’écrit présente des formes distinguées visuellement par la présence d’un morphogramme. Cette complexité peut rendre la morphologie verbale difficile à maîtriser pour les apprenants.

3.2. Erreurs à dominante phonogrammique

Les phonogrammes sont des graphèmes qui transcrivent les phonèmes dans une langue. Dans les langues à orthographe transparente, comme l’italien, la correspondance entre les phonèmes et les graphèmes est plus régulière, ce qui facilite la transcription de l’oral. En revanche, dans des langues comme le français, où la correspondance entre les phonèmes et les graphèmes est irrégulière, on parle d’orthographe opaque. Cette irrégularité rend la maîtrise de l’orthographe française plus complexe pour les apprenants.

Étudiants

Brouillons

Copies

Abdelkader

Pas mal de chôse
Les tache
Le gout
Le réffregerateur

Pas mal de chôse
Les taches
Le gout
Le reffregérateur

Mourad

Téchnologique
L’éxterieur

Téchnologique
L’éxterieur

Fouad

A coté
Qui sera lie

A coté
Qui seron lie

Dalila

Sale de bin
Des terrins
comandé

Sale de bin
Des terrins
commandé

On remarque d’après le tableau ci-dessus que les erreurs à dominante phonogrammique sont présentes aussi bien dans les brouillons que dans les copies. La majorité d’entre elles portent sur les accents (suppression ou adjonction de l’accent) ce qui démontre que les étudiants n’accordent pas assez d’attention à leur emploi. Cela peut s’expliquer par le fait que d’une part, ils ne connaissent pas les règles relatives aux accents (avec toutes les exceptions qu’elles comportent). Par exemple, on ne met jamais d’accent aigu sur la voyelle « e » qui précède un « x ». L’absence de connaissance de la règle a donc conduit l’étudiant à orthographier « extérieur » de manière erronée.

D’autre part, ils ne maitrisent pas l’orthographe lexicale (tel mot est caractérisé par telle graphie). En d’autres termes, il n’y a pas de règles spécifiques pour écrire tel ou tel mot, il faut donc les mémoriser, ce qui s’explique par un manque de lecture.

On peut également constater que les autres erreurs phonogrammiques portent non seulement sur les voyelles ce qui peut s’expliquer par la multiplicité des graphèmes pour représenter un même son. Elles peuvent aussi porter sur les consonnes, avec l’ajout de consonne double : « reffregerateur » au lieu de « réfrigérateur », ou avec la suppression de consonne double : « sale de bin » au lieu de « salle de bain ».

Ainsi, pour tous ces types d’erreurs relevées, on peut observer que dans la majorité des cas, elles ne sont pas corrigées, car elles n’altèrent pas la valeur phonique des unités, cela est donc dû à un manque de maitrise de l’orthographe lexicale.

3.3. Erreurs à dominante phonétique

Catach (1996) classe les erreurs phonétiques dans la catégorie des erreurs à dominante extragraphique, elles relèvent d’un écrit erroné dû à une mauvaise production orale ou à une production orale insuffisante. Elle y distingue les omissions de phonèmes « maitenant », au lieu de « maintenant » ou adjonction de phonèmes « herbre », au lieu de « herbe ». Cela porte également sur les confusions entre les consonnes « suchoter » au lieu de « chuchoter », et les confusions de voyelles « moner » au lieu de « mener ». Voyons en détail celles repérées dans notre corpus.

Étudiants

Brouillons

Copies

Abdelkader

Un poutagie

Des petite passin

La visselle

Le réffregerateur

Des poutagies

Des petit passin

La visselle

reffregérateur

Dalila

Jacozy

Jacozy

Dans notre corpus, nous avons relevé peu d’erreurs phonétiques par rapport aux autres catégories d’erreurs. On remarque d’après le tableau ci-dessus que les erreurs de nature phonétique sont présentes aussi bien dans les brouillons que dans les copies, et que ce sont principalement les voyelles qui sont incorrectes. Ce sont principalement des confusions entre les sons/o/et/u/, mais aussi entre les sons/i/et/e/, et dont chaque paire partage les mêmes traits articulatoires à l’exception du degré d’ouverture, qui n’est donc pas perceptible pour certains locuteurs arabophones.

Il faut toutefois souligner qu’elles proviennent majoritairement du même locuteur. Cela signifie qu’il ne distingue pas encore assez bien toutes les voyelles de la langue française et que les oppositions phonologiques ne sont pas maîtrisées. C’est donc un problème de perception, c’est pourquoi elles ne sont pas corrigées.

4. Résultats

Les erreurs orthographiques peuvent découler de plusieurs facteurs, notamment :

  1. Méconnaissance des règles orthographiques :  Les apprenants peuvent ne pas connaître toutes les règles orthographiques ou ne pas les appliquer correctement en raison d’un manque de compréhension.

  2. Manque de pratique et de lecture :  Une exposition limitée à la langue écrite peut entraîner un manque de familiarité avec l’orthographe des mots et des structures grammaticales.

  3. Influence de la langue maternelle :  Les différences entre la langue maternelle des apprenants et le français peuvent entraîner des erreurs orthographiques dues à des interférences linguistiques.

  4. Automatisation insuffisante :  Même si les apprenants connaissent les règles orthographiques, ils peuvent avoir du mal à les appliquer automatiquement lorsqu’ils écrivent, en raison d’un manque de pratique.

  5. Complexité du système orthographique français :  La langue française présente des particularités orthographiques qui peuvent être difficiles à maîtriser, telles que la pluralité des graphèmes pour un même phonème et vice versa.

Les caractéristiques des erreurs orthographiques peuvent varier en fonction de leur nature. Par exemple :

  1. Erreurs phonogrammiques :  Ces erreurs concernent la correspondance entre les phonèmes (unités sonores) et les graphèmes (unités écrites). Elles peuvent inclure des fautes d’accentuation, des confusions entre les graphèmes pour représenter les mêmes sons, ou des erreurs de consonnes ou de voyelles.

  2. Erreurs morphogrammiques :  Ces erreurs portent sur l’utilisation incorrecte des morphogrammes, qui sont des unités de l’écriture chargées de transcrire les morphèmes (unités de sens). Elles peuvent inclure des erreurs d’accord en genre ou en nombre, ou des erreurs dans l’utilisation des affixes grammaticaux.

  3. Erreurs phonétiques :  Ces erreurs résultent d’une mauvaise transcription phonétique due à une prononciation incorrecte ou insuffisante. Elles peuvent inclure des omissions ou des ajouts de phonèmes, des confusions entre les sons similaires, ou des altérations dans la prononciation des mots.

En comprenant ces causes et caractéristiques, les enseignants peuvent mieux cibler les besoins des apprenants en matière d’orthographe et concevoir des activités d’apprentissage adaptées pour améliorer leurs compétences.

Conclusion

Dans notre étude, nous nous sommes penchés sur les divers types d’erreurs commises par nos nouveaux bacheliers en français. En examinant les brouillons et les copies, notre objectif était de distinguer les erreurs de compétence des erreurs de performance.

Nous avons observé que les erreurs de compétence étaient principalement de nature phonogrammique et phonétique, car elles n’ont pas été corrigées. Cette absence de correction semble résulter d’une méconnaissance de l’orthographe lexicale pour les phonogrammes, ainsi que d’une difficulté à distinguer certains sons pour les erreurs phonétiques.

D’autre part, nous avons constaté que les erreurs de performance étaient davantage liées aux erreurs morphogrammiques. Bien que les règles d’accord soient connues, leur application automatisée semble poser problème, les étudiants privilégiant souvent l’organisation des idées lors de la production écrite, au détriment de la correction orthographique.

Pour cette catégorie d’erreurs, nous avons noté que l’accord en genre était mieux respecté lorsque l’opposition masculin/féminin était perceptible à l’oral. En revanche, les marques morphologiques en genre silencieuses et la variété des flexions pour représenter un même son ont souvent conduit à des erreurs lorsque cette opposition n’était perçue qu’à l’écrit. De plus, l’accord du pluriel était mieux respecté dans le groupe verbal que dans le groupe nominal, surtout lorsque l’opposition singulier/pluriel était perceptible à l’oral.

En conclusion, cette étude met en lumière la complexité du système orthographique français et souligne l’importance de l’influence de l’oral sur l’écrit. Elle met en évidence la nécessité d’écrire non seulement ce que l’on entend, mais aussi ce que l’on ne perçoit pas, ce qui constitue une particularité de la langue française.

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Khadidja Ouali

Université d’Alger 2

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